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E.S.G.A.E. Ecole Supérieure de Gestion et d’Administration des Entreprises REVUE CONGOLAISE DE GESTION Numéro 14 Juillet – Décembre 2011 Editions I S C E E.S.G.A.E. B.P. 2339 Brazzaville République du Congo Courriel : [email protected] Revue Congolaise de Gestion N°14 Revue Congolaise de Gestion N° 14 Revue semestrielle publiée par l’École Supérieure de Gestion et d’Administration des Entreprises Directeur de la publication : Pr. Roger Armand MAKANY © ICES, Janvier 2012 Z.A. de l’Apport Paris B.P. 32 91103 Corbeil-Essonnes Cedex France ISBN : 2-910153-66-5 ISSN : 1729-0228 Tous droits réservés. 2 Revue Congolaise de Gestion N°14 COMITE DE LECTURE Olivier Jean Marie GAUSSEN Jean Paul LOUIZOT Philippe MAKANY BOUSSIENGUE Odilon GAMELA NGINDU Bernard TERRANY Tadas SARAPOVA Célestin MAYOUKOU Hervé DIATA Théophile DZAKA-KIKUTA Thomas SILOU Louis BAKABADIO Fidèle MIALOUNDAMA Université de Caen, France Carm_Institute, France IUT de Cherbourg, France Université de Kinshasa, RDC IPAG, France University of Management and Economics, Lithuania Université de Rouen, France Université Marien Ngouabi, (UMNG), Congo UMNG – ESGAE, Congo UMNG – Ecole Supérieure de Technologie de Cataractes UMNG, Congo UMNG – Université Libre du Congo UMNG, Congo UMNG, Congo Université de Kinshasa, RDC UMNG – ESGAE, Congo UMNG – ESGAE, Congo Université de Kinshasa, RDC UMNG – ESGAE, Congo UMNG, Congo UMNG, Congo Université de Kinshasa, RDC Université Kongo, RDC Dominique MIZERE Gabriel KISSITA Séraphin MVUDI MATINGU Jacob SABAKINU KIVILU Sam’OVEY PANQUINA N’ZINGA LUYINDULADIO François KABUYA KALALA Béthuel MAKOSSO Serge IKEMI MUKOKO SAMBA TSHIUNZA MBIYE Antoine KAMIANTAKO MIYAMUENI Université Kongo, RDC 3 Revue Congolaise de Gestion N°14 Justin KAMAVUAKO Université Kongo, Institut DIWAVOVA Supérieur de Commerce RDC Xavier BITEMO NDIWULU Université Kongo, RDC Alphonse MVIBUDULU Institut Supérieur de KALUYITUKAKO Commerce, RDC Thomas MAKETA LUTETE Institut Supérieur de Commerce, RDC Tony LOLINGA LONGANGE Institut Supérieur de Commerce, RDC Patrick INKANHA Institut Supérieur de UNKATIKYE Commerce, RDC Casimir LUABENGA Institut Supérieur de KABENDULAMIRE Commerce, RDC 4 Revue Congolaise de Gestion N°14 SOMMAIRE Éditorial – Pr. Roger Armand MAKANY L’importation des vêtements de seconde main et compétitivité des micro-entreprises de couture au Congo-Brazzaville André MOULEMVO Analyse du marketing-mix du produit « Source eau Mayo » Claude LIPIKA L’impact de la stratégie sur le contenu des tableaux de bord : cas des entreprises au Maroc Azzouz ELHAMMA L’impact du micro-crédit sur la croissance organique des très petites entreprises camerounaises Alain TAKOUDJOU NIMPA et Léopold DJOUTSA WAMBA La problématique de l’émergence économique des pays en voie de développement Marcel MBALOULA Note sur le problème de financement des projets au Congo Dyanhy DIAZONZAMA Pages 007-008 009-033 035-056 057-077 079-105 107-118 119-126 5 Revue Congolaise de Gestion N°14 6 Revue Congolaise de Gestion N°14 EDITORIAL Pr. Roger Armand MAKANY L es fortes turbulences observées au niveau des marchés financiers européens ces derniers mois, avec la crise de l’euro, apparaissent comme le seul problème préoccupant au niveau mondial. On peut y croire, dans la mesure où l’intensification de la mondialisation économique affecte toutes les régions du monde par le jeu des relations internationales tant qu’économiques que financières. Pourtant, on note également, des faits particuliers et révélateurs des mutations socio-économiques qui se profilent au cœur du monde des entreprises et qui se poursuivent dans les pays africains. Leur importance est en corrélation avec à la question du développement économique de ces pays dont le défi majeur reste, finalement, le développement des entreprises compétitives sur les marchés domestiques et internationaux. Il s’agit là d’un thème crucial car il est consubstantiel à l’amélioration de la croissance économique et de la création de l’emploi. Déjà, cette préoccupation fut dans l’agenda de l’École Supérieure de Gestion et d’Administration des Entreprises qui, sur la base du contrat Banque mondiale-Esgae, a réalisé des études sur la Formation et l’emploi au Congo et les Obstacles et contraintes au développement des Petites et Moyennes Entreprises au Congo (avril 2011). On comprend donc pourquoi le présent numéro de la Revue Congolaise de Gestion a donné la voix aux spécialistes des questions de 7 Revue Congolaise de Gestion N°14 management des entreprises d’une part, et d’économie de développement, d’autre part, qui ont examiné certaines contraintes qui pèsent sur certaines entreprises africaines. Au delà de la question d’ordre théorique, mais très actuelle portant, sur l’émergence économique, la Revue Congolaise de Gestion a, une fois de plus, mis l’accent sur des thèmes combinant l’empirisme et la théorie, vision dictée par la réalité de l’entreprise africaine encore mal connue dans son environnement et qui constitue, par conséquent, un objet pertinent pour la recherche dans le cadre des sciences de gestion. Pr. Roger Armand MAKANY, Directeur de la publication – Directeur de l’ESGAE 8 Revue Congolaise de Gestion N°14 IMPORTATION DE VETEMENTS DE SECONDE MAIN ET COMPETITIVITE DES MICRO-ENTREPRISES DE COUTURE AU CONGO-BRAZZAVILLE André MOULEMVO Université Marien Ngouabi Brazzaville République du Congo Email : [email protected] RESUME La présente recherche se propose d’analyser l'impact de l’importation massive de vêtements de seconde main sur les micro-entreprises de couture au Congo Brazzaville. Le commerce mondial de vêtements d'occasion a connu un essor considérable, son chiffre d'affaires a dépassé aujourd’hui un milliard de dollars par an. Au Congo, la friperie représente 39,17% des produits industriels textiles importés. Afin d’atteindre l’objectif, une enquête a été menée auprès d’un échantillon de 34 couturiers choisis aléatoirement. Ces derniers ont pour la plupart observé une détérioration des aspects les plus essentiels du fonctionnement de leurs microentreprises. Ces résultats montrent donc que la friperie affecte le fonctionnement des micro-entreprises locales de couture, obligeant beaucoup d’entre elles à fermer leurs portes et poussant les travailleurs indépendants à passer dans des secteurs moins rémunérateurs de l'économie informelle. 9 Revue Congolaise de Gestion N°14 Mots clés : Vêtements de seconde main, micro-entreprises, friperies, Congo Brazzaville. Abstract This work analyses the impact of second hand massive garment import on the micro-sewing enterprise in Congo Brazzaville. The worldwide trade of second hand garment is on a considerable rise, its turnover exceeds one billion dollars per year. In Congo, the flea market represents 39,17% of the textile industry import. To achieve this objective, a survey had been conducted toward a sample of 34 countries chosen at random. These latter noticed the deterioration of the most essential aspects of the functioning of their micro enterprises. These results show that the flea market affect the functioning of local sewing-micro enterprises and obliging most of them to go bankrupt and incite the independent workers to go in vulnerable employment which is badly pay in the informal sector of the economy. Keys words: Second hand garment, micro-enterprises flea market, Congo Brazzaville 1-INTRODUCTION U ne conséquence immédiate de la libéralisation des échanges au niveau mondial est le développement du commerce mondial de vêtements d'occasion qui, selon les Nations Unies a été "multiplié par 10" entre 1990 et les années 2000, son chiffre d'affaires dépassant aujourd’hui un milliard de dollars par an (500 milliards FCFA). En Afrique, les vêtements d'occasion constituent, dans la majorité des cas, la garde-robe de gens ordinaires. Plus d'un quart des vêtements portés ici provient de la friperie. 10 Revue Congolaise de Gestion N°14 L’Afrique s’attend à un afflux encore plus massif de vêtements d’occasion avec l’entrée en vigueur des accords de partenariat économique (APE) que l’Union européenne (UE) négocie actuellement avec les 6 régions des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Ces accords appelés à remplacer le régime préférentiel non réciproque actuel, visent à promouvoir le développement économique régional par les échanges entre pays voisins, mais également à intégrer progressivement les pays ACP de chacune des régions dans l’économie mondiale (Van Der Steen & Danau, 2006). Le Congo Brazzaville n’est pas resté en marge du phénomène d’importation massive de friperie. Le marché de la friperie connaît aujourd'hui une véritable explosion à Brazzaville et dans l’ensemble du pays. Les vêtements de seconde main représentent 39,91% des produits industriels textiles importés dans le pays et semblent poser la problématique de l'efficacité des micro-entreprises du secteur textile. Cette situation nous conduit à nous intéresser à la question des effets de la friperie sur la production textile locale. L’étude du vêtement de seconde main suscite depuis peu un intérêt grandissant. De nombreuses études sur l’impact tant social qu’économique du commerce de vêtements de seconde main dans les pays en développement ont été réalisées au cours des dernières années, relevant tant des bienfaits que des méfaits de l’expansion rapide de ce commerce. Pour bon nombre d’études, le commerce de friperie comporte des conséquences graves sur les économies des pays africains et particulièrement sur leur industrie textile. À l'instar de l'aide alimentaire, il est de nature à dissuader la production locale. En effet, la pauvreté monétaire qui est ambiante au niveau de certaines couches de la population amène ces dernières à préférer les articles de friperie aux 11 Revue Congolaise de Gestion N°14 produits textiles fabriqués localement (Adjovi, 2006). L’afflux de vêtements usagés dans les années 1990 est souvent associé à la fermeture de la grande majorité des usines d'habillement et de tissu qui a occasionné des suppressions d’emploi estimées à 12.000 en Zambie, 20.000 au Zimbabwe, 7000 au Sénégal, 5.000 en Ouganda, 20.000 en Afrique du Sud. Le Mozambique, le Togo, la Côte d'Ivoire, le Ghana sont également très touchés (Quintana & Sanchez, 2004). Au début des années 1980, l'industrie textile occupait en termes d’emploi, la première place dans le secteur industriel du Kenya. Elle représentait 30% de la main-d’œuvre industrielle et impliquait plus de 200.000 ménages. Mais au début des années 90, cette industrie s'est effondrée en raison entre autres de facteurs tels que l’obsolescence du matériel, le manque d'investissements, la corruption, et l'indisponibilité d'intrants y compris l’électricité mais aussi l’importation de vêtements de seconde main, envisagée comme un déterminant fondamental à la cessation de la production locale de tissus et de vêtements (Mangieri, 2006). Dans d’autres études, le discours sur la menace que peuvent représenter les importations de vêtements usagés pour les industries textiles locales fait par contre l’objet d’un examen critique. C’est notamment le cas de Field (2004) pour qui, il est trop simpliste de considérer que« le commerce d'habillement d'occasion tue l’industrie de produits textiles et d'habillement ». De même, Hansen (2004) tout en reconnaissant que le commerce d'habillement d'occasion est vraisemblablement un facteur minant la production locale de textile et de l’habillement, montre que celle-ci souffre beaucoup plus des conséquences de l’environnement actuel globalement compétitif. Il n'est pas évident que la production locale récupérerait en l'absence du commerce d'habillement d'occasion surtout avec les nouvelles importations en 12 Revue Congolaise de Gestion N°14 provenance d’Asie, meilleur marché que les produits localement produits (Baden & barber, 2005). Field (2004) relève que dans le secteur informel du Zimbabwe la majorité des tailleurs et producteurs de vêtements ont affiché une neutralité sur la compétition avec le commerce des vêtements d’occasion. Pour eux, les vêtements d’occasion et l’habillement traditionnel sont deux marchés distincts. Le commerce des vêtements de seconde main présente des avantages clairs pour les consommateurs, en particulier pour ceux à faible pouvoir d'achat (Baden & barber, 2005). À court terme, les importations de vêtements de seconde main permettent aux populations de s’habiller à bas prix. Hansen (2004) analysant le cas zambien relève que pour les populations, ces vêtements sont les bienvenus dans le contexte actuel de pauvreté. La capacité de continuer à bien s’habiller, en dépit du déclin économique, est extrêmement importante pour la grande majorité des Zambiens. Le commerce des vêtements de seconde main soutient les vies des centaines de milliers de personnes dans les pays en voie de développement (Baden & barber, 2005). La friperie est fortement génératrice d’emplois, l’activité directe du tri génère en effet des emplois salariés sans qualification, et fait appel à des prestataires extérieurs pour laver et réparer les vêtements. La vente est elle-même pourvoyeuse de nombreux emplois dans les villes et les villages : grossistes, revendeurs, petits commerçants sur les marchés, tailleurs transformateurs de la fripe. 5 millions de personnes (sur une une population d'environ 30 millions) sont affectés directement ou indirectement par les échanges d'habillement d'occasion du Kenya, par l'emploi et les revenus produits (Field, 2004). Bien que n’ayant créé que des emplois précaires et instables (sans contrat de travail, sans droits, sans sécurité…) (Stommen & Hecquet, 2008), le commerce de 13 Revue Congolaise de Gestion N°14 vêtements d’occasion a eu un impact très positif sur l'atténuation de la misère au cours de la dernière décennie caractérisée par un climat économique dur (Field, 2004). L’importation de friperie génère d’importantes recettes fiscales pour le budget de l’État. Elle est taxée par les douanes congolaises au taux de 30% et constitue à cet effet un sujet de discussion dans le cadre de la mise en œuvre des APE qui prévoient une réduction considérable du taux d’imposition. Comme la farine de blé, les cigarettes, la friperie est considérée comme un produit sensible par les gouvernements africains GRET, (2005). Cette revue de littérature suggère que l’impact de la friperie sur l’industrie textile varie d’un pays à un autre et d’une étude à une autre. On note cependant que le cas du Congo Brazzaville où la filière textile ne compte que des micro-entreprises de couture n’est pas été étudié. C’est ce que la présente recherche se propose de faire en tentant de répondre à la question de recherche suivante : En quoi l’invasion du marché du textile par les vêtements de seconde main, conséquence de la libéralisation de l’économie, modifie t-elle les conditions économiques et sociales des microentreprises de couture au Congo Brazzaville ? La présente recherche a pour but de vérifier l’hypothèse selon laquelle la prolifération de la friperie affecte les aspects les plus essentiels du fonctionnement des micro-entreprises de couture. L’information nécessaire à notre réflexion est recueillie au moyen d’une recherche documentaire ainsi qu’une série d’entretiens avec des couturiers de Brazzaville (un échantillon de taille 34 couturiers) et les responsables de l’Agence Nationale de l’Artisanat (ANA). 14 Revue Congolaise de Gestion N°14 2- CADRE DE L’ETUDE 2-1 : Mondialisation et commerce de vêtements de seconde main Le commerce de l'habillement d'occasion en Afrique coloniale a commencé après la première guerre mondiale avec un afflux de surplus d’uniformes militaires embarqués par les marchands de vêtements usagés en Europe et dans les régions de production aux États-Unis (Hansen K. T., 2000). Dans la période post-indépendance, un accent particulier avait été mis, dans bon nombre de pays d'Afrique sur l’augmentation de la production domestique de tissus et vêtement pour le marché local. Ayant adopté des politiques de substitution des importations, les pays d’Afrique noire ont pour la plupart interdit l'importation d'habillement d'occasion en vue de protéger l’industrie naissante. Les politiques néo-libérales mises en œuvre à l’échelle mondiale depuis une vingtaine d’années ont provoqué l’accélération rapide du phénomène de mondialisation dont les principales caractéristiques sont : intégration des économies; souveraineté du marché international libéralisé et déréglementé; extrême mobilité des capitaux, des biens et des marchandises; délocalisation de la production suivant le principe de «l’avantage comparatif»; augmentation de la productivité et des gains; renforcement du pouvoir des pays créanciers, des multinationales, des institutions financières et de certaines élites; transfert de la souveraineté des Etats/nations à des instances supranationales, (Touré, 2002). En Afrique, c’est dans le cadre des réformes économiques sous forme de programmes d’ajustement structurel (PAS), mis en œuvre au début des années 1990 sous l’impulsion du FMI et de la Banque Mondiale que les politiques néo-libérales ont été adoptées. Depuis cette libéralisation et en raison de la paupérisation des populations, la reprise des articles déjà usagés est devenue un fait social 15 Revue Congolaise de Gestion N°14 généralisé dans tout le Continent. Le marché de seconde main s’est étendu à la quasi totalité des produits modernes (voitures, frigos, ordinateurs, médicaments…) (Touré, 2002 ). C’est ainsi qu’une grande quantité de vêtements de seconde main y est exportée par des fripiers privés des États-Unis, d’Europe de l'ouest et du Japon qui les achètent à des prix dérisoires auprès des organisations à but social. Selon des données fournies par les Nations unies, aujourd'hui le chiffre d'affaires du commerce de vêtements de seconde main a dépassé un milliard de dollars par an (Baden & Barber, 2005). L’Afrique subsaharienne est l’une des premières destinations des vêtements de seconde main. Elle en a reçu en 2001 pour une valeur de 405 millions de dollars (30% des exportations totales du monde), contre 117 millions de dollars en 1990 (Mangieri, 2006). Comme le montre le tableau ci-dessous, ces vêtements représentent ici 26,8% des textiles importés. En 2002, les seuls États Unis d’Amérique y ont exporté de l'habillement d'occasion pour une valeur de 59.3 millions dollars (Dougherty, 2004). Tableau 1 : place de la friperie dans les importations de textiles dans différentes régions du monde (2003 en valeur) Région Europe de l’est + ex URSS Asie de l’est + pacifique Amérique latine et caraïbes Moyen orient et Afrique du nord Asie du sud Afrique subsaharienne Source: (Baden & barber, 2005) % 4,7 0,7 3,8 2,2 15,5 26,8 En Afrique, les vêtements d'occasion constituent, dans la majorité des cas, la garde-robe de gens ordinaires. Plus 16 Revue Congolaise de Gestion N°14 d'un quart des vêtements portés ici provient de la friperie. Après cette brève présentation du commerce mondial de vêtements de seconde main, intéressons-nous au cas particulier du Congo Brazzaville. 2-2 : Le marché congolais du vêtement de seconde main Relativement peu important dans les années 80, le marché de la friperie connaît aujourd'hui une véritable explosion au Congo Brazzaville. Venant des grands pays fournisseurs à l'instar de l'Europe occidentale (Belgique, France, Pays-Bas, Allemagne et Italie) et de l'Amérique du Nord, la friperie représente 39,91% des produits industriels textiles importés dans le pays (cf. tableau 2). Tableau 2 : importations des produits industriels textiles au Congo Brazzaville 2002 2003 friperie en quantité (tonnes) 6 858 6 395 friperie en valeur (millions de F CFA) 4 954 3745 Total Produits industriels textiles (en volume) 14025 17498 Total textiles (en valeur) 11 901 12 230 Friperie en pourcentage du Total des textiles (en volume) 48,90 36,55 Friperie en pourcentage du Total des textiles (en valeur) 41,63 30,62 Source : (CNSEE, 2007) 2004 2005 7691 7979 4034 3949 18535 19990 12236 13675 41,49 39,91 32,97 28,88 17 Revue Congolaise de Gestion N°14 De plus en plus de congolais sont spécialisés dans le commerce des vêtements de seconde main. Des marchés entiers sont spécialisés dans la friperie (Bouemba à Brazzaville et fond Tié-tié à Pointe noire, par exemple). Dans les grands marchés des principales villes du pays, des zones entières sont occupées par des vendeurs de friperie. C’est notamment le cas pour le marché Total, le grand marché de Brazzaville. Des points de vente bordent les rues et avenues des villes. En somme la friperie est devenue un véritable phénomène de société au Congo. * * * Si jusqu’au milieu des années 80, les congolais, adeptes de la « sape 1» prisaient les vêtements de mode de fabrication française ou italienne, aujourd’hui, la grande majorité fait recours à la friperie. Selon des résultats d’une enquête, à Brazzaville 5,6% des chefs de ménage affirme n’acheter que des habits neufs pour eux-mêmes, pour leur épouse ou pour leurs enfants. 15,9% affirme acheter des habits à la friperie pour eux-mêmes, pour leur épouse ou pour leurs enfants. 84% les achète indifféremment à la friperie ou neuf pour eux-mêmes, pour leur épouse ou pour leurs enfants (Mbandza, 2004). Ces données et celles relatives à d’autres localités du Congo sont présentées dans le tableau ci après : 1 SAPE : « Société des Ambianceurs et des Personnes Élégantes ». C’est une pratique populaire née à la fin des années 1960, chez les jeunes. Il s’agissait de se distinguer en portant des vêtements de luxe (BazenguissaGanga, 2005). 18 Revue Congolaise de Gestion N°14 Tableau 3: types d’habits achetés par les ménages en pourcentage, selon la localité. Types Brazzaville Mouyondzi Vindza Lékana d’habits Neufs 5,6 2,8 1,2 3,2 Friperies 15,9 73,2 96,2 87,3 Neufs ou 84,5 14 2,6 9,3 friperies Source : Grepolis, cité par (Mbandza, 2004) La croissance du commerce de biens d’occasion a conduit les chercheurs à se préoccuper de la motivation des consommateurs. Bon nombre de ceux-ci, affirment que le développement des circuits d’occasion est dû à la baisse du pouvoir d’achat des classes moyennes (Razzouk & Gourley, 1982) (Sherman, McCrohan, & Smith, 1985). Pour eux, le bas prix est le premier facteur d’attractivité des vêtements de seconde main. Au Cameroun par exemple, 89% de la population se jette sur les produits de la friperie à cause de leur facilité et de leur prix d'autant plus que le salaire mensuel du moins nanti est de 37.000 FCFA (Fodouop, 2006). Cependant, si jusqu’à un passé récent, on considérait que les habitués des points de vente des habits d’occasion étaient en majorité des ménages à faibles revenus, tandis que les classes sociales élevées demeuraient des consommateurs occasionnels (Roux, 2002), la situation a complètement changé au cours des dernières années. Aujourd’hui, étudiantes, fonctionnaires, chefs de famille, patrons d'entreprises ou modestes salariés, personne ne rechigne à s'habiller des vêtements de seconde main. D’autres facteurs pourraient donc expliquer l’engouement autour des vêtements de seconde main. Il s’agit notamment de : 19 Revue Congolaise de Gestion N°14 L’attrait des grandes marques : Levis, Lacoste, Wrangler et autres, inabordables neuves y sont offertes. Au pays de la « sape », cela représente un facteur déterminant de l’attractivité des habits d’occasion en milieux jeunes. En effet, les congolais de Brazzaville attachent du prix à l’habillement considéré depuis toujours, comme le symbole de la réussite sociale (Samba, 2003). “Il faut paraître même si l’on est pauvre”. La qualité : les vêtements d’occasion sont, selon de nombreux consommateurs meilleurs et plus durables que les habits neufs venant d’Afrique de l’ouest, d’Asie ou encore vite faits dans des ateliers de couture locaux. Le marché des vêtements de seconde main est donc florissant au Congo Brazzaville. Analysons à présent son impact sur les micro-entreprises de couture. 3- MATERIELS ET MÉTHODES Commençons par présenter le secteur textile dont les entreprises représentent la population de notre étude. 3-1 : La filière textile à Brazzaville Dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de substitution des importations, le Congo s’est doté dans les années 60 et 70 d’une industrie textile représentée par la société textile du Congo (SOTEXCO) et son extension, l’usine de tissus synthétiques (UTS) ainsi que l’unité d’impression de tissus IMPRECO. Après la fermeture de toutes ces entreprises, la filière textile n’est plus représentée que par des ateliers de couture exerçant dans l’informel pour la plupart. Ceux-ci sont, selon des estimations de l’Agence Nationale de l’Artisanat à plus 87% des petits ateliers (bas de gamme) c'est-à-dire occupant une personne et ayant un équipement réduit à sa plus simple expression (une seule machine à coudre) et des ateliers moyens (employant de 2 à 6 20 Revue Congolaise de Gestion N°14 personnes équipé de deux machines au moins). On ne compte que quelques grands ateliers (haut de gamme) employant 7 personnes et plus et ayant un équipement relativement complet et légèrement sophistiqué. D’après des données recueillies auprès du service de l’assiette fiscale de la mairie de Brazzaville, il existerait actuellement, 480 ateliers de couture repartis comme suit : Tableau 4 : Ateliers de couture par arrondissement à Brazzaville (2005) Arrondissement nombre d’ateliers de couture recensés 1 30 2 37 3 163 4 42 5 53 6 56 7 99 Total 480 Source : mairie de Brazzaville Sans doute, ces statistiques sont aléatoires puisque, par sa nature, le secteur informel échappe à tout contrôle. On estime à 55% le nombre de petits ateliers ayant échappé aux agents de la mairie. En réalité Brazzaville compterait plus de 1000 ateliers. 3-2 : Collecte des données Pour tenter de vérifier notre hypothèse de travail, nous avons mené une enquête courant octobre-novembre 2008. En prenant comme base le fichier du service de la recette fiscale de la mairie de Brazzaville, nous y avons sélectionné un échantillon aléatoire de 40 couturiers. Sur eux, seuls 21 ont 21 Revue Congolaise de Gestion N°14 accepté de répondre à notre questionnaire. À l’issue de cette première sélection, la question de représentativité de l’échantillon s’est posée. Le plus gros des couturiers (les couturiers de quartier en particulier) relevant d’un secteur informel difficile à cerner quantitativement et qualitativement n’est pas répertorié et l’échantillon s’est trouvé en grande partie constituée de moyens et grands ateliers. Aussi avonsnous ajouté à celui-ci 13 tailleurs de quartier pour la plupart rencontrés accidentellement. 34 ateliers font donc partie de notre échantillon. Voici quelques unes de leurs caractéristiques en commençant par leur répartition géographique : Tableau 5 : répartition géographique des répondants Arrondissement 1 Nombre de répondants 4 Répondants en % 11,76 2 3 8,82 3 5 14,71 4 8 23,53 5 6 17,65 6 2 5,88 7 6 17,65 Total 34 100,00 29,41% de ces ateliers sont spécialisés dans la couture dames, 23,52% dans la couture hommes et 47,05% de couture mixte. Six d’entre eux sont classés dans le groupe des grands ateliers, dix dans le groupe des moyens et 18 dans celui des petits ateliers. 22 Revue Congolaise de Gestion N°14 Les principales questions posées aux couturiers sont les suivantes : Estimez- vous que l’importation massive des « solas2 » a eu un effet sur les résultats de votre entreprise ? Comment la situation économique de votre entreprise at-elle évolué au cours des dernières années? Quels sont les types de vêtements qui ont le plus souffert de la venue des habits d’occasion ? Sur quels habits portent actuellement les commandes de vos clients ? Votre entreprise a-t-elle réagi aux changements intervenus sur le marché du textile ? Pensez vous que l’Etat doit prendre des mesures visant à limiter l’entrée de la friperie sur le territoire national ? Nous avons en plus eu des entretiens avec les responsables de l’Agence Nationale de l’Artisanat (ANA) à qui nous avons posé des questions sur l’évolution de la filière. * * * 4- RESULTATS Les principaux résultats obtenus à l’issue de l’enquête sont les suivants : - À la question “Estimez- vous que l’importation massive des « solas » a eu un effet sur les résultats de votre entreprise ? « 88,23% des micro-entreprises répondent par l’affirmative » (cf. tableau ci-dessous). 2 Appellation locale des vêtements de seconde main. 23 Revue Congolaise de Gestion N°14 Tableau 6 : Effets des « solas » sur l’activité des ateliers Couture dames Pas d’effet Faible effet Effet important Total Couture hommes Haut de gamme Autres ateliers Haut de gamme 1 2 1 1 4 1 Couture mixte Total Autres ateliers Haut de gamme Autres atelier s 1 2 5 4 14 2 5 9 16 2 8 2 6 2 14 34 Source : notre enquête, 2008 Les habits ayant le plus souffert de l’extension du commerce de friperie sont les chemises, les pantalons, les robes, etc. - La friperie ne profite pas aux couturiers, 61,76% des répondants déclarent ne pas constater une augmentation considérable de demande de réparation de vêtements d’occasion ; - La quasi totalité des ateliers bas de gamme ainsi que quelques ateliers moyen de gamme de couture homme et mixte déclarent réaliser une grande partie de leur chiffre d’affaires grâce à la confection d’uniformes funéraires et de tenues scolaires (en début d’année scolaire) ; - De nombreux ateliers de couture hommes ont dû s’adapter à la nouvelle situation en passant à la couture mixte. 9 des 16 ateliers de couture mixte visités l’ont fait ; - La plupart des apprentis (plus de 60%) dans les ateliers visités sont de sexe féminin ; 24 Revue Congolaise de Gestion N°14 - 85,29% des répondants estiment que l’État devait au moins limiter, sinon interdire l’entrée des habits d’occasion sur le territoire national. Notre entrevue avec les responsables de l’ANA a quant à elle révélé une réduction considérable du nombre de couturiers donc une chute de l’emploi dans la filière sans toutefois nous permettre d’obtenir des statistiques fiables. 5- DISCUSSION Bien qu’il soit difficile de faire la limite entre les effets du textile asiatique et ceux des vêtements d’occasion, les résultats obtenus suggèrent que les micro-entreprises de couture du Congo Brazzaville sont fragilisées par la mondialisation, plus particulièrement par l’une de ses manifestations les plus visibles, la progression continue du commerce de vêtements de seconde main. Ces résultats obtenus vont dans le sens de notre hypothèse de travail. Contrairement à Field (2004) et à de nombreuses autres études qui présentent une vision globalement positive du commerce de friperie, nos résultats montrent plutôt des conséquences multiples et multiformes du commerce de friperie sur l’activité couture. On peut notamment relever : - L’effondrement de la production en raison d’une faible compétitivité. Déjà fortement affectés par les importations de vêtements neufs fabriqués en Afrique de l’ouest à partir de textiles chinois, les ateliers de couture sont de moins en moins compétitifs. La couture est en effet demeurée une activité rudimentaire sinon artisanale du fait de l’utilisation massive de la seule machine à coudre à pédale. Seuls quelques rares ateliers des deux plus vieux arrondissements de Brazzaville (Poto Poto et Bacongo) sont bien équipés. Ce sous- équipement explique l’incapacité des micro-entreprises à se lancer dans une production en série qui permettrait de réduire les coûts qui y sont d’ailleurs très élevés. Le tableau 25 Revue Congolaise de Gestion N°14 suivant donne les tarifs de confection de quelques types d’habits (à ceux-ci il faut ajouter le prix du tissu). Tableau 7 : tarifs pratiqués par les ateliers moyen de gamme de couture de Brazzaville Produit Montant (FCFA) Robe complexe 10 000 Ensemble jupe-veste 35 000 Costume 40 000 Pantalon doublé 8 000 Contre veste 15 000 Source : notre enquête, Brazzaville, 2008 La friperie offre un bien meilleur rapport qualité-prix que le neuf confectionné dans les ateliers locaux. Le prix d’un pantalon y dépasse rarement 3000 FCFA et celui d’un costume 10000 FCFA. La quasi-totalité des couturiers spécialisés dans la couture hommes et mixte estiment qu’avec l’arrivée des « solas », leur production de chemises et de pantalons s’est complètement effondrée et que les habits pour enfants ont complètement disparu de leurs ateliers. Cependant les ateliers de couture dames ont moins souffert de l’invasion des vêtements de seconde main. Les camisoles, jupes en pagnes africains traditionnels portés par la plupart des femmes et qui ne sont pas proposés par les fripiers font encore l’objet d’une assez forte demande. La demande augmente d’ailleurs avec l’arrivée massive de pagnes africains imprimés en Asie. Il en est de même pour le créneau tenu de cérémonie occupé surtout par des ateliers haut de gamme. Malgré la pauvreté, les congolais dans leur grande majorité se font encore confectionner des tenues neuves pour des cérémonies telles que le mariage. 26 Revue Congolaise de Gestion N°14 - La conséquence de cette baisse de régime est une chute des revenus des couturiers. De nombreuses micro-entreprises réalisent désormais une bonne part de leur chiffre d’affaires grâce aux retouches, mais surtout grâce à la confection d’uniformes funéraires en pagnes africains et d’uniformes scolaires. En effet, depuis quelques années, la confection d’uniformes en pagnes africains destinées à identifier les membres de la famille éprouvée lors des cérémonies d’inhumation est devenue une pratique courante. En Afrique, la famille est une institution multiple (le mariage est par exemple une alliance non pas de deux personnes mais de deux lignages, voire deux clans). En conséquence, le nombre de personnes devant être habillés pour chaque décès se chiffre en dizaines. Il convient toutefois de relever que les prix pratiqués sur ce genre d’habits est assez bas (1000 à 2000 FCFA pour une chemise par exemple), ce qui ne permet pas aux couturiers de couvrir pleinement le manque à gagner. Avant l’arrivée de la friperie, un couturier travaillant seul pouvait, avec une production moyenne journalière de deux pantalons et deux chemises se créer un revenu mensuel de 200000 -250000 FCFA. Actuellement c’est à peine qu’il peut atteindre 150000 FFCA. En plus, en ce qui concerne les uniformes funéraires, ils doivent être livrés dans des délais relativement courts, poussant ainsi les couturiers à blanchir des nuits. Cela dénote d’une détérioration de la qualité de leur travail. Les uniformes scolaires sont une autre issue de secours pour les couturiers. Cependant leur confection est saisonnière et n’intervient qu’en début d’année scolaire, en septembre et octobre. L’autre conséquence est la chute du nombre d’ateliers et donc de l’emploi. Comme d’ailleurs la grande majorité des petits métiers, la couture a connu une évolution rapide entre 1960 et le début des années 1980, en raison d’une croissance rapide de la population urbaine, due à un important exode 27 Revue Congolaise de Gestion N°14 rural et une croissance démographique rapide. Alors que le nombre de citadins augmentait au rythme de 6% par an, l’accroissement des emplois offerts dans le secteur formel ou secteur moderne était largement plus faible. Très vite, la demande d’emplois est apparue supérieure à l’offre, entrainant le développement du chômage. Cette situation a conduit à l’émergence et à l’essor du secteur informel dont une des principales activités était la couture. Selon les données du recensement général de la population et de l’Habitat (1984), elle employait 7535 personnes. La ville de Brazzaville avec près du tiers de la population du Congo comptait presque les 70% des ateliers de couture (Samba, 2003) et donc plus de 5000 emplois dans la couture. Depuis le milieu des années 90, comme nous l’ont déclaré les responsables de l’Agence Nationale de l’Artisanat (ANA), de nombreux ateliers ont fermé leurs portes, frappés par l’arrivée massive du prêt à porter d’occasion. Les anciens couturiers se sont tournés vers d’autres activités. Actuellement, en l’absence de toute statistique on pourrait, sur la base d’une moyenne de 3 personnes par atelier répertorié et 1,5 personnes dans les autres et estimer à 2400 le nombre de personnes (maitre et apprentis) exerçant dans la couture. Un segment a été particulièrement touché : le tailleur de quartier qui confectionnait des pantalons, chemisettes, et autres vêtements sur mesure. Il ya donc une chute considérable de l’emploi et qui plus est un effritement de l’intérêt des jeunes à se lancer dans la couture. Une plus grande orientation féminine de l’activité. Alors que le métier de couturier était traditionnellement exercé par des hommes, on rencontre désormais dans la ville de plus en plus de couturières. 32,5% des ateliers répertoriés par la mairie sont dirigés par des femmes. On relève par ailleurs une plus grande attractivité de l’activité auprès des jeunes filles que de jeunes garçons. En raison de la demande encore forte 28 Revue Congolaise de Gestion N°14 des vêtements en pagnes africains pour dames, de nombreux ateliers même dirigés par des hommes se spécialisent dans la couture dame et mixtes. Une présence de plus en plus importante de couturiers étrangers et principalement ouest-africains, particulièrement dans le troisième arrondissement, où réside une importante communauté ouest-africaine. La mode venue de l’Afrique de l’ouest (les grands boubous, broderies) est déjà entrée dans les mœurs des congolais. Le commerce des vêtements seconde main pourrait avoir des conséquences sur les perspectives de développement dans la mesure où les micro-entreprises de couture comme l’ensemble des activités de production du secteur informel ont un rôle largement reconnu dans le développement de l’Afrique. Celui-ci Il représente en effet une source de créativité, d'esprit d'entreprise et un terrain fertile d'apparition d'une éthique du travail fondée sur une forme nouvelle d'autonomie qui pourrait, en fin de compte, constituer la base solide de développement durable3. Le secteur informel est un lieu majeur de professionnalisation de ses membres. Il reste encore aujourd’hui le seul lieu d’acquisition de leur métier pour la très grande majorité des auto-employés et des responsables des micro- et petites entreprises (Walther, 2006). 6- CONCLUSION La présente étude a permis d'identifier les principaux effets de l’importation de vêtements de seconde main sur les micro-entreprises de couture. La friperie, un des aspects les plus visibles de la libéralisation est devenue, depuis le début des années 1990 un véritable phénomène social au Congo tout comme dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. Il 3 Marchés Tropicaux, 14 Mars 1997. 29 Revue Congolaise de Gestion N°14 ressort des résultats de l’étude que la libéralisation de l’économie représente des contraintes et des défis aux populations travaillant dans les différents secteurs de l’économie des pays africains et le textile en particulier. Même s’il a permis aux populations de s’habiller à moindre coût et de créer des emplois, le commerce de vêtements de seconde main a des conséquences néfastes sur le secteur informel, notamment sur ses activités de production dont le rôle dans le développement de l’Afrique a été largement reconnu. Au Congo, comme on vient de le montrer, les importations massives de friperie ont affecté le secteur de la confection et mis au chômage des couturiers. Elles ont entrainé un transfert d'emploi stable vers l'emploi informel, une destruction d’une partie de la production locale et et son remplacement par l'équivalent en emploi informel avec des conditions de travail et un gain beaucoup moins bons. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. 2. 3. 4. 5. 30 Adjovi, E. (2006), L'Accord de Partenariat Economique et pauvrete au Benin: une analyse à l'aide d'un MEGC selon le principe de micro-simulation. 15th PEP Research Network General Meeting, Addis Ababa: PEP. Baden, S., & barber, C. 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Abstract The National Compagny (NC) PLASCO supplies the Brazzaville market with “Source Eau Mayo”, mineral water. This drinking water introduced in the competitive reval market imposes PLASCO to set up a marketing-mix strategy in order to keep the pace in the leadership. However, to make 35 Revue Congolaise de Gestion N°14 it possible, weaknesses of the current marketing-applied needs to be improved and redirected. At this regard, the obstacles are still remarkable at the level of advertising or the publicity as well as the price of products. Keys words: Marketing-mix, mineral water, product, price, publicity-advertising, communication 1- INTRODUCTION A u début des années 2000, le marché des biens et des services congolais, particulièrement, Brazzaville, capitale du Congo, a connu l’émergence des entreprises privées de conditionnement et vente d’eau embouteillée et d’eau dite "purifiée". Cette émergence s’explique par l’insatisfaction des consommateurs par rapport à la mauvaise qualité et à la distribution inefficace de l’eau produite par la Société Nationale de Distribution d’Eau (S.N.D.E.) qui demeure en situation de quasi-monopole sur le marché congolais de l’eau. Parmi les nouvelles entreprises, on compte la Société Nouvelle des Plastiques du Congo (en sigle SN PLASCO) qui offre sur le marché national le produit "Source Mayo", connu sous le nom de « Eau Mayo », première eau de source embouteillée en Afrique Subsaharienne. Pour sa production, « l’eau mayo » est captée à 200 mètres de profondeur à partir d’une nappe souterraine profonde, de type captive, dont le toit se situe à 152 mètres de profondeur avec un débit moyen de 40m3/ heure. Sur le plan hydrogéologique, l’eau Mayo provient de la chaîne du Mayombe qui traverse le bassin sédimentaire de PointeNoire, la capitale économique, localisée au sud-ouest du Congo. L’eau Mayo jouit d’une série de contrôles réguliers et rigoureux, tant sur le plan physico-chimique que 36 Revue Congolaise de Gestion N°14 bactériologique. Ces contrôles sont effectués de façon parallèle par deux laboratoires; le centre régional des Eaux de Lille Institut Pasteur et le laboratoire de PLASCO. Les analyses effectuées sur place sont confirmées par la Direction Générale de l’Hygiène et de la Santé publique et elles sont conformes aux normes exigées par l’Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.) pour les eaux et boissons et elle justifie de la norme de qualité ISO 9001 : 2000. Bien que leader sur le marché des eaux embouteillées et offrant un produit de qualité, la SN PLASCO est confrontée à une concurrence grandissante sur le marché de Brazzaville dont l’effectif de la population est d’environ 1,5 million d’habitants. Parmi les concurrents on note la présence des marques congolaises et étrangères suivantes constituant le marché principal: Eau Mayo, Cristal, Okiéssi ; Evian, Volvic, Eau Perrier, Contrex, Hepar, Taillefine, Canadian pur, Eau purifiée. Face à l’intensité de la concurrence, la nécessité de mettre en pratique une stratégie marketing s’est imposée à la SN PLASCO. Cette stratégie est axée sur la valorisation de son produit, la stabilisation de son prix, la redynamisation de ses canaux de distribution et la promotion du produit par une communication de masse avec un message adapté à la cible. Il s’agit là de la pratique du marketing-mix qui est une démarche permettant l’application cohérente des quatre variables fondamentales (les 4 « P » de Jérôme Mc Carthy) : Le produit (Product); Le prix (Price); La distribution (Place); La communication (Promotion). Au regard de l’engouement que suscite l’Eau Mayo sur la marché domestique congolais, toutefois, concurrentiel 37 Revue Congolaise de Gestion N°14 dynamique, nous avons voulu analyser le marketing-mix du produit Source Mayo à Brazzaville. Dans ce cadre, la question suivante constitue la problématique de notre étude : La consommation de l’eau minérale Source Mayo à Brazzaville serait- elle due à une application concrète du marketing mix ? En d’autres, les ventes de l’Eau mayo se réalisent-elles grâce à une mise en œuvre efficace du marketing mix ? La question de l’émergence économique s’inscrivant dans la stratégie de développement national du Congo repose sur le développement des entreprises nationales compétitives. Pour ce faire, au niveau des entreprises, les bonnes pratiques de gestion ou de management doivent connaitre une utilisation optimale garantissant l’efficacité des activités stratégiques. 1- ASPECTS METHODOLOGIQUES DE L’ETUDE 2.1. Hypothèses et objectifs de l’étude Par rapport à notre problématique, l’étude s’appuie sur les hypothèses suivantes. Le marketing mix ne détermine pas la consommation de l’eau minérale Source Mayo, car ses messages publicitaires ne sont pas orientés vers le public cible. Par ailleurs, la consommation de l’eau minérale Source Mayo se fait grâce à sa notoriété : leader et plus ancienne sur le marché, elle se consomme uniquement de génération en génération. L’objectif général de notre étude consiste à emmener l’entreprise à améliorer la pratique de son marketing mix face à une concurrence croissante. De cet objectif général découle des objectifs spécifiques qui visent à : Montrer les faiblesses du marketing mix de la SN PLASCO; 38 Revue Congolaise de Gestion N°14 Proposer les stratégies pour améliorer le marketing mix de la SN PLASCO. 1.2. CONCEPT ET TYPOLOGIE DES MARCHES Généralement, le marché est un lieu de rencontre entre l’offre et la demande d’un produit. Mais, Au sens du marketing, un marché est un groupe de consommateurs qui possèdent des caractéristiques communes en termes de besoins, de désirs et qui constituent donc les acheteurs actuels ou potentiels, présents ou futurs d’un produit spécifiques. Dans ce cadre, selon Albertini T. (2005), le marché est formé par : des clients actuels de l’entreprise constituant le marché de l’entreprise ; des clients actuels des entreprises concurrentes par rapport auxquels il convient de mener des actions marketing pour « arracher » ces clients de la concurrence ; des non-consommateurs relatifs ou clients potentiel : ce sont des consommateurs qui n’achètent pas le produit actuellement mais qui sont susceptibles de le faire plus tard. Ils constituent une cible des efforts marketing. Des non-consommateurs absolus : ces derniers n’achètent pas et n’achèteront jamais le produit de l’entreprise considérée, pour des raisons d’ordre physique, économique ou philosophique. Ces aspects conceptuels théoriques et classiques nous permettent de distinguer le concept de marché défini du point de vue des produits à partir duquel on perçoit de façon nette le lien entre marché et concurrence. De ce point de vue, on identifie cinq types de marchés : 1) le marché principal constitué d’un ensemble des produits semblables au produit étudié et directement concurrent ; 2) le marché générique composé d’un ensemble des produits semblables et directement concurrents au produit du marché ( Exemple : le 39 Revue Congolaise de Gestion N°14 produit « transport » est le marché générique du marché principal du chemin de fer) ; 3) le marché environnant qui est un marché comprenant l’ensemble des produits différents du marché principal mais répondant aux mêmes besoins et satisfactions que ceux du marché principal et qui inclut les produits de substitution ; 4) le marché support qui concerne l’ensemble des produits dont la présence est nécessaire à la consommation du produit étudié ; 5) le marché complémentaire : il concerne l’ensemble des produits auxquels recourt le marché principal. 1.3. Concept de marketing-mix « Le marketing-mix est le choix, le dosage et la combinaison des moyens avec lesquels l’entreprise souhaite agir sur le marché» (Chirouze, Y. 2007). Parfois traduit par « plan de marchéage » ou « politique de marchéage »), il désigne l'ensemble cohérent de décisions relatives aux politiques de produit, de prix, de distribution et de communication des produits d'une entreprise ou d'une marque. Il est désigné par l’expression « les quatre P » qui sont les composantes du marketing-mix et qui ont été introduites dans la « science marketing », en 1960, par Jérôme McCarthy (Chirouze Y., 2007). Il s'agit du (de la): produit (Product) ; prix (Price) ; distribution (Place) ; communication (Promotion). À cela s’ajoute la force de vente qui est considérée actuellement comme un essentiel du marketing mix. Selon Zeyl A. (1986), la force de vente est formée essentiellement des personnes qui contribuent dans la construction de l’offre jusqu’au client final ou au client intermédiaire. Ils fonctionnent aussi comme des agents de communication en assurant le contact direct d’homme à homme. 40 Revue Congolaise de Gestion N°14 D’autres éléments intègrent le marketing, tel le cinquième P, le Packaging (« emballage »). Toutefois il ne concerne que les produits physiques, excluant les services qui représentent désormais une grande part dans les échanges commerciaux, mais qui ne nécessitent évidemment pas des emballages. De plus en plus, la légitimité du modèle des 4P tend à être remise en cause, en ce qui concerne les services pour lesquels le modèle présente des insuffisances. Le nouveau modèle des 7P en vigueur (Berry, 1985 ; Eiglier et Langeard, 1987) tient compte des spécificités de la "servuction" (création d'un service) qui sont l'intangibilité, mais aussi l'hétérogénéité et le caractère périssable de ceux-ci. Ainsi, en plus des quatre catégories habituelles (Product, Price, Place et Promotion), le nouveau modèle intègre les variables suivantes : Process : il est caractérisé par l'interaction qui existe entre l’entreprise et le client (ex: accueil, conseil, horaires d'ouverture etc.) ; People : il désigne les capacités de la force de vente (ex: présentation, formation, etc.). Physical evidence ou « Physical support » (support physique) : ce sont les composantes matérielles du magasin (ex: vitrine, organisation des rayons etc.), du service (ex: Rapport Annuel pour un expert-comptable; relevé de compte, carnet de chèque, ou carte bancaire pour une banque), ou identifiant le personnel, qui fait partie intégrante de la production pour un service (ex: uniforme ou tenue du personnel). Dans le cadre de cette étude, l’ancien modèle du marketing mix, les 4P (Product, Price, Place, Promotion) a été pris comme référence. L’échantillon de convenance (Kotler, Ph. ; Dubois B., 2009) utilisé dans le but de cerner les problèmes qui caractérisent le markéting-mix de la SN 41 Revue Congolaise de Gestion N°14 PLASCO. Le caractère essentiellement qualitatif de l’enquête, sous-tendant l’étude, correspond à aux objectifs fixé. 2. PRESENTATION BREVE DE LA SN PLASCO ET DE SON MARKETING-MIX La Société Nouvelle des Plastiques du Congo est une société anonyme à caractère industriel et commercial. Elle exerce son activité dans le domaine du conditionnement d’eau dans des bouteilles et des sachets. Le capital de la société, 500 millions de FCFA se répartit entre la part minoritaire de l’Etat congolais (10%) et celle de Société PLASCO (90%). 3.1. La politique de produit i). Le nom du produit Les éléments pris en compte dans la politique de produit sont le nom du produit et le conditionnement et l’emballage. L’eau minérale offerte sur le marché porte le nom de "Source Mayo" ; le terme mayo vient du nom "Mayombe", zone forestière du sud du Congo. Toutefois, elle est plus connue sous le nom Eau Mayo. ii). Le conditionnement et l’emballage : L’eau mayo est conditionnée dans différentes dimensions à savoir : Le sachet de 0,5l : commercialisé niveau de la ville de Pointe-Noire, la capitale économique ; La bouteille de 0,33l : créée, à l’origine, en réponse à la demande de la Compagnie Aérienne Air France KLM. Aujourd’hui, la bouteille de 0,33l s’avère adaptée aussi pour les enfants qui vont à la maternelle ; La bouteille de 0,6l : créée pour les conférences ; 42 Revue Congolaise de Gestion N°14 La bouteille de 1 ,5l : elle constitue la première quantité existante depuis la conception du produit ; elle adaptée pour la consommation individuelle La bombonne de 6l : créée en réponse à la concurrence générée par l’arrivée sur la marchée du concurrent CRISTAL qui a lancé, sur le marché les bidons de 5 et 10L, fortement appréciés par les consommateurs. La fontaine de 19l : créée pour les entreprises, mais elle intéresse aussi les ménages. Le conditionnement des « produits Mayo » (à l’exception des sachets) comprend, depuis les années 2006, des bouchons rouges, des étiquettes de couleur cyan rouge bleu, et, l’eau embouteillée se présente très limpide par la transparence de la bouteille. Par ailleurs, il existe deux types d’emballage des bouteilles d’eau mayo qui le différencie des produits concurrents et qui facilite son transport : 1) les packs constitués essentiellement d’un sachet très résistant comprenant huit (8) bouteilles pour les 0,33l et les 0,6l et 6 bouteilles pour les 1,5l ; et 2) le carton qui existe uniquement pour les 1,5 litre, il est constitué de 12 bouteilles de 1,5 litre. iii). Les caractéristiques physico-chimiques L’eau Mayo provient d’une couche sableuse, couverte et protégée par plusieurs couches imperméables d’argiles. L’eau Mayo est une eau de couleur limpide, inodore et un PH (20) de 7,60 (neutre). Elle est composée de chlorures, Sulfates, Phosphates, Calcium, Magnésium. iv). Qualité du produit De par son origine géologique, l’eau Mayo est captée à grande profondeur sur le site de l’usine de Pointe-Noire dans une nappe souterraine, semi-artésienne, s’écoulant de la 43 Revue Congolaise de Gestion N°14 chaîne du Mayombe vers la mer en direction du Sud-ouest. Cette nappe profonde est protégée par trois couches principales imperméables d’argile, alternées avec des couches siliceuses qui lui assurent une filtration naturelle de grande qualité. Elle est une eau de source faiblement minéralisée, aussi elle se diffuse rapidement dans l’organisme en favorisant l’élimination des excès d’acide urique et des cristaux générateurs des calculs de reins. Elle est une eau légère, pure et sans nitrates. Elle est recommandée pour les utilisations domestiques de boissons nécessitant l’eau. L’eau Mayo est régulièrement contrôlée et de manière rigoureuse tant sur le plan physico-chimique que bactériologique. Ces contrôles sont effectués en parallèle par deux laboratoires ; le Centre Régional des Eaux de Lille Institut Pasteur (analyse trimestrielle) et le laboratoire PLASCO (analyse journalière). Les analyses effectuées sur place sont confirmées par la Direction Générale de l’Hygiène et de la Santé Publique. 2.2. La politique des prix Le tableau ci-dessous présente les différents conditionnements du Produit "Source Mayo" avec les prix respectifs. Tableau 1: Prix de l’eau Mayo selon le type d’emballage Descriptif La bouteille de 0233 litre Le pack de 8 bouteilles de 0,33 litre La bouteille de 0,6 litre Le pack de 8 bouteilles de 0,6 litre La bouteille de 1,5 litre Le pack de 6 bouteilles de 1,5 litre Carton de 12 bouteilles de 1,5 litre Le bidon de 6 litre La fontaine de 19 litre Prix (FCFA° 200 1800 250 200 400 2350 4600 1500 4500 (avec vidange) 150000 (sans vidange) Source : données d’étude 44 Revue Congolaise de Gestion N°14 La formation des prix des produits de la SN PLASCO prend en compte les facteurs classiques les coûts de production, le besoins de rentabilité, la qualité du produit, l’image du produit et le public ciblé. Du point de vue de la concurrence locale, les prix de vente de l’eau mayo sont sensiblement élevés en fonction des points de vente. Par rapport au challenger dans le secteur de l’eau minérale, eau Cristal, cette différence est très nette. En effet, les bidons de 5 litres de Cristal coutent 1000 FCFA tandis que ceux de l’eau Mayo de 6 litres coutent 1500frs ; les bouteilles de 1,5 litre de l’eau Mayo coute 500 FCFA, celle de Cristal, 400 FCFA. 2.3. La politique de distribution L’eau Mayo est un produit vendu en Afrique centrale, particulièrement en Angola et en République démocratique du Congo, après la république du Congo. Dans ce cadre, la SN PLASCO applique une stratégie de distribution exclusive et sélective, à partir de ses cinq (5) distributeurs exclusifs (pou lesquels nous n’avons pas pu obtenir des informations), des semi-grossistes. La SN PLASCO utilise deux types de canal de distribution. On note le canal direct ou très court, en distribuant directement l’eau auprès des consommateurs finaux que sont les entreprises. Ainsi, le SN PLASCO assure la livraison de l’eau directement à Air France KLM. La SN PLASCO utilise le canal court en distribuant l’eau auprès des semi-grossistes qui, par définition, revendent aux détaillants et les détaillants aux consommateurs finaux. Elle possède des points de ventes (dépôts) qui offrent le produit aux détaillants. 2.4. Communication la SN PLASCO La SN PLASCO applique la communication hors média et la communication média pour la promotion et la 45 Revue Congolaise de Gestion N°14 vente. La communication hors média repose sur les éléments suivants : Le slogan : « Mayo, ma famille » ; Le sponsoring : la SN PLASCO sponsorise beaucoup d’activités entre autres : l’élection Miss Congo, et les activités sportives organisées au niveau de Brazzaville, Le mécénat : la SN PLASCO a réfectionné trois écoles dans la ville, elle a fait des dons de blouses et des bouteilles d’eau mayo au service pédiatrique dans les hôpitaux; Les peintures murales : des alimentations et des magasins sont peints en logo de l’eau Mayo. Les portes documents : ils sont distribuer auprès des clients, des portes documents contenant des informations sur la présentation de l’eau mayo, la composition de l’eau mayo, ses caractéristiques physico-chimiques, sont distribués aux clients ; Les véhicules : tous les véhicules de distribution de la SN PLASCO sont peints en logo de l’eau mayo. Par contre, la communication média de la SN PLASCO, qui a un site internet, se fait par les publicités diffusées par les chaines de radios et de télévisions locales, les panneaux publicitaires. Les exemples de messages publicitaires diffusés se présentent de la manière suivante : o Un Monsieur rentre à la maison après une longue journée de travail reçu par sa femme qui lui offre de l’eau mayo et à la seconde suivante, il est rempli d’énergie et met sa tenue de sport pour jouer seul au stade. o Un couple roulant en voiture, mais qui tombe en panne. Un homme passant dans sa voiture prend la femme à bord. Furieux l’infortuné consomme l’eau mayo puis, démarre la voiture qui en roulant se transforme en robot et bloque le passage au ravisseur, la femme étonnée entre de nouveau dans le véhicule; 46 Revue Congolaise de Gestion N°14 o Un enfant à la plage qui joue avec une bouteille d’eau mayo à ces cotés. Un avion se transforme en robot et vient prendre de l’eau auprès de l’enfant, il en consomme puis s’en va ; o La norme de qualité ISO 9001 :2000 : des bouteilles se trouvent dans une salle et des phrases apparaissent sur l’écran concernant le processus de fabrication, le conditionnement, Puis c’est le cachet ISO qui apparaît sur l’écran et les bouteilles dansent pour célébrer cet événement. 3. ANALYSE DES RESULTATS 4.1. Produit et prix Graphique 1 : Consommateurs absolus Consommateurs absolus 9% 6% 43% Source mayo Cristal Canadian pur SNDE 42% Ce graphique présente les individus qui ne consomment qu’une marque de produit. Sur un effectif total de 100%, nous avons 43% des consommateurs de l’eau Mayo, 42% des consommateurs de Cristal, 6% des consommateurs de Canadian pur et 9% des consommateurs d’eau de la SNDE. Il existe une clientèle fidèle à l’eau Mayo. Toutefois, certains clients des consommateurs mixtes : 13 dénombrés 47 Revue Congolaise de Gestion N°14 pour Source Mayo et Cristal et 5 pour Source Mayo et Cristal. 3.2. Le nature de produit Eau Mayo consommé et les prix des produits Parmi les types de produits d’eau Mayo qu’offre, la bouteille de 1,5 litre est plus consommée (soit 49% de l’échantillon). En ce qui concerne le prix, les opinions des consommateurs ne reflètent pas l’unanimité, comme le révèle les informations suivantes : Graphique 2 : Appréciation du prix Appréciation du prix par les consommateurs 6% Trop cher Moins cher Autres (abordables) 41% 53% Indécis 0% En ce qui concerne les prix pratiqués par la SN PLASCO, 53% des consommateurs pensent qu’ils sont trop élevés par rapport à ceux de Cristal ; par contre 41% pensent que les prix sont abordables. 48 Revue Congolaise de Gestion N°14 Graphique 3 : Relation qualité/prix Appréciation de la relation qualité/prix par les consommateurs 28 30 25 20 18 effectif 15 10 5 5 0 oui non indécis S’agissant de la relation qualité/prix, 18 individus pensent que les prix de l’eau mayo reflètent la qualité du produit, tandis que 28 individus ont une opinion contraire. Il s’agit là des positions classiques des consommateurs face à un produit offert sur le marché. 3.3. Communication Sur 51 enquêtés, 70,59% ont déjà suivi les publicités de l’eau mayo, 11,76% ne l’ont pas suivi et 9 soit 17,54% sont restés indécis. Parmi les 36 enquêtés, 6 pensent que la publicité de l’eau mayo est nulle, 6 estiment qu’elle est insuffisante, 8 la jugent passable, 10 la trouvent moyenne, 4 pensent qu’elle est assez-bien et 2 bien. À propos des messages publicitaires de l’eau mayo, les opinions se présentent de la manière suivante : pour certains, l’eau mayo est énergétique, elle est une eau de qualité, elle est à consommer après un effort physique soit 30%; 49 Revue Congolaise de Gestion N°14 pour d’autres, les publicités ne font passer rien de bon, le message n’est pas compris et les mises en scènes sont nulles 60% ; 10% des enquêtés sont restés indécis. Graphique 4 : Relation produit/publicité Appréciation de la relation image du produit/publicité 0% 33% oui non indécis 67% Pour ce qui est la relation entre l’image du produit et des publicités faites pour le produit, 67% des enquêtés pensent que les publicités de l’eau mayo ne reflètent pas l’image qu’ils ont du produit. Elles ne cadrent pas avec le produit et qu’il y a aucun lien entre le produit et les publicités faites pour le produit. 33% des enquêtés sont restés indécis. Concernant les affiches publicitaires, 29 enquêtés les ont déjà vues, 9 ne les ont pas remarquées et 12 sont restés indécis. Parmi les 29 enquêtés les ayant remarquées, 3 pensent qu’elles sont insuffisantes, 5 jugent qu’elles sont passables, 7 trouvent qu’elles sont moyennes, 12 les trouvent assez bien et 2 pensent qu’elles sont bien. S’agissant de la visibilité de l’eau mayo sur le marché brazzavillois, 5 individus soit trouvent que l’eau mayo est peu visible, 19 pensent qu’elle est moyennement visible, 19 pensent qu’elle est très visible et 6 sont restés indécis. 50 Revue Congolaise de Gestion N°14 4. PROBLEMES MAJEURS ET SUGGESTIONS 4.1. Problèmes Le marketing-mix de la société SN PLASCO examiné à travers les 4-P est caractérisé par plusieurs problèmes. Malgré les actions menées en matière de publicité, la norme ISO des vertus du produit n’est pas suffisamment valorisée en tant que facteur clé de succès de l’entreprise par rapport à d’autres concurrents dont la qualité du produit n’est pas certifiée. Sur le marché, les prix de vente varient considérablement au niveau de ses distributeurs et des semigrossistes; ce qui constitue un facteur de dissuasion au niveau des consommateurs non informés sur les différents prix du produit. Les circuits de distribution ne sont pas efficaces du fait des longues distances qui existent entre l’entreprise et les détaillants. 4.2. Suggestions Afin de corriger les faiblesses de la société au niveau de son marketing-mix, les actions correctives méritent d’être mises en œuvre. i). Politique de produit La SN PLASCO devrait mettre l’accent sur le produit en valorisant ces qualités et vertus de façon continue, de présenter les avantages de la consommation de l’eau mayo plutôt qu’une autre marque par le biais de l’expérience de l’entreprise dans le domaine et de la norme ISO du produit. ii).Politique de prix L’entreprise ne doit pas se contenter de vendre le produit aux distributeurs; elle doit veiller à ce que les distributeurs respectent les prix recommandés car une 51 Revue Congolaise de Gestion N°14 mauvaise politique de prix des distributeurs a un impact considérable sur l’image de l’entreprise et de son produit. Pour ce faire, elle devrait effectuer des descentes de suivi auprès des distributeurs pour veiller au respect des prix de vente pour une éventuelle stabilisation. À ce stade du cycle de vie du produit, phase de maturité caractérisée par la faible croissance du chiffre d’affaires, et face à une concurrence sur le marché domestique, l’action sur la variable prix nécessite une attention particulière. iii). Politique de distribution Afin de satisfaire au mieux ses clients privilégiés, les entreprises et les supers marchés, livrent directement le produit à ces derniers. Certes, l’utilisation de plusieurs canaux de distribution présente bien des avantages tels que la réduction des coûts de stockage et les risques commerciaux (une lenteur dans l’écoulement de la marchandise peut affecter les échéances des fournisseurs), il n’en reste pas moins qu’elle a aussi des effets négatifs tels que l’absence et/ou l’insuffisance des services après vente, le prélèvement d’une marge trop élevée pour les services rendus, l’intervention des grossistes éloigne les détaillants des producteurs. iv). Politique de communication Malgré son partenariat dans des différents événements, la communication de l’eau Mayo reste peu incitative. Certains slogans manquent de pertinence. Le contenu du slogan de l’eau mayo devrait être orienté vers l’apport de l’eau mayo dans l’organisme et de l’expérience de l’entreprise dans le secteur. À cet effet, la proposition de slogan suivante peut être expérimentée : 52 Revue Congolaise de Gestion N°14 «L’eau Mayo : une source de pureté pour votre corps». des peintures murales qui sont une initiative à encourager et peuvent favoriser la visibilité du produit dans la ville. L’entreprise devrait cibler des points stratégiques tels que l’avenue de la paix qui est une avenue principale de la ville, l’avenue des 3 martyrs, l’avenue de l’OUA. elle devrait multiplier les diffusions médiatiques, des actions sociales, promotions, jeux concours effectués au niveau national. la publicité non seulement qu’elle suscite l’achat, mais elle doit aussi rassurer le consommateur après l’achat. Les publicités de l’eau mayo n’assurent aucune de ces deux fonctions, car les résultats de notre enquête montrent que l’eau mayo se consomme par sa notoriété sur le marché. Le message que devrait faire passer l’entreprise pour le produit doit être centré sur le bien être. Les consommateurs pourraient avoir à l’esprit que : « Boire de l’eau mayo chaque jour, c’est boire une eau pure et naturellement minéralisée qui entretient la jeunesse de votre corps». En outre, l’entreprise doit concevoir ses publicités sur l’historique de l’entreprise avec toutes les évolutions apportées sur le produit et les technologies de production. On aurait, non seulement, des publicités qui montrent l’importance d’une eau pure, mais, en aussi, l’importance de l’eau Mayo dans la vie quotidienne, et cela, pour tous les générations. Pour les sportifs, au lieu de mettre en scène une personne seule au stade, l’entreprise peut mettre en scène une équipe qui s’entraine et qui consomme l’eau mayo pour avoir plus d’énergie et être les meilleurs. Par ailleurs, au-delà des consommateurs nationaux, l’entreprise peut cibler une autre catégorie de consommateurs 53 Revue Congolaise de Gestion N°14 particuliers, notamment, les étrangers résidents au Congo, en mettant en exergue la norme ISO du produit dans les publicités. Cette action aurait un impact important du fait que la norme ISO signifie que l’eau mayo, non seulement, elle respecte les normes de l’OMS et du ministère de l’Hygiène et de la Santé publique, mais, elle répond, aussi, aux normes internationales de qualité pour les eaux embouteillées au même titre que les eaux minérales importées telles que Evian, Volvic. * * * Pour ce qui est de la publicité présentant un robot prenant l’eau à un enfant pour la consommer, l’entreprise pouvait mettre en scène deux enfants qui se disputent une bouteille d’eau mayo, et un robot intervenant pour leur offrir, chacun, une bouteille d’eau Mayo. L’entreprise devrait aussi intégrer les personnages célèbres, les artistes dans les publicités Pour le site Internet qui n’est pas mis à jour, nous avons comme message d’accueil « L’eau c’est la vie » qui est connu de tous. La société pouvait la remplacer par le slogan de l’eau Mayo. Pour rendre plus effectif le site, l’entreprise devrait : actualiser le site, fournir des informations nécessaires sur le produit, les prix, les points de vente et les actions commerciales mises en œuvre (dons, sponsoring, jeux concours, tombolas, etc., documenter les archives du site, apporter un peu plus d’informations sur l’historique de la société, et, fournir des informations sur la part de marché du produit, les tendances du marché. La SN PLASCO devrait, avant toute conception publicitaire ou promotion, mener une étude de marché pour connaître au mieux les attentes des consommateurs, en vue de satisfaire au maximum leurs besoins et désirs. Elle pourrait 54 Revue Congolaise de Gestion N°14 aussi consulter une agence de publicité pour une bonne conception publicitaire. 5- CONCLUSION Les entreprises congolaises sont considérées dans une qui nécessiterait, par rapport à la concurrence étrangère, un protectionnisme éducateur selon l’économiste allemand F. List. En politique commerciale de libre-échange, toutes les entreprises s’inscrivent dans la logique de recherche de la compétitivité à travers la maîtrise des bonnes pratiques en management et, particulièrement, la bonne gestion des facteurs clés de succès. Pour la SN PLASCO offrant le produit «Source Mayo», ces exigences passent par la bonne gestion du marketing mix. L’analyse de cet outil nous a permis de constater certaines faiblesses au niveau de ces composantes, notamment au niveau de la communication et/ou de la publicité. Les suggestions proposées pourront permettre à l’entreprise de conserver sa position concurrentielle. Reste que, d’un point de vue de l’essentiel pour cette étude, l’absence des statistiques sur les populations des consommateurs constitue une carence ayant empêché une analyse plus poussée, relative aux études quantitatives. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Berry (1985), Eiglier et Langeard (1987), Résumé sur le marketing mix, http:// www.cultureco.com. 2- Boulocher, V. ; Flambard, S., et Sabine J., (2006, Septembre), Analyse d’un marché, 2ème édition, Vuibert 3-Drucker, P. (1999°, L’avenir du Management, Village Mondial, Paris, 55 Revue Congolaise de Gestion N°14 4-Drucker, P., (1970), Bien connaitre votre affaire et réussir, Les Editions d’Organisation et Editions Eyrolles. 5-Lovelock (1996), Résumé sur le marketing mix, http:// www.cultureco.com. 6-Albertini T. (2003), Dictionnaire de marketing, Paris, Vuibert, page 100-101 7-Chirouze, Y. (1991), Le marketing, tome 1, Chotard et Associés, 8-Chirouze Y., (2007), Le marketing : études et stratégies, Ellipses Edition Marketing, 2ème édition 56 Revue Congolaise de Gestion N°14 L’IMPACT DE LA STRATEGIE SUR LE CONTENU DES TABLEAUX DE BORD : CAS DES ENTREPRISES AU MAROC Azzouz ELHAMMA Professeur agrégé en gestion financière et comptable Docteur en contrôle de gestion, UFR : EDG, FSJES Rabat-Agdal E-mail : [email protected] RESUME Durant ces dernières décennies, les systèmes de mesure de la performance, notamment les tableaux de bord, ont fait l’objet de plusieurs travaux de recherche dans les pays développés. Or ce type de recherches reste encore trop limité dans plusieurs pays en développement comme le Maroc par exemple. Cet article examine les indicateurs intégrés dans les tableaux de bord de 62 entreprises installées au Maroc et leur influence par la stratégie. Les résultats de cette recherche montrent que les tableaux de bord tendent à devenir plus « équilibrés » et se rapprochent du balanced scorecard lorsque la stratégie s’oriente vers la prospection. Mots clés : Tableaux de bord – Prospectrices – Analystes – Défenderesses – Stratégie – Balanced scorecard. 57 Revue Congolaise de Gestion N°14 Abstract During the last decades, the performance measurement systems are studied by a several researches in the developed countries. This type of researches is still absent in several developing countries such as Morocco for example. In this context and from the results of an empirical research, this article examines the performance measurement systems of the 62 Moroccan firms. The principal results of this research show that the prospective strategy is identified as factor which tends to foster a more balanced approach. Key words: “Tableaux de bord” – Prospectors – Analysts – Defenders – Strategy - Balanced scorecard. 1-INTRODUCTION O n assiste actuellement à ce qui est souvent appelé « crise » de contrôle de gestion (Bouquin, 1996). Cette crise touche notamment ses outils classiques dont les tableaux de bord centrés exclusivement sur le suivi des résultats financiers. Pour cette raison, le modèle du balanced scorecard (BSC) a vu le jour. Ce modèle intègre en plus des indicateurs financiers, des indicateurs non-financiers. Or, ces tableaux de bord dits « équilibrés » ou « différenciés » ne sont pas adoptés par toutes les entreprises. Plusieurs recherches ont démontré, dans le cadre de la théorie de la contingence, que le contenu des tableaux de bord dépend de plusieurs facteurs organisationnels comme la stratégie par exemple. Dans ce contexte, la question suivante s’impose: la stratégie a-t-elle un impact significatif sur le caractère plus ou moins équilibrés des tableaux de bord des entreprises au Maroc? Nous allons essayer de répondre à cette question dans le cadre de la théorie de la contingence. 58 Revue Congolaise de Gestion N°14 L’objectif de ce travail de recherche est double. Il consiste, en premier lieu, à identifier le contenu des tableaux de bord utilisés par les entreprises au Maroc pour évaluer leur « équilibrage » et, en deuxième lieu, à déterminer l’impact de la stratégie sur le contenu des tableaux de bord. Une définition des tableaux de bord et leur équilibrage et un essai d’explication de la diversité relative aux tableaux de bord par le facteur stratégie et une présentation de nos choix méthodologiques sont nécessaires pour mener l’analyse statistique et de présenter les principaux résultats obtenus. 2. CADRE CONCEPTUEL ET FORMULATION L’HYPOTHESE DE Avant d’analyser l’impact de la stratégie sur le contenu des tableaux de bord (1.2), il nous paraît essentiel de définir notre champ d’analyse qui réside notamment dans le concept des tableaux de bord (1.1). 2.1. Les tableaux de bord et leur équilibrage Selon Bouquin (2001, pp. 397-398), le tableau de bord se définit comme un instrument d’action composé d’un « ensemble d’indicateurs peu nombreux (cinq à dix) [sont intégrés] pour permettre aux gestionnaires de prendre connaissance de l’état et de l’évolution des systèmes qu’ils pilotent et d’identifier les tendances qui les influenceront sur un horizon cohérent avec la nature de leurs fonctions ». Plusieurs chercheurs insistent sur l’importance des tableaux de bord dits « équilibrés ». Des indicateurs de qualité, des mesures sociales, des indicateurs orientés clients et des indicateurs orientés processus doivent être également retenus pour compléter les mesures financières. Ces indicateurs non financiers permettent d’assurer la réactivité organisationnelle 59 Revue Congolaise de Gestion N°14 (Chiapello et Delmond, 1994) et contribuent à la transversalité (De Montgolfier, 1994). Pour ces raisons, plusieurs types de tableaux de bord ont vu le jour. Le BSC est certainement le système de mesure de la performance le plus connu sur le plan international (Bourguignon et al. 2002). Il a été développé par Kaplan et Norton (1992) aux Etats-Unis au début des années 1990. Il intègre en plus des indicateurs financiers, des indicateurs non-financiers qui sont regroupés autour de quatre axes : l’axe financier (mesurant le niveau et l’évolution des performances financières de l’entreprise) ; l’axe « client » (qui regroupe les indicateurs qui permettent d’évaluer ce qui génère une satisfaction présente ou future du client) ; l’axe « processus internes » (il s’agit de s’interroger sur la façon dont la gestion des opérations et des processus peut contribuer à fournir un avantage concurrentiel à l’entreprise) et l’axe « innovation & apprentissage organisationnel » (qui concerne essentiellement la façon dont on gère les moyens humains et les savoirs en vue d’atteindre les objectifs stratégiques définis précédemment). Dans le cadre de la théorie de la contingence, l’adoption des tableaux de bord dits « équilibrés » et qui se rapprochent du BSC dépend de quelques facteurs organisationnels et environnementaux et qui sont essentiellement la taille, la stratégie, la décentralisation organisationnelle, l’environnement externe, etc. (Chapman, 1997). Dans cette recherche, nous allons étudier l’impact de la stratégie sur la différenciation des indicateurs intégrés dans les tableaux de bord. 2.2. Impact de la stratégie sur le contenu des tableaux de bord La relation entre la stratégie adoptée par une entreprise et son système de mesure de la performance a fait 60 Revue Congolaise de Gestion N°14 l’objet de plusieurs travaux de recherche. Govindarajan et Gupta (1985), Simons (1987), Govindarajan (1988) et Govindarajan et Fisher (1990) ont démontré que la stratégie joue un rôle primordial dans l’élaboration des systèmes de contrôle de gestion. Nanni et al. (1992) ont affirmé que les firmes devaient accroître le degré de corrélation entre leurs stratégies et les indicateurs de performance pris en compte dans la construction des systèmes de mesure de performance, mais la question qui se pose est la suivante : quels tableaux de bord pour quelle stratégie ? Les travaux de recherche qui ont essayé de répondre à cette question n’ont pas donné des résultats convergents. Cauvin et Bescos (2004) n’ont pas validé l’hypothèse selon laquelle les entreprises poursuivant une stratégie de différenciation utilisent plus d’indicateurs non financiers que les entreprises développant une stratégie de domination par les coûts. Par contre, Miles et Snow (1978) ont démontré que les entreprises prospectrices adaptent leur système de mesures de performance à leur stratégie, elles optent généralement pour des indicateurs non financiers dans leurs systèmes de mesure de la performance. Par contre, les entreprises défenderesses seraient beaucoup plus attirées par les mesures de performance financières. Dans le même sens, Shank, Govindarajan et Spiegel (1989) ont mis en évidence que les entreprises adoptant une stratégie de domination par les coûts utilisent des indicateurs plus financiers. Par ailleurs, les entreprises poursuivant une stratégie de différenciation adoptent plus des indicateurs non financiers. Abernethy et Lillis (1995) obtiennent des résultats qui vont dans le même sens que les études précédentes. Selon ces auteurs, les entreprises adoptant une stratégie qui se rapproche d’une stratégie de prospection adoptent moins d’indicateurs financiers au profit d’indicateurs de nature plus 61 Revue Congolaise de Gestion N°14 qualitative ou non financière. Ces résultats sont confirmés par Pereira et al. (1997). Gosselin et Dubé (2002), à la suite d’une étude portant sur un échantillon de 101 entreprises manufacturières canadiennes, ont trouvé, quant à eux, une corrélation significative négative entre le type de stratégie défenderesse et les mesures de performance non financières. Par contre, les entreprises poursuivant une stratégie de type « prospecteur » adoptent de plus en plus de mesures de performance non financières que les entreprises de type « défenseur ». Cette littérature nous conduit donc à formuler l’hypothèse suivante : * * * Hypothèse de la recherche : Les tableaux de bord sont d’autant plus équilibrés et se rapprochent du BSC que la stratégie des entreprises s’oriente vers la prospection 3. METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE Le cadre méthodologique nous permettra de présenter les caractéristiques de l’échantillon (2.1) et les variables de l’étude (2.2). 3.1. Collecte des données et caractéristiques de l’échantillon Afin de mener notre étude, un questionnaire a été construit et adressé à des entreprises installées au Maroc. Après une relance téléphonique et contacts physiques, soixante-seize (76) questionnaires ont été reçus, pour un taux de réponse brut de 18%. De ce nombre, 14 questionnaires ont été éliminés pour diverses raisons, notamment les 62 Revue Congolaise de Gestion N°14 questionnaires incomplets, illisibles, ou des entreprises non adoptant un contrôle de gestion, etc. Le taux de réponse final a été de 15%. Les questionnaires ont été remplis par 18 directeurs financiers (29%), 23 contrôleurs de gestion (37%), 17 comptables (27%) et 4 autres types de responsables (6%). Deux principaux paramètres ont été utilisés pour décrire les caractéristiques des entreprises ayant constitué notre échantillon d’étude : secteur d’activité et effectifs des employés. Le tableau 1 ci-dessous présente le résumé des données sur ces deux paramètres. Tableau 1: Caractéristiques de l’échantillon Secteur d’activité Nombre % Industrie 48 77,42 BTP 06 9,68 Services Commerce Total 06 02 62 9,68 3,22 100 Effectif du personnel Nombre % Moins de 30 48,39 200 Plus de 32 51,61 200 Total 62 100 Notre échantillon se compose de 48 entreprises industrielles (77%), 6 entreprises du BTP (10%), 6 entreprises des services (10%) et 2 entreprises commerciales (3%). Concernant la taille, 48% de cet échantillon est constitué des PME et 52% des entreprises de grande taille. 3.2. Variables de l’étude 3.2.1. Variable dépendante (équilibrage des tableaux de bord : EQTB) Pour opérationnaliser la variable relative à l’équilibrage des tableaux de bord, nous avons choisi les indicateurs proposés par Kaplan et Norton (1992). Dans leur 63 Revue Congolaise de Gestion N°14 définition donnée au tableau de bord, ils présentent quatre axes stratégiques sur lesquels les indicateurs de performance devraient reposer : les résultats financiers (FNCE) ; la satisfaction des clients (CLNT) ; les processus internes (PRIN) ; et l’apprentissage organisationnel et innovation (APOI). Dans le questionnaire, il a été demandé aux répondants d’indiquer, à l’aide d’une échelle sémantique différentielle à cinq points allant de «1 : un degré d’intégration très faible » à « 5 : un degré d’intégration très élevé », dans quelle mesure les principaux tableaux de bord de l’entreprise intègrent les indicateurs des quatre catégories mentionnées ci-dessus (plusieurs exemples d’indicateurs sont proposés). Plus le score global (sur 20 points) est élevé, plus le tableau de bord est « équilibré » et vice versa. 3.2.2. Variable indépendante (la stratégie : STRA) Dans le cadre des recherches contingentes en stratégie/contrôle, trois types d’opérationnalisation de la stratégie sont généralement utilisés : par le positionnement, par la mission ou par la typologie de Miles et Snow (1978). Dans cette recherche, nous allons retenir la dernière typologie qui est reconnue par les chercheurs dans le domaine de la stratégie (Gosselin et Dubé, 2002). Cette typologie distingue entre 4 comportements stratégiques : « les prospecteurs » : ce sont des entreprises qui luttent par l’innovation ; « les défenseurs » : ce sont des entreprises championnes dans leurs secteurs et qui veillent à maintenir leur domaine d’excellence par le biais des coûts bas ; 64 Revue Congolaise de Gestion N°14 « les analystes » : qui sont un hybride des deux précédents ; et « les réacteurs » : ce sont des entreprises qui n’ont pas une vision stratégique claire. Ce comportement est généralement voué à l’échec. Sept items sont constitués pour l’identification des comportements stratégiques des entreprises étudiées. Chaque item est composé de deux stratégies opposées (défenderesses vs. Prospectrice). Ces items sont les suivants : Tableau 2 : Items relatifs à l’identification de la stratégie poursuivie Stratégies défenderesses ……… Stratégies prospectrices L’entreprise met l’accent sur la standardisation des produits afin de réaliser des effets d’échelles et d’expériences. La croissance est réalisée essentiellement par extension des produits actuels aux clients actuels Dans l’entreprise, on a le souci de la protection d’une ligne de 0.....1…..2….3.....4...5 0....1…..2….3.....4..5 L’entreprise met l’accent sur la différenciation des produits afin de satisfaire une plus large clientèle. La croissance est réalisée essentiellement par développement de nouveaux produits à de nouveaux clients Dans l’entreprise, on a le souci de repérer et de satisfaire de nouveaux clients 65 Revue Congolaise de Gestion N°14 produits stables dans le cadre de marchés clairement définis. Dans l’entreprise, la préoccupation principale est de maintenir les produits ou services actuels Dans l’entreprise, la préférence est marquée pour les investissements non risqués et les retours sur investissement modérés La stratégie consiste à attendre et faire en fonction de la concurrence. L’entreprise est rarement la première à introduire de nouveaux processus de production. 0..1…..2….3.....4...5 0..1…..2….3.....4…...5 0….1…..2….3.....4...5 0...1…..2….3.....4...5 0.....1…..2….3.....4...5 avec de nouveaux produits. Dans l’entreprise, la préoccupation principale est le développement de nouveaux produits ou services. Dans l’entreprise, la préférence est marquée pour les investissements risqués et les retours sur investissement élevés. La stratégie consiste à avoir l’initiative de l’action. L’entreprise est souvent la première à introduire de nouveaux processus de production. Source : Mouline J.P. (2000) Le répondant était amené à identifier sur une échelle de Lickert à six points (allant de 0 à 5) le chiffre correspondant le plus fidèlement à l’orientation stratégique de 66 Revue Congolaise de Gestion N°14 l’entreprise. Plus le résultat global est élevé, plus le caractère proactif de l’organisation est proéminent et vice versa. 4. RESULTATS ET DISCUSSIONS Dans cette troisième section, nous allons présenter tout d’abord les résultats relatifs à la nature des indicateurs intégrés dans les tableaux de bord des entreprises étudiées (3.1). Les résultats obtenus seront, ensuite, expliqués par le facteur stratégie (3.2). 4.1. Nature des indicateurs intégrés dans les tableaux de bord Le tableau 3 ci-après résume les résultats relatifs aux indicateurs intégrés dans les tableaux de bord utilisés par les entreprises étudiées. Tableau 3 : Nature des indicateurs intégrés dans les tableaux de bord adoptés par les entreprises étudiées Types d’indicateurs Finance Satisfaction des clients Processus internes Apprentissage organisationnel Intégration très faible Intégration faible Intégration moyenne Intégration forte Intégrati on très forte 00 (00%) 00 (00%) 08 (13%) 23 (37%) 09 (15%) 24 (39%) 27 (44%) 23 (37%) 13 (21%) 25 (40%) 25 (40%) 14 (23%) 22 (35%) 10 (16%) 02 (3%) 02 (3%) 18 (29%) 03 (5%) 00 (00%) 00 (00%) 67 Revue Congolaise de Gestion N°14 Figure 1 : Degré d’intégration des indicateurs financiers La majorité des entreprises étudiées adoptent des tableaux de bord intégrant des indicateurs financiers (chiffre d’affaires, résultats, cash-flows, etc.) (Figure 1). Plus de 64% des entreprises intègrent « fortement » ou « très fortement » ces indicateurs dans leurs tableaux de bord. Figure 2 : Degré d’intégration des indicateurs relatifs aux « clients » 68 Revue Congolaise de Gestion N°14 La proportion des entreprises qui adoptent des indicateurs relatifs aux clients est faible (Figure 2). Plus de 79% des entreprises ont déclaré qu’elles n’intègrent que moyennement ou faiblement ces indicateurs dans leurs tableaux de bord. Figure 3 : Degré d’intégration des indicateurs relatifs aux « processus internes » Les indicateurs mesurant la performance relative aux processus internes sont faiblement intégrés dans les tableaux de bord des entreprises étudiées (Figure 3). En effet, 57% des entreprises n’intègrent que faiblement ou très faiblement cette catégorie d’indicateurs dans leurs systèmes de mesure de la performance. 69 Revue Congolaise de Gestion N°14 Figure 4 : Degré d’intégration des indicateurs relatifs à « l’innovation & l’apprentissage organisationnel ». Les indicateurs relatifs à l’innovation et à l’apprentissage sont presque absents dans les tableaux de bord des entreprises étudiées (Figure 4). 74% des entreprises ont déclaré que cette catégorie d’indicateurs n’est intégrée que faiblement ou très faiblement dans leurs systèmes de mesure de la performance. D’une manière générale, le contenu des tableaux de bord diffère d’une entreprise à une autre. Cette diversité doit être expliquée par les caractéristiques organisationnelles de l’entreprise dont la stratégie poursuivie. 4.2. Impact de la stratégie sur le contenu des tableaux de bord Pour identifier les comportements stratégiques des entreprises étudiées, nous avons utilisé l’analyse classificatoire. Elle permet de regrouper les pratiques 70 Revue Congolaise de Gestion N°14 similaires. Elle nécessite de choisir un algorithme de classification, c’est-à-dire de savoir la procédure adéquate pour regrouper convenablement des objets distincts dans des classes. Dans cette recherche, notre partition a été réalisée par classification hiérarchique. Le critère d’agrégation l’algorithme de Ward dont le but est de minimiser la variance interne de chaque classe et maximiser la variance entre classes a été utilisé. Par le biais de cette analyse classificatoire, nous avons identifié trois groupes de comportements stratégiques (tableau 4). Tableau 4: Comportements stratégiques des entreprises enquêtées Comportement stratégique Prospectrices Analystes Défenderesses Ensemble % 16,1 30,6 53,2 100 Figure 5 : Comportements stratégiques des entreprises étudiées 71 Revue Congolaise de Gestion N°14 Notre échantillon de l’étude se compose de 16,1% des prospectrices, 30,6% des analystes et 53,2% des défenderesses. Le tableau ci-après résume les résultats des moyennes relatives à la variable EQTB pour les entreprises en fonction de leurs comportements stratégiques. Tableau 5: Moyennes relatives à l’EQTB en fonction de la stratégie poursuivie Moyennes relatives à l’EQTB Prospectrices Analystes Défenderesses 11,30 12,32 10,00 Toutes les entreprises 10,92 Figure 6 : L’équilibrage moyen des tableaux de bord en fonction de la stratégie poursuivie L’équilibrage moyen des tableaux de bord utilisés par les entreprises prospectrices et analystes (respectivement 11,3 et 12,32) et plus élevé que celui observé dans les entreprises défenderesses (10). Ces résultats soutiennent la validation de l’hypothèse de la recherche. 72 Revue Congolaise de Gestion N°14 Pour tester statistiquement l’hypothèse de la recherche, une régression linéaire sera utilisée. Nous l’avons choisie pour sa simplicité et sa large utilisation par les chercheurs en sciences de gestion. Le tableau 6 ci-dessous résume les résultats de cette régression linéaire de l’EQTB en fonction de la STRA. Tableau 6: Résultats de la régression linéaire de l’EQTB en fonction de la STRA Variable indépendante (stratégie) β t-statistic Variables dépendantes FNCE CLNT PRIN APOI EQTB 0.201 0,243 0,288 0,209 0,289 1,592 ns 1,943 1,328* 1,659 2,337* ns ** R2 0.041 0,059 0,083 0,044 0,083 F-value 2,533 ns 3,777 5,421* 2,754 5,464* ns ** * Significatif au seuil de 5% ** Significatif au seuil de 10% ns Non significatif La stratégie a un impact positif et significatif sur deux types d’indicateurs : les indicateurs des « clients » et des « processus internes », alors qu’elle a des effets non significatifs sur les indicateurs financiers et ceux relatifs à l’apprentissage organisationnel & innovation. Généralement, l’EQTB et la STRA sont positivement et significativement corrélés (β=0,289 ; p<5%). La stratégie explique 8,3% (R2=0,083) de la variance enregistrée par l’EQTB. Globalement, le modèle identifié est significatif au seuil de 5% (F=5,464). Ces résultats nous permettent de conclure que l’hypothèse de la recherche (les tableaux de bord sont 73 Revue Congolaise de Gestion N°14 d’autant plus équilibrés et se rapprochent du BSC que la stratégie des entreprises s’oriente vers la prospection) est validée. Ce résultat, conforme à ceux de Shank, Govindarajan et Spiegel (1989) et de Gosselin et Dubé (2002), peut s’expliquer par le souci des entreprises prospectrices à faire suivre leurs clients et faire face à l’incertitude environnementale dans laquelle elles évoluent par le biais des indicateurs qualitatifs et non financiers. 5. CONCLUSION Cette recherche, réalisée auprès d’un échantillon de 62 entreprises installées au Maroc, montre que, comme cela avait été envisagé au début de la recherche, au regard des travaux portant sur la contingence du contrôle de gestion, l’équilibrage des tableaux de bord est corrélé positivement à la stratégie poursuivie par l’entreprises : « les tableaux de bord sont d’autant plus équilibrés et se rapprochent du BSC que la stratégie des entreprises s’oriente vers la prospection ». Les résultats obtenus doivent être interprétés avec prudence au vu des limites de notre recherche. Deux grandes limites d’ordre méthodologiques doivent être soulignées : la taille modeste de l’échantillon et le recours à une approche perceptuelle pour collecter les données. À cet égard, on peut avoir un décalage important entre les discours et les pratiques effectives. Nous avons démontré ci-dessus que l’équilibrage des tableaux de bord est corrélé à la stratégie. Toutefois, il convient de signaler que d’autres facteurs peuvent participer également à la différenciation des pratiques de pilotage des entreprises comme la taille, l’incertitude environnementale, le style de décision, la culture du dirigent, etc. La question suivante se posera donc : dans quelle mesure ces facteurs de contingence peuvent-ils avoir un impact significatif sur les systèmes de mesure de la performance ? 74 Revue Congolaise de Gestion N°14 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Abernethy M. A. et Lillis A.M. (1995), The impact of manufacturing flexibility on management control system design, Accounting, Organizations and Society, Vol. 20, n° 4, pp. 241-258. 2 .Bouquin H. (1996), Pourquoi le contrôle de gestion existe-t-il encore ?, Gestion, Vol.21, n°3, septembre. 3. Bouquin H. (2001), Le contrôle de gestion, Presses Universitaires de France, Paris, 5ème éd. 4 Bourguignon A., Malleret V. et Norreklital H. 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Dans ce cadre, il a été question non seulement de mobiliser un corpus théorique sur les facteurs explicatifs de la croissance des entreprises; mais aussi d’identifier à travers une étude statistique, les facteurs qui s’apparentent à la réalité des TPE camerounaises. Sur le plan empirique, en mobilisant la méthode des groupes appariés, les tests d’association et de comparaison, sur un échantillon de 258 TPE camerounaises; nous avons obtenus les résultats suivants : dans un premier temps on a pu établir, sur une période de douze mois, que l’impact du 79 Revue Congolaise de Gestion N°14 micro-crédit sur la croissance des TPE bénéficiaires est non significatif. Dans un second temps l’étude comparative montre qu’il existe une différence de niveau de croissance (chiffre d’affaires, marge bénéficiaire, niveau de production ou des achats, nombre d’actifs, nombre d’employés) entre les micro-entreprises bénéficiaires de crédit et les non bénéficiaires ; les bénéficiaires de crédit ayant une propension plus forte à la croissance que les non bénéficiaires. Toutefois, cette différence est non significative ; et par conséquent, ne pourrait s’expliquer par l’accès au crédit. Ces résultats nous permettent de constater que ce n’est pas nécessairement l’accès au crédit qui impulse la croissance de la TPE camerounaises. Ces résultats nous mettent également sur la piste des variables réelles (aptitudes managériales et entrepreneuriales du dirigeant, etc.) qui seraient des facteurs explicatifs de la croissance de cette catégorie d’entreprise. Mots clés : Micro crédit-croissance organique-Très petite entreprise. Abstract This paper contributes to measure of the impact noticed in micro financing on the organic growth of the very small Cameroonian enterprises. In this context, it has been not only a matter of mobilizing a theoretical corpus on the understanding of explanatory factors of growth into the enterprises; but also, it identifies through a statistical study, the factors that are attached to the reality of Cameroonian VSE. The fact is that, by mobilizing the method of pairing groups, the test of association and of comparison, on a sample of 258 Cameroonian VSE; we obtained the following 80 Revue Congolaise de Gestion N°14 results: firstly, we established, within a period of twelve months, that the impact of micro credit on the growth of beneficiary VSE is insignificant. Secondly, the comparative study shows that it exists a difference on the level of growth (turnover, profit margin, production level or purchases, active number, staff number) between the micro enterprises beneficiaries of credit and non beneficiaries; the beneficiaries of credit are likely to have a large amount of growth rather than the non beneficiaries. However, this difference is less significant; and consequently, can’t account for credit access. Then; we noticed that having access to credit does not necessarily guarantee the rise of growth of Cameroonian VSE. These results involve us with the real variables (management skills and entrepreneurial talent of the manager, etc.) that would be the explanatory factors of growth in this category of enterprise. Keys words: Micro credit-organic growth-very small enterprise 1. L INTRODUCTION ’inaccessibilité financière est d’autant plus un handicap qu’elle touche les très petites entreprises (TPE) qui représentent une importante source par le biais des emplois générés et donc la contribution à la réduction de la pauvreté. Ces entreprises font face à de fortes difficultés structurelles qui contraignent leur développement dont le manque d’accès aux financements. Pendant longtemps, les systèmes bancaires en Afrique ont dû faire face à des risques élevés et des coûts de transaction importants lorsqu’il s’agissait de financer les petites entreprises. Ces contraintes ont largement contribué à restreindre l’accès des petites entreprises aux circuits financiers formels. Les banques d’Afrique n’avaient en effet 81 Revue Congolaise de Gestion N°14 nul besoin de développer leurs activités de crédit aux petites entreprises, car elles dégageaient suffisamment de bénéfices en prêtant sans risques et à moindre frais aux grandes entreprises ou en investissant dans les titres de dette publique très rémunérateurs. Par la suite, Le système bancaire classique connaît, dans la plupart des pays d’Afrique et même au Cameroun, de graves crises (Wamba, 2001 ; 2002). Les multiples programmes de restructurations du système bancaire mis en place à la fin du siècle dernier n’ont pas pu résoudre le problème de certaines banques. Cette carence du système financier classique a contribué à favoriser l’émergence de la microfinance; qui est venu élargir les modes de financements des petites entreprises. Si à l’origine des micro-crédits, on trouve des mécanismes plutôt informels à l’image des tontines, les trois dernières décennies ont vu l’émergence d’institutions plus organisées comme la Grameen Bank ou Prodem Bancosol qui sont plus adaptées aux besoins de ces unités tant par rapport aux montants proposés que par la rapidité des procédures d’octroi de crédit. Le concept de micro finance a longtemps été associé à celui de la pauvreté. L’efficacité du micro-crédit dans la lutte contre la pauvreté n’est plus à démontrer ; le problème désormais posé est celui du financement de la croissance des très petites entreprises. Dès lors, nous sommes en droit de nous poser la question suivante : Quelle est la contribution des microfinancements à la croissance interne de très petites entreprises ?En d’autres termes, En quoi la situation des micro entreprises bénéficiaires des micro financements estelle différente, en moyenne, de ce qu’elle aurait été si ces micro financements n’avaient pas existé ? 82 Revue Congolaise de Gestion N°14 Cette problématique n’est pas nouvelle, mais, elle reste importante dans le contexte économique camerounais où beaucoup de micro-entrepreneurs présentent l’absence de crédit comme l’un des problèmes majeurs à la croissance de leur activité. En rapport avec la question de recherche, l’objectif poursuivi par ce travail est celui de cerner l’incidence du micro crédit sur la croissance des très petites entreprises. Pour atteindre cet objectif, nous allons d’abord présenter les conclusions des débats sur la contribution du micro-crédit à la croissance des TPE (II). Ensuite, nous nous pencherons sur les aspects méthodologiques de ce travail (III). Et enfin, nous présenterons les résultats obtenus et leurs implications (IV). 2. CADRE CONCEPTUEL, OBJECTIFS HYPOTHESES DE TRAVAIL ET 2.1. Accès au micro-crédit : point central des débats actuels sur la croissance des TPE Il s’agira en premier lieu de monter l’importance socioéconomique des TPE, dans un second lieu d’évaluer la croissance de ces entreprises et en troisième lieu présenter les conclusions des études d’impact du crédit sur la croissance des entreprises. i) Importance socio-économique de la TPE et rôle du micro-crédit Au cours des dernières années, les organisations nationales et internationales, aussi bien dans les pays développés que dans ceux en développement, ont mis un accent sur le rôle vital de la micro-entreprise dans le développement économique. D’après un rapport de L’OCDE, « un secteur de la TPE prospère et opérant dans une économie en expansion constituerait un élément clé dans la 83 Revue Congolaise de Gestion N°14 stratégie de développement futur. Il peut générer de l’emploi, de la production et des revenus et créer des liens qui soutiennent et accentuent les progrès de développement dans le secteur rural de la plus grande entreprise et du commerce extérieur ». Dans les pays du sud, la TPE peut être assimilée à un point de liaison entre les systèmes de production traditionnel et moderne, entre le secteur formel et informel et entre les zones rurales et urbaines. La micro-entreprise contribue à la diversification de l’économie locale d’une région, produit les biens de consommation à des coûts relativement plus bas, alimente des marchés locaux, régionaux et nationaux et procure souvent des recettes en devises très recherchées. Elle participe aussi au développement des compétences techniques et de gestion d’individus qui sont souvent en marge de la société. En somme, la TPE ajoute de la valeur à l’économie et assure une contribution significative à la croissance économique d’une région ou d’un pays. Evoluant pour la plupart dans l’informel, les très petites entreprises se caractérise par les micros activités de biens et de services ; elles offrent particulièrement l’avantage d’être le dénominateur commun entre les pays en développement (Bekolo, 2003). En effet, les effets d’entraînement sur le reste de la production, d’utilisation des ressources productives locales sont réels ; avec les moyennes entreprises, elles constituent au sens de Wamba (2001), un élément fondamental à la stratégie de développement économique et social. Lorsqu'on parle de très petite entreprise, il faut tôt ou tard déterminer avec précision ce qu'on entend par ce terme. La plupart des gens ne se rendent pas compte de l'étendue du secteur de la très petite entreprise et n'en distinguent qu'une partie seulement ; ce qui finalement prête à confusion. Pour reprendre Hugon (2003), les micro et petites unités peuvent 84 Revue Congolaise de Gestion N°14 être définies comme des unités à petite échelle où le salariat est absent (ou limité), où le capital avancé est faible, mais où il y a néanmoins circulation monétaire et production de biens et services onéreux. Les règles dominantes ne sont pas salariales mais coutumières, hiérarchiques et affectives. La relation de proximité est spatiale (activités à petite échelle dans un rayon limité), temporelle (horizon court des agents permettant la réversibilité) et sociale (confiance, réputation, crédibilité des relations personnalisées). L’importance socio-économique des TPE ne doit pas occulter les problèmes auxquels elles sont confrontées (on peut citer entre autres, la fiscalité, l’accès aux marchés, et surtout l’accès au financement). Après la libéralisation du secteur financier par l’État en 1990, on assiste à une prolifération des institutions de micro finance qui constitue un début de solution du problème de financement des TPE. Le but essentiel de ces institutions de microcrédit est de servir les pauvres, en apportant des ressources financières à ceux qui en ont le plus besoin. Elles concentrent leurs efforts sur les individus travaillant pour leur propre compte qui ont besoin d'épargne et de services de crédit pour faire fructifier leurs activités économiques. La micro finance au Cameroun et dans de nombreux pays d'Afrique au sud du Sahara est une importante activité économique. En effet, la crise bancaire et les politiques d'ajustement structurel des années 1980 ont contribué à la baisse des investissements publics dans ces pays. Les pays en voie de développement s'appuient aujourd'hui sur les micro et petites entreprises du secteur privé pour une véritable relance économique (Dirat, 2002). Face aux difficultés de financement que rencontrent ces unités de production, la micro finance est présentée comme une solution idoine. Elle offre des services et des produits aux populations évoluant 85 Revue Congolaise de Gestion N°14 pour l'essentiel en marge du système bancaire classique. Grand nombre de ces personnes étant des pauvres, la micro finance est ainsi devenue un mécanisme privilégié pour la lutte contre la pauvreté et de promotion des petites entreprises. Plusieurs expériences montrent que la micro finance peut aider les pauvres à augmenter leurs revenus, à créer des entreprises viables, etc. En leur facilitant l'accès à des services financiers, la micro finance joue un rôle important dans la lutte contre les nombreuses dimensions de la pauvreté (Mosley, 1998, Kevane, 2001, Morduch, 2003). Par exemple, les revenus générés par une activité financée par la micro finance permettent non seulement à cette activité de se développer, mais ils contribuent également au revenu du ménage, et par là même à la sécurité alimentaire, à l'éducation des enfants, à la prise en charge des soins de santé etc. Ainsi, la micro finance pallie l'un des problèmes économiques les plus importants dans les pays pauvres, à savoir celui du coût élevé et de l'accès difficile au crédit pour une grande majorité des populations. Lors d'une enquête réalisée par la COBAC en 2001, il ressortait que la micro finance dans la sous région d’Afrique centrale mobilise 26,5 milliards d'épargne et accorde 13,7 milliards de crédit (Wampfler, 2001). 2.2. Evaluation de la croissance des TPE Afin de mesurer la croissance d’une TPE, il serait avant tout nécessaire d’apporter une définition au concept de croissance organique. i) Essai de définition du concept de croissance organique La croissance organique est un terme économique qui désigne la croissance interne à l’entreprise (acquisition de compétence et augmentation du chiffre d’affaires), qu’elle a 86 Revue Congolaise de Gestion N°14 acquise par ses propres moyens. La croissance organique s’oppose à la croissance par acquisition ou croissance externe (alliances, accords de coopération, fusion, fusion-absorption, etc.). Elle résulte de l’adjonction de moyens de production, de recherche, de distribution, créés grâce aux ressources humaines, financières et techniques de l’entreprise. La croissance interne ou organique, se dit d’une entreprise qui grossit grâce au développement de la société : nouveaux produits ou activités, nouveaux marchés, etc. Elle est conséquente généralement à une forte demande des produits de l’entreprise, à une volonté de protéger l’identité de l’entreprise n évitant le rachat d’autres entreprises, volonté du dirigeant de conserver le pouvoir, etc. Plusieurs auteurs se sont penchés sur la définition de la croissance interne. Penrose (1959) définissait la croissance d´une firme comme «essentiellement un processus évolutionniste basé sur un accroissement cumulatif de connaissances collectives». Selon Starbuck (1965), la croissance n’est pas un phénomène spontané ni aléatoire, mais bien la conséquence d’une décision, par exemple, la décision d’embaucher et/ou de ne pas licencier, la décision d’accroître le niveau de production en réponse à un accroissement de la demande ou encore la décision de stimuler la demande. Il souligne que la croissance peut être un objectif en soi. Il ressort que la croissance est le résultat d’une véritable décision de gestion dont l’entrepreneur propriétaire en porte la responsabilité (Verstraete et Saporta, 2006), ce qui se traduit par une impulsion interne de la croissance. Pour Janssen (2004), la croissance est le résultat d’un accroissement de la demande pour les produits ou les services de la firme. Dans un premier temps, cela aurait pour effet d’augmenter les ventes et dans un second temps, cela permettrait à la firme d’investir dans des facteurs de production supplémentaires afin de s’adapter 87 Revue Congolaise de Gestion N°14 à un nouveau niveau de demande. Ainsi, il serait possible de distinguer et d’identifier l’existence de facteurs externes affectant la croissance. La croissance est aussi considérée comme « une étape de transformation en regard de la taille et/ou des activités d'une entreprise» (Haire, 1959 cité par Gasse et Carrier, 1992). Pour Verstraete et Saporta (2006), la croissance est assimilée à «la maîtrise simultanée des deux dimensions paradoxales : développement et contrôle». En somme, la croissance serait définie sur la base d’une multitude de critères internes et externes à l’organisation. En effet, la croissance est perçue comme un processus multidimensionnel et complexe (Weinzimmer, 1993), également caractérisée comme un phénomène discontinu et ponctué par des crises et des métamorphoses (Torres, 1998). Pour d’autres auteurs, la croissance est «un phénomène multidimensionnel intégrant des influences liées au(x) dirigeant(s), à l’entreprise, à sa stratégie et à l’environnement» (Guyot et al, 2006). Gasse (1996) considère que «la croissance demeure une question de vision, de potentiel et de circonstances ». Dans une perspective voisine, Churchill et Lewis (1983) considèrent la croissance comme faisant partie de l'évolution naturelle d'une entreprise. «Les auteurs divisent la croissance en cinq stades : existence, survie, réussite, envol et maturité des ressources. À chaque stade correspond un ensemble distinct de facteurs essentiels à la survie et à la réussite de l'entreprise. Les seuils de croissance peuvent correspondre aux obstacles rencontrés au cours du passage d'un stade à l'autre» (Papadaki et Chami, 2002). Masuch (1985) décrit aussi la croissance de l’organisation comme une succession de phase de créativité et de maintenance. Dans la même logique, Gasse et Carrier (1992) considèrent l’organisation comme un individu : un organisme en métamorphose dont le cycle de vie dépend en grande partie 88 Revue Congolaise de Gestion N°14 de l’énergie et de l’esprit que lui insufflent ses propriétaires et dirigeants. Cette idée est appuyée par les propos de Sammut (1996) qui souligne que la croissance de la firme dépend de «la conscience stratégique du dirigeant et de l'ensemble des composantes internes et externes de l'organisation. En effet, la croissance est le résultat combiné de différents phénomènes issus de l'environnement, des caractéristiques financières, organisationnelles, productives, et personnelles qui composent la petite entreprise. Enfin de compte nous retiendrons dans le cadre de ce travail, que la croissance s’assimile au concept « d’entreprise patrimoine » (De Montmorillon, 1997), qui correspond généralement à la petite entreprise, où la croissance de l’entreprise s’apparente à celle du patrimoine possédé par l’entrepreneur. ii) Mesure de la croissance d’une TPE : difficultés et enjeux L’exercice de conceptualisation de la croissance ne pose généralement pas de problème dans les grandes entreprises, car on dispose là de données suffisamment étayées et disponibles pour calculer le taux de rentabilité, la valeur ajoutée, l’excédent d’exploitation ou le résultat de l’entreprise ; bref des indicateurs permettant d’apprécier l’évolution de la structure financière de l’entreprise. Cette conceptualisation devient difficile lorsqu’il s’agit de très petites entreprises, du fait même des caractéristique de celleci (informalité généralisée, absence de comptabilité, gestion approximation, etc.). Plusieurs auteurs se sont penchés sont la conceptualisation de la croissance des entreprises. Plus récemment, Janssen (2004) s’est penché sur les critères de conceptualisation de la croissance dans la littérature sur les déterminants de la croissance. Il présente une synthèse des 89 Revue Congolaise de Gestion N°14 principales recherches sur les déterminants de la croissance, lesquelles recherches seraient limitées aux analyses de causalité et rattachées principalement aux disciplines de l’économie et des sciences de la gestion. Il en conclut que les deux critères les plus largement utilisés pour appréhender la croissance d’une entreprise sont l’emploi, le plus pertinent du point de vue sociétal, et les ventes, le plus pertinent au regard du dirigeant (Janssen, op cité). L’un et l’autre de ces concepts offrirait une perspective d’exploration particulière mais pas nécessairement complémentaire, ni n’impliquerait les mêmes déterminants. En effet, en cette ère d’implantation des nouvelles technologies, une augmentation des ventes pourrait très bien s’effectuer sans nécessairement impliquer une augmentation de la main-d’œuvre et à contrario, une augmentation des emplois pour une entreprise de ventes au détail, par exemple, pourrait très bien ne pas être suivie d’une augmentation immédiate du chiffre d’affaires. De nombreuses autres études tendent toutefois à démonter que ces différents critères de mesure de la croissance seraient corrélés entre eux, ce qui plaiderait pour une certaine interchangeabilité et éviterait aux auteurs de devoir justifier la raison de leur choix. Plusieurs études récentes concluent à une corrélation entre la croissance de l’emploi et celle des ventes (Chrisman et McMullan, 2000; Wiklund, 1999; Delmar, 1997). Une étude belge portant sur les déterminants financiers de la croissance mesurée sur base de l’actif, des fonds propres, de la valeur ajoutée, des ventes et de l’emploi des entreprises, montre également qu’il existe une importante corrélation de ces variables entre elles (Manigart, 1996). De même, Morrison et Roth (1992) constatent d’importantes corrélations entre le R.O.I., le R.O.A. et la croissance des ventes. Dans une étude portant sur les performances de 146 firmes du secteur manufacturier américain, mesurées en termes d’exportations, de profit, de 90 Revue Congolaise de Gestion N°14 valeur ajoutée, d’emploi, de développement de produits et de procédés, McPherson (1992) aboutit à la conclusion que ces différentes mesures sont significativement corrélées entre elles, à l’exception toutefois du taux annuel de croissance de l’emploi. Tendanciellement, ces mesures semblent donc appréhender le même concept de taille et sont comparables d’un point de vue empirique. Précédemment, Child (1973) avait déjà observé des corrélations importantes entre les différentes mesures de la taille d’une organisation, tels que les actifs, l’emploi ou le chiffre d’affaires. Cela pourrait également signifier que le délai entre la croissance des ventes et celle de l’emploi est peu important ou qu’une amélioration de la productivité ou le recours à la sous-traitance n’ont qu’un effet négligeable sur la croissance (Delmar, 1997). Certains auteurs, plus isolés, estiment cependant que les variables affectant la croissance de l’emploi ne sont pas identiques à celles qui influencent la croissance des ventes (Weinzimmer et al, 1998). En fin de compte la difficulté de la mesure de la croissance des TPE, trouve des éléments de réponses dans le concept d’entreprise patrimoine (De Montmorillon, 1997). On a pu retenir le niveau de production, des ventes, de la marge bénéficiaire, du nombre d’actifs et du nombre d’employés, pour conceptualiser la croissance des TPE. 2.3. Micro-crédit et croissance des TPE Les théories qui tentent d’expliquer la croissance des petites entreprises n’intègrent pas souvent de variables financières ; d’autres par contre tiennent compte de cette variable sans oublier que l’entrepreneur peut tout simplement choisir de ne pas croître du moins pas au-delà d’une certaine taille. En effet, la théorie des compétences introduit par Penrose (1959) et reprise par Lucas (1978), considère que l’entreprise, c’est l’entrepreneur. Selon ces auteurs, le sens 91 Revue Congolaise de Gestion N°14 des affaires de l’entrepreneur est le premier facteur de la croissance. En outre, le modèle du cycle de vie de l’entreprise fondé sur l’apprentissage (Jovanovic, 1982), la théorie de la contingence de Mintzberg (1982) ou encore le modèle des métamorphoses de Churchill et Lewis (1983), ne mettent pas un accent sur la variable financière qu’est le crédit. Cependant, sur le plan empirique, plusieurs auteurs se sont penchés sur l’étude de l’impact du crédit sur la croissance des entreprises. Si les études empiriques sont quasi unanimes pour reconnaître l’importance des micro-crédits dans la lutte contre la pauvreté, celles-ci ne permettent cependant pas de conclure sur l’impact des micro-crédits sur la croissance des TPE. Certaines études avancent que les micro-crédits ont un impact positif important sur la croissance des petites entreprises (Bitemo et Dzaka, 2009; Naveen, 2008; Gubert et Robaud; Ndjanyou, 1999; Pissarides, 1999; Mccormic et Kinyanjui, 1997; Balenghien, 1995). D’autres études trouvent plutôt que l’impact des micro-crédits sur la croissance des petites entreprises est plutôt limité (Aryeetey, 1998; Buckley, 1997). L’une des raisons qui expliquerait cette dernière situation serait la très faible taille des prêts accordés et des délais de remboursement très courts. Enfin, d’autres études comme celle de Montalieu (2002) montrent que les micro-crédits n’auraient pas d'effet sur le développement des TPE. La croissance et le développement de ces dernières seraient influencés par des caractéristiques réelles (caractéristiques liées au management du dirigeant, à sa personne et à son entreprise) plutôt que financières. Pour Montalieu, la non disponibilité du crédit aurait seulement un effet indirect sur la croissance des microentreprises à travers la taille initiale qui, elle, serait liée à l'accès au crédit. 92 Revue Congolaise de Gestion N°14 Compte tenu du contexte camerounais et suite aux résultats des ces différentes études, nous pouvons déduire les hypothèses suivantes : - Hypothèse 1 : les micro-crédits ont un impact significatif sur la croissance des TPE ; - Hypothèse 2 : les TPE bénéficiaires de crédit affichent une croissance significativement supérieure à celle des TPE non bénéficiaires. * * * 3. ASPECTS METHODOLOGIQUES DE L’ETUDE 3.1. Echantillonnage et collecte des données La population cible est constituée des TPE camerounaises, localisées dans les villes principales (Yaoundé, Douala et Bafoussam) et certaines villes secondaires (Dschang, Bertoua…). L’échantillonnage est choisi de façon aléatoire dans chaque ville. Un questionnaire à orientation hypothético déductive et en rapport avec les objectifs de l’étude a été conçu, puis administré par nos propres soins, sur la période de mars à mai 2010 aux différents petits entrepreneurs de l’échantillon. Sur 300 questionnaires distribués, 258 ont été jugés exploitables au regard des objectifs poursuivi par notre étude, ce qui correspond à un taux de récupération de 86%. Le rejet de certains questionnaires est dû aux informations manquantes, mais pourtant utiles à notre travail. Sur la base des 258 questionnaires exploitables, nous avons constitué deux sous échantillons : un groupe expérimental constitué de 136 TPE ayant obtenu un crédit sur la période de l’étude et un groupe témoin de 122 TPE n’ayant pas obtenu de crédit sur la même période. Cette méthode 93 Revue Congolaise de Gestion N°14 d’appariement nous permet d’éviter que les sous échantillons constitués soient hétérogènes. 3.2. Modèle théorique de l’étude et mesure des variables i). Modèle théorique de l’étude L’objectif visé dans ce travail est celui de mesurer l’impact du micro-crédit sur la croissance des TPE. Nous avons ainsi, la croissance comme fonction variable dépendante de notre modèle. Et ce modèle peut se présenter comme suit : n CROISSANCE b0 b jY j u . j 1 Avec Yj, les variables explicatives; b0, le terme constant; bj, les coefficients de régression et u, le terme d’erreur. La forme empirique complète du modèle est alors : CROISSANCE b0 b1 ACCRED b2TAILCRED u ii). Mesure des variables Comme énoncé plus haut, trois variables sont étudiées à partir des indicateurs spécifiques : CROISSANCE, désigne la croissance des TPE. Nous avons appréhendé ce concept de croissance à travers cinq indicateurs tels que le niveau de la production/achats (NIVPROD), niveau du chiffre d’affaires (CAFFA), marge bénéficiaire (MARGB), nombre de biens ou d’actifs (NOMBCTA), nombre d’employés (NOMEMP). La mesure de ces différents indicateurs a été rendu possible grâce à leur variabilité en fonction de l’année précédente. À cet effet, chaque indicateur prenait les modalités suivantes : a baissé, est resté stable et a augmenté. 94 Revue Congolaise de Gestion N°14 ACCRED, désigne l’accès au crédit. C’est une variable dichotomique, prenant la valeur 1, si la TPE a reçu le crédit et 0 sinon. TAILCRED désigne la taille du crédit. C’est une variable nominale prenant la valeur 1 si le crédit obtenu est moins de 250 milles, 2 s’il est compris entre 250 à 500 milles, 3 s’il et compris entre 500 à 1 million et 4 s’il est plus d’un million. 3.3. Méthode de traitement et analyse des données Du point de vue méthodologique sur le plan statistique, nous avons dans un premier temps, effectué une étude d’association afin d’analyser dans quelle mesure les variables censées représenter les hypothèses formulées ont une influence sur la croissance des TPE (test de corrélation de Pearson ou de Spearman). Ensuite, nous avons cherché à vérifier si cet impact est différent suivant les sous échantillons (test de Mann-Whitney ou de Krustal-Wallis).la structure des données, nous permet d’utiliser le test du rang de Mann-Whitney et Wilcoxon qui s'applique au cas d'un groupe qui aurait subi un traitement en le comparant à celui qui n'en a pas subi, ou qui a subi un traitement différent. Ce test est une adaptation à la comparaison de deux moyennes, pour deux échantillons appariés. Il calcule les différences (positives et négatives), le traduit en rang, puis compare la distribution de la somme des rangs pour les deux échantillons, et estime la différence observée. Ces tests ont été effectues sur le logiciel SPSS (Statistic Package for Social Size). 4. RESULTATS DE L’ETUDE L’étude a permis d’identifier les caractéristiques générales et socio-démographiques des TPE ainsi que l’influence des micro-crédits sur la croissance. L’analyse 95 Revue Congolaise de Gestion N°14 statistique a mis en exergue la distinction de la croissance en fonction de l’accès aux micro-crédits. 4.1. Caractéristiques générales et socio-démographiques des TPE La répartition des très petites entreprises selon le chiffre d’affaires montre la tendance suivante : de façon générale plus le chiffre d’affaires augmente, moins l’entrepreneur a recours au crédit. La majorité des entrepreneurs ayant recours au crédit est celle dont le chiffre d’affaires est moins d’un million de frs CFA soit pratiquement 60%. Ceci peut s’expliquer par le fait qu’en début d’activité, les très petites entreprises ont plus recours dans près de 60% des cas au financement informel (prêt familial, tontine, usuriers). Le sexe est un critère essentiel d’offre de crédit par les IMF; en effet, les résultats obtenus montrent que 68% de bénéficiaires de crédit sont des hommes, contre 32% de femmes. Ce résultat est quelque peu contraire à ce qui s’observe dans la plupart des IMF ailleurs dans le monde. Car, les micro-crédits sont destinés plus aux activités comme le petit commerce de détail, la restauration, etc.- activités la plupart du temps exercées par les femmes. On note trois secteurs traditionnels qui occupent en général la plus grande partie de la population active (commerce général et de détail, petites industries et services). Les barrières à l’entrée, aussi bien financières qu’en termes de capital humain, sont souvent assez faibles. Toutefois il y a rien de commun entre une micro entreprise de préparation alimentaire qui vend des beignets au coin d’une rue et une petite usine qui fabrique des jus de fruits et possédant un capital productif important. Le niveau d’études et le type de local utilisé sont également des déterminants d’accès au crédit. 96 Revue Congolaise de Gestion N°14 La variable la plus facile à mesurer pour caractériser le niveau de compétence de l’entrepreneur est son niveau scolaire. Certes, elle le caractérise imparfaitement. Les qualités entrepreneuriales se mesurent autrement (goût au risque, inventivité etc.). Nous ne conservons des capacités que les compétences que reflète le niveau scolaire : connaissances comptables et capacités d’analyse, par exemple. Il ressort en effet des résultats des enquêtes que 40,4% des individus ont un niveau secondaire 2ème cycle. Ils sont suivis des entrepreneurs qui ont un niveau secondaire 1er cycle. Les entrepreneurs qui ont un niveau primaire ou pas de niveau représentent 8,1%. Le niveau d’étude varie en fonction des secteurs d’activité. Dans le secteur des services, il n’est pas étonnant de constater que les entrepreneurs ont dans 51% des cas un niveau d’étude secondaire 2nd cycle ; ou encore que dans le secteur de l’agro alimentaire, 35% des entrepreneurs ont un niveau d’étude supérieur. Dans le secteur du commerce de détail, ils sont en revanche beaucoup moins éduqués en moyenne (47%). Le fait de disposer d’un local permet d’avoir le crédit. Les résultats montrent que parmi les petites entreprises ayant obtenu le crédit, 85,3% déclarent avoir un local fixe. Par contre, l’accès au crédit est difficile pour les ambulants (0,7%) et les personnes qui travaillent à domicile (11%). Dans l’ensemble, les TPE aussi bien du « groupe expérimental » que du « groupe témoin » se caractérisent par une grande stabilité des conditions d’activité ; ainsi, plus de 80% d’entre elles disposent d’un local spécifique pour leur activité (atelier, boutique, etc.).Les très petites entreprises enquêtées sont assez jeunes. Les trois-quarts ont moins de 10 ans d’âge. Compte tenu de la difficulté à évaluer correctement l’impact sur la croissance, l’étude d’impact inclut une série de questions destinée à analyser les pratiques de gestion, les 97 Revue Congolaise de Gestion N°14 changements et les améliorations dans l’entreprise susceptibles de générer un accroissement des bénéfices et de la productivité. On a pu constater que les entreprises du groupe témoin sont plus susceptibles de tenir une comptabilité (la proportion dans les deux groupes reste assez faible 17 % et 11%), de séparer l’argent de l’entreprise des fonds du propriétaire et leur site plus protégé contre les intempéries que les entreprises du groupe expérimental. Par contre, on observe le phénomène inverse lorsqu’il s’agit de calcul du bénéfice en tenant comptes des dépenses et recettes, de la délégation des tâches et dans une moindre mesure de la rémunération de l’entrepreneur dirigeant pour les services rendus à l’entreprise. Il faut toutefois noter que plus de 60% des micro-entrepreneurs enquêtés ne reçoivent pas de salaire pour le travail qu’il exerce dans son entreprise. Très peu d’entreprises tiennent une comptabilité (moins de 20%). Selon les résultats, la proportion des TPE ayant apportée un changement (ajout de nouveaux produits, amélioration de la qualité ou de l’attrait du produit, vente sur de nouveaux marchés) est plus grand chez le groupe témoin que chez le groupe expérimental. Le crédit semble en effet être à l’origine des changements observés dans le groupe expérimental ; cependant, ces changements sont observés dans beaucoup plus d’entreprises du groupe témoin qui pourtant n’ont pas bénéficiés de financement sur les 12 derniers mois. Ceci renvoi à l’importance des capacités de gestion donc doivent faire montre de plus en plus les petites entrepreneurs. 4.2. Influence des micro-crédits sur la croissance des TPE Pour appréhender le concept de micro-crédit nous avons utilisé les variables accès au crédit (ACCRED) et taille du crédit (TAILCRED). Le test d’association entre ces variables et les différents indicateurs de croissance, présenté 98 Revue Congolaise de Gestion N°14 dans le tableau ci-dessous montre que le micro-crédit n’a aucune incidence significative sur la croissance de l’entreprise, quel que soit l’indicateur de croissance retenu. Tableau n°1 : Influence du micro-crédit sur la croissance de la TPE Variables ACCRED Indicateurs de croissance NIVPR O CAFFA MARGB NOMBC TA NOMEM P Cor. de Pearson -0,084 -0,026 -0,007 -0,044 -0,111 Sig. (bilatérale) 0,179 0,678 0,915 0,487 0,075 N TAILCRED 258 258 258 257 258 Cor. de Pearson 0,046 0,040 -0,062 0,059 0,162* Sig. (bilatérale) 0,592 0,644 0,472 0,496 0,059 136 136 136 135 136 N * Significatif au seuil de 10% Ce résultat ne nous permet pas de valider l’hypothèse 1 selon laquelle : le micro-crédit a un impact significatif sur la croissance des TPE. Ce résultat rejoint ceux d’Aryeetey (1998), Buckley (1997) et Montalieu (2002). * * * 4.3. Distinction de la croissance en fonction de l’accès au crédit Les résultats du test de comparaison du niveau de croissance entre les TPE bénéficiaires de crédit et celles n’ayant pas bénéficié de crédit, sont présentés dans le tableau ci-dessous. 99 Revue Congolaise de Gestion N°14 Tableau n°2 : Comparaison du niveau de croissance en fonction de l’accès au crédit (Test de différence de moyenne de Mann-Withney) A obtenu du crédit Variables NIBPRO N’a pas obtenu le crédit N Rang moyen N Rang moyen 135 135,21 123 123,23 Stat. Z Sig. différence des moyens -1,374 0,164 CAFFA 135 130,80 123 128,07 -0,312 0,755 MARGB 135 129,41 123 129,60 -0,021 0,983 NOMBCTA 135 131,54 123 126,23 -0,640 0,522 NOMEMP 135 134,98 123 122,38 -1,793 0,073* * Significatif au seuil de 10% À la lecture de ce tableau, on remarque que la différence du niveau de croissance réalisé par les TPE bénéficiaires de crédit et celles n’ayant pas bénéficié, est non significative au seuil de 10% pour les variables telles que le niveau de production, le chiffre d’affaires, la marge bénéficiaire et le nombre d’actif. Par contre, elle est significative au seuil de 10% pour la variable « nombre d’employé ». Toutefois, sur la seule base de la variable « nombre d »employé », on ne peut valider l’hypothèse 2 selon laquelle les TPE bénéficiaires de crédit affichent une croissance significativement supérieure à celle des TPE non bénéficiaires. Ce résultat confirme les prédictions de Montalieu (2002), selon lesquelles ce ne sont pas les variables financières (micro-crédit) qui expliquent la croissance des entreprises, mais plutôt les variables réelles telles que les caractéristiques managériales et personnelles de l’entrepreneur ou celles de son entreprise. 100 Revue Congolaise de Gestion N°14 5. CONCLUSION Les questions relatives à la formation d’un tissu de micro-entreprises pérennes restent préoccupantes dans un contexte comme celui du Cameroun, où cette catégorie d’entreprises occupe une place non négligeable. Ces préoccupations sont porteuses d’enjeux. De nombreuses entreprises se créent chaque année mais elles ne bénéficient pas des mêmes appuis et par conséquent ne connaissent pas toutes la même trajectoire. Le présent travail s’est proposé à cet effet, de tenter de cerner l’impact du micro-crédit sur la croissance des TPE camerounaises pendant la période allant de mars 2010 à mars 2011. Pour atteindre cet objectif, notre démarche a consisté d’une part à mesurer l’impact du micro-crédit sur la croissance des TPE bénéficiaires et d’autre part de comparer l’évolution de la croissance des TPE bénéficiaires et non bénéficiaires de crédit sur la même période. Les résultats montrent que : d’une part, l’impact du micro-crédit sur la croissance des TPE, bien que positif est non significatif (H1 non confirmé). D’autre part, il n’existe pas de différence significative de croissance entre les TPE bénéficiaires de crédit et les TPE non bénéficiaires (H2 non confirmé). Nous pouvons dire à la suite de Montalieu (2002), que ce ne sont pas nécessairement le développement des EMF et institutions financières qui vont dynamiser la croissance des petites entreprises. Selon cet auteur, ce sont les variables réelles qui déterminent la croissance des entreprises (caractéristiques managériales et personnelles du dirigeant et caractéristiques de l’entreprise). Par conséquent, il serait souhaitable que les mesures d’appui aux très petites entreprises mettent plus d’accent sur le renforcement des capacités managériales de ces entrepreneurs; le crédit à lui seul ne suffit pas. L’État semble 101 Revue Congolaise de Gestion N°14 avoir déjà compris cet état des choses, avec des programmes tels que le PACD/PME (Programme d’Aide à la Croissance et au Développement des Petites et Moyennes Entreprises), les Cga (Centres de gestion agréés). Les banques quant à elles, multiplient également des partenariats avec les institutions de microfinance pour renforcer leur potentiel en matière de fonds prêtables. Les TPE pour leur part doivent également parcourir une partie du chemin. Elles doivent s’inscrire dans une logique d’entrepreneuriat pour celles qui souhaitent croître, car, ne l’oublions pas, ce n’est pas la vocation de toutes le TPE de croître. Elles se doivent, du fait d’une faible dotation en actifs pouvant servir de sûretés réelles favorisant le bénéfice d’un emprunt, d’implanter les bases d’une gestion saine et par ricochet de produire une information comptable de qualité, meilleur gage pour soutenir leur dossier de demande de crédit. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. 2. 3. 102 ARYEETEY E. (1998). “Informal finance for private sector development in Africa”, Economic research papers, n°41, Banque Africaine de Développement. BALENGHIEN. (1995). « L’analyse des facteurs de blocage de la croissance des petites entreprises au Maroc : du bilan aux perspectives », dans B. HAUDEVILLE et M LELART (dir.), Entreprises et dynamiques de croissance, Serviced, Tunis, P. 59-74. BEKOLO C. (2003). « Une évaluation de l’approche contractuelle par les dirigeants dans le cadre de l’émergence de PME camerounaises de classe mondiale », Revue des Sciences de Gestion, Direction et Gestion, n°200Stratégie, P. 33-48. 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Quoique le concept de « pays émergent » ne corresponde à aucune définition économique, il reste qu’il est devenu une préoccupation politique tant pour les spécialistes en économie de développement que pour les hommes politiques. Cette intention stratégique, pour ces derniers, semble oublier que l’émergence économique est différente du développement du pays. L’article se propose de clarifier les sens des deux concepts afin de mieux s’inscrire dans une logique de stratégie de développement visant l’amélioration des conditions de vie des ménages. Les succès mitigés présentés part les pays émergents nous éclairent sur la fragilité du concept d’émergence économique par rapport aux enjeux du développement humain. 107 Revue Congolaise de Gestion N°14 Mots clefs Pays émergent, émergence développement, développement humain. économique, Abstract The emerging economies of Brasilia, Russia, India and china which stands for BRIC, led other African countries to set up strategic objectives to be emerging countries. Although the concept of “emerging country “does not correspond to a given economic definition, it remains a political concern for both specialists of the economic development and for the political leaders. This strategic intention, for the latter, seems to put aside the fact that the economic emergence is entirely different from the development of the country. This paper highlights the connotations of the two concepts in order to adjust and trace the development strategic logic aiming at improving the conditions of living of household. The debatable success introduced by emerging countries demonstrates the weakness side of concept economic emergence in comparison to the issues of human development. Keys words: Emerging countries, economic emergence, human development. 1. INTRODUCTION L a question des pays émergents ou des économies émergentes dans le monde est devenue l’un des thèmes les plus débattus par les chercheurs, comme l’indique le nombre de dossiers (cf. Problèmes économiques, ). Son importance se justifie pour indiquer des exemples en matière de performance économique réalisée par, de plus en plus, des pays en voie de développement. 108 Revue Congolaise de Gestion N°14 Son exploitation, au niveau de l’élaboration et/ou la mise en œuvre des politiques économiques, tend à évacuer la problématique de la lutte contre la pauvreté et/ ou celle de développement, au point de constater une forme de confusion (ou de fusion) sémantique au niveau des concepts : émergence économique et développement économique. À égard, du point de vue politique, les pays en voie de développement (PVD), impliqués dans le processus de réduction de la pauvreté, se trouvent devant des objectifs diversifiés qui, toutefois, sont sous tendus par des rationalités différentes susceptibles de compromettre l’efficacité des politiques de développement des pays. Ainsi, la nécessité de clarifier les rationalités et les sens des concepts d’émergence et de développement économiques s’impose. L’exercice ainsi défini permet de « remettre les pendules à l’heure», c’est-à-dire, en recentrant les problématiques réelles relatives à la question de l’émergence économique, d’une part, et du développement, d’autre part. Il s’agit là, d’une analyse de représentations et de discours (Raymond-Alain Thiétard, rt. Coll., 1999) dont l’approche méthodologique repose fondamentalement sur la recherche documentaire et dont les variables à analyser sont de nature quantitative et qualitative. L’analyse de la situation socio économique des pays dits émergents, offre une synthèse qui, à la lumière du concept de développement, nous permet d’atteindre l’objectif de clarification sémantique des deux concepts précités et contribuer à éviter des dérapages quant à la définition des politiques de développement des pays. 109 Revue Congolaise de Gestion N°14 2. ORIGINE ET CONSECRATION DU DE « PAYS EMERGENT » CONCEPT 2.1. Origine du concept de pays émergent Selon l’encyclopédie Wikipédia, le concept de pays émergents est né dans les années 1980 avec le développement des marchés boursiers dans les « pays en développement ». Le premier à utiliser le terme « émergent » est Antoine van Agtmael, économiste néerlandais à la Société financière internationale en 1981 pour parler de pays en développement offrant des opportunités pour les investisseurs. De là, on a considéré, généralement, que les pays émergents sont les « pays en développement » qui ne font pas partie des "pays les moins avancés" et parfois. Mais, cette définition est réduite à celle de "nouveaux pays industrialisés". Ce qui lui confère une dose d’ambiguïté sémantique qui a été levée progressivement au fil de l’histoire, sans, toutefois, aboutir à un consensus. 2.2. Consécration des pays émergents : les BRIC La notion de pays émergent trouve sa consécration en 2001, lorsque la banque d’affaires Goldman Sachs constate l’important potentiel, en matière de croissance économique de quatre pays, le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine (BRIC) anciennement considérés comme des puissances pauvres. En effet, 1) le Brésil est une ancienne dictature de l’Amérique latine ; 2) la Russie et la Chine sont issues du bloc communiste ; et 3) l’Inde est un ex-pays non aligné. Mais, le Brésil est devenu un géant agricole, un des leaders des bio carburants, la Chine, un géant manufacturier et l’Inde un géant dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le caractère émergent de ces quatre pays apparait à travers la bonne intégration dans l’économie mondiale en exportant plus de biens et en ayant 110 Revue Congolaise de Gestion N°14 une balance commerciale positive. Dès 2004, selon le rapport de Goldman Sachs, les BRIC appartiennent aux 15 premiers PIB (La Chine : 6ème position l’Inde : 10ème position, le Brésil : 14ème position, la Russie : 15ème position). Les caractéristiques de ces pays émergents sont : une imposante population, des capacités technologies qui impulsent une mutation profonde, la taille gigantesque de réservoir de main d’œuvre, la richesse des sous-sols, particulièrement pour la Russie. 3- EVOLUTION DU CONCEPT « PAYS EMERGENT » DE La diversité des études sur les pays émergents révèle combien le contenu de ce concept a fondamentalement évolué, excluant rigoureusement tout consensus. Le Centre D’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII, 1996) définit le concept de pays émergent à partir de trois critères suivants : un niveau de richesse (revenu moyen par tête en 1996 inférieur de 70% au niveau moyen des pays de l’OCDE) ; une participation croissante aux échanges internationaux de produits manufacturés (croissance des exportations de produits manufacturés supérieure de 2% par an à la croissance des échanges mondiaux) ; une attraction exercée sur les flux internationaux de capitaux (rôle des places financières). Au-delà du produit intérieur brut PIB), le CPII considère deux autres indicateurs qui se réfèrent à la place des pays dans les relations internationales. L’émergence économique s’inscrit dans une logique d’ouverture économique vers l’extérieur dans le cadre du libre-échange qui caractérise les échanges internationaux sous l’égide de la rationalité de la vision classique de l’économie internationale. 111 Revue Congolaise de Gestion N°14 En 2008, une étude, intitulée ‘’Après les BRICS, les prochaines 13’’ (Fontagné A. et coll. 2008), fait remarquer que les économies brésilienne, russe, indienne et chinoise sont désormais considérés comme des puissances mondiales. Elles constituent ensemble d’environ 2,78 milliards d’individus et représentent 13% du PIB mondial et 47% du PIB des pays en voies de développement. Sur la base de trois nouveaux critères (taux de croissance de 7 à 8%, cadre macroéconomique plus discipliné donc plus résistant, et, environnement institutionnel de qualité), l’étude prend en compte des nouveaux pays qui sont classés parmi les pays émergents, faisant ainsi évoluer le sigle de BRIC. De nouvelles configurations sont mises en exergue : les BRICS (avec l’introduction de l’Afrique du Sud), les BRICM (avec le Mexique), les BRICK (avec la Corée du Sud), et les BRICSAM (avec l’Afrique du Sud, l’Argentine, et le Mexique). Pour Philippe Hugon (2010), professeur émérite, chercheur à l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), faisant la synthèse des réflexions récentes sur les économies émergentes dans la revue géopolitique consacrée à l’histoire des mondialisations, propose les critères suivants pour être pays émergent. 1- Le taux de croissance économique 2- La taille de la population 3- La diversification de la production 4- L’importance des exportations et des importations (taux d’ouverture) 5- Integration au monde financier international 6- Le rôle stratégique de l’État pour le développement 7- Les investissements dans la Recherche et le Développement 8- La capacité de protéger le territoire. 112 Revue Congolaise de Gestion N°14 L’émergence du pays renvoie à une vision fortement systémique qui prend en compte des critères économiques, politiques et stratégiques, s’inscrivant dans une dynamique nationale et internationale. L’émergence du pays vise, par ailleurs l’objectif, de « puissance économique » dans un environnement mondial turbulent. La redéfinition du rôle de l’État constitue une réhabilitation de l’interventionnisme de l’État en tant que acteur stratégique capable de « booster » la dynamique du développement. En définitive, la définition de l’émergence économique renferme une dose de subjectivité liée au choix des critères de classification qui présente des pays émergents selon le FMI, Standards & Poors, l’IRIS, le CEPII, etc. (E. Brière, 2009). Toutefois, l’émergence observée par ces institutions est nettement différente de celle qu’à connue la triade (Kenichi Ohmae, 1985). 4- EMERGENCE DE L’ECONOMIE DEVELOPPEMENT DU PAYS ET LE L’histoire économique est jalonnée de concepts qui qualifient le niveau ou le statut des pays. On a ainsi des pays développés et des pays sous-développés, des pays à revenu intermédiaire, des pays pauvres et des pays riches, des pays industrialisés et des pays non industrialisés, etc. Chaque qualification exprime ainsi des caractéristiques ou des objectifs spécifiques et distinctifs que peuvent se fixer des pays. Le concept de pays émergent correspondant en d’autres termes à économie émergente s’inscrit dans cette logique. Mais, à l’aune de la définition du développement présentée ci-dessus, il apparait de façon nette que l’émergence d’une économie (Hugon Ph., 2010) est différente du développent d’un pays, qui, lui, fait allusion au 113 Revue Congolaise de Gestion N°14 développement économique, socio-culturel et technologique impliquant une réduction de la pauvreté. En effet, le développement implique le changement économique et social. Cette vision est aussi précise chez l’économiste François Perroux qui le définit comme étant « la combinaison des changements sociaux et mentaux d'une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et durablement, son produit réel global » (Perroux F., 1991). Autrement dit, le développement, c'est l'ensemble des changements sociaux et culturels qui rendent possible la croissance économique. Ce qui nous renvoie à « L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » du sociologue allemand Max Weber (1966), et nous éloigne de l’économisme qui consiste à réduire le développement à la croissance économique. Comme l’indique bien le Prix Nobel l’économiste suédois Gunnar Myrdal (1978), la croissance économiste ne tient pas compte de la répartition du revenu et de l’interrelation entre production et répartition qui est susceptible de générer le développement. Le changement social est définit comme "étant toute transformation observable dans le temps, qui affecte d'une manière qui ne soit pas provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de l'organisation sociale d'une collectivité donnée et modifie le cours de son histoire" (G. Roger, 1986). À cet égard, il convient d’admettre que l’émergence économique est différente du développement. Mieux, la question de l’émergence diffère de celle d’une stratégie de développement et que : « L’émergence ne tient lieu ni de nouvelle théorie du changement et du développement » (Piveteau A. et al. 2010). Il devient, ainsi, compréhensible pourquoi certains analystes qualifient la dynamique systémique des BRICS, en 114 Revue Congolaise de Gestion N°14 matière de développement, comme une dynamique molle, car, les systèmes socio-économiques, et technologiques nationaux de ces pays présentent beaucoup de faiblesses qui, à moyen ou long terme, peuvent affecter l’émergence de ces économies. En effet, par exemples, la Russie a encore besoin de la technologie occidentale pour mettre en valeur ses nouveaux gisements. La Chine n’a pas de système national d’innovation moderne et hautement performant, maïs plutôt un système traversé par la contrefaçon sur fond de pauvreté ambiante, particulièrement, dans les zones rurales. Par ailleurs, dans l’ensemble, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, South Africa) sont handicapés par une série de faiblesses, notamment, un cadre juridique peu propice à l’amélioration du climat des affaires, un système éducatif insuffisant ou inadéquat, des infrastructures lacunaires, l’écart scientifique et technique qui sépare les pays développés des pays émergents reste considérable, le Brésil et la Russie sont très dépendants du cours des matières premières, la corruption et les inégalités hypothèquent l’avenir russe, l’Inde et la Chine sont des pays dont l’unité est problématique du fait qu’ ils ont un modèle multiculturel fragile voire conflictuel. 5. CONCLUSION Les économies émergentes révèlent d’une expérience dans le cadre du processus du développement économique ; mais cette expérience ne constitue pas une fin, mais une étape. Il s’agit d’un phénomène de prise de conscience pour les pays en développement qui sont appelés à progresser sur le sentier de la croissance économique ou de la recherche de la puissance économique dans le cadre de l’économie mondiale. Surtout que les économies émergentes de la fin du 20ème siècle s’inscrivent dans la continuité des expériences capitalistes classiques, que ce soit l’Angleterre ou 115 Revue Congolaise de Gestion N°14 l’Allemagne du 19ème siècle, ou encore le Japon un peu plus tard. » (Sgard J., 2001). Pour les pays en voie de développement, il y a lieu de ne pas oublier les objectifs de réduction de la pauvreté et des inégalités sociales, et particulièrement, la réalisation du développement humain correspondant à la satisfaction des besoins fondamentaux des populations, l’éducation et la santé. D’un point de vue analytique, il apparait de façon nette que les économies émergentes présentent une réalité hétérodoxe, car difficile à classer de façon unanime. Par ailleurs, le nombre de critères utilisés, par exemple, dans la classification de l’IRIS, complexifient l’identification des pays émergents, contrairement aux critères du CEPII. Néanmoins, la montée en puissance économique des pays émergents leur confèrent un rôle accru dans la fixation des priorités mondiales et dans la prise des décisions dans le cadre de la gouvernance mondiale. D’un point de vue de la mondialisation également, les pays émergents impriment une dynamique économique nouvelle réduisant le pouvoir de la Triade (USA, Europe et Japon) au profit d’autres zones économiques. 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Dans le contexte d’être « pays émergent » nécessitant des entreprises compétitives et aptes à s’insérer sur le marché mondial, la question de manque de financement des projets constitue un obstacle majeur pour les Petites et Moyennes Entreprises (PME) congolaises n’ayant jamais réalisé les économies d’échelle. Comment se présente le problème de manque financement des projets au Congo ? Quels sont les déterminants ? Cette note présente la synthèse des arguments avancés sur cette question à l’aune des bonnes pratiques de gestion financière qui semblent révéler les grosses faiblesses dont souffrent les PME congolaises. Elle présente les problèmes, les solutions et les perspectives. 119 Revue Congolaise de Gestion N°14 2- PROBLEMES DE FINANCEMENT DE PROJETS i). La gestion inefficace des dirigeants d’entreprises Les dirigeants des entreprises de la place font en général preuve d’une mauvaise gestion des ressources générées par les activités de par l’importance des charges qu’ils supportent. Même quand cette gestion semble s’améliorer, il se pose le problème de la politique de dividendes au sein de ces entreprises. L’expression « politique de dividende » désigne traditionnellement l’ensemble des règles de conduite dont une firme s’est dotée en matière d’allocation de son profit net entre la distribution des dividendes aux actionnaires et la rétention ou la mise en réserve (Simon Y. et Joffre P., 1997). Au niveau des entreprises congolaises, en général, et au niveau de la société BAB en particulier, la politique d’allocation de profit net tend à privilégier la distribution des dividendes aux actionnaires au détriment de la mise en réserve. À ce titre, l’autofinancement dont disposent les entreprises congolaises peut être considéré comme un autofinancement comptable et constitué des amortissements, c’est-à-dire des charges calculées ou non décaissables, faisant l’objet d’une réintégration, car l’objectif est de permettre, par principe, le renouvellement des biens amortis. En conséquence, comme la société BAB, les entreprises congolaises disposent des faibles niveaux d’autofinancement considéré comme la principale source interne de financement des projets. Ce qui nécessite un recours au financement externe, notamment à l’emprunt bancaire. Cette alternative reste difficile à mettre en œuvre en raison de l’incapacité des cadres dirigeants des entreprises congolaises, en général, de fournir un Business plan indispensable aux partenaires financiers. À cet égard, nous 120 Revue Congolaise de Gestion N°14 assistons à la « non-bancabilité » des projets constituant un facteur de blocage dans le financement des projets. ii). La frilosité des institutions financières L’offre des crédits dans l’environnement financier des entreprises congolaises révèle une frilosité de la part des sociétés financières. Celle ci est due au fait que pour les institutions financières et les banques en particulier, les entrepreneurs congolais, ne présentent, dans leur majorité que des projets non bancables, c’est-à-dire, ne présentant pas les garanties de rentabilité et de sécurité. En d’autres termes, les projets des entrepreneurs comportent nécessairement des risques. Deux facteurs expliquent cette situation. En premier lieu, les entrepreneurs ne sont pas en mesure de présenter un Business Plan à même de décrire clairement le projet, de montrer la capacité à pouvoir le réaliser et surtout de passer en revue sa faisabilité. En conséquence, dans l’environnement des affaires au Congo, les idées de projets sont présentées à la place des plans d’affaires susceptibles comportant une étude de faisabilité fiable et pertinente. En second lieu, le système « entreprises et banques » fonctionne sur la base de l’asymétrie d’information. En effet, il existe un décalage quant à la connaissance du projet et des conditions d’octroi des crédits entre l’entrepreneur– emprunteur- les banques–prêteurs-. L’inexistence d’un marché de l’information justifie ce décalage générant deux types de risques : l’anti-sélection ou risque d’avant et le risque moral ou risque d’après (Hirshleifer J. ; Glazer A. et Hirshleifer D., 2009). 121 Revue Congolaise de Gestion N°14 3- SOLUTIONS ET PERSPECTIVES 3.1. Solutions pour le financement de projets Des résultats obtenus, il ressort que le financement efficace des projets nécessite une amélioration de la gestion d’une entreprise et de la situation financière et de planification des sources de financement selon la nature et l’importance des projets. i).Pour l’amélioration de la gestion et de la situation financière L’obligation est faite, en matière de gestion financière, de s’approprier des bonnes pratiques classiques qui déterminent l’efficacité de l’entreprise moderne. À cet égard, les entreprises congolaises doivent systématiser les diagnostics financiers tout au long du cycle de vie du projet, de préférence chaque trimestre, afin d’anticiper ou de prévenir les risques de dérapage au niveau de la gestion des ressources financières. Ce qui a permis à Levasseur (1992) de faire remarquer : « …on peut supposer légitimement qu’un dirigeant d’entreprise préfère plus de bénéfices à moins qu’il ait une préférence pour des résultats réguliers plutôt qu’irréguliers aussi valorise t-il au mieux une politique qui conduit son entreprise à dégager les résultats élevés et stables ». Pour y parvenir, au niveau opérationnel, les entreprises doivent procéder à la mise en œuvre des indicateurs financiers. Ils contribuent à la professionnalisation des activités financières de l’entreprise. Il y a lieu de noter que les indicateurs financiers sont des outils privilégiés et très utilisés dans la gestion des ressources financières d’une entreprise et améliorent le processus de la prise de décision. Ils constituent donc un instrument de diagnostic et un outil d’aide à la prise de décision par les différents responsables, y 122 Revue Congolaise de Gestion N°14 compris les décisions de choix de source de financement pour un projet à entreprendre. Leur analyse dans le temps permet à une entreprise d’avoir des repères de travail et d’évaluer leur performance. Ensuite, ils vont favoriser la transparence et renforcer la confiance des parties prenantes de l’entreprise et constituent un gage de transparence pour les fournisseurs, les banques, les autorités de surveillance et les divers autres partenaires. Par ailleurs, la production d’indicateurs à des périodicités rapprochées (trimestriel de préférence) permettra, surtout au responsable, d’avoir une vue d’ensemble de l’entreprise et d’apporter des ajustements possibles dans la gestion des projets. Enfin, Ils vont constituer, une base de référencement pour l’accès au financement. Les indicateurs de performance financière peuvent être utilisés comme outil de négociation pour mobiliser des ressources auprès des institutions financières. ii). Pour l’amélioration de la planification des modes de financement Tout d’abord, la redéfinition de la politique de distribution de dividendes s’impose. Cette politique exige la prise en compte des périodes liées aux différentes phases du cycle de vie du projet. Dans ce cadre, la distribution dividendes supplémentaires aux apporteurs des capitaux n’est déterminée que par la réalisation du cash-flow permettant de financer les activités. Ensuite, les entreprises doivent distinguer leurs sources « autofinancement » dans deux options, l’option comptable et l’option financière ou de trésorerie. La première option concerne généralement les projets de rationalisation ou de productivité car l’autofinancement comporte les amortissements et les bénéfices réservés. Il y a 123 Revue Congolaise de Gestion N°14 lieu de noter que, d’une part, les amortissements permettent le remplacement ou le renouvellement pur et simple des machines, et, d’autre part, dans une optique de réduction de coûts de production et/ou de commercialisation, les bénéfices réservés vont renforcer les amortissements pour atteindre ce but. Dans une option financière ou de trésorerie, pour les projets d’innovation et d’expansion, l’autofinancement comporte les valeurs disponibles, et, éventuellement, les placements des trésoreries et la valeur récupérable des désinvestissements. Signalons, toutefois, que pour ces types de projets de grande envergure, l’autofinancement ne suffira pas au regard des inconvénients que pose la mauvaise utilisation de cette source. Ce qui nécessite un recours au financement externe. L’obligation pour les entreprises de produire un Business Plan devient une condition sine qua none susceptible de mieux exploiter les opportunités offertes par les banques en surliquidité 3.2. Perspectives de financement de projets Les perspectives, en matière de financement des projets dans un environnement national ouvert s’inscrivent dans un contexte de mondialisation économique et de développement des outils financiers modernes. Trois orientations s’offrent aux entreprises pour le financement des projets. D’abord, pour les projets d’expansion, l’augmentation du capital financier constitue la décision stratégique pour renforcer du financement interne qui ne doit plus être considéré comme un acquis dans la gestion à moyen et long terme des projets. Par ailleurs, il serait de bon augure pour les entreprises d’exploiter le financement par crédit-bail. Ce système de location avec une option d’achat à terme permet à 124 Revue Congolaise de Gestion N°14 l’entreprise de disposer des moyens de production sans immobiliser de capitaux. En outre, il est important également que les entreprises congolaises saisissent l’opportunité des innovations que le marché financier (avec l’avènement de la Bourse des Valeurs de l’Afrique Centrale), les banques et les professionnels de l’argent offrent pour les entreprises. Certaines de ces innovations se présentent sous la forme des produits offerts aux entreprises pour la gestion de leurs dettes. La disponibilité des intermédiaires financiers dont la mission est de proposer des financements les mieux adaptés à chaque nature des besoins constitue une garantie pour la mise en œuvre de cette source de financement. 4- CONCLUSION En guise de conclusion, on peut estimer que cette brève note est un début de réponse au problème du financement, problème récurrent constituant un obstacle majeur pour les entreprises congolaises. La question de l’information sur des différents modes de financement existants pour réaliser un projet se pose. Par ailleurs, cette note a proposé des esquisses de solutions par rapport au constat selon lequel les cadres dirigeants des entreprises congolaises font souvent preuve d’une mauvaise gestion financière de façon générale et d’une incapacité à pouvoir présenter un Business plan permettant de lever les fonds auprès des institutions financières. L’analyse sur le financement des projets a permis de cerner les facteurs sources de cette mauvaise gestion et de cette incapacité à pouvoir présenter un Business plan assorti d’une bonne étude de faisabilité. Les perspectives présentées dans ce travail sont des opportunités pour les entreprises modernes dans un environnement mondial et concurrentiel. 125 Revue Congolaise de Gestion N°14 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 126 Baum W.C (1987), Qu’est ce qu’un projet ? Le cycle des projets, Paris, Ed. Economica. BODIE Z. et MERTON R., (2007), Finance, 2ème édition, Paris, Ed. Nouveaux Horizons, Begg D. ; Fischer St. et Dornbusch R. (1996), Micro-économie, 2ème édition, Dunod, Paris Hirshleifer J. ; Glazer A. et Hirshleifer D. (2009), Micro-économie : théories et applications, Traduction de la 7ème édition anglaise Editions de Boeck Université Ittinger J.P. (1985), Analyse économique des projets agricoles, Paris, Ed. Economica. Levasseur M. et Quintard A. (1992), Finance d’entreprise, 2ème édition, Paris, Ed. Economica ; Pages 463-464. Olekalo, R., (2010), Le profil des dirigeants des entreprises de services à Brazzaville, Mémoire de master, Management des PME, ESGAE Simon Y. et Joffre P. (1997), Encyclopédie de gestion, 2ème édition, Paris, Ed. Economica ; Page 2303. Revue Congolaise de Gestion N°14 COMITE DE REDACTION Marcel MBALOULA, Rédacteur en chef ; [email protected] (Chargé de Cours à l’E.S.G.A.E.) ; G.W. TCHAMBA ; D. BASSOKA ; R.M. OCKANA ; J. T. OUNOUNOU ; B. MOUEGNI MILENZI ; R. SAMBA ; J. P. NGALEBAYE ; A. MOULEMVO ; J.J. KIMO ; C. BIKODI ; C. KOUDISSA-NTELO. SECRETARIAT DE LA REVUE Grâce NKOUZOU ; Blin NKOUKA Courriel : [email protected] ONT CONTRIBUE À CE NUMERO : André MOULEMVO UMNG – Brazzaville, Congo Claude LIPIKA Diplômé de Master, E.S.G.A.E. Azzouz ELHAMMA Professeur agrégé en gestion financière et comptable, Rabat – Maroc Alain Enseignant chercheur, faculté des TAKOUDJOU NIMPA sciences économiques et de gestion – Université de Dschang, Cameroun Léopold Enseignant chercheur, faculté des DJOUTSA WAMBA sciences économiques et de gestion – Université de Dschang, Cameroun Dianhy DIANZONZAMA Chargé de cours à l’E.S.G.A.E. Abonnement : 2 numéros par an. Congo : 30$ par an – frais de port compris. Autres pays : 50$ par an. Chèque bancaire ou postal libellé à l’ordre de E.S.G.A.E. Compte n° 11670-1001 LCB – Brazzaville. Mandat lettre à l’ordre de l’E.S.G.A.E. 127 Revue Congolaise de Gestion N°14 128 Revue Congolaise de Gestion N°14 ---------------------------------------------------------------------- BULLETIN D’ABONNEMENT À remplir et à retourner à l’adresse ci-dessous : E.S.G.A.E. B.P. 2339 Brazzaville République du Congo Nom : ………………………………………………………… Prénom : ……………………………………………………... Organisme : ………………………………………………….. 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