Hétérogénéité des précipitations sur la Cordillère
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Hétérogénéité des précipitations sur la Cordillère
Hydrology in Mountainous Regions. I - Ifydrvlogical Measurements; the Water Cycle (ftoceeaings of two Lausanne Symposia, August 1990). IAHS Publ. no. 193,1990. Hétérogénéité des précipitations sur la Cordillère des Andes boliviennes M.A. ROCHE ORSTOM, PHICAB, C.P. 9214, La Paz, Bolivia A. ALIAGA, J. CAMPOS, J. PENA IHH-UMSA, C.P. 303, La Paz, Bolivia J. CORTES & N. ROCHA SENAMHI, Ed. La Urbana, La Paz, Bolivia RESUME Du désert chilien, le plus aride du monde (1 mm an"1 sur la côte), la traversée des Andes vers l'Est conduit à des sites amazoniens dont la pluviométrie est très élevée ( 6000 à 7000 mm an"1). Il existe une tendance à une diminution des précipitations en direction du Sud-Ouest. La masse d'air humide orientale, d'origine atlantique et amazonienne, envahit la Bolivie durant l'été ( oscillation de la ZITC ) en débordant fréquemment sur l'Altiplano jusqu'aux sommets de la Cordillère Occidentale. Des masses d'air froid, d'origine polaire, remontent jusqu'au nord de la Bolivie en créant des fronts froids au contact de la masse d'air précédente. Des conditions de stabilité extrêmement fortes sont engendrées sur la côte ouest par l'anticyclone sud pacifique et le courant froid de Humboldt. Outre l'influence de la dynamique des masses d'air, l'orographie des Andes et les vastes étendues d'eau et de sel ( Lac Titicaca, Salar d'Uyuni ) contribuent à l'échelle régionale et locale à déterminer 1 'hétérogénéité des précipitations. INTRODUCTION Les Andes boliviennes, situées entre 10 et 20°S, sont un domaine montagneux intertropical soumis à une forte hétérogénéité des précipitations. En un seul pays, depuis la plaine orientale ( 200 m ), jusqu'aux hauts sommets andins ( 6800 m ) et l'Altiplano ( 3600 à 4100 m ), une variété de climats parmi la plus ample de la planète régie la distribution des ressources renouvelables. La carte en courbes isohyètes présentée ( fig.1 ) constitue le document actuel le plus détaillé existant pour la région sur les précipitations moyennes pluriannuelles. Elles provient d'un document offset couleur au 1/4 000 000 établi sur la base d'un total de 348 stations pluviométriques . Les données les plus anciennes remontent à 1945; l'année limite prise en considération étant 1984. 381 M. A. Roche et al. 382 FIG. 1 Carte des précipitations moyennes interannuelles (mm an"1) dans la région andine bolivienne. 383 Hétérogénéité des précipitations sur la Cordillère des Andes boliviennes L'homogènefsation des données n'a pas été effectuée. Malgré les critiques qui peuvent être portées à cet aspect méthodologique, on se rend compte que les gradients spatiaux accentués l'emportent largement sur l'hétérogénéité des séries d'observation. Le détail du tracé des courbes a tenu compte de la carte topographique et d'une carte écologique existantes. La similitude des hyétogrammes mensuels interannuels sur toute la région montre l'appartenance à un même régime pluviométrique. Ces travaux ont été menés dans le cadre du Programme Hydrologique et Cl imatologique de la Bolivie -PHICAB( Roche & Canedo, 1984 ), selon des accords de coopération entre les Organismes sus-mentionnés. DISTRIBUTION SPATIALE ET SAISONNIERE DES PRECIPITATIONS A partir de sites amazoniens du piémont des Andes remarquablement arrosés ( 6000 à 7000 mm an-1 ), la traversée de la cordillère sur 400 km conduit au désert chilien et péruvien, le moins pluvieux du monde ( 1 mm an-1 ) sur la côte de l'Océan Pacifique. Dans la plaine amazonienne adjacente aux Andes, les valeurs croissent depuis 600 mm au Sud jusqu'à 2000 mm au Nord ,selon des isohyètes en forme de gouttière. La pluie augmente ainsi en direction des Andes où sont observés les maximums du pays, peu avant ou sur les premiers reliefs. Dans la Cordillère Orientale même, se rencontre des zones isolées à pluie inférieure à 500 mm. C'est le cas général dans le sud de la chai ne où des minimums de 300 mm sont identifiés. Le vaste plateau de l'Altiplano reçoit des précipitations supérieures à 500 mm au nord de la latitude de La Paz, avec un maximum de 1200 mm sur le Lac Titicaca. Ainsi, les pluies décroissent depuis le centre du lac jusqu'au Salar d'Uyuni. Les cimes de la Cordillère Occidentale correspondent à un léger accroissement des précipitations jusqu'à des valeurs de 300 à 500 mm. Les hauteurs de pluie deviennent ensuite rapidement décroissantes sur le versant pacifique, avec des valeurs inférieures à 1 mm en bordure de mer. La Bolivie peut être divisée en trois grands bassins versants qui s'étendent totalement ou en partie sur les Andes, et aussi partiellement dans les pays limitrophes ( Roche & Fernandez, 1988, Bourges, 1989, Guyot et al.. in press ). Le tableau 1 indique la précipitation interannuelle évaluée pour chaque sous-bassin andin. Les valeurs varient de 200 à 3000 mm, iIllustrant ainsi les fortes différences pouvant exister entre zones voisines. La saison des pluie est centrée sur l'été avec un maximum en janvier, secondairement en février. La saison sèche est en hiver, avec un minimum de mai à juillet. L'année hydrologique est considérée commencer le 1er octobre. Un total de 60 à 75* tombe durant les quatre mois les plus pluvieux et 0 à 15S» durant les quatre mois les plus 384 M. A. Roche et al. secs, la période sèche étant d'autant plus sévère que le total annuel est faible. TABLEAU 1 Précipitations moyennes interannuslles sur les grands bassins versants andins de Bolivie. Superficie (km2) Amazonie Madré de Dios (Andes+plaine) Béni Grande Bassins orientaux Mamoré Parapeti Altipiano Titicaca Desaguadero Poopo. Coipasa Uyuni Rio de La Plata PiIcomayo Grande y Bermejo Pluie (mm) 125 73 59 28 14 000 670 480 870 750 2 380 1 720 750 2 990 950 56 29 27 30 46 740 480 740 170 625 680 410 370 240 200 81 320 16 050 480 1 070 LES PRECIPITATIONS ET LA DYNAMIQUE DES MASSES D'AIR La distribution des pluies s'explique par la dynamique des principales masses d'air actives sur cette partie de l'Amérique du Sud, et par le rôle orographique des Andes, aussi bien à l'échelle du continent qu'à celle de la vallée. Les masses d'air atlantique et amazonienne Le bassin amazonien est généralement le siège de basses pressions par rapport aux anticyclones sud pacifique et atlantique. La dynamique de l'ensemble est réglée pour une part essentielle par l'inclinaison apparente du soleil qui détermine l'oscillation saisonnière de la Zone Intertropicale de Convergence ( ZITC ) et des anticyclones précités. Pendant l'hiver austral, la ZITC atteint les Antilles et les anticyclones tropicaux sud rejoignent leurs latitudes les plus septentrionales, voisines du bassin amazonien de Bolivie. C'est la saison sèche, caractérisée par une mei1leure stabi1ité de l'ai r et une moindre disponibi1ité de vapeur d'eau. 385 Hétérogénéité des précipitations sur la Cordillère des Andes boliviennes Pendant l'été austral, la ZITC oscille sur l'Amazonie bolivienne où sa remarquable inflexion vers le Sud étend largement les basses pressions tropicales. C'est alors la saison des pluies qui détermine finalement la distribution spatiale des précipitations, compte tenu de l'importance relative de la lame précipitée durant cette période. L'alizé de secteur nord-est dévie le long des Andes selon une inflexion nord-nord-ouest. Il apporte sur la Bolivie l'essentiel de la vapeur précipitable originaire de l'Atlantique, mais qui s'est en fait amplement recyclée à partir de l'évapotranspiration de la forêt et des vastes zones inondées, lesquelles seulement dans la plaine bolivienne couvrent de l'ordre de 100 000 km2 en fin de saison des pluies. L'alizé de secteur sud-est contribue à l'apport d'humidité directement depuis l'Est et le Sud-Est. La convection diurne, dans la plaine, et encore plus dans les Andes, est responsable d'une grande part des précipitations. Elle correspond alors essentiellement au recyclage de la vapeur d'eau. Les masses d'air polaire Ce système est perturbé fréquemment par l'intrusion, dans la plaine adjacente aux Andes, d'air plus froid et sec venu du Sud ( Surazo ) , avec la formation d'un front froid au contact des masses d'air humides et généralement plus chaudes qui occupent la région. La progression des masses d'air froid a été expliquée par Leroux (1987) selon le mécanisme d'anticyclones mobiles peu épais qui se détachent de l'anticyclone antartique et progressent jusqu'aux basses latitudes en écartant les autres masses d'air. La distribution des pluies dans la plaine, selon une inflexion des isohyètes en gouttière allant de pair avec un fort accroissement des valeurs du Sud ( 600 mm ) au Nord ( 2 000 mm ), dénote l'interférence des deux masses d'air. L'air sec en provenance du Sud se trouve canalisé par la dépression topographique ( 500 à 150 m ) située entre les Andes et le Bouclier brésilien ( 1500 m ). L'abaissement des températures accompagnant les fronts froids peut atteindre 10°C d'un jour à l'autre, et les chutes de pluies sont notables, pour les plus fortes intrusions d'hiver, au-delà de 10° de latitude Sud dans la plaine et le sud des Andes boliviennes ( Ronchail, 1988). Ces masses d'air froid traversent fréquemment les Andes du sud du Chili, en y abandonnant leur humidité, puis suivent la bordure orientale de la cordillère. Oscillations de la ZITC et des alizés associés, perturbations du système par les fronts froids provoqués par l'intrusion d'air polaire, sont les grands mécanismes qui intéressent le sud des Andes et tout le piémont oriental de la cordillère. L'Altiplano ne serait pas concerné par ces masses d'air froid ( Ronchail, 1988 ). L'épaisseur du flux amazonien, selon l'importance des basses pressions, la convection produite dans la plaine et sur le versant est , M. A. Roche et al. 386 et le soulèvement éventuel par l'air méridional, détermine son débordement par dessus les lignes de crêtes. La masse d'air pacifique A l'opposé, le versant occidental des Andes est soumis à ces latitudes à des conditions de stabilité atmosphérique de plus en plus fortes, depuis la crête qui le sépare de l'Altiplano jusqu'à la côte. Ces conditions sont engendrées par la présence permanente de l'anticyclone sud pacifique et par le courant froid de Humboldt qui lui est associé. Bien que l'humidité atmosphérique dans les 1000 premiers mètres soit très élevée, une subsidence permanente de l'air, et une inversion dans la stratification thermique de la troposphère aux alentours de 1300 m, empêchent l'ascension de l'air humide et les précipitations. En hiver, une couche de stratocumulus, peu épaisse ( 200 à 300 m ), s'établit audessus de cette inversion, accompagnée de brouillard la nuit et tôt le matin. En hiver, elle disparaît fréquemment l'après-midi et s'avère souvent inexistante en été. Les isohyètes sur ce versant suivent les courbes topographiques. Si l'on peut concevoir, comme cela est signalé au Pérou, une ascension diurne de la vapeur du Pacifique le long des versants à l'occasion du réchauffement du sol, il n'apparaît pas cependant dans le paysage chilien d'effets marqués de ce phénomène. La barrière de la Cordillère Occidentale constitue ainsi la limite de l'antagonisme des influences atmosphériques de secteurs atlantique et pacifique. Cependant, le régime des précipitations, estivales au-dessus de l'isohyète 10 mm, soit sensiblement au-dessus de 1200 m, et une pluviométrie croissante jusqu'à la crête ( 200 à 500 mm ) en continuation des précipitations de l'Altiplano, indique un débordement des alizés orientaux sur ce versant. Ceux-ci subissent alors une subsidence forcée qui fait décroître rapidement les pluies vers l'Ouest. Sur la côte même, les rares pluies observées se produisent généralement en hiver. Dans l'extrême sud de la zone considérée ( au-delà de 22°S), l'incursion accidentelle des Westerlies en hiver peut occasionner des pluies sur le versant occidental de la cordillère, comme cela est fréquent à partir de 27°S. LE ROLE DE L'OROGRAPHIE DES ANDES Les facteurs orographiques jouent pleinement. La déviation des alizés en provenance d'Amazonie par la barrière des Andes orientales dont les sommets s'échelonnent de 4500 à 6500 m, jusqu'à une direction nord-nord-ouest, présente une ampleur régionale. Les masses d'air humide, coincées fréquemment entre l'air méridional plus sec et le massif andin, viennent balayer en long ce versant oriental où elles abandonnent préférentiellement leur humidité. Les maximums de 5000 à 7000 mm sont observés, dans le Chaparé à l'est de 387 Hétérogénéité des précipitations sur la Cordillère des Andes boliviennes Cochabamba et dans le bassin du Madré de Dios au Pérou, pour des altitudes basses en regard de celles de la chaine. En effet, le premier maximum signalé se produit entre 400 et 800 m d'altitude alors qu'aucun relief marqué n'est apparant; 1' epicentre du second est repéré à 620 m. Il est à noter que des zones de fortes pluies, de 2000 à plus de 4000 mm, existent ainsi tout au long des Andes, depuis la Colombie jusqu'à la Bolivie, pour des altitudes très basses comprises entre 150 et 700 m. Ces sites boliviens correspondent à l'accentuation du gradient négatif de température ( 1,50 m du sol ), de la plaine vers la montagne. Cependant, la variation reste faible, les isothermes évoluant de 23 à 21°C à 1'epicentre. Dans le sud de la Bolivie, la carte fait également apparaître des zones de précipitations maximums de 1500 à 2200 mm sur les premiers reliefs orientaux, à des altitudes de 400 à 900 m. On remarque que les précipitations se produisent dans des "baies" de relief, parties concaves vers la plaine de la limite des Andes, alors que les parties convexes reçoivent des précipitations moindres. La disposition concave favoriserait la convection à l'abri du vent. Certaines extrémités de vallées ouvertes au vent de la plaine, notamment au nord-est de La Paz, reçoivent également à des altitudes bien supérieures aux précédentes (3000 m ) , de fortes précipitations, de l'ordre de 2000 à 4000 mm. Le profil longitudinal de ces vallées, qui se termine souvent en amont par une véritable falaise ( exemple d' une dénivelée de 3500 m sur 35 km ) force en bout de course les masses d'air à une rapide ascension. Ainsi n'existe-il pas dans les Andes de relation générale entre précipitation et altitude. Après les zones de piémont, la pluviométrie tend généralement à décroître. Le blocage fréquent de l'air oriental par la cordillère met à l'abri de vastes zones à l'intérieur des Andes, les nuages plafonnant à l'Est en dessous de la ligne de crête. C'est le cas de l'Altiplano mais aussi de toute la moitié sud des Andes boliviennes où s'enfoncent de vastes vallées et zones déprimées d'origine techtonique ( exemple des vallées de Cochabamba ). Ces dépressions topographiques provoquent une subsidence de l'air oriental qui arrive latéralement après avoir perdu une grande partie de son humidité sur le flanc est du massif. Ces zones semi-arides ( 600 à 400 mm ) se développent encore plus vers le Sud où 1'humidité originelle de 1'air atteignant les Andes est plus faible qu'au Nord, et l'influence pacifique plus intense. Les vallées de Cochabamba, du Rio Grande et Pilcomayo, du Rio La Paz et de Luribay sont ainsi nettement semi-arides. LE ROLE DES ETENDUES D'EAU ET DE SEL L'influence des grandes masses d'eau et surfaces de sel apparaît également sur la carte pluviométrique. Dans le nord de l'Altiplano, l'effet du Lac Titicaca ( 8600 km2 ) se traduit par une forte augmentation concentrique des pluies, M. A. Roche et al. 388 les valeurs décroissant de 1200 mm en son centre à 700 mm à quelques dizaines de kilomètres de ses rives. 1' influence sous le vent, est plus étendue. Le Lac Poopo, de superficie plus réduite (3600 km2) et fluctuante, n'induit qu'une légère augmentation des pluies ( 400 mm ). Par contre, il apparaît que les vastes étendues de sel des Salars d'Uyuni ( 9100 km2 ) et de Coipasa ( 2000 km2 ), correspondent à une diminution des pluies qui n'y dépassent pas 200 mm. La même constatation est faite pour le Salar d'Atacama au Chili ( 25 mm ). Les bilans d'énergie et 1'evaporation des lacs sont très différents de ceux des salars. Le Lac Titicaca permet une importante convection et recyclage de la vapeur d'eau. CONCLUSION L'hétérogénéité des précipitations sur la Cordillère des Andes est due à la rencontre en cette région de grandes masses d'air dont la dynamique régie les échanges atmosphériques méridiens et latitudinaux de l'hémisphère sud. Cependant les variations spatiales sont encore accentuées par les effets du relief et des vastes étendues d'eau et de sel constituées par le Lac Titicaca et les Salars. Les Andes, par leur orographie exceptionnelle, contribuent à provoquer des précipitations extrêmes, soit maximums ,soit minimums, selon les zones. La chaine montagneuse met fin à l'influence pluviogène des masses d'air tropical humide d'origine atlantique et amazonienne. BIBLIOGRAPHIE Bourges, J. (1989) La investigaciôn hidrolôgica en el Béni: ejemplos de aplicaciôn para el desarrollo de infraestructuras y prevision de crecidas. Ill Simp. invest, francesa en Bolivia, Santa Cruz, junio :9-22. Guyot, J.L., Roche, M.A., Quintanilla, J., Calliconde, M., Noriega, L., Calle, H. & Cortés, J. ( i n press ) Salinities and sediment loads on the Bolivian Highlands. J. Hydro!. Leroux, M. (1987) L'anticyclone mobile polaire, relais des échanges méridiens : son importance climatique. Géodynamique 2 (2): 161-167 Roche, M.A. & Canedo, M. (1984) Programa Hidrolôgico y Cl imatolôgico de la Cuenca Amazom'ca de Bolivia. Folleto de presentaciôn del PHICAB, offset color. Roche, M.A. & Rocha, N. 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