Le témoignage complet de Philippe - RE

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Le témoignage complet de Philippe - RE
La rénovation d’une maison en centre ville de Thuin (Belgique)
Philippe vient de rénover une maison de ville datant de la 1 ère moitié du 19e siècle dans le centre
historique de Thuin, il témoigne de son expérience :
Contexte
Pourquoi ce bâtiment ?
Nous habitions déjà Thuin, mais nos enfants ayant grandi notre maison était devenue trop grande.
Nous avons donc décidé de déménager dans une maison plus petite.
Notre choix c’est porté sur cette maison de rangée à rénover dans le centre ville de Thuin pour
plusieurs raisons
 Pour le lieu :
 Nous souhaitions rester à Thuin et nous rapprocher des services du centre ville.
 Nous avons été séduits par le cadre environnant de la ville médiévale et plus
particulièrement par la vue sur les jardins suspendus s’étendant à flanc de coteaux;
 Pour le bâtiment :
 Nous voulions passer d’une grande maison quatre façades à une petite maison deux
façades.
 La compacité de la maison (mitoyenne des deux côtés) et l’orientation plein sud de la
façade arrière étaient favorables à notre désir d’habiter une maison respectueuse de
l’environnement.
Une rénovation dans le respect du patrimoine ?
Pour moi, la maison ne possède pas de caractéristiques patrimoniales particulières, mais comme elle
se situe le long de la Grand Rue dans le centre historique de la ville on ne pouvait pas y faire
n’importe quoi. C’est bien normal.
Avant les travaux, la façade était enlaidie au rez-de-chaussée par une vitrine en aluminium percée
sur toute la largeur. La façade a donc été recomposée en valorisant la verticalité caractéristique du
bâti du centre ville.
Le choix de la couleur de l’enduit est audacieux sans être tape à l’œil. Les menuiseries des fenêtres
sont joliment dessinées avec leurs croisillons décalés.
Vos objectifs principaux lors de cette rénovation ?
Nous souhaitions tout d’abord :
1. Rendre la maison accueillante pour six personnes (quand les enfants reviennent le weekend). Etant donnée la faible surface au sol du logement, la plus grande contrainte a été de
penser intelligemment l’espace.
2. Tirer au maximum profit de la situation exceptionnelle que ce soit pour la vue que pour
l’orientation sud.
Pourquoi vous êtes-vous engagés dans une démarche d’éco-rénovation ?
Pour plusieurs raisons :
 Pour limiter notre impact sur l’environnement et préserver notre planète.
 Pour préserver notre santé.
 Pour maîtriser de notre facture énergétique, aspect qui pour nous n’est pas vital mais qu’on
trouve quand même intéressant.
La famille a toujours eu une sensibilité écologique autant dans l’habitat que dans le reste. On
toujours été peu sensible à ce qui est « consommation », on s’est toujours trouvé bien dans des
environnements où on privilégie la qualité de vie à la consommation.
Nous souhaitions employer une majorité de matériaux écologiques et sains, c’est pourquoi par
exemple nous avons en grande majorité utilisé des éco-matériaux pour l’isolation. Cependant, on
n’est pas des « intégristes ». On a plafonné au MP 75 (enduit de plâtre) qui n’est pas un matériau
reconnu comme étant écologique en soi. La dalle sur cave est isolée en Styrodur® (polystyrène
extrudé), et pour les peintures on a pris en grande majorité des peintures classiques.
Pour nous, la plus value d’une telle démarche par rapport à une rénovation « classique » se situe
aux niveaux économique et du confort.
Du point de vue économique j’espère que ma consommation pour le chauffage (un poêle à bois)
tournera autour des cinq stères de bois par an, étant donné que la maison est petite, mitoyenne et
bien isolée.
En ce qui concerne le confort, j’espère bien qu’en ayant mis 23 cm de cellulose dans le grenier et
dans le mur de la façade arrière on aura moins chaud en été que le commun des mortels. L’utilisation
d’isolants écologiques se justifie par la recherche du confort d’été et du confort d’hiver, le reste est
une espèce de pari, de croire que l’on est en meilleure santé dans une maison avec des matériaux
sains. Cependant il y a des tas de gens qui sont en bonne santé dans une maison « malsaine », ça
dépend fort de la réceptivité de l’individu à l’agressivité de différents agents que l’on trouve dans les
isolants.
Le projet :
La collaboration avec l’architecte ?
Pour la réalisation et l’obtention du permis de bâtir, nous avons fait appel à un architecte. Il a réalisé
les plans généraux, la répartition interne, l’organisation des pièces. Sa mission était d’apporter une
réponse à notre objectif n°1 : penser intelligemment l’espace en tenant compte des contraintes et
potentialités : la Grand Rue très passante et bruyante sur l’avant et la façade arrière exposée plein
sud avec vue sur les jardins suspendus et la vallée de la Biesmelle. Par contre il n’a pas apporté de
solution technique, sa mission était purement sur les aspects fonctionnels.
L’octroi du permis d’urbanisme ?
On n’a pas eu de problèmes avec le permis d’urbanisme qui a été accepté. Notre architecte est allé
voir l’architecte de la commune au préalable et lui a exposé ce qu’il comptait faire pour voir si le
projet ne posait pas problème. On a dû faire quelques modifications, qui à mon avis étaient fondées,
pour éviter que depuis les terrasses on ait une vue plongeante sur celles des voisins.
On a cependant eu une restriction du fonctionnaire délégué qui a demandé que le parement de
briques grises prévu entre les deux baie du rez-de-chaussée coté rue soit remplacé par de l’enduit
comme sur le reste de la façade.
Je trouve le processus pour l’obtention d’un permis de bâtir est très lent, les démarches
administratives sont lourdes et le nombre de jours de traitement du dossier est énorme.
Notre seul déboire réel fut avec les panneaux solaires thermiques. Nous souhaitions en placer deux
sur la terrasse du second (à 45° sur le toit plat) mais après une procédure de 115 jours nous n’avons
pas eu l’autorisation. Pour la pose de ceux-ci, la seule solution acceptée par l’administration était de
placer ces panneaux sur le toit. Mais étant donnée l’ensoleillement qui était moindre sur le toit que
sur la terrasse, nous n’avons pu qu’en placer un seul.
Des difficultés pour trouver une entreprise ?
J’ai commencé par faire quelques travaux seul avec mon fils tout en sachant que je ne pouvais pas
mettre en œuvre l’ensemble du projet moi même.
Ce qui est marrant c’est que personne ne voulait de mon chantier. Au départ j’ai fait venir une EFT
(entreprise de formation par le travail) de la région qui a décliné car pour eux c’était un chantier trop
important. Ils m’ont donné le nom d’entrepreneurs avec lesquels ils travaillent régulièrement. Le
premier est venu voir le chantier et m’a dit « OK ça va je vais vous remettre un devis ». Ne recevant
pas d’offre je l’ai relancé mais entre temps il avait accepté un gros chantier et n’avait plus de temps
pour le mien. Une seconde entreprise m’a donné la même chanson donc j’ai compris qu’il y avait un
problème.
Le problème selon moi n’a rien à voir avec l’écologie ou les matériaux utilisés mais réside dans le
type même du chantier, une rénovation de bâtiment ancien de petite taille avec :
 de gros problèmes d’accès mais aussi de stockage et de livraison de matériaux,
 beaucoup de petites taches non spécialisées par rapport aux taches spécialisées. c’est
beaucoup de petites choses enchevêtrées les unes dans les autres. Il faut aligner 4 briques,
faire un petit coffrage et ensuite un resserrage puis après on passe à des blocs Monomur.
 Peu d’espace pour travailler.
Donc finalement l’entrepreneur classique se dit qu’il ne va pas gagner sa vie.
Finalement j’ai contacté l’EFT « Quelque Chose A Faire » qui a accepté le chantier.
Votre relation avec l’entreprise qui réalise les travaux ?
A part les châssis qui ont été fait par une autre entreprise et la ventilation que j’ai réalisé moi même,
c’est l’Entreprise de Formation par le Travail (EFT) « Quelque Chose A Faire » ASBL qui a réalisé
l’ensemble des travaux.
Comme l’architecte n’avait pas la mission de superviser les travaux, il fallait qu’il y ait une
coordination parfaite entre le chef d’équipe et moi parce que ce que l’un et l’autre oubliait tout le
monde l’oubliait. Celui-ci s’est vraiment pris au jeu et a fait comme s’il transformait sa propre
maison. Il lui arrivait de me téléphoner pour me dire : « on a oublié ça, j’ai repensé à ceci cette nuit,
qu’est ce qu’il te semble et moi je ferai ceci, … ». C’était vraiment un partenariat.
L’avantage avec « Quelque Chose A Faire » c’est que leurs formateurs sont bien plus polyvalents que
beaucoup de chefs d’équipes d’entreprises classiques. Quand il faut allier différentes techniques
dans un chantier comme celui-ci c’est pratique d’avoir la toujours le même interlocuteur parce s’il
avait fallu se faire succéder des gens hyper spécialisés dans chacun des domaines, ça aurait pris
beaucoup plus de temps et il y aurait eu des pertes d’énergie colossales.
Comme je travaille déjà dans l’éco-construction, le choix des matériaux employés vient plutôt de
moi. Le formateur/chef d’équipe n’avait par exemple jamais construit avec du Monomur, je lui en ai
expliqué l’intérêt, le pourquoi et le comment, il s’est renseigné et m’a dit « d’accord ». Il était tout à
fait demandeur d’apprendre des choses nouvelles. A la limite, il me remerciait de l’obliger à faire des
choses neuves et ça s’était très bien. Les vieux maçons d’habitude quand on vient avec des choses
nouvelles ils sont rarement enthousiastes alors que lui c’est le contraire.
Quels travaux ont été réalisés en priorités ?
En termes de réduction de la facture énergétique l’effort doit être mis sur l’isolation, c’est donc ce
que l’on a fait : ISOLER.
L’apport d’énergie externe par le solaire thermique, photovoltaïque ou éolien… pour nous c’est la
cerise sur le gâteau, c’est en plus. Je trouve qu’il vaut mieux essayer de réduire ses consommations
que d’essayer d’avoir de l’énergie gratuite même si elle est renouvelable et qu’elle ne coute rien et
que l’on n’appauvrit personne en la prenant. D’abord on limite ses consommation et après on
compense.
Tous nos budgets ont été faits sans prendre les primes en compte. On les a considérées comme une
espèce de bonus. Isoler c’est rentable, s’il y a des primes tant mieux mais elles ne sont pas un
incitant pour moi.
Un fois le bâtiment bien isolé, on a seulement envisagé les énergies renouvelables. Mais ici à la
limite, on a placé des panneaux solaires parce qu’il y avait une prime, il n’y aurait pas eu de prime on
ne l’aurait peut-être pas fait.
Les travaux plus en détails :
Au niveau du Gros œuvre et enveloppe :
 façade sur rue : Recomposition des baies, enduit extérieur à la chaux plus un badigeon
teinté, isolation par l’intérieur avec 10 cm de laine de chanvre (ISOVER - Florapan) placé dans
une ossature en bois, mise en place d’un freine-vapeur Intello® et habillage intérieur en
plaque de Fermacell.
 volume arrière en rez-de-chaussée : Reconstruction en Monomur Wienerberger –
POROTHERM de 37 cm qui sera ensuite revêtu par l’extérieur d’un enduit sur isolant en
panneaux Diffutherm de 6 cm.
 Construction d’un volume en ossature bois au premier étage : isolation en panneaux de
fibres de bois placé entre l’ossature avec côté extérieur un pare-pluie et vent en panneaux de
fibres de bois et un habillage bardage bois et côté intérieur des plaques de Fermacell
 Façade arrière : Isolation du mur du dernier niveau (façade d’origine) par 23 cm de cellulose
ou par des panneaux isolants de fibres de bois avec pare-pluie et vent en panneaux de fibres
de bois revêtu d’un bardage bois.
 Toiture refaite en auto-rénovation : ardoise artificielle, sous toiture Pavatex®, 23 cm de
cellulose et parement Fermacell.
 Toiture plate isolée par 23 cm de cellulose.
 Installation de châssis performants, châssis bois/alu.
 Isolation de la dalle sur cave avec 5cm de Styrodur®.
….
Au niveau des Equipements:
 Installation d’un poêle à bois classique à bon rendement et très lourd : 200kg de fonte qui
gardent la chaleur.
 Installation d’un chauffe-eau solaire.
 Ventilation double flux en auto construction.
 Installation de sanitaire.
 Electricité.
 ….

Les difficultés rencontrées lors des travaux :
Nous avons eu quelques surprises avec l’entreprise qui nous a vendu et placé les fenêtres.
Il s’agit de châssis bois-alu de très bonne qualité, très performants (Uw de 1,3 Kwh/m2.K pour le
vitrage plus les menuiseries) et les poseurs les placent comme un châssis simple vitrage il y a 50 ans.
Il a fallu que je leur explique comment faire pour garantir l’étanchéité à l’air en plaçant des bandes
d’étanchéité à noyer ensuite dans les plafonnages. Ils l’ont fait un peu pour me faire plaisir, sans
comprendre qu’une maison économe en énergie est aussi une maison étanche à l’air. Pour eux une
maison bien isolée est une maison construite avec des matériaux isolants mais ils ne se rendent pas
compte qu’une mise en œuvre garantissant l’étanchéité à l’air est vitale.
Autre difficulté mais dans mon chef cette fois-ci, c’est la ventilation double flux. Je n’en avais jamais
installée. J’ai eu le tort de ne pas y réfléchir suffisamment tôt et quand je m’y suis mis c’était trop
tard, il fallu réaménager certaines gaines et ce qui a été préjudiciable en terme de temps passé,
perdu et de difficultés de placement.
Le coût des travaux ?
Ce qui a fait augmenter le coût des travaux, c’est qu’il y a des choses que je comptais faire moi-même
et que j’ai finalement fait faire par l’entreprise.
Financièrement, je pars du principe qu’entre le calcul du départ et le calcul final il y a au moins un
ratio de 1,5 soit au moins 50% de supplément. En partant avec cette marge en tête il n’y pas eu trop
de déconvenues.
Cette rénovation a environ couté 75 000 euros en sachant qu’à l’achat la maison valait 50 000 euros.
On partait de rien on a juste gardé les murs extérieurs du volume principal et les planchers et on a
reconstruit le volume arrière du rez-de-chaussée.
Je trouve que le prix des matériaux écologiques est surfait aujourd’hui et j’estime ça non pas au fait
qu’il y a des gens qui se remplissent les poches dans la filière mais au fait que les volumes sont bien
moindres que pour les matériaux classiques. Je pense que les prix vont chuter quand ils vont se
généraliser. Les surprimes en Wallonie pour l’utilisation de matériaux écologiques permettront peutêtre de les faire à rentrer dans les mœurs et ainsi d’augmenter leur part de marché.
Ce qu’il reste à faire :
Il nous reste à trouver un système de protection solaire extérieur. Je voulais mettre des stores en
bois conçus pour l’extérieur comme on fait en Espagne mais on n’en trouve pas en Belgique. L’autre
idée était de placer un système de protection horizontal statique de type casquette, mais en tenant
compte de la hauteur de la fenêtre et de la latitude elle devrait faire 1,5m de long, ce qui fait un peu
beaucoup.
Si c’était à refaire :
 Une erreur que l’on a commise : n’avoir mis que 5 cm d’isolation dans la dalle sur alors que l’on
aurait pu en mettre 10.
 J’aurais du mieux me renseigner sur la ventilation double flux pour en maitriser l’implantation.
 On aurait aussi du avoir une réflexion plus approfondie sur le chauffage en lui-même j’ai peur
que l’on ait prévu un peu court en termes de chauffage. On a prévu, pour chauffer toute la
maison, un poêle à bois au premier étage et on se rend compte que ça va poser problème au rezde-chaussée. Effet, même si celui-ci n’est utilisé que ponctuellement, il faudra y prévoir un petit
chauffage d’appoint, probablement un convecteur au gaz pour donner une heure de chaleur
l’hiver. Pour la salle de bain qui est aussi au rez-de-chaussée on pense mettre un petit chauffage
électrique d’appoint.
Mon conseil pour se lancer dans une rénovation écologique :
Le premier conseil : trouver un architecte qui connaît le sujet et peut faire état de réalisations qui
tiennent la route.
Le second conseil c’est de trouver quelqu’un qui assure la coordination du chantier. Le client qui a les
compétences techniques peut jouer ce rôle par plaisir, comme moi, en sachant qu’il va devoir y
passer du temps. Mais il y a beaucoup de gens qui considèrent que des travaux c’est clé sur porte,
que l’on arrive quand les travaux sont finis et que l’on doit avoir ce que l’on a demandé. Ceux là
doivent avoir absolument un coordinateur du chantier (pas au sens sécurité du terme mais au sens
coordination des travaux). Ce peut être l’architecte mais cela suppose pour lui de venir au bon
moment, de passer du temps, de se mettre en guerre avec l’entrepreneur. Ce n’est pas évident du
tout.
Pour Mr Tout le Monde j’ai l’impression qu’une rénovation est une entreprise complexe. Il faut
toujours garder à l’esprit que même si on a placé les matériaux qu’il fallait, la question reste toujours
de savoir s’ils sont mis en œuvre de façon à garantir les résultats ?
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