LA LETTRE TOURANGELLE décembre 2013

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LA LETTRE TOURANGELLE décembre 2013
Association Cause Freudienne Val de Loire - Bretagne
Délégation de Tours - acfvlbtours.wordpress.com
Responsable : Isabelle Buillit - [email protected]
LA LETTRE TOURANGELLE
décembre 2013
Cette fois encore, une lettre tourangelle bien fournie : forum, inter-cartel, séminaire… les
temps forts de l’ACF-VLB sont à lire ici, plusieurs d’entre nous ont pris leur plume pour vous transmettre ce qu’ils y ont entendu. S’annonce aussi un évènement à venir à Tours, tout à fait inédit :
vous en avez la primeur !
Il me reste à annoncer le prochain séminaire qui se tiendra dans quelques jours : nous
avons invité Hélène Bonnaud qui donnera une conférence en lien avec son livre L’inconscient de
l’enfant. En préambule, Valérie Binard, éducatrice, exposera son travail à partir d’une vignette clinique. Nous vous attendons nombreux ce 14 décembre.
Bonnes fêtes à tous.
Une date à retenir dès maintenant - Christine Lecoq
Le 24 mai 2014, les membres de la délégation de l’ACF-VLB de Tours en lien avec les participants des laboratoires du CIEN (Centre Interdisciplinaire sur l’Enfant), organisent une journée
d’étude pour les professionnels de différentes disciplines qui travaillent avec les enfants et les adolescents, tant dans les institutions de soin, d’aide sociale à l’enfance qu’à l’école.
Cette journée est intitulée : « Sujets déboussolés – Les jeunes aux prises avec leurs objets et
leurs réseaux ».
Les laboratoires du CIEN permettent aux praticiens de se mettre au travail à partir des questions, des impasses de leur pratique. Les situations évoquées, ont bien souvent trait aux phénomènes de consommation excessive, aux usages désordonnés des objets gadgets, une des formes
actuelles du malaise dans la civilisation.
Face à ces phénomènes, il s’agit pour les praticiens de ne pas baisser les bras, de ne pas
suivre la voie moralisante ou nostalgique, mais plutôt de faire le pari de la rencontre avec des
adultes qui soutiennent la parole des enfants et des adolescents pour leur permettre de sortir de
l’isolement dans lequel les enferme cette jouissance ruineuse.
Au cours de cette journée les intervenants – éducateurs, psychanalystes, enseignants, psychologues, philosophes, responsables d’établissement scolaires – témoigneront de leur pratique
auprès des enfants, d’un savoir y faire, porteur d’inventions singulières.
La prochaine lettre tourangelle vous en dira plus sur cette journée de printemps au cours de
laquelle nous souhaitons vous accueillir nombreux pour des échanges riches et fructueux.
Lettre Tourangelle - ACF VLB - Tours - décembre 2013
Le désordre amoureux et la psychanalyse : la part du réel – Carmen Drocourt
Lors de sa conférence du 19 octobre, intitulée « Une clinique du désordre amoureux »,
Laure Naveau nous a fait voyager en diverses terres contrastées, telles que la philosophie, la poésie, la littérature, le cinéma, le théâtre, la sociologie, depuis l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui, pour
nous faire appréhender ceci : selon la psychanalyse, le désordre amoureux est de structure, car
« il n’y a pas de rapport sexuel ». De nombreuses citations empruntées à Roland Barthes, Ovide,
Woody Allen, illustrent ce non rapport sexuel entre les êtres parlants. Des références à Freud,
Lacan, J-A Miller, E. Laurent questionnent pour la psychanalyse, le transfert, autre nom de
l’amour.
Le non rapport sexuel résulte de façon logique d’une faille dans le langage, d’un manque à
dire avec des mots, de ce qu’il en est du corps, qui entraîne le malentendu entre les sexes. Jacques
Lacan, dans le séminaire sur Les formations de l’inconscient, s’inspire de Molière, et de L’école des
femmes pour mettre en évidence que c’est de parole dont il s’agit entre les hommes et les femmes,
et que cette parole est source de malentendu entre les êtres parlants, les parlêtres.
Alors, que propose la psychanalyse ? interroge Laure Naveau.
Elle propose l’amour, tel qu’il advient dans le transfert, pour répondre à ce « destin fatal », à
cette impasse du réel, du non rapport sexuel. Ce qui nécessite un certain courage affirme Lacan. Il
précise, dans le séminaire Le transfert, que « le transfert est un amour adressé au savoir, un désir
de savoir, le savoir insu de l’inconscient ».
Et Laure Naveau souligne que dans Psychologie Magazine, « Jacques-Alain Miller fait la distinction entre receler la réponse et ne pas répondre à la demande. Lacan, s’appuyant sur Socrate et l’agalma, la chose précieuse qu’il garde en lui, pour faire naître le désir de
savoir chez l’interlocuteur, indique ce qu’est la position de l’analyste : tenir un discours qui occupe
le lieu de la réponse, semblant d’objet cause d’un désir de dire. L’amour de transfert devient ainsi
un nouvel amour, plus digne, dont on connaît les règles du jeu ».
Si, pour Freud, l’amour est narcissique, et repose sur l’identification, il en va autrement selon l’orientation lacanienne : l’amour de transfert conduit à la construction d’un nouvel amour. Le
discours analytique consiste à parler d’amour jusqu’au moment où on change de discours, où l’on
est en mesure d’affronter sa différence absolue, et la solitude qui en découle, qui sans isoler, relie
à d’autres solitudes. Ainsi, en fin d’analyse, propose Laure Naveau, « l’amour se conjugue avec le
désir et le réel de la jouissance propre à chacun ».
L’écrivain Catherine Millot montre le bon usage qu’elle fait de la solitude, dans un plaisir de
l’écriture, grâce à son analyse avec Lacan qui la dégagea de la solitude délétère où l’avait laissé
tomber une rupture amoureuse.
Tandis que deux témoignages d’AE (Analystes de l’Ecole), celui de Anne Lysy, et celui de
Laure Naveau, viennent rendre compte de l’opération sur le fantasme et le signifiant, produite par
l’analyse, de rendre le réel au hasard, selon la formule de E. Laurent.
Enfin, Laure Naveau cite le sociologue Zygmunt Bauman, dans son ouvrage intitulé L’amour
liquide : de la fragilité des liens entre les hommes, qui « interprète le nouveau partenariat entre
les sexes en termes de marché et de biens de consommation ». Ce qui la mène au réel.
En quoi le réel de l’amour auquel s’intéresse la psychanalyse se distingue-t-il de celui de la
science qui met en danger la nature par les transformations qu’elle provoque ? Le réel issu de l’expérience analytique s’oppose à la fascination du désir humain pour ce qui ne parle pas, il échappe
à l’universel du discours du maître, affirme-t-elle. Il permet d’atteindre la différence absolue, celle
d’assumer la marque qui fait de soi ce que l’on est, de faire face à son destin de parlêtre, en le subvertissant.
Lettre Tourangelle - ACF VLB - Tours - décembre 2013
Elle rappelle que dans l’articulation entre amour et réel, « l’affect d’amour vient donner,
dit Lacan dans le séminaire Encore, l’illusion que le rapport sexuel cesse de ne pas s’écrire ».
Le cas clinique qu’elle apporte, celui de Marianne, fait apparaître ce qu’est pour ce sujet
le réel inconscient dans son lien amoureux, un trait de répétition d’un lien infantile au père, qui
l’a laissée tomber.
En conclusion, Laure Naveau, propose de lire que le courage de l’amour mettrait en jeu
un affrontement à l’impasse du non-rapport, et un franchissement de l’angoisse, par un désir
d’être dans la partie qui se joue.
Petit écho du forum de Rennes - Pierre Naveau
Un forum a donc réuni dans la bonne ville de Rennes, ce samedi 5 octobre, plus de 500
personnes. Ce fut, assurément, un succès. Il fallait donc en être.
Le matin – D’abord, Pierre-Gilles, en grande forme, nous a parlé d’une dame. C’est par là,
en effet, qu’il fallait commencer. Une dame qui tient à manger ce qui lui est le plus défendu –
nonobstant la mise en garde de son mari qui lui a dit qu’il était temps de faire quelque chose.
Todeswunsch !, aurait dit Freud. Ensuite, l’on a pu apprendre ce qu’est un sportif de haut niveau – alors même qu’il a un membre en moins. Il a fait le choix du pire pour retrouver, au
moyen d’une suppléance artificielle, la fonction de ce membre. Un médecin du sport a salué
cette performance qui, a-t-il cependant souligné, n’appartient qu’à lui. Un témoignage très
étonnant, donc ! Enfin, Jean-Luc, qui a porté cette journée avec Jeanne, Anne-Marie et Guilaine, a ouvert notre porte à deux invités de marque. Le premier, Maître Charrière-Bournazel, a
défendu – relativement au droit – la cause du libre désir singulier à chacun. Le second, le physicien Étienne Klein, nous a fait part de sa passion pour la course à pied et nous a laissé entendre
qu’il faut savoir parler à son corps. On n’y pense pas assez, il est vrai.
L’après-midi – Des jeunes gens, qui savent y faire avec leur corps, nous ont montré le
chemin : il faut savoir danser avec la psychanalyse ! Après cet intermède, Bernard, d’abord, a
bien dit ce qu’il a traversé – plus encore que des épreuves – et comment son analyste s’y est
pris pour le séparer de celui qui a été son partenaire au combat de judo dont il était le captif –
la mortification. Ensuite, le Dr David Briard, avec simplicité, nous a bien fait entendre qu’il convient de respecter le choix du prénom que se donne, à lui-même ou à elle-même, un adolescent ou une adolescente qui désire changer de sexe. Armelle, a indiqué, avec sa verve à elle,
comment désencombrer une patiente d’un encombrant traitement. Puis, une avocate nous a
fait entendre ce que c’est quand le droit dit non. Non, c’est non ! De son côté, une gynécologue, qui, à sa manière, a fait de la prose freudienne sans le savoir (on jouait, vendredi soir, le
Bourgeois Gentilhomme au TNB avec Denis Podalydès), nous a rappelé ce qu’est la dite « phase
phallique » qui fait de la petite fille l’égale du petit garçon – elle a alors presque la même chose
que lui. Rémi, très à l’aise, a permis de montrer qu’une dame (Odile Buisson) peut faire rire
aussi bien qu’un monsieur (Étienne Klein). Enfin, Jean-Claude, de son pas assuré, a pris appui
sur des témoignages de transsexuels qui montrent qu’il arrive que le désir prenne la forme de
la revendication d’un droit. Lacan, nous a-t-il rappelé, avançait que la femme, qui veut être un
homme, n’a qu’à se laisser glisser sur la pente d’un vœu dont elle fait, dès lors, son inébranlable volonté, tandis que l’homme, qui veut être une femme, ne peut faire autrement, après y
avoir laissé quelques plumes au passage, que de monter sur la scène pour y jouer le rôle dont il
a fait le choix. Jean-Claude, entre les lignes, a soutenu, à juste titre, une clinique de la suppléance généralisée (qu’il s’agisse de névrose, de perversion ou de psychose).
Une caractéristique de ce forum : la discussion a été animée, avec pertinence, exclusivement par des dames. Cela n’a pas échappé au Pr Klein.
Merci, donc, à Jean-Luc, Jeanne, Anne-Marie et Guilaine, ainsi qu’à celles et ceux qui les
ont aidés dans la préparation de ce forum.
Lettre Tourangelle - ACF VLB - Tours - décembre 2013
Echo sur l’intervention d’Hélène Girard - Françoise Lecomte Hubrecht
Lors du séminaire du 19 octobre, Hélène Girard a exposé, avec élégance et avec précision,
un cas de sa pratique en CMPP. Isolant plusieurs moments-clés au fil de ce travail de deux années
et demie, Hélène a mis en évidence la pratique d’une psychanalyse comme pratique de réveil du
sujet.
Avec son retrait, son refus de connaître le monde et sa décision que faire l'amour ne devait
avoir comme but que la reproduction, ce sujet présentait aussi des tics langagiers et gestuels, une
incompréhension des relations avec les autres et était perdu dans les moments de passages,
d'entre-deux.
Ce garçon, avec son intérêt exclusif pour les animaux et pour le savoir les concernant
(documentaires animaliers), refusait la langue et ne comprenait pas cette espèce humaine qui se
reproduit, en parlant.
Laure d’abord, et Pierre NAVEAU ensuite, ont souligné que ce jeune sujet qui tenait au un, a
été extrait de sa position de refus. Par la grâce du transfert où se déploie le jeu avec cette langue
d'avant l'Autre, et par la position de partenaire qu'a occupée Hélène en s’en faisant sa secrétaire,
ce sujet a été délogé de son refus et peut se mettre à construire une solution sinthomatique. Devenir zoologue lui permet d'allier son équation symptomatique singulière au fait de se trouver
une place dans le monde.
Inter cartel de septembre - Yves Girard
Grâce à Françoise Schreiber, l’après-midi des cartels nous a introduit à la lecture du séminaire Le désir et son interprétation. Elle a exposé son travail de cartel intitulé « Hamlet ou la tragédie du désir » en portant un éclairage sur le rapport d’Hamlet à son acte et à son désir.
Puis c’est Annie Berton qui a pris la parole pour nous lire son travail au sujet de l’objet a de
Lacan à partir du séminaire l’angoisse. A partir de l’œuvre de Freud (l’inquiétante étrangeté et
inhibition, symptôme, angoisse), elle aborde la question : à quoi répond l’angoisse ? Elle poursuit
avec Lacan : l’objet a à la place du manque pour devenir l’objet a, cause du désir.
Trois cartellisants ayant travaillé durant une année à partir du séminaire Les écrits techniques de Freud ont également exposé leur travail.
Hélène Girard s’est appuyée sur l’orientation donnée par Lacan au sujet de la transformation qui s’opère chez un jeune sujet dans le passage de l’imaginaire au symbolique, avec ses effets
sur la parole. Grâce au transfert, il a pu tenter de cerner ce réel pour lui relié à rien et qui devient
ainsi « reliable » à quelque chose, à l’Autre, au symbolique. Alors il a pu trouver une place acceptable parmi les autres.
Dominique Hubrecht, lui, s’est appuyé sur les références freudiennes telles que le narcissisme, le moi-idéal et l’idéal du moi, pour construire un cas de sa pratique, dissipant ainsi le
brouillage entre maladie bipolaire et sujet hystérique. Ce cas d’une femme artiste a illustré l’oscillation chez un sujet entre le moi-idéal sur le plan imaginaire et l’idéal du moi sur le plan symbolique, comme Lacan le précise dans son premier séminaire.
Et enfin, Françoise Lecomte Hubrecht a exposé un travail théorique d’une grande rigueur
concernant le cas du « petit Robert » de Rosine Lefort, à partir du séminaire Les écrits techniques
de Freud, sous le titre : « le loup, trognon de la parole ». Cet enfant avait sombré sous le réel et le
traitement l’a introduit à la fonction symbolique et à la fonction de l’imaginaire : il est passé de
« être le loup » à « faire le loup » - moment où l’angoisse est surmontée.
C’est la rencontre pour chacun avec la psychanalyse qui a porté cet inter-cartel et qui a animé la conversation. Et l’enthousiasme a rendu très vivant l’effet du transfert de travail.
Nous vous engageons à contacter Valérie Binard [email protected] ou moi-même
[email protected] pour faire votre demande à partager ce même transfert, et à entrer en cartel.
Lettre Tourangelle - ACF VLB - Tours - décembre 2013

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