Fiche de lecture

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Fiche de lecture
Nicolas Thibault
Juin 2013
Master 2 TEF
21211701
Fiche de lecture
Enseignant : Barbara Fontar
Erving GOFFMAN, Les rites d’interaction, Paris, Editions de Minuit, 1974.
Chapitre 1 : Perdre la face ou faire bonne figure ?
Introduction
Erving Goffman, né en 1922 et mort en 1982, est un sociologue et linguiste Américain
rattaché à la seconde école de Chicago au côté d’Howard Becker et d’Anselm Strauss.
Goffman s’est ainsi attaché à comprendre le sens que les acteurs sociaux donnent aux
situations qu’ils vivent et pour cela il s’est écarté des méthodes quantitatives pour privilégier
l’observation participante. Aussi, l’œuvre d’Erwin Goffman est moins centré sur l’action
individuelle que sur les interactions.1
Ainsi tous les concepts et approches développées par Erving Goffman permettront de
répondre à des questions comme : Que se passe-t-il lorsque deux ou plusieurs personnes
sont face à face ? Comment se déroule l’interaction lorsque l’une d’entre elles commet un
impair, ou présente un handicap physique ? Ou si elle est considérée comme un malade
mental ?2
Entre 1960 et jusqu’à sa mort, il a développé 3 concepts : La métaphore théâtrale, au sein
d’ouvrage comme « la mise en scène de la vie quotidienne »,1959 où il envisage la vie
sociale comme une scène (région où se déroule la représentation), avec ses acteurs, son
public et ses coulisses et encore « Stigmate » (1963). La métaphore rituel dans un ouvrage
comme « les rites d’interactions », 1967 où il rend compte des rencontres « face à face » et
enfin la métaphore cinématographique avec « le cadre de l’expérience », 1974.
« Chacune des approches tente tout d’abord de repérer les conditions qui font en sorte que
l’interaction se déroule sans heurts, sans accrocs, sans ruptures.»3
Dans le cadre de mon thème et objet de recherche il m’a semblé pertinent d’aborder le
concept de métaphore du rituel à travers la lecture de l’ouvrage « les rites d’interactions »
publié et traduit en 1974. En effet, l’environnement de formation à distance et le
regroupement filmé particulièrement est un lieu de mise en scène des formateurs et des
élèves où la notion d’interaction prend tout son sens.
Je vais revenir ci-dessous sur les principales notions définient par Goffman dans le 1er
chapitre de l’ouvrage : « Perdre la face ou faire bonne figure ? ».
1
Erving Goffman – Wikipédia.
Jean NIZET et Natalie RIGAUX, La sociologie de Erving Goffman, Paris, Découverte, 2005.
3
Jean NIZET et Natalie RIGAUX, La sociologie de Erving Goffman, op. cit.
2
Analyse
Pour Goffman, on devient humain par la rencontre sociale. Ce qui semble important
est que malgré les différences culturelles « La nature humaine universelle, n’est pas une
réalité universelle », Pour lui, c’est une construction de l’homme qui n’est pas psychique
(donc interne) mais qui suit des règles (extérieurs). Ainsi, « pour qu’une rencontre ou une
entreprise restent un système d’interactions viables et organisés sur des principes ritualistes,
il est nécessaire que ces variations soient contenues dans certaines limites et qu’elles soient
exactement compensées par des modifications de certaines autres règles et conventions. »
Goffman va ainsi décrire les éléments de la tenue, du détachement, du lieu d’action afin de
répondre à son objectif qui est ici de décrire les unités d’interactions et l’ordre
comportementale qui existe en tout lieu fréquenté par l’homme. L’hypothèse de Goffman
reste qu’une étude convenable des interactions ne s’intéressent n’ont pas à l’homme et à sa
psychologie mais aux relations qui unissent les actions des personnes en présences
(relation médiatisé ou non). Ainsi dans le premier chapitre de l’ouvrage, Goffman va définir
tous les concepts clés nécessaires à appréhender à l’intérieur d’un échange, notamment la
nécessité de faire bonne figure et de ne pas perdre la face et encore les relations sociales
et la nature de ce qu’il nomme « l’ordre rituel ».
Goffman désigne par figuration tout ce qu’entreprend une personne pour que ses actions ne
fassent perdre la face à personnes (y compris elle-même). Pour lui l’assurance est une
variété importante de la figuration, car grâce à elle, une personne pourra maitriser son
embarras. Lors d’une interaction, il semble à Goffman qu’il existe, ce qu’il nomme un
répertoire propre à chaque culture, auquel chacun va pouvoir se référer lorsque justement
l’on va chercher à savoir à quoi ressemble « vraiment » une personne ou une culture. Pour
exploiter ce répertoire il va ainsi falloir faire preuve de discernement et agir, en tous les cas
en ce qui concerne notre culture avec tact, aisance et diplomatie.
En général, une personne en interaction agit selon deux directions et souvent en même
temps. D’une elle défend sa face et de deux elle protège la face des autres. Seulement une
personne peut décider de manière volontaire ou involontaire de faire mauvaise figure et ainsi
de faire perdre la face aux autres (et risquer également de perdre elle-même la face). Pour
Goffman, il existe trois niveaux dans la responsabilité d’une personne qui met en danger la
face des autres. Un premier niveau ou l’action est apparemment innocente, le faux pas, la
gaffe ; un second niveau ou la personne agit méchamment dans l’intention de nuire ; un
troisième niveau qu’il nomme « l’offense gratuite », « un sous-produit non désiré mais prévu
d’une ligne d’action accomplie en dépit des conséquences ».
L’objectif de Goffman est ici de comprendre les différents types de figuration existants,
comment ils s’articulent, à quel moment et pourquoi les utiliser ? Dans quelles circonstances
et que se passe-t-il si le modèle n’est pas suivit ?
Les deux principaux types de figuration sont l’évitement et la réparation. Toujours dans cette
idée d’éviter de perdre la face, une personne va tenter d’éviter la rencontre et s’il y a
nécessairement rencontre, mettre en place différentes stratégies pour éviter une situation qui
risquerait de lui faire baisser la tête. Ainsi une personne peut écarter le sujet de sa ligne
d’action avec un élément contradictoire, changer de sujet de conversation, user de
circonlocutions trompeuses, jouer d’ambiguïté, utiliser la plaisanterie ou encore annoncer
l’affront. En tous les cas dissimuler ses sentiments et dans le cas où elle se retrouverait face
à une personne qui ferait piètre figure, elle pourrait se détourner un moment pour lui donner
le temps de se reprendre.
« L’évitement » n’est pas toujours possible, et si « une personne participe à une rencontre,
mais qu’elle n’a pas les mêmes valeurs que là où les personnes présentes, elle va s’efforcer
de rétablir un état rituel satisfaisant » : c’est la réparation. En disant cela Goffman confirme
l’idée qu’un « ordre rituel » est nécessaire pour préserver « la face » (comme un objet
sacré). L’échange est donc « une unité concrète fondamentale » de l’activité sociale. Pour
Goffman il existe comme un modèle (une suite naturelle) de mouvements-messages qui
constituent un « mode de comportement rituel ». Il y a 4 mouvements : la sommation, l’offre,
l’acceptation, le remerciement. Mais ce modèle peut dévier. En effet, au sein de l’échange
l’offenseur peut sentir que l’offensé accepte par délicatesse, ou encore s’excuser en amont
de son offense… En tous les cas les émotions jouent là un rôle très important et finalement
ces émotions fonctionnement également comme un des mouvements de l’échange.
C’est pour ces déviances que la figuration peut devenir un moyen d’agression. Lors de
l’échange une personne peut tenter de jouer d’une réflexion, d’une vanne et ainsi montrer
qu’elle est meilleure inter actant, sans pour autant sortir de la ligne d’action. L’autre personne
va alors « rire jaune » et se retrouver bloqué. Mais évidemment le risque est la riposte et de
perdre la face en tant qu’offenseur car pour Goffman, il est difficile de contre attaquer.
Le choix de la bonne figuration semble donc difficile. Par exemple si une « gaffe » est
commise, en tant qu’offensé on ne sait si l’offenseur va ignorer, faire une plaisanterie et en
même tant en tant qu’offenseur on ne sait pas si l’offensé souhaite une ignorance ou de
l’assurance. Les deux parties de l’échange sont ainsi dans un mode hésitant.
« Seulement dans la bonne société, on ne refuse pas la main tendu, même à tort ». Les
puissants n’embarrassent pas trop leurs inférieurs et les inférieurs acceptent la politesse
dont il se passerait bien. Si chacun décide de se sauver la face et celle des autres, on entre
dans ce que Goffman nomme « la coopération ». Pour lui pour qu’il y ait une coopération
deux éléments rentre en ligne de compte : le tact, qui « permet d’avertir quelqu’un que sa
ligne d’action présente un risque » et le renoncement réciproque, si aucune solution
équitable n’apparait.
« La façon dont une personne accomplit sa part de figuration et aide les autres à
accomplir la leur représente le niveau de son acceptation des règles fondamentale de
l’interaction sociale ». « C’est la pierre de touche de sa sociabilisassions en tant
qu’interactant. ». Pour Goffman c’est essentiel. Si nous n’étions pas sociabiliser de
cette manière, l’interaction serait un danger permanent. Il n’y aurait plus de jugement
de valeur et plus personne ne serait un « objet rituels délicat ».
Pour maintenir l’équilibre, il existe dans la figuration un code rituel contenu implicitement
dont « le moi » est essentiel. Ainsi « si quelqu’un met en danger la face de quelqu’un d’autre,
elle a plus ou moins le droit de se sortir d’affaire en s’humiliant volontairement. Ce qui est un
bon arrangement dans la mesure où personne ne risque d’en abuser ». Et il existe une
relation étroite en le « moi » et « l’échange verbale » dans cette ritualisation.
Pour Goffman, pour qu’un échange se conclue il faut que chaque participant signifie qu’il se
considère rituellement satisfait. Les personnes sont bien « des objets rituels délicats » et
pour que l’ordre rituel soit maintenu il faut qu’il y ait une relation sociale : « une situation ou
une personne est particulièrement forcé de compté sur le tact et la probité d’autrui pour
sauver la face et l’image qu’elle a d’elle-même. » Ainsi pour Goffman la nature fondamentale
de cette ordre rituel est bien la face et non la justice, « ce pour quoi l’offenseur reçoit non pas
ce qu’il mérite, mais ce qui lui permet momentanément de garder la ligne d’action ou il est
engagé et au-delà… l’interaction.
Note…
Aujourd’hui, les notions développées par Eving Goffman m’aident énormément dans mes
observations des formateurs et élèves en situations. L’ouvrage dans son intégralité reste un
livre de chevet car il me donne des clés de lectures pour appréhender ce qu’il se passe au
l’intérieur d’une salle de classe, notamment lorsque celle-ci est équipée d’outils de
médiatisation audiovisuelle. Je peux ainsi croiser les différences entre les discours et les
pratiques réels et je comprends mieux l’influence de certaines configurations d’activité et le
pourquoi de la diversité des mises en action des inter-actants.
Définitions (reprise du chapitre « Perdre la face ou faire bonne figure ? » dans « Les
rites d’interaction » d’Erving Goffman.
1 : La ligne de conduite ou ligne d’action :
Un canevas d’actes verbaux et non verbaux qui sert à une personne à exprimer son point de
vue sur la situation, et par là, l’appréciation qu’elle porte sur les participants et en particulier
sur elle-même.
2 : La face :
« La valeur sociale positive qu’une personne revendique effectivement à travers la ligne
d’action que les autres supposent qu’elle a adopté au cours d’un contact particulier »
… « C’est une image du moi décliné selon certains attributs sociaux approuvés et
néanmoins partageable ». La face n’est donc pas à l’intérieur mais diffuse dans les flux des
évènements de la rencontre. Elle ne se manifeste que lorsque les autres tentent de la
déchiffrer.
2.1 : Garder la face : « Lorsque la ligne d’action suivit par l’individu manifeste une
image de lui-même consistante »… « Il est donc nécessaire, pour y parvenir, de prendre en
considération la place que l’on occupe dans le monde social. »
2.2 : Perdre la face : « Lorsque qu’une personne fait mauvaise ou piètre figure et fini
par baisser la tête ».
2.3 : Sauver la face : « Processus par lequel une personne arrive à donner aux
autres l’impression qu’elle n’a pas perdu la face »
3 : Faire mauvaise figure : « On peut dire qu’un personne fait mauvaise figure lorsqu’il est
impossible d’intégrer ce que l’on vient d’apprendre sur la personne de sa valeur social. »
4 : Faire piètre figure : « Lorsqu’une personne prend part à une rencontre sans disposer
d’une ligne d’action telle qu’on l’attendrait dans une situation de cette sorte. »
5 : Assurance : « Aptitude à supprimer et à dissimuler toutes tendance à baisser la tête lors
des rencontre avec les autres. »
6 : Amour propre : «En tout lieu de la société, on peut s’attendre à ce que le code social
comporte un accord sur le point jusqu’où une personne peut aller pour sauver la face. Dès
lors que quelqu’un assume une image de soi qui s’exprime à travers la face qu’il présente, il
est censé s’y conformer. »
7 : Discernement : « Prendre conscience de la façon dont les autres ont pu interpréter ses
actes et dont on devrait peut être interpréter les leurs. »
8 : Le tact : les règles de savoir-vivre ou encore la diplomatie.