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L’âge de la confusion
politique
Serge Regourd
Professeur à l’Université de Toulouse1 - Capitole,
directeur de l’Institut du Droit de la Culture et de la Communication,
spécialiste du droit des médias
Cette conférence correspond, d’une part, aux thématiques qui sont les miennes à l’Université Toulouse 1 où je dirige plusieurs masters relatifs aux médias et au droit des médias, et, d’autre part, à des
enseignements que je donne à l’Institut d’Études politiques de Toulouse, autour de la question du
rapport entre médias et société. Le titre de la conférence correspond à la problématique d’un livre en
cours de rédaction.
La difficulté est d’essayer de présenter en peu de temps un vaste sujet. Certains thèmes sont consensuels, « qui ne fâchent pas », notamment parmi ceux qui ont été évoqués pour d’autres conférences
du GREP. Je vais quant à moi dire des choses qui, à tel ou tel moment, pourront fâcher tel ou tel
d’entre vous, puisqu’elles me fâchent moi-même. Le sens de mon intervention est de proposer un
débat autour de ce qu’on pourrait appeler un paradoxe. Au XVIIIe siècle, le siècle des Lumières qui va
déboucher, notamment, sur la Révolution Française, l’idée fondamentale était que la connaissance, le
savoir, passent par une information accessible au plus grand nombre ; et la notion d’espace public se
constitue, au moment de la Révolution, dans une matrice d’information et de communication. C’est
à ce moment-là que la parole publique se délie. On sort de l’obscurantisme d’un pouvoir censé être
transmis par voie divine pour lui substituer la Raison. Alors se multiplient les clubs (les Jacobins, les
Cordeliers…) du débat public, se multiplient les débats dans les salons bourgeois (qui déjà travaillent
un peu comme nous allons le faire ce soir). Le postulat exprimé dans l’Encyclopédie de Diderot et
d’Alembert est que la démocratie, l’État de droit, sont conditionnés par l’accès au savoir, à la connaissance, à la Raison, supposant l’information. Et a contrario, qu’une société dans laquelle il n’y a pas
ce qu’on qualifiera plus tard de « médias » libres et pluralistes, ne peut pas être démocratique. Aujourd’hui encore, un critère simple pour différencier les régimes démocratiques de ceux qui ne le sont
pas est le sort fait à la presse et au pluralisme des médias. La majeure du syllogisme démocratique est
que l’État sera démocratique, dès lors que des moyens d’information libres et pluralistes seront mis
en œuvre.
Or, nous avons bien des médias libres, pour l’essentiel, des médias nombreux. Des spécialistes de
la communication parlent de « l’opulence communicationnelle », qui s’est encore étendue avec ce
qu’on appelle la « révolution numérique ». On pourrait donc dire, que les espoirs des Lumières, de
Diderot et d’Alembert, sont comblés. Les objectifs des Lumières devraient être atteints. Si la majeure
du syllogisme reste vraie (la condition de la diffusion de l’information), si la mineure l’est aussi (nous
bénéficions des moyens d’information pluralistes), la conclusion devrait être positive. Or de mon
point de vue, elle est négative. C’est de ce paradoxe que je voudrais vous entretenir ce soir. Avec une
série de bémols : je ne peux pas tout traiter (notamment la question des propriétaires des médias et
des conséquences qui peuvent en découler).
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Expliciter un paradoxe
Ce que je veux traiter ce soir, (d’où le titre de la conférence : « la confusion politique »), c’est comment nous nous trouvons dans cette situation de confusion, c’est-à-dire, pour l’essentiel, comment
s’est opérée une déconnexion entre le réel et la représentation du réel. Le propre des médias est de
jouer un rôle de « médiation » et de transmettre un compte-rendu, une explication du réel qui en
soit aussi proche que possible. Or le postulat de ma conférence de ce soir est que, dans bien des cas,
s’opère une rupture entre le réel et ses représentations véhiculées par les médias et s’insinuant dans
nos esprits.
Je vais procéder en deux temps (et des contestations pourront surgir par rapport aux exemples que je
vais citer) : d’abord, je vais prendre une série d’exemples qui me paraissent attester de cette confusion
(la confusion consistant à prendre une chose pour ce qu’elle n’est pas, ou à la qualifier de manière
inadaptée). Et dans un deuxième temps, je montrerai comment ces confusions sont alimentées par
les médias, selon des modalités qui permettent de comprendre la logique de confusion dans laquelle
nous sommes plongés aujourd’hui.
Il ne s’agit évidemment pas d’accuser les médias de tous les maux de la société. Ce serait trop facile.
Car ces médias ne sont pas les seuls à causer les problèmes de confusion que je vais évoquer. Mon
propos consiste à retenir que la confusion s’est développée parce que les médias n’ont pas assumé le
rôle d’information d’accès à la connaissance, qui était attendu d’eux, notamment dans le cadre de la
philosophie des Lumières.
I - Du constat de la confusion en quelques exemples
D’abord, donc, l’évocation d’éléments très concrets qui me paraissent illustrer la confusion, avec trois
types d’exemples : l’un selon une logique nationale, dans le cadre des politiques publiques françaises,
un autre dans le cadre de l’Europe, et d’autres enfin de politique internationale.
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Dans le débat politique français. Je ne parlerai pas de l’élection présidentielle à venir1 pour précisément éviter des confusions avec un débat d’une autre nature. Lorsque le président, actuel, de la
République, mène sa campagne de 2007 autour de plusieurs discours restés célèbres, (écrits comme
chacun sait par Henri Guaino) en citant les personnalités, iconiques, de Jean Jaurès, de Léon Blum et
la figure du résistant Guy Moquet, la confusion consiste à s’emparer de références qui ne traduisent
pas l’image convenable, l’identité, les valeurs, de ceux qui sont cités. Dire que M. Sarkozy pourrait
être l’héritier direct de Jaurès, de Blum, de Moquet ne paraît guère donner lieu à discussion. Mais en
même temps, de l’autre côté de l’échiquier politique, les confusions ne sont pas absentes, dès lors
que le parti de Jean Jaurès, le parti de Léon Blum, est devenu, aussi, celui de Dominique Strauss-Kahn.
En effet, on peut se demander comment un responsable socialiste peut, sans confusion, devenir le
directeur général du Fonds Monétaire International (F.M.I.). Je rappelle en un mot, que le F.M.I. est
le principal gendarme du capitalisme néolibéral, créé par les accords de Bretton Woods en 1944 au
lendemain de la deuxième guerre mondiale. Le F.M.I., à la suite de ces accords, est le produit généré
par toute une série de rencontres à partir de 1944 entre les États-Unis et la Grande Bretagne, les deux
premières puissances économiques, et coloniale de l’époque ; les États-Unis avaient conditionné leur
entrée en guerre par l’acceptation par la Grande Bretagne de mesures néolibérales, complètement reconstruites après la crise de 1929. Ce sont les fondements du F.M.I., dont on sait que l’activité consiste
à mettre en œuvre, notamment dans les pays du Sud, du Tiers-Monde, des politiques de rigueur, dites
d’ajustements structurels, qui se traduisent par des logiques systématiques de privatisations et de
remise en cause des logiques de services publics et de financements publics. N’y aurait-il pas là une
certaine confusion ? Cela fera sans doute l’occasion de débat.
L’autre grand gendarme du capitalisme sans frontières se nomme « l’Organisation Mondiale du Commerce » (O.M.C.) Je peux en parler en connaissance de cause, à travers une expertise sur le volet
1 Rappelons que cette conférence a été prononcée 4 mois avant l’élection présidentielle de 2012
Serge Regourd - L’âge de la confusion politique
culturel. L’article premier de l’accord général sur le commerce des services (A.G.C.S.), accord de libreéchange, a été négocié pendant les négociations du G.A.T.T, dites de « l’Uruguay Round ». Il traite du
libre-échange en matière de services, et énumère 160 activités humaines qui doivent être privatisées,
livrées au marché, à la concurrence : enseignement, santé, etc. Les seules activités qui échappent au
projet de libéralisation de l’O.M.C. sont les services rendus dans « l’exercice du pouvoir gouvernemental », à savoir les fonctions régaliennes de police, de justice, de fiscalité. Il se trouve que le Directeur
général de l’O.M.C. est Pascal Lamy, membre éminent du parti socialiste français. On peut, là encore,
se demander sans être exagérément critique, s’il n’y a pas une certaine confusion politique…
J’en viens à la question européenne, qui concerne notre devenir. Concernant les services publics, pour
un juriste - je suis d’abord, professeur de droit - si on fait l’analyse normative des textes européens,
au-delà d’une approche allégorique, d’un idéal européen, certes respectable, en termes de pouvoir,
on ne décèle, hélas, aucune ambiguïté : l’Europe communautaire depuis le traité de Rome en 1957,
aggravé par l’Acte Unique en 1986 et par les traités subséquents, est entièrement fondée sur le principe
de la libre concurrence. Un certain nombre de dispositions du droit communautaire, dans les traités
et les directives qui en découlent, aboutissent à des logiques de démantèlement des services publics
au profit du libre marché, déjà établi en matière de transports, d’énergie, de communication etc. Et
donc il me semble qu’il y a encore une certaine confusion dans le fait de prétendre tenir deux discours
complémentaires, d’une part, un discours totalement pro-européen fondé sur les textes actuels et
d’autre part un discours en défense des services publics. Pour parler franc, cette double posture révèle
une certaine schizophrénie juridico-politique. Comme l’avait souligné le Conseil d’État qui ne passe
pas pour une instance particulièrement subversive, l’Europe communautaire ne fait pas le procès des
services publics, elle fait pire, elle en ignore jusqu’à l’existence-même. Ce qu’on appelle service public dans le droit communautaire, les « services d’intérêt économique général » (S.I.E.G.) relèvent par
principe du droit de la concurrence. Les logiques de service public n’étant tolérées que d’une manière
dérogatoire, dès lors que sont respectés un certain nombre de conditions strictement contrôlées par la
Commission Européenne, et éventuellement, en cas de contentieux, par la Cour de Justice de la Communauté. Il est tout à fait respectable d’être pro-européen et d’être conjointement, libéral, de penser
que le démantèlement des services publics est une bonne chose, et que le marché est plus vertueux
que l’intervention publique. Je suis prêt à en débattre, sinon à l’admettre. Je pense en revanche qu’on
nage dans la confusion politique, dès lors qu’on se veut en même temps un défenseur des traités
européens tels qu’ils sont et qu’on prétend défendre les services publics, alors que, mécaniquement,
les traités communautaires sont bâtis sur des logiques de démantèlement de l’intervention publique.
Troisième domaine de confusion, le plan international, et notamment la représentation des conflits.
Je reviendrai par la suite sur le premier exemple que je vais prendre, extrêmement significatif au
point de vue juridique, des confusions et des contradictions en œuvre. D’abord le conflit des Balkans,
de la Bosnie, et du Kosovo. La totalité de la classe politique française de l’époque, (président de la
République et premier ministre en période de cohabitation), ont justifié la participation de la France
au bombardement par l’OTAN de l’ex-Yougoslavie, en se référant à la notion de droit et aux exigences
du droit. Confusion totale. Tous les juristes diront, quelle que soit leur sensibilité, que ces bombardements constituaient les violations les plus brutales, et grossières, des dispositions du Droit international, puisque seul le Conseil de Sécurité de l’ONU peut autoriser les interventions militaires, et que
ce Conseil les a précisément refusés, par plusieurs résolutions. L’Otan a procédé aux bombardements
en alléguant un fondement juridique alors que cette organisation était parfaitement dépourvue de
compétences d’interventions dans ce cas. C’est-à-dire - confusion suprême - qu’au moment où on
viole le droit, on se réclame du droit. Pour que mon propos soit bien compris, j’indique tout de suite
que l’on peut admettre de trouver des impératifs humains au-delà de la norme juridique. On pourrait
dire : peu importe le droit, il y a des exigences humanitaires qui sont plus fortes que le droit. Mais
dans ce cas-là, il suffirait de le dire : « Nous allons bombarder malgré les règles de droit, parce qu’il y a
un certain nombre de valeurs qui vont au-delà du droit ». Or ce n’est pas du tout ce qui a été dit. Ces
règles datent de la deuxième guerre mondiale dans le cadre des procédures mises en œuvre par la
Charte des Nations Unies…
Deuxième exemple : la guerre la plus récente à laquelle nous avons participé, en quelque sorte en tête
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de gondole : la guerre de Lybie. Elle a relevé, dans la plupart des commentaires, de la notion de « guerre
juste ». Je pense qu’il s’agit encore d’une confusion dans la mesure où la notion de guerre juste n’existe
pas en droit. C’est un progrès fondamental de la civilisation que d’avoir totalement récusé la notion de
guerre juste et d’avoir mis la guerre hors la loi : la guerre n’est pas un mode de règlement des conflits
admis par le droit international. Après une première formulation en 1928 avec le pacte Briand-Kellog,
dont les deux initiateurs étaient la France et les États-Unis, ratifié ensuite par 60 États seulement, ce qui
était purement contractuel est devenu un principe majeur de la Charte des Nations Unies qui met totalement la guerre hors la loi, sauf les hypothèses du chapitre 7 en cas d’agression, de menace d’agression, contre un État membre, auquel cas cette situation relève du Conseil de Sécurité de l’O.N.U. Dans
l’affaire de la Lybie, les choses sont moins brutales que dans la guerre des Balkans, dans la mesure où
le Conseil de Sécurité a effectivement autorisé une intervention sur l’espace aérien libyen pour protéger les populations civiles de Bengazi, permettant aux États membres de prendre les mesures afin de
procéder à une exclusion aérienne. Mais chacun sait qu’en réalité cette résolution a été dépassée et a
servi à justifier bien au-delà de ce qui était permis. Ce que je veux souligner ici, c’est comment on peut
faire semblant de respecter une procédure, une résolution, en évacuant son contenu. Ce contre quoi
ont protesté ensuite un certain nombre d’États qui, n’ayant pas utilisé le véto dans l’affaire libyenne - la
Chine et la Russie - ont considéré qu’on les avait trompés. Et ce qui relève de la confusion, c’est l’habillage en « guerre juste » sans rapport avec les procédures juridiques.
On sait que dans l’affaire de la Libye, le personnage qui a été mis au premier plan, en quelque sorte
ministre des affaires étrangères bis, était un dénommé Bernard Henri Lévy, que j’utiliserai comme
véhicule de transition pour aborder la deuxième partie de mon propos, car celui-ci est précisément
un symbole concentré de tous les maux que l’on peut identifier quant aux dérives et confusions de la
société médiatique. C’est avec B. H. Lévy que je voudrais donc aborder la responsabilité des médias.
II - De la responsabilité des médias, selon quelques modalités
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Rappelons d’abord que, un an avant l’épopée qui commence à Bengazi, en février 2010, paraissait un
livre de Bernard Henri Lévy qui, comme tout livre qu’il publie, donna l’occasion d’un bombardement
médiatique de grande envergure, sur toutes les chaînes de télévision publiques, privées, les quotidiens, les couvertures des magazines comme Le Point, L’Express, Le Nouvel Observateur, Marianne
etc. Ce livre traite de la guerre en philosophie. Il est assis sur une démonstration que peut-être certains d’entre vous connaissent. Il s’en prend vigoureusement à quelques philosophes, peu importants par rapport à lui, Hegel, Marx, qualifiés de philosophes inutiles, « penseurs inutiles et sources
d’aveuglement ». Et il s’en prend surtout à Kant (je le cite : « ce fou furieux de la pensée, cet enragé »)
auquel il prétend régler son compte grâce à une arme fatale : l’invocation d’un philosophe, Jean Baptiste Botul. Il se réfère aux travaux et conférences de ce dernier au Paraguay devant le courant des
néo-kantiens après la deuxième guerre mondiale et à toute l’argumentation qui lui est empruntée. Or
qui est ce philosophe ? Il n’existe pas, c’est un canular inventé par Frédéric Pagès, journaliste du Canard enchaîné. Et il suffisait, pour un chercheur au minimum sérieux, d’aller sur « Google » : les titres
mêmes des ouvrages de Botul sont assez révélateurs (Frédéric Pagès, le vrai Botul, tient au Canard la
rubrique « Le journal de Carla B. ».) Deux livres de Botul par exemple : La vie sexuelle d’Emmanuel
Kant (1999, réédité en 2004), et Landru, précurseur du féminisme. On peut en rire, mais nous allons
voir que tout cela n’est pas anodin. Un grand philosophe contemporain, Perry Anderson, auteur,
notamment de La pensée tiède (éd. du Seuil 2005), y analyse le déclin de la culture française, attesté
par le fait qu’aucun pays au monde ne pourrait prendre au sérieux Bernard Henri Lévy qu’il qualifie
de « grand nigaud ». Or les facéties de BHL existent depuis longtemps. Il y a 40 ans, le philosophe
Pierre Vidal-Naquet, faisant la critique du Testament de Dieu, relève ce qu’il appelle les « innombrables
perles d’écolier » dans son livre. Gilles Deleuze nous conduit quant à lui, directement de BHL à notre
sujet. Dès 1977, il considère que la pensée de B.H. L. est « une pensée nulle » qui procède par gros
concepts - « aussi gros que des dents creuses » - mais qui a inventé un nouveau courant dévastateur,
le marketing appliqué à la philosophie et à la littérature, qui va « faire basculer le rapport à la pensée,
à l’analyse, à l’appréhension du réel via les médias ». Selon cette approche - c’est un bon concentré
Serge Regourd - L’âge de la confusion politique
de ce dont nous parlons ce soir - je cite Deleuze : « Il faut qu’on parle d’un livre, et qu’on en fasse
parler plus que le livre lui-même ne parle ou n’analyse. Il faut que la multitude d’articles, d’interviews,
d’émissions de radio ou de télé remplace le livre qui pourrait très bien ne pas exister du tout ». Je
résume : Bernard Henri Lévy a inventé « la pensée-interview », « la pensée-minute ». Quelques années
plus tard, Pierre Bourdieu dit à peu près la même chose : Bernard Henri Lévy est un « penseur pour
caméra », un « spécialiste du fast-thinking ». Deleuze écrit encore que le risque de ce courant incarné
par Bernard Henri Lévy aboutit « à soumettre toute pensée aux médias. Cette approche confère aux
médias le minimum de caution et de tranquillité intellectuelle, réduisant les philosophes et les journalistes à ne plus avoir que l’insolence des domestiques ou les pitreries d’un clown de service ».
Des « experts » médiatiques et des images…
BHL illustre ainsi une première caractéristique du fonctionnement des médias aujourd’hui. Dès l’origine, lui et son courant sont dans une logique qu’on pourrait qualifier d’« acte de contrition » : un
certain nombre d’entre eux viennent de courants de l’ultra-gauche, maoïstes, leaders de la « gauche
prolétarienne » de mai 68. Or il faut toujours se méfier des repentis et des actes de contrition. Leur
ligne « éditoriale » est qu’il faut désormais récuser toute logique de la Raison parce que, en soi, la Raison conduit au Totalitarisme. Ils considèrent que le Goulag vient d’un excès de rationalité, du socialisme « scientifique » du courant marxiste et qu’il y aurait donc en quelque sorte une fatalité naturelle
de la Raison au Totalitarisme.
Je cite BHL : « La Raison, c’est le totalitarisme. Voilà la barbarie à visage humain qui menace le monde
d’aujourd’hui ». Son compère, André Glucksmann, qui était l’un des leaders de la gauche prolétarienne, rythme son livre « Dostoïevski à Manhattan » publié après les événements du 11 septembre,
par des citations du genre : « Théoriser, c’est terroriser ». Deuxième slogan : « il faut toujours savoir
émotion garder. » Or, les mass-médias, analysés par les philosophes de la célèbre école de Frankfort
puis notamment, par divers autres courants, tels celui de la Médiologie de Régis Debray, relèvent
que les médias de masse essentiellement audiovisuels, au premier rang desquels la télévision, du fait
même de leur propre nature, de leurs caractéristiques, ne peuvent pas intervenir sur la base d’une
pure rationalité et fonctionnent à l’émotion. Selon Régis Debray nous aurions connu s’agissant de
la régulation des sociétés par la communication et les médias, trois époques : la première - la « logosphère », fonctionne sur la parole ; deuxième époque - la « graphosphère » - après l’invention de
l’imprimerie, passage à l’âge Gutenberg, logique de l’écrit fondé sur la rationalité, et nous serions
aujourd’hui avec la prégnance de l’audiovisuel, dans ce qu’il appelle la « vidéosphère », c’est-à-dire
la prégnance de l’image. Or, selon cette approche, que je crois fondée, les images sont reliées à des
logiques d’émotion et beaucoup plus difficilement à des logiques d’explication rationnelle. Toutes
les analyses de Debray et de plusieurs autres courants font apparaître le caractère perturbant d’une
domination de l’image pour rendre compte de situations, de questionnements d’événements, parce
que, comme le disait Bachelard, « en soi le visible n’est rien ». Dès lors on peut faire dire tout ce qu’on
veut aux images. En revanche, elles sont de nature à susciter l’émotion.
C’est ici que la référence à Bernard Henri Lévy n’est pas fortuite. Il y a une espèce de rencontre logique, d’attente objective entre les uns - les médias audiovisuels - et les autres - les penseurs pour
caméra -. D’autant que le média télévisuel prime sur tous les autres, (j’appartiens à une génération
pour laquelle le journal Le Monde ne comportait pas la moindre illustration, la moindre photo, et aujourd’hui il affiche des photos en couleur jusque dans les premières pages). Tous les spécialistes des
médias savent à quel point la grammaire télévisuelle, le rythme, la construction, la conception de la
télévision a ainsi produit son effet sur la presse écrite, même la plus ambitieuse sur le plan intellectuel.
Or, le média télévision, fondé sur le ressort des seules images, connaît ses propres limites. Il reçoit
une légitimité de philosophes et autres pseudo-experts supposés tels que Bernard Henri Lévy pour
lui apporter ce supplément d’âme intellectuel, de rationalité, qui lui manque. Et parallèlement, ces
personnalités médiatiques reçoivent en retour une valorisation, une légitimation en termes d’image,
d’autorité symbolique, de rétribution matérielle, pour une légitimité que, précisément ils n’ont pas
sur le terrain académique.
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S’établit ainsi une rencontre objective entre l’outil télévisuel dont les caractéristiques propres le placent sur le plan de l’image et de l’émotionnel, et un mode de pensée, de philosophie, qui lui-même
est bâti sur le postulat de l’évacuation de la raison au profit d’une appréhension par l’émotion.
Je prends encore un ou deux exemples concrets, pour illustrer mon propos. Conflit du Kosovo. Régis
Debray part au Kosovo pour aller voir ce qui se passe. Il publie dans Le Monde, depuis Pristina, une
lettre au Président de la République pour témoigner de ce qu’il voyait, sans rapport avec le traitement
qu’en donnaient les médias. Dès le lendemain, sans débat, il a subi les foudres de penseurs pour
caméra, au premier rang desquels Bernard Henri Lévy, et l’ « état-major du Fouquet’s ». Deux pages,
dans Le Monde, de Bernard Henri Lévy et de quelques autres, sur le thème « Adieu, Régis ; Adieu, Debray ! Tu es intellectuellement et politiquement mort. » Régis Debray a subi un pilonnage médiatique,
une mise à l’index qu’il raconte dans « L’Emprise ». La télévision publique, Antenne 2, a organisé à
l’époque, un débat sur le Kosovo. Régis Debray est en duplex avec, entre autres, sur le plateau parisien, l’incontournable Kouchner. On lui demande d’expliquer rationnellement ce qu’il voit. Et dès
qu’il commence à parler, son image est rejetée dans un petit coin de l’écran, et en plein écran, on
voit les réfugiés Kosovars, cohorte de misère, d’horreur, les réfugiés, femmes, vieillards, enfants qui
pleurent. L’effroi absolu. Le choc des images vient totalement (c’est un exercice d’école) anéantir tout
ce que dit Régis Debray qui ne voit pas quant à lui, ce qui apparaît sur les écrans. Le lendemain, même
refrain, dans les médias : Glucksmann, déjà cité, soutient, je cite, que « les larmes des enfants Kosovars
suffisent à discréditer toute tentative d’explication rationnelle du conflit. »
C’est-à-dire que celui qui veut essayer d’apporter une explication rationnelle, héritière de la revendication des Lumières, est condamné par avance comme un cynique, un « sans-cœur » qui essaie de
théoriser nonobstant les larmes des enfants Kosovars. Alors, on en arrive à ce qu’écrivait un grand
philosophe, aujourd’hui décédé, Jean Baudrillard, dans Libération au moment de la guerre du Golfe,
sur les mêmes postulats : l’image, seule, crée l’événement. Pendant cette guerre, du fait de ce que les
Américains avaient subi auparavant, les caméras avaient été tenues à l’écart. Nous étions donc dans
« une guerre propre », « une guerre chirurgicale » ; alors qu’on dénombre deux cent mille morts et un
million de victimes du fait de l’embargo ultérieur, dans une impunité médiatique totale. L’article de
Baudrillard s’intitule : « La guerre du Golfe n’a pas lieu ». Dès lors qu’il n’y a ni image, ni traitement
médiatique, fondé sur ces images, il explique que nous sommes dans un simulacre, au sens où un
événement non médiatisé n’existe pas.
Un autre auteur parmi les plus intéressants, Paul Virilio, a publié plusieurs ouvrages aux Éditions Galilée sur ce thème ; il formule notamment cette conclusion : « Une défaite des faits au profit de l’effet. »
C’est-à-dire une logique médiatique qui n’a plus grand chose à voir avec le réel parce que située dans
le registre de l’émotion.
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Selon cette logique, Virilio oppose deux attitudes qui recoupent ce que dit Régis Debray dans la distinction entre la « graphosphère » et la « vidéosphère ». Il évoque le rapport à l’écrit comme permettant un « recul analytique », autorisant une posture critique, opposé à ce qu’il appelle la « proximité
émotionnelle », due à la présence de l’image, et annihilant toute disposition critique.
Lié à cette première tendance dans le rapport raison-émotion, qui nous fait occulter certaines choses
et en survaloriser d’autres, il y a un autre élément essentiel de fonctionnement des médias : la tendance à simplifier, qui se traduit le plus souvent par le manichéisme, c’est à dire une vision toujours
binaire, entre le bien et le mal. Reprenons les Balkans : Rien n’est plus compliqué, avec des enchevêtrements culturels, religieux, stratégiques, économiques, de frontières… Or le traitement des guerres
des Balkans a été mené par les médias, selon leur langage, avec un prisme simpliste, manichéen, le
bien et le mal, c’est-à-dire selon un véritable scénario hollywoodien. On sait combien ce modèle est
efficace. Les Serbes ont ainsi subi une espèce de mutation biologique ou anthropologique, eux qui
se sont battus contre toute espèce de totalitarisme, (après les Nazis, ils ont su dire non à Staline) :
d’un seul clap médiatique, la mutation en a fait globalement des bourreaux, et en face, on ne conçoit
ontologiquement que des victimes.
Sur ces bases de la distinction entre le bien et le mal, on s’évade de la réalité. Je donne un exemple
connu, mais les correctifs et démentis ultérieurs n’arrivent pas à détruire la présentation initiale : Les
Serge Regourd - L’âge de la confusion politique
frappes de l’O.T.A.N. ont été organisées au lendemain de ce qu’on a appelé le massacre du marché
de Markalé, où des personnes faisant la queue devant une boulangerie sont victimes d’une fusillade
qui fait 60 morts. On en impute la responsabilité aux Serbes. L’envoyé spécial de TF1, sur place,
Bernard Volker, indique qu’à son avis les tirs ne viennent pas des lignes serbes mais des lignes des
musulmans, contre leurs propres ressortissants. À l’époque, il n’y avait ni l’internet, ni les portables.
Mais le standard de TF1 a littéralement sauté dans la mesure où les gens qui avaient été habitués au
scénario hollywoodien des bons et des méchants, ne pouvaient pas accepter l’idée que les Bons, qu’ils
avaient intégrés comme tels, aient pu devenir des Méchants. Les téléspectateurs de TF1 ont refusé
cette information vécue comme insupportable. Et Michèle Cotta, alors Directrice de l’information de
TF1, a demandé à Bernard Volker d’abandonner ses affirmations et de revenir à la version partagée
par tous. Aujourd’hui, nous savons que ce sont bien des lignes musulmanes que venaient les tirs,
l’ordre ayant été donné de tirer sur leurs propres ressortissants pour trouver une issue à la guerre en
suscitant les frappes de l’O.T.A.N. Qui l’a reconnu ? Jean Daniel, patron du Nouvel Observateur, qui
a eu le courage, certes avec un peu de retard, de dire qu’il savait depuis l’origine que c’était bien les
Musulmans et non les Serbes, mais lui et les autres ont pensé que politiquement la mise en accusation
des Serbes était la seule issue pour organiser les frappes de l’O.T.A.N., pour abréger la guerre. Laure
Adler a publié un ouvrage d’interview du président Mitterrand, qui dit que, depuis le début, les principaux responsables des médias et les hommes politiques connaissaient la vérité. Il n’empêche que le
traitement médiatique a continué sur la base de scénarios qui n’avaient strictement rien à voir avec la
réalité, et que la funeste légende continue d’être alimentée par des médias dont on se demande s’ils
sont ignorants ou malhonnêtes.
Autre élément de la simplification et du manichéisme : le cas d’école du faux charnier de Timisoara.
Cet événement a suscité de nombreuses publications et colloques. Des documents illustratifs sont
disponibles à la délégation régionale de l’I.N.A. Que voit-on à la télé ? Daniel Bilalian, (un présentateur
toujours en activité, devenu aujourd’hui directeur des services sportifs), qui rend compte des événements de Timisoara, commente « des images terribles puisqu’elles nous ont montré douze mille
morts, ce qui donne une idée de l’atrocité des combats. » Nous savons aujourd’hui qu’il n’y a pas eu
de combat, ni douze mille morts, mais douze cadavres. Les médias, dans une logique du spectaculaire,
ajoutent donc trois zéros, et montrent des cadavres atrocement mutilés. Ils sont la preuve de la barbarie de Ceausescu. L’empire soviétique venait de s’effondrer comme un château de cartes. L’un après
l’autre, les démocraties populaires s’étaient effondrés. Les soviétologues distingués avaient pourtant
doctement expliqué depuis longtemps que l’URSS était un proto-Etat sans possibilité de retour en
arrière. Or voilà que les pays sous son hégémonie, les uns après les autres, se débarrassent de leurs
tyrans, sans que rien ne se passe. Miracle, la Roumanie, en décembre 1989 renoue avec l’iconographie traditionnelle de la violence inhérente à ce type de régime. La révolution Roumaine devient le
feuilleton télévisé de la fin de l’année : Et les médias nous expliquent qu’on ne sait pas combien il y a
de morts, tellement ils sont nombreux. Bucarest serait parsemé de cadavres : 7 000 ? 70 000 ? Personne
ne peut le dire. Ceausescu serait défendu par de véritables hordes sauvages, où l’on trouve des mercenaires libyens et palestiniens ! On saura plus tard que tout cela a été une vaste escroquerie médiatique.
Les rapports officiels de l’O.N.U. et du secrétaire d’État à l’action humanitaire, M. Bernard Kouchner,
sont d’accord pour 766 morts pendant toute la révolution roumaine. Or la télévision, seulement pour
Timisoara, a vu 12 000 cadavres. En réalité ces cadavres qu’on croit atrocement torturés, sont ceux des
morts de l’hôpital de Timisoara sur lesquels on a pratiqué des prélèvements d’organes… Encore une
fois l’histoire du faux charnier de Timisoara montre à quel point il peut y avoir un écart considérable
entre le réel et sa représentation.
De quelques autres modalités du fonctionnement des médias
Il me reste deux ou trois choses à dire sur la logique du fonctionnement des médias.
Premièrement, inhérent à la simplification, le recours systématique à l’analogie. C’est-à-dire que, à défaut de pouvoir expliquer un événement parce qu’il est inédit, complexe, une logique aujourd’hui dominante dans le traitement des dossiers un peu compliqués, consiste dans le renvoi à une hypothèse
PARCOURS 2011-2012
221
antécédente elle-même dépourvue de complexité. Le philosophe Jacques Bouveresse a publié un
remarquable ouvrage sur ce thème : Prodiges et vertiges de l’analogie. Le résultat, le voici : lorsque
vous osez être opposé à un conflit - la guerre du Golfe, la guerre des Balkans, contre l’intervention
en Libye - vous serez aussitôt assimilé, dans les médias à un « Munichois ». Même modélisation : la
question des camps de concentration. Lorsqu’on les évoque, on a évidemment à l’esprit l’horreur
des camps d’extermination nazis. Dans la plupart des guerres, celle de Bosnie par exemple, tous
les commentaires se référent à des « camps de concentration », suggérant que l’horreur en Yougoslavie est identique à celle de la shoah de la deuxième guerre mondiale. On pourrait multiplier les
exemples.
L’autre tendance très nette qui aboutit aux confusions découle de ce qu’on appelle la fonction d’agenda. C’est-à-dire de la dissociation entre ce qui est pris en compte par les médias et ce qui ne l’est
pas. Cette fonction aboutit à une logique d’occultation de situations de problèmes, de personnes…
Exemple : au moment de la révolution roumaine qui va occuper le traitement médiatique (je le rappelle : 766 morts), en toute impunité médiatique, les États-Unis interviennent dans leur « arrière-cour »
d’Amérique centrale, au Panama : et les chiffres officiels de la commission des droits de l’homme des
Nations Unies, révèlent que cette intervention se solde par 4 000 morts dans la population civile. Or
dans nos représentations, le Panama n’existe pas, parce qu’il n’a pas été pris en compte par les médias,
ne figure pas dans les agendas médiatiques.
222
Autre élément essentiel aujourd’hui : le recours systématique à ce qu’on appelle le « storytelling » :
l’art de raconter des histoires. Lorsque je rappelais que Nicolas Sarkozy avait fait sa campagne en
évoquant les figures de Jaurès et de Guy Moquet, nous étions dans le « storytelling ». Henri Guaino
lui-même a expliqué que faire de la politique - et par ailleurs vendre des produits - c’est raconter
une histoire. La grande théoricienne aux États-Unis, Arlette Simmons, théorise : « Les gens ne veulent plus d’information, ils veulent croire dans les histoires que les médias leur racontent. » Chacun
va donc raconter une histoire. La campagne des élections présidentielles précédentes était par
exemple une histoire de rupture. Des collègues de Sciences-Po Paris l’ont analysé ainsi. Très peu de
réelles oppositions politiques, mais chacun raconte une histoire. Et on retient l’histoire spécifique
des deux « finalistes ». De plus en plus, les commentaires politiques empruntent corrélativement
au vocabulaire sportif. « Qui seront les finalistes ? Qui remportera le match ? ». Untel a marqué des
points mais devra mettre de l’ordre dans son équipe… Casaque rose de Ségolène Royal contre
casaque bleue de Sarkozy… C’est ainsi que les médias revisitent le politique. Dans le cas des élections précédentes, dans les deux camps, c’était l’histoire d’une rupture. Dans tous les discours de
Sarkozy : « J’ai changé ». Il a toujours changé pour des raisons affectives, émotionnelles. Parce qu’il
utilise des faits divers tragiques, d’agression : « On ne peut plus voir impunément une mère devant
son enfant assassiné » etc. Et Ségolène Royal racontait « sa rupture d’avec les éléphants » du parti,
avec l’establishment de son parti d’origine. Dans toutes les hypothèses, la logique du « storytelling »
est ravageuse : les scénarios hollywoodiens dont je parlais tout à l’heure s’inscrivent eux-mêmes
dans ces formes de narration exonérées du réel.
Pour conclure
Je n’ai fait qu’évoquer un certain nombre de tendances lourdes en évacuant les déterminismes de
type politico-économiques qui auraient alourdi les débats. Il me semble qu’au-delà de la propriété des
médias, - ce sont de grands groupes économiques qui, en France plus qu’ailleurs, ont la propriété des
médias - au-delà de cette thèse, un auteur qui s’est posé la question du travestissement de la réalité
par les médias de masse formulait un aphorisme que je reprends : « Ce n’est pas parce que toutes les
montres donnent la même heure en même temps qu’elles ont organisé un complot en ce sens. » Il y
a en quelque sorte une mécanique naturelle des grands médias aboutissant à cette espèce de traitement uniforme et dont l’effet est de s’émanciper du réel et de faire peu de cas du pluralisme qui fonde
la liberté de l’information.
Serge Regourd - L’âge de la confusion politique
Débat
Un participant - Vous avez évoqué Henri Guaino en début de conférence… Pouvez-vous en dire plus ?
Serge Regourd - J’y suis revenu puisque Henri Guaino écrit les discours de M. Sarkozy. Je rappelle
son parcours : venu du gaullisme social, compagnon et collaborateur très proche de Philippe Seguin,
dont il serait abusif de dire qu’il était un libéral débridé. Son génie, dans son rôle, est de faire dire au
prince qu’il sert, des choses qui ne sont pas véritablement pensées et vécues par celui-là. Et c’est vrai
de tous les discours : celui de Toulon, complètement innervé dans une fibre nationale - drapeau français, souveraineté… est écrit au moment même où, à l’inverse, on aboutit à une logique d’abandon
de souveraineté, de soumission à une logique de marché. Le fait que Guaino lui-même ait admis que
les campagnes de Sarkozy étaient bâties sur du « storytelling », même si ces histoires n’ont rien à voir
avec la réalité des choses, me paraît assez significatif de la manière avec laquelle on assume un certain
nombre d’éléments dont on pourrait imaginer qu’ils devraient rester occultes.
Un participant - Sur l’internet, on trouve chez tous les grands journaux des brèves, des résumés, peu
intéressants mais énormément lus ; et le journal en ligne « Médiapart » a une certaine écoute parmi
les jeunes. Pensez-vous que cela va changer la vision des choses.
Serge Regourd - D’abord, on voit bien qu’internet, n’est pas un univers totalement séparé, parce
qu’aujourd’hui, les sites, les blogs les plus importants, renvoient aux mêmes protagonistes que ceux
qu’on trouve dans le domaine des médias traditionnels de la presse, de la radio et de la télévision.
Et l’idée assez largement diffusée selon laquelle internet aurait détrôné ou marginalisé la télévision
me paraît erronée : la durée d’écoute de la télévision dans tous les pays européens n’a pas baissé, au
contraire elle a augmenté.
Ce constat est conforme au rapport qui se manifeste entre les différents modes de communication,
ou de transmission culturelle. L’histoire de la communication montre que pratiquement jamais une
nouvelle invention, une nouvelle technique, ne fait disparaître celle de la période précédente. Elle s’y
ajoute seulement. Lorsque la photo a été inventée, des commentaires disaient que la peinture allait
disparaître. Cela paraît ridicule, mais il y a des historiens de l’art qui ont osé le formuler. Lorsque la
télévision est apparue, on a dit que c’était la fin de la radio. Puisque la télé, c’est de la radio plus des
images ! De la même manière, la télévision apportait la mort du cinéma. Or tous les chiffres de fréquentation sont, cette année, à un niveau record, au moment même où on assiste à une multiplication
des chaines. Il faut remonter jusqu’en 1966 pour retrouver des chiffres comparables. Il ne faut donc
pas avoir une vision substitutive des médias.
L’autre précision, est qu’il ne faut pas voir en noir et blanc cette question. Ce que j’ai évoqué ici
concerne essentiellement les grands médias. Tous ne sont pas dans ce cas. Par exemple, ni le Monde
Diplomatique, ni La Croix, ni L’Humanité ne sont directement concernés parce que j’ai dit. Mais leur
existence n’est pas de nature à provoquer un changement global du système. De même, Médiapart,
qui a beaucoup de qualités et de vertus, en soi, ne peut pas renverser la donne.
Il ne faut pas avoir de vision totalisante, sinon totalitaire de ce que j’ai dit. Sur ce terrain, Régis Debray,
pour qui j’ai beaucoup de respect et qui vient de publier un livre sur la notion de sacré, (« Jeunesse
du sacré », éd. Gallimard, janvier 2012), a une très belle image : il assimile à un paquebot, les grands
médias qui occupent l’espace et de temps en temps, des canots de sauvetage sont jetés à la mer, tels,
les périodiques que je viens de citer, ce qui ne modifie en rien la route du grand navire.
Un participant - Cela rassure sur l’avenir du livre en papier.
Serge Regourd - Le Ministère de la culture, sous la responsabilité d’Olivier Donnat, publie régulièrement des études sur les pratiques culturelles des Français. La dernière livraison porte sur les pratiques
culturelles au regard de la mutation numérique. Il note la montée en charge du livre numérique. Et
d’autre part les difficultés de la presse écrite. Les gratuits de la Dépêche, par exemple, disparaissent
parce qu’internet a pris le relais dans une logique marchande. Les journaux gratuits comme Vingt
PARCOURS 2011-2012
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Minutes, Direct soir, aggravent les difficultés de la presse traditionnelle. S’agissant des quotidiens nationaux France Soir est quasiment mort et La Tribune n’est pas loin de disparaître. Il convient donc,
là encore, de nuancer les perceptions.
Un participant - J’ai bien aimé votre exposé car il est précis, dénonce des choses à dénoncer, et en
même temps nuancé. Cependant une question : pourquoi ce système de marketing politique, cette
confusion politique a pris consistance. L’hypothèse que je fais, peut-être n’avez-vous pas eu le temps
de le signaler, c’est parce que nous vivons tous dans un conformisme et, ayant un temps très court,
nous contribuons à le faire. La technologie qui devrait nous affranchir du temps, en fait, parce que
nous l’utilisons mal, nous asservit. Nous créons un climat propre à ce que les pseudo-philosophes
se sont emparés de nos esprits. J-Cl. Guillebaud, E. Morin, R. Debray, E. Todd, G. Azam, ne peuvent
être vus que sur des missions particulières. Donc, il faut dénoncer, ce que vous faites très bien, et en
même temps, il faut nous poser des questions : que faisons-nous dans notre vie concrète pour nous
affranchir de ce cours diabolique.
Serge Regourd - En effet, il y a une responsabilité des citoyens dans un régime qui est fondé sur les postulats démocratiques. On ne peut pas considérer qu’il n’y aurait pas de responsabilité des citoyens,
des gouvernés. Mais je suis frappé parce que je suis en fin de carrière à l’université, de ce que je vois
de mes étudiants dans les masters II. Il y a le « court-termisme » dont vous parlez sûrement ; mais il
y a d’autres éléments dans un contexte de crise : l’avenir professionnel, une logique exacerbée de
l’individualisme, du sauve-qui-peut, une demande d’opérationnalité immédiate. Même à un niveau
d’études finales, en 5e année, je suis obligé de revoir mes cours, d’être un peu en retrait sur des problématiques globales, conceptuelles, qui n’ont pas d’opérationnalité immédiate.
Même les étudiants qui sont supposée être les meilleurs, du fait d’une sélection très sévère, ont une
telle angoisse de leur devenir professionnel que toutes les interrogations philosophiques leur paraissent comme dénuées de portée. Ce qu’il y a vraiment dans nos esprits aujourd’hui, c’est ce que
produisent les « experts cathodiques ». Un très bon ouvrage sur ce sujet distingue entre les « experts
visibles et les invisibles ». Je suis plutôt un invisible même si j’ai bénéficié de quelques passages télé
ou radio, chez Taddeï, ou chez Bern, récemment ! J’avais été invité une fois au journal de 13 heures de
France 2, et au dernier moment, après qu’on ait lu ce que j’ai écrit dans mon livre « Vers la fin de la
télévision publique », on m’a appelé pour me dire que l’actualité étant très chargée, notamment par
les problèmes qui venaient de surgir en Palestine, mon invitation à été ajournée…
Je le dis, parce qu’il serait très angélique de penser qu’on a facilement accès à tous les médias. Il y a
des logiques de censure ! Je n’ai pas encore vu le film « Les nouveaux chiens de garde », mais je suppose que ces questions sont au cœur de ce dont il s’agit.
224
Je reviens sur « Les experts cathodiques » car celle qui a écrit ce livre l’a fait à partir d’une recherche
menée à Science-Po Paris, c’est-à-dire l’institution la moins maltraitée par tous les médias ; puisque les
experts en matière de politique viennent de cet institut. Or, elle a quand même la vertu de montrer
comment cela fonctionne. Comment sont recrutés les experts ? L’immense majorité des universitaires
reste parmi les invisibles. Certains sont, à l’inverse, visibles par leur omniprésence. Premier critère : il
faut être parisien. - Deuxième critère : appartenir à des institutions parisiennes spécifiquement « distinctives » comme le CEVIPOF (Sciences Po). Troisième critère : la « bien-pensance », théorisée notamment par un médiateur tout terrain : Alain Minc, ami intime à la fois de Sarkozy et de B. H. L., avec
qui j’ai fait jadis un débat à France Culture : il avait tellement de condescendance à mon égard qu’il
m’a ignoré. La thèse d’Alain Minc est celle du « cercle de la raison », théorisé en 1995, au moment des
grèves ; considérant que tous ceux qui contestaient les réformes du gouvernement Juppé, notamment
Pierre Bourdieu, s’étaient mis en dehors du « cercle de la raison », ils rentraient alors dans la logique
soit de la diabolisation, soit de la folklorisation. L’auteur de la thèse susmentionnée montre que la
théorie du « cercle de la raison » fonctionne parfaitement dans les médias, sauf que de temps en
temps, pour un semblant d’ouverture, on autorise un ou deux marginaux ou « mal-pensants ». Le quatrième critère de visibilité médiatique et celui des « bons clients ». Ce critère renvoie lui-même à la paresse structurelle des journalistes dont il s’agit : c’est-à-dire que, quand ils ont un expert qui « marche
bien », on utilise son téléphone portable, on déjeune avec lui et on fait affaire ensemble. L’I.N.A. (InsSerge Regourd - L’âge de la confusion politique
titut National de l’Audio-visuel) dispose d’une base qui recense ceux qui squattent les émissions. On y
trouve toujours les mêmes qui tournent dans les différentes émissions, selon la logique de la pensée
unique ou du cercle de la raison néo-libérale ; par exemple « C’ dans l’air » sur la 5, chaîne de service
public, peu soucieuse du pluralisme qui fonde l’existence même de ce service public.
Pour répondre à la question que vous posez, la logique de l’individu est de plus en plus « intégrée » ;
la peur du lendemain gagne, la solidarité, la militance politique s’étiole. L’assistance de ce soir me
surprend agréablement, et ne me paraît pas - hélas - être la norme.
Un participant (Gérard Bapt - Député)- Ce que vous venez de dire concernant un certain nombre de
débats de nature politique est aussi en action en ce qui concerne les grands problèmes de santé publique, avec la même logique de « leaders » d’opinion, choisis par l’industrie chimique et l’industrie
pharmaceutique. Au moment de l’affaire de la grippe A que j’avais particulièrement suivie, j’avais
écrit un papier paru dans Le Monde sous le titre « Un Timisoara sanitaire » où j’avais décrit ce qui
s’était passé dans un petit village du Mexique : on disait que les gens tombaient comme des mouches
parce qu’il y avait des porcheries et que c’était de là que le virus était parti, s’était transformé et était
devenu dangereux pour l’homme. La réalité, c’est qu’il n’y a jamais eu un mort dû à la grippe A H1N1
type A, que le petit jeune qu’on avait désigné comme un malade qu’on avait transporté et sauvé, avait
affectivement cette grippe, mais va aujourd’hui très bien. Et le village, devenu célèbre dans le monde
entier, lui a élevé une statue en bois. Le virus a été appelé par la suite « californien ». Ceci a débouché
au désastre que l’on connaît, avec au mois de novembre, la destruction de 21 millions de doses destinées à lutter contre la grande pandémie. J’ai l’impression qu’il y a longtemps qu’il n’y a pas eu de
petite pandémie. On note seulement quelques cas de décès, dans des pays du Sud-est asiatique, qui
seraient dus à cette grippe aviaire.
La question que je voulais poser : que se passe-t-il en Syrie ? On retrouve ici dans l’information « la lutte
entre le Bien et le Mal ». Pourtant, d’autres sources d’information, notamment des journalistes belges,
donnent une tout autre version des faits que la nôtre. On s’aperçoit que tous les morts ne sont pas
dus au régime. Je suis loin de défendre Bachar el Assad, pour avoir vu ce qu’il a fait au Liban et à ses
opposants, y compris à des nationalistes Palestiniens. Mais ce qui se passe en ce moment, du point de
vue de l’information, relève de la même logique qu’en Roumanie en 1989 !
Serge Regourd - Je n’en ai pas parlé, parce que ces sujets sont difficiles. Lorsque j’ai essayé de parler
de la Libye avec mes étudiants, les logiques émotionnelles sont tellement fortes qu’émettre le début
d’une critique sur l’intervention, n’est pas facile. Encore plus pour la Syrie. D’ailleurs, en France un
mouvement de solidarité, tous partis politiques confondus, s’est constitué, ayant pour effet d’intimider toute dissidence sur le sujet…
Quelqu’un a parlé d’Attali, tout à l’heure. Je saisis l’occasion pour dire que cela fait aussi partie des
sujets de confusions. Extraits de son ouvrage « Lignes d’horizon ». Je le cite : « L’économie sociale de
marché centrée sur l’État-providence est incompatible avec les nouvelles conditions historiques du
monde globalisé. » Il conclut à la nécessité de l’abandon par les États de leurs fonctions thérapeutique
et éducative pour les confier progressivement au marché. « Car, de la mutation en cours, doit découler la disparition de concepts désormais obsolètes : État, nation, citoyenneté, institutions, hôpital,
école, sauf à payer par un chômage durable leur défense vaine. » Je pense qu’il y a ainsi autour du
personnage Attali auréolé de son rôle auprès de François Mitterrand, un risque de confusion pour qui
penserait qu’il reste une figure de la famille « progressiste ».
L’intervention de Gérard Bapt sur la question du manichéisme me conduit aussi à évoquer la représentation que l’on a des anciens pays socialistes. Je vais régulièrement en Arménie. La représentation
que j’avais dans la tête était conforme aux images d’Epinal médiatiques, fondées sur le passage du totalitarisme à la démocratie. L’Ambassadeur de France lors de mon premier séjour m’indique : « Si vous
m’autorisez, je vous suggère de sortir deux idées simples de votre tête, si elles y étaient. Un : avant, ce
n’était pas l’enfer. Et deux, aujourd’hui, ce n’est certainement pas le paradis. » Puis un collègue universitaire arménien m’explique : « Bien qu’anti-communiste, aujourd’hui, je suis nostalgique de l’ancien
régime. Voici pourquoi, c’est très simple. Hors de toute analyse idéologique ou philosophique. Ma
mère a 72 ans, elle a le cancer, et elle va mourir parce qu’on ne peut plus la soigner. Auparavant, nous
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avions un système de santé publique de très grande qualité, totalement gratuit ; elle aurait été soignée
et guérie »… Si je m’aventurais à rapporter de tels témoignages aussi simples sur une des chaines de
la télévision, je pense que je passerais précisément pour un individu hors du cercle de la raison, voire
pour un stalinien qui voudrait refaire l’Histoire.
Un participant - D’abord dans la lignée de l’intervention de M. Bapt on pourrait faire d’autres analogies
sur le fonctionnement démocratique et le phénomène des moutons de Panurge.
Mais j’ai une question à vous poser. Un certain nombre de penseurs existent qui ne pensent pas
comme tout le monde, il existe aussi un certain nombre de pensées alternatives assez construites. Or
elles n’apparaissent pas dans les canaux ordinaires. Vous l’avez montré.
La raison est certainement structurelle, mais je vais renverser la vapeur. N’y aurait-il pas un autre
aspect : n’a-t-on pas fait une erreur de construction ? de cohérence ? Finalement les intellectuels ont
refusé de jouer le jeu des médias populaires. On a du retard. Maintenant, on se rend compte qu’on a
laissé la place aux penseurs bas de gamme en disant que ce n’est pas sérieux, il vaut mieux les laisser
faire. Qu’en pensez-vous ?
Serge Regourd - C’est vrai qu’il y a quelques décennies, les médias de masse, comme la télévision,
étaient considérés avec condescendance ou mépris par un certain nombre d’intellectuels. Mais la
question ne se pose plus aujourd’hui, parce que, de toute façon, on ne les invite pas, qu’ils en aient
envie ou non.
Pendant les guerres des Balkans, ne partageant pas le point de vue officiel, j’ai insisté pour qu’on m’invite. Et j’ai été piégé, notamment au « Cercle de minuit » que Laure Adler animait. Dans un débat sur la
guerre de Bosnie, je traitais de questions juridiques et je n’ai pu exprimer ce que j’avais prévu de dire,
je n’ai pu évoquer des éléments importants, jusqu’alors évacués du débat. Bourdieu montre très bien
dans un petit ouvrage « Sur la télévision », qu’il existe des dispositifs de mise en place qui font que
lorsqu’on invite des gens qui ne seraient pas tout à fait dans la ligne éditoriale, ils peuvent être courtcircuités et, in fine, détournés de leur propre parole. Déjà leur place par rapport à l’animateur. Si vous
êtes le troisième, dans le prolongement, il faut se pencher pour être interrogé. Ensuite, les questions
sont choisies à l’avance : si on ne vous pose pas la question que vous attendez, dans le cadre de votre
compétence, vous êtes sûr de vous faire avoir. J’ai vécu cette situation à deux ou trois reprises. Il ne
faut pas être trop angélique. Ce n’est pas un lieu neutre où on arrive, sauf si on est un homme politique dont le métier consiste à déjouer le jeu imposé par les animateurs ou les journalistes. Mais un
universitaire, un « intellectuel », ne peut que répondre aux questions qui lui sont posées et selon le
scénario qui a été écrit indépendamment de ce qu’il souhaite.
Un participant - Pour élargir le débat, que peut-on faire pour se réapproprier l’espace public. Je fais
partie de l’association « Action Critique Média », née après les grèves de 1995, où il nous est apparu
que l’espace public était complètement corseté. Plusieurs questions se posent.
226
« Appuyer là où cela fait mal », vous n’en avez pas parlé ce soir, il faut des lois anti-concentration contre
les grands groupes, marchands d’armes ou de presse, pour qu’on puisse se réapproprier ces médias,
pour une information équilibrée. Par exemple, TF1 contrôlée par Bouygues, ne peut donner des informations sur l’E.P.R. qui a pris du retard, et ainsi de suite.
Deuxième point, il faut que les citoyens se réapproprient l’espace public. L’antécédent de 2005 montre
que les gens ont pris en compte les différents débats sur le traité constitutionnel, ce qui a fait que,
malgré le battage médiatique, malgré le rouleau compresseur, les gens ont résisté. En Tunisie, les gens
ont pris l’espace public en se retrouvant sur Facebook et ont pu abattre la dictature. Deux possibles
pistes. Il ne faut pas cesser de s’informer sur les canaux alternatifs. Le film « Les nouveaux chiens de
garde », basé sur le livre de Serge Halimi, reprend l’histoire de la télévision et explique comment ces
médias ont squatté tous les plateaux de la télévision. Et vous pouvez consulter le site « Acrimed.org »
si vous êtes intéressés. Et notre revue « média critique » est à votre disposition.
Un participant - En ce qui concerne la Libye, dans les médias, on a entendu Bernard Henri Lévy et
on n’a entendu aucun député, dont c’est la charge de contrôler l’action du gouvernement. Du coup,
s’en est suivie surtout l’action militaire. En ce qui concerne la décision prise par les organismes interSerge Regourd - L’âge de la confusion politique
nationaux, on aurait dû connaître les garanties de poursuite contre les dirigeants libyens. Mais on ne
connaît pratiquement pas, dans cette guerre en Libye, l’impact que cela a eu dans la région. D’autre
part, en ce qui concerne les journaux, je constate que la distribution des gratuits est placée sous des
monopoles ; et on les retrouve souvent par cartons entiers dans les poubelles. Je trouve anormal que
les journaux obligent à acheter leur gratuits du samedi. Et d’autre part, les aides à la presse sont décidées par 7 personnes à Matignon.
Une participante - Je voudrais dire qu’il faut rappeler qu’on est dans une période préélectorale. Ce qui
permet d’ouvrir des débats citoyens. Hier soir, sur Toulouse, une réunion portait sur le procès d’Outreau, on a vu que le système d’information par les médias était entièrement truqué. La justice n’est
plus un service public. Les citoyens doivent se prendre par la main et participer à des débats collectifs.
Un participant (Alain Fillolia - Maire de Balma) - C’est ce que nous faisons ce soir. J’aurais aimé participer à ces débats. La confusion du président de la République s’appropriant les mânes de Jaurès et de
Blum, est-elle la même que le socialiste Strauss Kahn prenant la direction du F.M.I. ? La question de la
guerre juste… voila des sujets qui pourraient faire l’objet de nombreux débats…
Le 19 janvier 2012
Serge Regourd est professeur à l’Université de Toulouse1 - Capitole, directeur de l’Institut du
Droit, de la Culture et de la Communication, spécialiste du droit des médias.
Il est l’auteur de nombreux livres. Il possède également une grande notoriété dans le domaine
du cinéma. Parmi ses principaux ouvrages :
- Acteurs de caractère éd. Gremese, Rome 2011,
- Les seconds rôles du cinéma français - Grandeur et décadence - Ed. Klincsieck 2010.
- Vers la fin de la télévision publique ? Traité de savoir-vivre du service public audiovisuel Ed.
de l’Attribut 2008
- De l’Exception à la diversité culturelle - La Documentation Française - collect. Problèmes
politiques et sociaux - 2006
- L’Exception culturelle - P.U.F - collect. Que sais-je n° 3647 - 1ère éd - 2002, 2e ed. 2004.
- Droit de la communication audiovisuelle - P.U.F - collect. Droit fondamental - 2001
- La télévision des Européens - La documentation française - collect. Vivre en Europe - 1992
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