40 mange-disques
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40 mange-disques Deux cavales et quatre flâneries Rockabilly ou apesanteur stellaire? Les deux... Par Nic Ulmi Emily Jane White, dark-folk lumineux Au verso de la pochette, Emily observe une maison tout éclairée depuis un jardin plongé dans la nuit. Joli commentaire visuel pour un disque à la lisière entre les espaces domestiques et les mondes sauvages, la nature nue et l’artifice des lumières colorées. La Californienne livre là un troisième album de dark-folk lumineux, avec glissandos de guitares, langueurs de violoncelles et un beau souffle farouche dans la voix. «Ode To Sentience», Emily Jane White (CD Talitres/Irascible), www.emilyjanewhite.com «Raw Deal», The Hillbilly Moon Explosion (CD The Freed/ Irascible). Monney B (picture disc vinyle Bru(i)t), chez Antishop, Stigmate Records, Sounds, Urgence Disk ou via [email protected], www.myspace.com/monneyb1. «All About Secrets», Linah Rocio (CD HRP/Irascible), www.linahrocio.ch Junip, synthés et sous-bois suédois Certains plats doivent mijoter plus longtemps que d’autres. Exemple: le groupe suédois Junip. «Nous avons commencé autour de 1998, mais nous avons été inactifs la plupart du temps», explique José Gonzalez, chanteur du trio, dans une interview à dazeddigital.com. Entre-temps, José a réussi un début de carrière solo (minitube: sa reprise acoustique du Teardrop, de Massive Attack). Le voilà de retour avec ses potes sur un album mêlant les incantations du folk et celles d’une électronique jouée sur des synthés vintage. Résultat entêtant, enveloppant et mystérieux. Tout ce qu’on aime, quoi. «Fields», Junip (CD City Slang), www.junip.net Kejnu en état de grâce cosmique Mélodies qui avancent comme des galaxies spirales, arpèges de guitare évoquant un western lunaire, voix en suspension, filaments lumineux d’électronique stellaire – et une batterie qui crochète le tempo, injectant une dose sensuelle de pesanteur dans cette capsule sonore filant sans gravité... C’est Kejnu, groupe zurichois en état de grâce, dont on s’éprend séance tenante. Un rien de Radiohead, quelque chose d’un post-rock envoûtant à la Laika et une trajectoire exquisément originale. On plonge, les yeux fermés. «I Have No Arms And No Legs», Kejnu (CD Saïko/Irascible), www.kejnu.com DR The Hillbilly Moon Explosion et Monney B, un futur dans le passé Quel film se jouent cette fille et ces trois gars? Vocalises mêlées de générique d’espionnage et de western, contrebasse tapant les fesses comme des ressorts de Cadillac, batterie et guitares filant à tombeau ouvert dans une nuit noire, sous un ciel prêt à se déchirer pour un débarquement d’extraterrestres fifties... Nous voilà chez The Hillbilly Moon Explosion, groupe surgi du sol helvétique mais roulé comme un fantasme américain, praticien imparable d’un rockabilly aux idées amples, traversé d’un suspense romanesque et d’émotions de cinéma. Enregistré à San Diego et masterisé à Nashville, comme il se doit, fleurant bon la jungle d’asphalte et l’aventure sauvage, le nouveau CD marine le rock’n’roll originel dans un mélange d’épices ska, exotica, rumba et yéyé: les reprises de Laisse tomber les filles et de Poupée de cire, poupée de son ne sont pas les moindres parmi les plaisirs qui s’y déploient... Pas trop loin de ces eaux-là, voici Monney B. Guitariste et chanteur du trio genevois Hell’s Kitchen, le garçon sort en solo sur un picture disc en vinyle format 7 pouces en édition limitée. Face B: deux morceaux de blues furieux, rehaussés de bruits de bouches cannibales à la Screamin Jay Hawkins et de nasillements lycanthropes. Face A: une superbe ballade western où résonne l’appel archaïque du cowboy. «Come Cow Cow Jiggy Jiggy Hey», bientôt à nouveau sur toutes nos bouches... Linah Rocio ouvre sa malle aux secrets Résumé d’un parcours tricontinental: née à Santiago du Chili et élevée à Hongkong, Linah Rocio fleurit aujourd’hui en tant qu’artiste depuis Baden, en Argovie. Son style? La ballade pop au romantisme inquiet, avec des échos de cabaret résonnant sous les touches d’un piano martelé ou d’un accordéon homéopathique. Sous de grands cieux mélancoliques traversés par des éclairs de trompette se glisse un chant frémissant, entre l’envol et le murmure, proche de l’univers mi-écorché, mi-vaporeux d’une Tori Amos. Joli début.