Robert Louis Stevenson

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Robert Louis Stevenson
Robert Louis Stevenson
Robert Louis Stevenson en 1885
Activité(s)
Romancier, poète, essayiste
Naissance
13 novembre 1850 à Édimbourg (Écosse)
Décès 3 décembre 1894 à Vailima (Samoa)
Œuvres principales:
L'Île au trésor (roman d'aventure, 1883)
Dr. Jekyll et M. Hyde (nouvelle, 1886)
Voyage avec un âne dans les Cévennes (voyage, 1879)
Le Maître de Ballantrae (roman d'aventure 1889)
Robert Louis Stevenson, né le 13 novembre 1850 à Édimbourg et mort le 3 décembre 1894 à
Vailima (Samoa), est un écrivain écossais et un grand voyageur, célèbre pour son roman L'Île au
trésor (1883), pour sa nouvelle L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde (1886) et pour son
récit Voyage avec un âne dans les Cévennes (1879).
Stevenson est parfois considéré comme un auteur de romans d'aventure ou de récits fantastiques
pour adolescents, mais son œuvre a une toute autre dimension : il a d'ailleurs été salué avec
enthousiasme par les plus grands de ses contemporains et de ses successeurs. Ses nouvelles et
romans manifestent en effet une profonde intelligence de la narration, de ses moyens et de ses
effets. Il exploite tous les ressorts du récit comme la multiplication des narrateurs et des points de
vue, et pratique en même temps une écriture très visuelle, propice aux scènes particulièrement
frappantes.
Robert Lewis Balfour Stevenson naît au 8, Howard Place à Édimbourg où se sont installés ses
parents, Thomas Stevenson et Margaret Balfour, après leur mariage deux ans plus tôt, le 28 août
1848. Sa mère Maggie est la fille cadette du révérend Lewis Balfour, une famille des Borders. Son
père Thomas, quant à lui, est un fervent calviniste appartenant à la célèbre lignée d'ingénieurs qu'est
la famille Stevenson : son grand-père Robert, son père Thomas, ses oncles Alan et David, tous sont
concepteurs de phares et ont apporté leur contribution à la sécurisation du littoral maritime
écossais1.
Le 13 décembre 1850 dans le plus pur respect de la tradition écossaise, il est baptisé « Robert Lewis
» par son propre grand-père, le révérend Lewis Balfour.
Assez rapidement, Maggie Stevenson se montre incapable de s'occuper pleinement de son fils. En
plus de son inexpérience de jeunesse — elle n'a alors que 21 ans — elle souffre de problèmes
pulmonaires vraisemblablement hérités de son père, auxquels s'ajoutent des troubles nerveux. Il
apparaît comme nécessaire d'engager une nourrice pour l'enfant. Trois se succèdent, mais c'est la
dernière, entrée au service des Stevenson en mai 1852, qui marque Robert Louis toute sa vie :
Alison Cunningham, affectueusement surnommée « Cummy ». Le 14 décembre 1852, le petit «
Smout », ainsi que ses parents le surnomment, tombe très malade, victime d'un refroidissement et
d'une forte fièvre. Attribuant cela à la trop grande proximité de la Water of Leith, Thomas et Maggie
déménagent en janvier 1853 pour s'installer au 1, Inverleith Terrace, dans une maison jugée plus
saine pour l'enfant. Hélas, la demeure se révèle encore plus humide que la précédente et après une
courte amélioration, Louis fait une rechute bien plus grave : le 10 mars 1853, le médecin lui
diagnostique une attaque de croup. Dès lors, les neuf années qui suivent font vivre un calvaire à
l'enfant : rhumes, bronchites, pneumonies, fièvres et infections pulmonaires se succèdent à chaque
hiver en plus des maladies infantiles plus classiques. Ce n'est qu'en février 1857 qu'un docteur
établit un rapprochement entre l'humidité de la maison et la santé de l'enfant. Les Stevenson
déménagent alors dès le mois de mai au 17, Heriot Row. Cette nouvelle demeure, plus saine et plus
confortable que la précédente, est également plus en adéquation avec la nouvelle position sociale de
Thomas, devenu entre-temps, en 1854, ingénieur attitré au Northern Lights Board. Mais il est déjà
trop tard : la santé de Louis est définitivement ruinée.
Du fait de ses fréquentes maladies et de sa santé fragile, Louis est très peu sorti de chez lui, le «
vilain climat » d'Édimbourg risquant de lui être fatal. Sa vie s'organise donc dans la maison d'Heriot
Row dont Thomas est fréquemment absent, appelé par sa fonction au Northern Lights à des
tournées d'inspection. Maggie, elle aussi souvent malade, se déresponsabilise peu à peu de l'enfant,
la brave Cummy étant là pour l'assumer. Face à des parents trop souvent absents, rien d'étonnant
alors à ce que cette dernière, dotée de surcroît d'une forte personnalité, devienne pour Louis « sa
seconde mère, sa première femme, l'ange de sa vie d'enfant ». C'est elle qui garde le chevet du petit
Smout dont les maladies occasionnent des nuits pénibles et fiévreuses remplies de cauchemars et
d'insomnies, terreurs nocturnes évoquées dans son poème « North-West Passage » ainsi que dans
son texte « Un chapitre sur les rêves ». Et c'est encore elle qui le distrait pendant les longues
journées où il reste cloué au lit, en lui faisant la lecture : la Bible, le Voyage du pèlerin de Bunyan,
la biographie du pasteur McCheyne, les écrits covenantaires comme ceux de Wodrow ou Peden ; ou
encore en lui racontant l'histoire de l'Écosse et particulièrement celle des persécutions subies par les
Covenanters durant le Killing Time, ainsi que des contes populaires de fantômes et de revenants. Ils
sont aussi très friands des récits d'aventures paraissant dans la revue Cassel's Family.
Le 7 octobre 1856, vient s'installer à Inverleith son jeune cousin Bob auquel sa famille souhaite
épargner le triste spectacle des crises de démence de son père Alan. De trois ans plus âgé que Louis,
il devient le compagnon de jeu de Louis : ensemble, ils s'amusent à s'inventer des histoires ou bien à
peindre des figurines du théâtre de Skelt, dont les titres évocateurs enflamment l'imagination du
jeune Louis.
Autres conséquences de sa santé défaillante, les périodes de cure ou bien de convalescence chez son
grand-père, au presbytère de Colinton (Colinton Manse)13. C'est là qu'est son « Âge d'Or ». Situé à
quelques kilomètres d'Édimbourg, Louis y retrouve ses nombreux cousins et cousines et tout n'est
que jeux et amusements sous la bienveillance de Jane Whyte Balfour — la fameuse « Auntie » dont
il est fait mention dans A Child's Garden of Verses —, fille aînée de Lewis Balfour. À la mort de ce
dernier le 30 avril 1860, un nouveau révérend vient le remplacer et c'en est fini de Colinton. «
Auntie » quitte le presbytère pour s'installer à Spring Grove près de Londres.
Ses premières tentatives de scolarisation s'interrompent bien vite en raison de problème de santé :
en 1856, crises de toux et fièvres découragent ses parents pour le reste de l'année, puis en 1857,
après deux semaines de classe, une fièvre gastrique suivie d'une bronchite l'incapacitent durant tout
l'hiver. Il entre en octobre 1861 dans la petite classe de l'Edinburgh Academy, mais il se montre
plutôt solitaire : sa faible constitution l'empêchant de prendre part aux jeux, il peine à s'intégrer aux
autres enfants. Au printemps 1862, c'est Thomas qui est pris de quintes de toux et Louis est encore
une fois sorti de l'école afin d'accompagner ses parents dans le sud de l'Angleterre, avant de passer
un mois à Hombourg en juillet. Puis les vacances sont prolongées jusqu'en automne en prenant une
location à North Berwick, ce qui constitue le premier vrai contact avec la mer pour Louis dans ce
qui était encore un petit village de pêcheurs sur le Firth of Forth, près de Dunbar. Lorsqu'arrive la
rentrée scolaire, Maggie tombe presqu'aussitôt malade nécessitant une cure plus radicale. Le 2
janvier 1863, toute la petite famille accompagnée de Cummy, part alors pour un long périple : ils
traversent d'abord la France et s'installent à partir du 4 février à Menton. Au terme de deux mois de
cure, durant lesquels Louis a étudié avec un précepteur français, l'état de santé de Maggie s'est
considérablement amélioré. Ils repartent donc tous le 31 mars 1863 pour visiter l'Italie durant plus
d'un mois, avant de prendre le chemin du retour le 8 mai via l'Autriche et l'Allemagne. Le 29 mai
1863, après 5 mois de voyage et de dépaysement, Louis regagne enfin Heriot Row et voit
s'approcher sans grand enthousiasme la perspective de la rentrée à l'Academy. Devant la détresse de
son fils, Thomas décide de lui changer les idées et lui propose de l'accompagner durant l'été dans sa
tournée d'inspection des phares sur la côte de Fife. Louis accepte avec joie ce « premier voyage en
qualité d'homme, sans jupons pour [l']assister ». À leur retour, ils découvrent Maggie à nouveau
souffrante et un nouveau séjour dans le Midi de la France semble s'imposer pour elle. Afin de ne pas
à nouveau perturber la scolarité de Louis, ses parents décident de l'envoyer en pension à Burlington
Lodge Academy près de chez « Auntie » à Spring Grove. Outre un premier contact plutôt négatif
avec la société anglaise, c'est là qu'il écrit ses premiers récits d'aventures pour le magazine de l'école
préfigurant déjà son œuvre à venir. Mais il vit assez mal cet éloignement et réclame à son père de
pouvoir revenir[réf. nécessaire]. Thomas cède : il rejoint son fils le 19 décembre 1863 et tous deux
vont retrouver Maggie et Cummy à Menton. Thomas repart pour Édimbourg fin janvier 1864 après
avoir promis à son fils de ne pas le renvoyer à Spring Grove. Ils quittent Menton en mai 1864 pour
passer les vacances sur les rives de la Tweed près de Peebles. Quand il ne passe pas ses journées à
s'amuser avec ses cousins, Louis s'investit sérieusement dans plusieurs projets d'écriture.
En octobre 1864, Thomas l'inscrit dans une école pour enfants à problème. Son intégration parmi
les autres élèves se passe mieux, mais il ne montre pas un grand intérêt pour les études[réf.
nécessaire]. C'est que le but qu'il s'est fixé est déjà tout autre et qu'il consacre la plupart de son
temps à y parvenir : apprendre à écrire. Il travaille notamment sur une pièce de théâtre inspirée de la
vie de Deacon Brodie, homme d'affaires respecté le jour, criminel et voleur la nuit. S'étant
découvert avec un autre élève de l'école, les mêmes influences et la même passion de la littérature,
ils se lisent à tour de rôle leurs compositions et collaborent à la publication d'un magazine. Sa
rencontre avec l'une de ses idoles, l'auteur du célèbre The Coral Island, Robert Michael Ballantyne,
n'est pas pour arranger son exaltation pour l'écriture. En février 1865, nouvelle interruption de
scolarité pour suivre Maggie en cure à Torquay jusqu'en octobre. Au cours de la nouvelle année
scolaire, Louis se lance, seul cette fois-ci, dans un autre projet de revue, dont trois numéros
paraissent au début de l'année 1866. La revue ne survit pas au nouveau séjour à Torquay, d'avril à
mai, que nécessite la santé de sa mère. Durant l'été qui suivit, Stevenson entreprend d'écrire un
roman avec en toile de fond le soulèvement covenantaire de 1666 dans les Pentland Hills :
l'Insurrection des Pentland. Mais son père, à la lecture de ses premiers brouillons, qualifie le travail
de raté et l'encourage à abandonner la voie de la fiction au profit d'un simple récit historique. Louis,
pour faire plaisir à son père, passe tout l'automne à la réécriture de Pentland Rising. En récompense,
Thomas fait imprimer l'œuvre de son fils à cent exemplaires chez un libraire d'Édimbourg et rachète
la totalité du tirage.
Cette double influence qui fut la sienne, il la résume d'ailleurs très bien : « Un petit Écossais entend
beaucoup parler de naufrages, de récifs meurtriers, de déferlantes sans pitié et de grands phares,
ainsi que de montagnes couvertes de bruyère, de clans sauvages et de covenantaires pourchassés. ».
Prédestiné à perpétuer la dynastie des Stevenson, il entre à l'âge de 17 ans, en octobre 1867, à
l'Université d'Édimbourg pour y préparer un diplôme d'ingénieur.
L'université et la vie de bohème
Malgré des travaux prometteurs (des dessins de phares commentés élogieusement), il s'applique en
fait peu aux études, aspirant déjà à devenir écrivain. Il mène alors une vie très dissolue, scandalisant
famille et professeurs, notamment par sa relation avec une prostituée d'Édimbourg. C'est à cette
époque qu'il transforme la graphie « Lewis » de son nom en « Louis » à la française, la
prononciation demeurant la même. Il adopte ainsi le nom de Robert Louis Stevenson et utilise
désormais le sigle « R.L.S. » pour se désigner. Il abandonne ses études d'ingénieur en 1871, sa
mauvaise santé s'accordant décidément mal avec le métier de constructeur de phares. Il se réoriente
alors vers le droit — reçu à l'examen du barreau le 14 juillet 1875, il n'exerça pourtant jamais cette
profession — pensant ainsi disposer de plus de loisirs afin de se consacrer à sa vocation secrète :
l'écriture. En septembre 1872, il fréquente le club « L.J.R. » (Liberty, Justice, Reverence) fondé
avec son cousin Bob, une société d'étudiants en rébellion prônant l'athéisme et le rejet de l'éducation
parentale. Bien évidemment, cela est fort peu au goût de son père. Le scandale familial atteint son
paroxysme début 1873, quand il lui annonce qu'il a perdu la foi.
En 1876, il sillonne les canaux d'Anvers à Pontoise, voyageant à travers la Belgique et la France. Il
publia son voyage, en 1878, dans le livre Un voyage dans les Terres.
En août, séjour à Barbizon où il rencontre Fanny Osbourne, née Van de Grift, elle-même en séjour à
Grez (près de Fontainebleau). Cette Américaine de dix ans son aînée est une artiste-peintre qui vit
séparée de son mari Samuel Osbourne et élève seule ses deux enfants Isobel et Lloyd. Entre eux
deux, le coup de foudre est immédiat. Ils se retrouvent durant l'été 1877 de nouveau à Grez, puis à
Paris en octobre. Ils veulent se marier mais Fanny n'est pas divorcée de son mari. En 1878, elle
repart en Californie, pour obtenir ce divorce. De son côté, Stevenson voudrait bien la suivre mais
ses finances ne lui permettent pas. De surcroît, son père menace de lui couper les vivres s'il persiste
dans cette idée de mariage.
Robert Louis Stevenson par Girolamo Nerli
Déçu et en proie au doute, il part s'isoler au Monastier-sur-Gazeille. Depuis cette localité, il effectue
une randonnée en compagnie d'une ânesse, nommée Modestine, le bât fixé sur l'animal est un sac
servant à contenir ses effets et son sac de couchage. Parti le 22 septembre 1878 de Haute-Loire, il
atteint douze jours plus tard la petite ville de Saint-Jean-du-Gard. Son parcours a cheminé dans le
Velay, la Lozère ou ancien pays de Gévaudan (mont Lozère et Cévennes), en passant par les
communes de Langogne, Luc, Le Bleymard, Le Pont-de-Montvert, Florac et Saint-Germain-deCalberte, en pays camisard. Aujourd'hui cette randonnée de 230 km est connue sous le nom de «
chemin de Stevenson » et est référencée comme sentier de grande randonnée GR70. Le récit de ce
périple, Voyage avec un âne dans les Cévennes publié en 1879, demeure aujourd'hui encore le livre
de chevet de nombreux randonneurs.
Mariage
En 1879, malgré l'avis contraire de sa famille, il part rejoindre Fanny Osbourne en Californie.
Partant de Glasgow le 7 août, il atteint New York le 18 et retrouve Fanny à Monterey, après un
voyage en chemin de fer.
En mars 1880, il manque de mourir d'une pneumonie et ne doit son salut qu'à l'attention de Fanny,
qui se dévoue six semaines à son chevet. À peine rétabli, il l'épouse le 19 mai à San Francisco et ils
partent en lune de miel, accompagnés du fils de Fanny, Lloyd. Cette lune de miel, qu'ils passent à
Calistoga en Californie dans une mine d'argent désaffectée, est relatée Les Squatters de Silverado et
publiée en 1883.
Entre 1880 et 1887, Stevenson voyagea beaucoup en Écosse, en Angleterre, séjourna à Davos,
cherchant un climat bénéfique à sa santé. Il passa deux ans en 1883 et 1884 à Hyères dans un chalet
appelé Solitude. Il écrivit alors : « Ce coin, notre jardin et notre vue sont subcélestes. Je chante tous
les jours avec Bunian le grand barde. Je réside près du Paradis. Plus tard, il écrivit « Heureux, je le
fus une fois et ce fut à Hyères »
En 1887, après le décès de son père, il partit aux États-Unis, où il fut accueilli par la presse newyorkaise comme une vedette, suite au succès de L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde
(1886). Il passa l'hiver dans les monts Adirondacks pour soigner sa tuberculose, et décida au
printemps d'effectuer une croisière en Océanie où il visita les îles Marquises, les îles Gilbert et les
Samoas.
En 1890, sa santé s'aggravant, il s'installe définitivement à Vailima aux Samoa dont le climat
tropical est bénéfique à ses problèmes respiratoires. Sans négliger sa carrière littéraire, il s'investit
beaucoup auprès des Samoans : lors d'une guerre civile en 1893, il prend même leur défense contre
l'impérialisme allemand. Pleins de gratitude, les indigènes bâtissent en son honneur une route
menant à sa plantation. Il devient même un chef de tribu, appelé respectueusement Tusitala (« le
conteur d'histoires ») par ses membres. Il meurt d'une crise d'apoplexie à l'âge de 44 ans.
Il est enterré selon son désir face à la mer au sommet du mont Vaea surplombant Vailima. Lors de
ses obsèques, 400 Samoans se relayèrent pour porter son cercueil au sommet du mont Vaea. Sa
tombe porte en épitaphe les premiers vers de son poème Requiem composé à Hyères en 1884 :
« Under the wide and starry sky,
Dig the grave and let me lie,
Glad did I live and gladly die,
And I laid me down with a will. »
À rebours de ses contemporains naturalistes, la poétique de Stevenson est résolument anti-réaliste.
Elle privilégie les lois et les exigences de la fiction contre celles du réel, sans pour autant s'enfermer
dans une quelconque tour d'ivoire. D'une part, c'est en œuvrant en vue de l'efficacité du récit que
celui-ci pourra prétendre à fournir une représentation lisible du réel ; d'autre part, Stevenson
représente moins la réalité même du réel de façon descriptive, qu'il ne donne à lire les
représentations et les discours des êtres de ce monde : en témoigne la délégation récurrente du récit
à des personnages narrateurs, par lesquels Stevenson donne à lire moins le réel même que les
discours et les points de vue tenus sur ce réel. Souvent, ces discours sont ceux de la mauvaise foi,
du mensonges et de l'hypocrisie de ses contemporains de l'époque victorienne ; à l'inverse, le choix
d'un narrateur atypique est l'occasion de présenter un point de vue idéaliste et innocent. Dans les
deux cas, cette mise en scène de la narration exerce une fonction critique de cette époque
victorienne, qu'il revient au lecteur d'interpréter comme telle.
Ses nouvelles et romans d'aventure, romance et horreur manifestent une profonde intelligence de la
narration, de ses moyens et de ses effets. Stevenson est également un très lucide théoricien du récit
et de sa propre pratique, et quelques-uns de ses articles critiques, notamment Une humble
remontrance, constituent d'authentiques essais de poétique du récit. Stevenson exploite tous les
ressorts du récit : il procède à la multiplication des narrateurs et des points de vue en insérant dans
son récit mémoires ou lettres de personnages (L'Île au trésor, Le Maître de Ballantrae, L'Étrange
Cas du Dr Jekyll et de M. Hyde), ce qui a pour effet de donner des versions différentes de la même
histoire et de laisser ouverte l'appréciation des personnages et des événements comme la
signification même du récit. Ainsi, L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde s'achève
significativement sur la confession de Jekyll, sans que les narrateurs précédents ne reprennent la
parole, soit pour tirer le sens de cette aventure et des questions éthiques qu'elle pose, soit pour
accréditer ou réfuter la version des événements que donne Jekyll : au lecteur de décider. Stevenson
recourt souvent à des narrateurs à la compréhension limitée ou à des points de vue lacunaires (le
notaire et le chirurgien dans L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde), qui assurent un
suspense maximal et favorise une incompréhension initiale propice au fantastique, et mettent en
scène dans le même temps les limites étriquées de la compréhension scientiste des phénomènes
(ainsi de phénomènes fantastiques) ou l'hypocrisie et la mauvaise foi toute victorienne de son temps
(ainsi quant aux rapports fortement teintés d'homosexualité entre les personnages de L'Étrange Cas
du docteur Jekyll et de M. Hyde). Ce jeu narratif trouve son apogée avec les narrateurs indignes de
confiance, qui par leurs silences délibérés et leurs mensonges laissent des parts d'ombre et
d'ambiguïté dans le récit et requièrent un lecteur actif, susceptible de lire entre les lignes (Le Maître
de Ballantrae). Stevenson démontre également sa virtuosité formelle dans Les Nouvelles mille et
une nuits : ce recueil de nouvelles propose une seule histoire, mais éclatée en une série de récits,
chacun donnant une étape de l'histoire à laquelle est associée un personnage principal ; tout le jeu et
la prouesse reposent sur le grand écart que ménage Stevenson entre le récit autonome de chaque
nouvelle et la trame générale de l'histoire commune à chacune d'entre elles : chaque nouvelle
semble proposer un récit entièrement différent et finit par rejoindre et à faire progresser de façon
centrale l'intrigue principale.
L'art du récit de Stevenson se double d'une écriture extrêmement visuelle, propice aux scènes
particulièrement frappantes, au très riche pouvoir de suggestion et fortement symboliques : le duel
entre les deux frères dans Le Maître de Ballantrae, le piétinement de la fillette, le meurtre d'un
notable à coups de canne ou la métamorphose dans L'Étrange Cas du docteur Jekyll et de M. Hyde.
Selon un paradoxe qui n'est qu'apparent, cette visibilité de l'écriture stevensonienne passe par une
très grande économie de moyens, et le procédé repose davantage sur la suggestion à partir d'un très
petit nombre de détails que sur une description exhaustive qui serait moins efficace : là également,
Stevenson confie au lecteur un rôle actif. Stevenson a lui-même théorisé cette pratique dans ses
Essais sur l'art de la fiction, où il dévoile notamment comment une carte, objet visuel non narratif, a
fourni la matrice de l'Île au trésor. Cette maîtrise peut passer inaperçue dans la mesure où son
objectif n'est pas de se faire remarquer pour elle-même ni même d'innover pour innover, mais de
servir l'efficacité, la puissance et la signification du récit. Stevenson souffre de ce fait, surtout en
France où la notion d'avant-garde a largement déterminé le jugement esthétique, d'une réputation
d'auteur de romans d'aventure ou de récits fantastiques pour adolescents. Il ne faut pas s'y tromper :
il a été salué avec enthousiasme par les plus grands de ses contemporains et de ses successeurs,
Henry James qui le considérait comme le plus grand romancier de son temps, Marcel Schwob et
Alfred Jarry qui l'ont traduit, André Gide, Antonin Artaud (auteur d'un scénario adaptant Le Maître
de Ballantrae), Vladimir Nabokov qui fit cours sur L'Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, Jorge
Luis Borges (dont la préface de L'Invention de Morel, d'Adolfo Bioy Casares, reprend exactement
les thèses de l'article Une Humble remontrance), Italo Calvino, Georges Perec et plus récemment
Jean Echenoz.
Enfin, à la fin de sa vie, Stevenson fut l'un des premiers à décrire avec précision et fascination les
paysages et les mœurs des contrées du Pacifique. Ses nombreuses contributions littéraires et
sociologiques lui valurent l'estime des peuples du Pacifique. En pleine période du colonialisme
triomphant, il a défendu la cause des autonomistes contre les puissances coloniales, surtout une fois
installé à Samoa. Il a été honoré de la reconnaissance des habitants des Kiribati où son
débarquement, un 12 juillet, a été repris comme point de départ de l'indépendance, 90 ans après.
Aux Samoas, sur sa tombe, une épitaphe émouvante, le rappelle au souvenir des siens. La popularité
de ses récits n'a jamais baissé, et nombreuses sont les adaptations, aussi bien en livre ( à noter en
particulier les éditions pour jeunes illustrées par Pierre Joubert ou René Follet) qu'au cinéma.
Romans et nouvelles:
L'Île au trésor (Treasure Island, 1883), son premier grand succès, une histoire de pirates et de trésor
caché qui a été adaptée au cinéma plusieurs fois. Le livre est dédié à son beau-fils Lloyd Osbourne,
qui lui inspira l'idée de l'île, de ses mystères et de son trésor.
Le Voleur de cadavres (The Body Snatcher, 1884), un conte d'horreur basé sur un fait divers réel
Prince Othon (Prince Otto, 1885)
Dr. Jekyll et Mr. Hyde, (The Strange Case of Dr. Jekyll and Mister Hyde, 1886)
Enlevé ! (Kidnapped, 1886), les aventures du jeune David Balfour traqué dans les Highlands pour
son implication dans le meurtre d'Appin
Les Mésaventures de John Nicholson (The Misadventures of John Nicholson, 1887)
La Flèche noire (The Black Arrow: A Tale of the Two Roses, 1888)
Le Maître de Ballantrae (The Master of Ballantrae, 1889)
Un Mort encombrant (The Wrong Box, 1889) 30
Les naufragés de Soledad (The Castaways of Soledad, 1891), inachevé et posthume31
Le Trafiquant d'épaves (The Wrecker, 1892) 30
Catriona (Catriona, 1893), aussi connue sous le nom de David Balfour, il s'agit de la suite d'Enlevé !
Le Creux de la vague (The Ebb-Tide, 1894) 30
Herminston, le juge pendeur (Weir of Herminston, 1896), inachevé et posthume
St Yves, prisonnier d'Édimbourg (Saint-Ives, 1897), inachevé et posthume
Nouvelles
La Cave pestiférée (The Plague Cellar, écrit vers 1864, publié après sa mort)
Quand le diable était jeune (When the Devil was Well, écrit vers 1875, publié après sa mort)
Lettres édifiantes de la famille Rutherford (inachevé, commencé vers 1876, publié après sa mort)
Une chanson ancienne (An Old Song, écrit vers 1874, première nouvelle publiée de Stevenson en
1877)
Will du Moulin (Will O'the Mill, 1878)
Histoire d'un mensonge (The Story of a Lie, 1879)
Janet la revenante (Thrawn Janet, 1881)
Les Gais Lurons (The Merry Men, 1881)
Les Nouvelles mille et une nuits (New Arabian Nights, 1882)
Le Club du suicide (The Suicide Club)
Histoire du jeune homme aux tartelettes à la crème (Story of the Young Man with the Cream Tarts)
Histoire du médecin et du coffre de Saratoga (Story of the Physician and the Saratoga Trunk)
L'Aventure des fiacres (The Adventure of the Hansom Cabs)
Le Diamant du Rajah (The Rajah's Diamond)
Histoire du carton à chapeau (Story of the Bandbox)
Histoire du jeune ecclésiastique (Story of the Young Man in Holy Orders)
Histoire de la maison aux stores verts (Story of the House with the Green Blinds)
L'Aventure du Prince Florizel et d'un détective (The Adventure of Prince Florizel and a Detective)
Le Pavillon sur la lande (The Pavilion on the Links, 1880)
Un logis pour la nuit (A Lodging for Night, 1877)
La Porte du Sire de Malétroit (The Sire of Malétroit's Door, 1877)
La Providence et la guitare (The Providence and Guitar, 1878)
Le Dynamiteur (More New Arabian Nights: The Dynamitter, 1885), la suite des Nouvelles mille et
une nuits co-écrite avec sa femme Fanny Van de Grift
Le trésor de Franchard (The Treasure of Franchard, 1883)
Les pourvoyeurs de cadavres (The Body Snatchers, 1884)
Markheim (Markheim, 1885)
Les mésaventures de John Nicholson (The Misadventures of John Nicholson, 1887)
Olalla (Olalla, 1887)
La Magicienne (The Enchantress, écrit vers 1890, publié après sa mort)
Veillées des îles ((Island's Night Entertainments) recueil de nouvelles paru en 1893 comprenant :
La bouteille endiablée (The Bottle Imp, 1891)
Ceux de Falesa (The Beach of Falesa, 1892)
L'île aux voix (The Isle of Voices, 1893)
Thorgunna la solitaire (The Waif Woman, écrit en 1892, publié après sa mort)
Histoire de Tod Lapraik (The Tale of Tod Lapraik, 1893)
Fables (Fables, 1895)
Articles, essais, textes théoriques
Essais sur l'art de la fiction, textes rassemblés et édités par Michel Le Bris, Payot.
Une amitié littéraire. Correspondance Henry James - Robert Louis Stevenson, éd. Michel Le Bris,
Payot.
Lettre de Stevenson sur le Père Damien
Un roi barbare, essai sur H.D. Thoreau, Finitude, 2009.
Poésie
Le jardin poétique d'un enfant (A Child's Garden of Verses, 1885), recueil destiné à l'origine aux
enfants mais très populaire aussi auprès de leurs parents. Il contient les fameux « My Shadow » et «
The Lamplighter ». Ce recueil pourrait représenter une réflexion positive de l'enfance maladive de
l'auteur.Traduction française (et préface) de Jean-Pierre Vallotton: Jardin de poèmes pour un enfant,
édition bilingue, Hachette, Le Livre de Poche Jeunesse, collection Fleurs d'encre, 1992 et 1995.
Underwoods (1887)
Ballads (1890)
Songs of Travels (1896)
Essai
Une apologie des oisifs (An apology for idlers, 1877), essai philosophique qui fait l'éloge de
l'oisiveté contre l'acharnement au travail
Virginibus Puerisque (Virginibus Puerisque and Other Papers, 1881)
Sur les voyages
Voyage en canoë sur les rivières du Nord (An Inland Voyage, 1878), voyages à travers la France et
la Belgique. Édité par 10/18 en français à l'occasion du centenaire en 1978: La France que j'aime
(chapitre principal avec deux autres chapitres: « Voyage avec une palette et des pinceaux » sur la
forêt de Fontainebleau et ses peintres et « Voyage à travers les livres » sur quelques auteurs
français).
Voyage avec un âne dans les Cévennes (Travels with a donkey in the Cévennes, 1879), un des
premiers livres présentant la randonnée et le camping comme des activités de loisirs (il s'agit du
premier essai décrivant des sacs de couchage)
Les Squatters de Silverado (The Silverado Squatters, 1883), conclusion de son périple aux ÉtatsUnis décrivant sa vie en Californie durant sa lune de miel dans une mine désaffectée.
À travers les grandes plaines (Across the Plains, 1892), voyage qui s'effectua en train de New York
jusqu'à San Francisco
L'Émigrant amateur (The Amateur Emigrant, 1895), il s'agit ici de la 1re étape de son périple vers
l'Amérique, voyage de Glasgow jusqu'à New York en bateau à vapeur.
Œuvres documentaires sur le Pacifique
Dans les mers du Sud (In the South Seas, 1891), une collection d'articles de Stevenson et d'essais
sur ses voyages dans le Pacifique.
A Footnote to History: Eight Years of Trouble in Samoa (1892), traduit en français sous le titre de
Les Pleurs de Laupepa, Voyageurs Payot, 1995...

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