Pour une redéfinition de l`œuvre ludique
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Pour une redéfinition de l`œuvre ludique
Pour une redéfinition de l’œuvre ludique Le mot ludique est souvent employé de façon simpliste et galvaudée. Selon le sculpteur américain Mathew McConnell, il ne s’agit que d’un « autre mot qui échoue à décrire adéquatement quelque chose d’immensément complexe et indescriptible1 ». S’il y a lieu de condamner l’usage du mot ludique dans ses acceptions fautives, il serait judicieux d’en élargir la portée et de l’étendre à des notions de savoir-faire et surtout de savoir-être. Par Ariane Cloutier L e jeu est consubstantiel à toutes les sociétés humaines. D’innombrables artefacts prélevés dans divers sites archéologiques témoignent de rites associés à l’univers du ludus dès 5 000 ans av. J-C. La piste selon laquelle le jeu s’inscrit comme trait fondamental du comportement humain n’est donc pas réfutée et il est légitime de croire que certains caractères génétiques propres aux humains seraient liés aux aptitudes et attitudes ludiques. Lorsque nous parlons de jeu, nous faisons surtout référence au terme latin ludus associé à l’idée d’école et d’exercice, mais aussi (ludere) aux choses non sérieuses, d’où découle le terme ludique. Le terme ludique, actuellement en vogue, nous enchante et nous donne l’espoir de renouer avec le paradis perdu de l’enfance. Pour devenir fondamentalement éveillé sur les implications du terme ludique, ne conviendrait-il pas d’utiliser ce terme avec parcimonie et dans des contextes exclusivement porteurs de sens ? La redéfinition de l’œuvre d’art dite ludique est donc en cause. À cet égard, le projet doctoral Évaluation de l’expérience du jeu ludique au sein du processus de création en art contemporain actuel (Université Paris I – Panthéon-Sorbonne) permet d’établir un questionnement sur cette nouvelle esthétique du ludique en facilitant une interactivité et un échange au sein d’une communauté composée de quelque 55 artistes professionnels provenant de plus d’une vingtaine de pays. Anne-Catherine Becker-Echivard Les temps modernes. Ketchup 60 x 90 cm Courtoisie de l’artiste Les premiers résultats expliquent que le concept répond à des critères plus vastes que ceux suggérés par des définitions antérieures. Ils tiennent à des savoir-faire, mais surtout à des savoir-être. Des attitudes, telles que la curiosité, le goût pour le défi, la spontanéité, le sens de l’humour, l’initiative ou la recherche du plaisir (Ferland, 2003) y sont intrinsèquement liées. Marijn Van Kreij, artiste néerlandais en art visuel, mentionne que le jeu, c’est « un état d’âme qui permet d’être à la fois non linéaire, ouvert à l’inattendu ; cet état commande une attitude d’ouverture en général 2 ». Le jeu comme action n’est qu’un produit, il ne vaut rien ; il reste insipide tant qu’il ne découle pas d’un vrai processus, tant que le joueur ne devient pas jeu. 1 T raduction libre de l’anglais : Le ludique « is just another word that fails to adequately describe something immensely complexe and indescribable ». Mathew McConnell 2 T raduction libre de l’anglais : Play is : « an associative state of being, non-linear, open to the unexpected, a sense of openness in general ». Marijn Van Kreij 94 Marijn van Kreij Untitled, Untitled (Are We Down For The Same Cause) #1, #2, 2006-2009 Acrylique, encre, café, crayons et stylos sur papier Deux pages de papier, 29,7 x 21 cm chacune Courtoisie de la Galerie Paul Andriesse, Amsterdam. NOTES BIOGRAPHIQUES Ariane Cloutier est née à Québec (Canada). Elle vit et travaille à Paris (France). Après une formation en enseignement des arts plastiques et en psychologie (Canada), elle entame une spécialisation (Université Aix-Marseille I) dans le domaine des sciences de l’art. Ses recherches doctorales actuelles au sein du laboratoire ACTE (Université Paris I – Panthéon-Sorbonne) portent sur une analyse holistique et multidimensionnelle du phénomène ludique en art contemporain actuel. Ses centres d’intérêt concernent la neuroesthétique, l’art et la psychologie, les stratégies de création, l’esthétique holistique, le jeu et l’art. Elle est également commissaire d’exposition indépendante.