L`attitude des jeunes face à l`argent

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L`attitude des jeunes face à l`argent
Dossier
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L’argent et les jeunes
DOSSIER: l’argent et les jeunes
PSYCHOSCOPE 11/2008
L’attitude des
jeunes face
à l’argent
Quels rapports les jeunes ont-ils
avec l’argent et quels usages peuvent-ils en faire ?
Dans toute famille, l’argent peut être
une source de conflit entre parents et
enfants. Quand doit-on donner de l’argent à ses enfants et combien ? Pour
les parents, cette situation nouvelle peut
s’avérer quelquefois déstabilisante.
Daniel Alhadeff, psychologue spécialiste
en psychothérapie FSP, donne des éléments de réflexion tirés de sa pratique.
Si, dans le cadre de l’éducation d’adolescents, l’argent
peut devenir un pôle de conflit et une source d’inquiétude pour les parents, c’est aussi une excellente occasion pour des apprentissages importants.
Mon article s’adresse aux professionnels et adopte un
point de vue psycho-éducatif destiné aux parents. Ma
pratique clinique m’a convaincu de l’importance de
donner des informations aux parents pour les soutenir
dans des situations souvent tout à fait «normales», mais
qui sont nouvelles et parfois déstabilisantes. Ce travail
de prévention peut parfois éviter le développement de
pathologies plus lourdes.
Avant même de devenir un problème, la gestion de l’argent peut susciter des questions en tous points légitimes.
Photo: Vadim Frosio
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En effet, comme il n’existe pas de manuel «Comment
être de bons parents», il n’existe aucune règle qui fixe le
montant de l’argent de poche suivant l’âge. Or les règles
sont importantes, mais cela signifie que chaque famille
doit fixer les siennes propres. Comment faire ?
L’importance des règles
Le sujet de l’argent est d’abord l’occasion de s’interroger
sur la valeur qu’on y accorde dans la famille et dans le
couple parental. Les parents peuvent reprendre des règles qui existaient dans leur famille d’origine.
Comment cela se passait-il quand eux-mêmes étaient
en âge de recevoir de l’argent de poche ? Faudra-t-il faire comme cela se passait chez maman ? Chez papa ?
Ou inventer de nouvelles règles propres à la nouvelle
famille ? La discussion est importante et, même si les
parents prennent les décisions, l’enfant peut y participer car il peut y trouver un bon exemple de la manière
de négocier entre adultes. Si les parents ne sont pas
d’accord, ils tenteront de trouver un consensus avant
d’en parler aux enfants. Les enfants sont toujours très
forts pour profiter des désaccords entre adultes. Il est
important que les parents fassent front commun devant
leurs enfants. Une fois qu’ils se sont mis d’accord, ils
doivent se tenir à ce qu’ils ont fixé. Si l’un des deux parents commence à donner de l’argent dans le dos de
l’autre, les deux parents perdent en crédibilité. Les règles sont importantes, mais elles peuvent être modifiées. Plus que le résultat, c’est le processus qui est important. Si une occasion se présente et que maman
pense que le fils aîné mérite un supplément d’argent de
poche, pourquoi pas ? Mais il est important que papa
soit au courant. Et vice versa.
Un bon dialogue
Le sujet de l’argent devrait être aussi une bonne occasion pour dialoguer avec l’enfant. Il ne s’agit pas de lui
faire la morale, mais de le renseigner sur la valeur de
l’argent et sur ce que l’on peut acheter avec. Demander
à l’enfant ce qu’il compte acheter ne devrait pas être
une question intrusive. Il ne s’agit pas d’exercer un
contrôle dictatorial, qui risque de pousser l’enfant à
cacher ou à mentir, mais bien une fois encore de favo-
riser le dialogue et la confiance. Si l’enfant veut acheter des bonbons, pourquoi pas ? Mais seulement des
bonbons ? Les parents peuvent négocier qu’une partie de l’argent ira pour les bonbons et une autre part
pour des aliments plus sains, ou pour autre chose, voire – pourquoi pas ? – pour être mis de côté dans une tirelire pour un achat futur plus important. Tout est possible. L’argent ouvre de nouveaux horizons à l’enfant,
et un petit aperçu du pouvoir d’achat de sa vie d’adulte: autant stimuler sa créativité et poser les jalons de
valeurs «responsables» (qui sont elles aussi à discuter
en famille, car elles varient beaucoup d’un individu à
l’autre).
L’enfant est confronté aux règles de ses pairs, collègues
de classe ou amis. Il est important pour les parents
d’avoir une idée de ce que les camarades de leurs enfants ont comme argent de poche. Les règles familiales
(individuelles) peuvent donc être ensuite confrontées
aux règles extérieures (sociales). Les parents peuvent
aussi dialoguer avec d’autres parents pour fixer leurs
propres règles.
Il peut se présenter des situations où des parents qui
n’ont jamais reçu d’argent de poche saisissent cette occasion pour, en quelque sorte, «se rattraper» et donner
à leurs enfants ce qu’ils n’ont jamais reçu. Donner à
l’enfant tout ce qu’il demande présente un inconvénient
important. Tout au long de sa vie d’adulte, l’enfant sera
confronté à la frustration. Or, cette dernière, dosée
avec modération, peut être extrêmement constructive.
D’abord parce qu’elle stimule la créativité (chez l’adulte et chez l’enfant). L’être humain est ainsi fait que si
vous lui présentez un obstacle, il tentera d’inventer le
moyen de le surmonter. Mais cette faculté s’apprend.
Dès la petite enfance, c’est la faim qui va aider le nourrisson à développer ses capacités cérébrales pour «imaginer» le sein quand il est absent, ou se contenter de sucer son pouce pour trouver l’apaisement et s’endormir.
De même, un enfant qui n’a que des branches d’arbres
pour s’amuser s’inventera un monde imaginaire plus
complexe que celui qui dispose du tipi, de l’arc et des
flèches, de la voiture de pompiers, etc. A nouveau, il ne
s’agit pas de priver l’enfant, mais de doser argent et cadeaux pour qu’il les apprécie à leur juste valeur et non
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qu’il devienne blasé. Cette stimulation de l’imagination
et de la créativité est un apprentissage nécessaire et très
important pour la vie future de l’adulte. Il est normal
de vouloir préserver les jeunes pour qu’ils profitent au
mieux de leur enfance. Toutefois, les aider à développer
leurs compétences créatives et imaginatives leur servira plus tard à affronter et à surmonter les obstacles du
monde adulte.
Il est évidemment important d’adapter ces règles au caractère différent de chaque enfant. Un enfant qui a
déjà tendance à se réfugier dans des mondes imaginaires devra plutôt être «tiré» vers le réel, et à l’inverse il
n’est pas mauvais pour un enfant qui dit s’ennuyer de
le laisser expérimenter l’ennui pour stimuler son imagination.
Il semblerait que nous nous soyons éloignés de l’argent,
mais il n’en est rien. L’argent est juste une nouvelle étape dans le développement de l’enfant. Au lieu de lui
offrir le jouet directement, nous lui offrons de quoi se
l’offrir lui-même. Il acquiert donc un nouveau pouvoir
et ce pouvoir va avec de nouvelles responsabilités. Car,
comme les adultes, le jeune peut décider d’utiliser ce
pouvoir dans la prise de risques.
Quels sont les risques ?
La première règle à connaître est qu’il est impossible
d’éviter au jeune tous les risques. Cela fera, malheureusement, partie de son apprentissage de la vie que d’y
être confronté et d’en ressortir victorieux. Tout comme
la frustration stimule l’imagination, le risque et l’interdit augmentent l’envie de s’y confronter.
Voici quelques éléments de réflexion non exhaustifs:
• Pour la cigarette, le premier point à envisager est l’attitude des parents. Il est plus difficile d’interdire au
jeune de fumer quand vous-même vous fumez trois
paquets par jours. Où commence la liberté de l’adulte, où s’arrête celle du jeune ? Un collègue médecin
avait choisi de montrer à ses adolescents des photos
de poumons de fumeurs. La peur peut aussi fonctionner. Mais il sera difficile de faire l’impasse sur
une discussion approfondie sur les risques, pourquoi
pas avec un professionnel du tabagisme. Celui-ci ne
tiendra pas un discours catégorique, mais utilisera
des méthodes éprouvées dans le domaine des dépendances et du travail motivationnel. Il soutiendra aussi
les parents dans cette démarche.
• En ce qui concerne l’alcool, nous sommes confrontés
à de nouveaux phénomènes où les jeunes se retrouvent et utilisent l’alcool non pas dans un esprit festif
et convivial, mais bien comme une drogue dure pour
être soûls le plus vite possible. Là encore, il est avant
tout important de fournir des informations aux jeunes sur les risques, principalement ceux d’un décès
suite à un coma éthylique ou à un accident de la route. Ensuite, ce qui peut parfois éviter la dérive d’un
jeune est de discuter avec lui des phénomènes d’influence au sein d’un groupe de pairs. Il y a les jeunes
qui abusent de l’alcool parce qu’ils l’ont choisi (bien
sûr on peut se demander s’il s’agit d’un véritable
choix) et ceux qui suivent et qui boivent «pour faire
comme les autres». Pour cette deuxième catégorie
peut se faire un travail pour aider le jeune à remettre en cause les «valeurs» de son groupe et/ou pour
augmenter sa confiance en soi et sa capacité à savoir
dire «non» ou «stop» avant d’aller trop loin. Il suffit
parfois qu’un autre de ses amis qui ne boivent pas ou
peu soit présent pour que le jeune se sente prêt à ne
pas suivre le mouvement général vers la beuverie.
Trouver un proche-ressource peut faire partie du
«travail» des parents inquiets. Il est important aussi
de connaître l’existence des phénomènes d’entraide
de type «Nez Rouge» ou «Be my angel» qui peuvent
s’organiser dans n’importe quel groupe à condition
d’en avoir l’idée.
• Si l’argent de poche se révèle servir pour l’achat de
drogues ou pour l’abus d’alcool, il semble évident que
les parents doivent cesser d’en donner ou demander
des garanties ou des preuves. On ne peut pas empêcher un ado de se droguer, mais, s’il s’achète des toxiques, que ce ne soit pas avec le soutien involontaire
des parents. Le manque d’argent sera un premier
obstacle à la consommation de toxiques. Ici encore,
il s’agira de donner des informations au jeune.
Quand l’argent devient un problème…
Il existe trois domaines où l’argent est au centre de situations plus inquiétantes: le vol, les achats compulsifs
et le jeu pathologique.
Avant d’aller plus avant, il convient de restituer brièvement le contexte dans lequel peuvent apparaître ces
symptômes.
Au moment de l’adolescence, les jeunes peuvent sembler différents aux parents. Avoir une discussion avec
certains professeurs ou intervenants extérieurs peut
parfois permettre de découvrir une autre facette de
son enfant (pas forcément négative) et de mieux appréhender la nouvelle réalité dans laquelle il se débat.
On a suffisamment dit et répété que l’adolescence est
une période difficile et charnière. Se (re)mettre dans la
peau d’un jeune est difficile, surtout lorsque l’ado tente
de se distancier (souvent momentanément) de ses parents. Les parents eux-mêmes sont confrontés à des difficultés qui correspondent au fameux «milieu de la vie»
et ne sont pas dans une phase particulièrement réceptive de leur existence. Tous ces paramètres vont donc favoriser l’apparition de symptômes divers et variés.
Il est souvent impossible, même pour un professionnel,
Photo: Vadim Frosio
d’avoir une idée de l’évolution de ces symptômes. En
termes systémiques, chaque grande étape de vie entraîne ses crises et ses changements. Le changement est
inévitable et, selon cette optique, le symptôme apparaît
souvent quand on tente de l’éviter et d’éviter ainsi la crise. Il est bon de rappeler que, si la crise est une période
difficile et désagréable, c’est aussi l’occasion de nouvelles et meilleures opportunités. La crise ne doit pas être
banalisée, mais présentée comme le passage d’un état
d’équilibre à un autre (comme les marches d’un escalier). Pendant ces périodes, les communications entre
membres de la famille deviennent souvent plus compliquées, y compris au sein du couple parental. Ou alors,
sous le couvert d’une routine rôdée se développent à
bas bruit des troubles divers. Quand on les découvre, il
n’est pas trop tard, mais ils sont parfois bien installés.
Les parents tombent alors de haut et ils doivent rattraper les épisodes qu’ils ont manqués s’ils ne veulent pas
se sentir dépassés. Dans ces cas, ils appliquent souvent
des mesures d’urgence qui ne sont pas mauvaises en
soi, mais qui arrivent soit trop tard, soit sont disproportionnées et correspondent plutôt au désarroi parental
qu’au malaise des jeunes. Là encore une séance familiale, même avec le médecin de famille, peut permettre
de faire descendre le niveau de tension ou d’angoisse.
Les parents ont souvent toutes les ressources nécessaires pour gérer les situations, il leur manque juste parfois des informations, ou de la confiance. Parfois, ils
veulent juste que le professionnel les rassure et leur
confirme qu’ils agissent au mieux.
Ne pas banaliser ni dramatiser
La difficulté du professionnel confronté à ces familles
ou au jeune est qu’il doit éviter la banalisation et la dramatisation. En effet, ne se concentrer que sur le symptôme (comme le font souvent les parents) voire le psychiatriser (nous sommes rapides pour énoncer des
diagnostics tels qu’hyperactivité, toxicomanie, dépression) risque de contribuer à renforcer le symptôme, à
le justifier et à le «solidifier», alors qu’une des caractéristiques de cette période est justement la plasticité
des mouvements psychiques et de leurs représentations
comportementales. Même si on n’adhère pas aux théories des mouvements systémiques, il convient de garder
l’esprit et le regard ouverts et d’évaluer également le
contexte familial pour disposer du maximum d’informations et d’hypothèses possible. Sans banaliser le
symptôme, il convient donc de se rappeler son aspect
«porte-drapeau». Y coller une étiquette risque d’abord
d’amener tous les regards à se concentrer sur un seul
point et ensuite de nous faire passer à côté de données
importantes. Cela risque aussi de fournir un prétexte
aux autres membres de la famille pour se désengager du
mouvement alors qu’il est l’affaire de tous. Le rôle du
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professionnel est d’aider ces derniers à utiliser leurs ressources, et pas de se substituer à eux. Même dans le cas
d’une thérapie individuelle, pourquoi ne pas garder des
entretiens de guidance parentale ? Bien sûr, les parents
ne sont pas toujours accessibles. Mais cela ne coûte
rien d’essayer. De même il est bon de jouer la transparence et d’expliquer tout ce qui précède aux parents.
Cela est tellement évident pour nous que nous oublions
parfois que cela ne l’est pas pour la famille.
Devenir autonome
Une des problématiques qui se joue à l’adolescence
est celle de l’autonomisation des jeunes. Et, dans ce
contexte, l’argent a évidemment son rôle à jouer. Alors
que faire en tant que professionnel ? Aider le jeune à
prendre ses distances alors que les parents sont morts
d’angoisse ? Freiner le mouvement quand l’ado accumule les sabotages inconscients de tout ce qui pourrait le
rendre plus responsable ? Il n’y a malheureusement pas
de règle non plus pour les thérapeutes. Rappelons quelques repères: apprendre à bien connaître les règles du
fonctionnement familial, sa «culture», ses mythes peutêtre, et cela même si les parents nous poussent à agir
(ce qui ne signifie pas qu’il ne faut pas le faire si la vie
du jeune est en danger). Trouver le rythme de la famille
et s’y accorder. Le processus peut être douloureux et il
remet le professionnel en cause, car la famille attend
des résultats de ce dernier et il travaille donc sous pression, ce qui n’est pas facile. Diminuer cette pression
doit donc aussi être une priorité du professionnel
s’il veut retrouver sa liberté d’esprit et sa marge de
manœuvre. Les intervisions et supervisions sont toujours des outils utiles dans ces situations, car il est
facile de s’identifier soit aux parents soit aux jeunes en
souffrance.
L’adolescence est aussi la réactualisation de problématiques anciennes. Dans ce cadre, l’argent peut cristalliser
la demande ou la revendication d’amour ou d’attention.
Maintenir un dialogue
Le vol est un symptôme qui peut recouvrir plusieurs
problématiques. Avant de le sanctionner, il convient
d’essayer de comprendre ce qui a motivé l’adolescent.
Cela peut être justement l’achat de toxiques dont nous
avons parlé, mais cela peut être aussi parce que le jeune considère qu’il ne reçoit pas assez d’argent. A-t-il
demandé plus avant de voler ? Les règles parentales
sont-elles trop dures ? Que veut-il acheter ? Cela est-il
négociable ?
Le vol doit être puni, mais il faut aussi entendre le message que nous donne ainsi le jeune, sinon il risque de
se reproduire. Il est important de pouvoir créer un climat de confiance et de dialogue. Car, plus que le vol, le
mensonge ne devrait pas devenir systématique. Si c’est
devenu le cas, il convient de consulter un professionnel
en famille, si possible un thérapeute systémique. Une
longue thérapie ne sera peut-être pas nécessaire: un ou
deux entretiens peuvent parfois permettre de désamorcer la spirale.
Il est également une situation qu’il ne faut pas exclure,
celle où l’enfant qui a volé est lui-même victime d’un
racket à l’école. Le jeune ne devrait pas tout dire à ses
parents, mais, en cas de problème, il devrait malgré
tout se sentir suffisamment en confiance pour demander du soutien. Maintenir le dialogue devrait rester une
priorité, même si le jeune choisit la rupture.
Sens différent selon l’âge
Le jeu pathologique et les achats compulsifs sont, au
risque de me répéter, des symptômes qui n’ont pas le
même sens à l’adolescence ou à l’âge adulte. L’âge du
jeune, le fait qu’il soit majeur ou pas, et qu’il dispose ou
non de ressources financières sont des paramètres importants. La «dépendance» financière du jeune aux parents offre aussi un levier dont ne disposent plus les
thérapeutes qui travaillent avec les adultes. Mais c’est
évidemment un levier à double tranchant qui met les
parents dans une position inconfortable puisque, justement, ce qui est en train de se jouer est l’autonomisation du jeune et que les parents sont par définition
«juge et partie». Et la position du thérapeute à qui on
demande de l’aide n’est pas plus enviable, car, si on lui
demande de «guérir» le jeune, c’est souvent à la condition implicite de ne pas toucher aux règles familiales ou
les remettre en cause.
Certaines règles doivent donc être «dénoncées», dans le
sens d’être mises en lumière, rendues conscientes, pour
que les parties en présence puissent faire de «vrais»
choix et assumer leurs conséquences en tout état de
cause. Joli programme, qui est évidemment plus simple
à énoncer qu’à mettre en pratique pour les uns comme
pour les autres.
Au-delà de l’empathie, l’espoir de l’amélioration et la
bienveillance restent pour moi les points cardinaux du
travail avec des parents dans la tourmente.
Conclusion
Le sujet principal de cet article nous a donc permis de
suivre quelques pistes de réflexion sur des sujets qui me
semblent importants (éducation, règles, risques, adolescence, notion de pathologie, théories systémiques)
et qui peuvent se cacher derrière le rapport à l’argent et
l’usage que l’on peut en faire. Il s’agit probablement de
sujets connus, mais il est bon parfois de repasser par
les chemins que l’on connaît bien pour en apprécier les
paysages d’un point de vue légèrement différent.
Daniel Alhadeff
Bibliographie
Ladame, F. (2003). Les éternels adolescents.
Paris: Odile Jacob.
Neuburger, R. (2000). Les territoires de l’intime.
Paris: Odile Jacob.
L'auteur
Daniel Alhadeff est psychologue, spécialiste en psychothérapie FSP et membre de l’Association genevoise de
thérapies familiales (AGTF).
Il a fait ses études à Genève jusqu’en 1990 et a accompli son cursus de formation dans les institutions psychiatriques de Lausanne (Service de psychiatrie de l’enfant
et de l’adolescent) et Genève (Hôpitaux universitaires de
Genève). Il est au bénéfice d’une double formation en
thérapie de famille (HUG) et de couple (R. Neuburger).
Il a également une expérience de plus de douze ans dans
le domaine des addictions.
Actuellement, il travaille dans son cabinet privé à Genève
(depuis 1999). Dans ce cadre, il anime une fois par mois
des groupes d’informations aux parents d’adolescents.
Il donne également des supervisions dans le domaine
des thérapies systémiques et des addictions.
Adresse
Daniel Alhadeff, 55, ch. de la Planta, 1223 Cologny.
Tél.: 022 735 32 14, mobile: 078 719 27 26.
Email: [email protected].
Zusammenfassung
Die Zeit, in der Kinder oder Jugendliche beginnen, Taschengeld zu verlangen, bringt für die Eltern häufig Unruhe und Konfliktstoff mit sich. Daniel Alhadeff, Fachpsychologe für Psychotherapie FSP, hält es für wichtig,
Eltern über diese zwar «normale», jedoch neue und teilweise verunsichernde Situationen gut aufzuklären und
sie zu unterstützen.
Nach Meinung des Experten müssen bezüglich Taschengeld mit dem Kind oder Jugendlichen klare Abmachungen getroffen werden, und es braucht grosse
Dialogbereitschaft. Selbstverständlich können auch
so niemals sämtliche Konflikte aus der Welt geschafft
werden, die überdies zum Lernprozess aller Jugendlichen gehören. Und so kann es auch einmal nötig werden, einen allfälligen Konflikt mit Hilfe einer Fachperson zu lösen.
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DOSSIER: l’argent et les jeunes
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Les jeunes et
l'argent
L'enjeu de la démesure
Avec un pouvoir d’achat en hausse et un
mode de consommation qui change en
conséquence, les jeunes se retrouvent
très souvent endettés. Psychologues
au Centre du Jeu Excessif à Lausanne,
Margret Rihs-Middel, Sophie Hardegger
et Caroline Dunand décrivent dans leur
article les principaux facteurs d’endettement des jeunes ainsi que les programmes de prise en charge.
De nos jours, le pouvoir d’achat des jeunes se voit augmenté et leur mode de consommation a nettement
changé. Ces nouvelles habitudes les encouragent à dépenser toujours plus, et donc à s’endetter plus facilement. En effet, ils peuvent désormais s’offrir, grâce à
leur argent de poche ou leur premier salaire, des articles onéreux tels que des habits de marque et, en plus
grande quantité qu’auparavant, des jouets, des articles
de sport et de musique. Avec le développement de la
téléphonie mobile (dont l’iPhone) et des jeux virtuels,
ils ont accès à de nouveaux supports tels que les jeux
à pratiquer sur console ou sur ordinateur, seul ou en
réseau, les RPG (Role Playing Games) ou encore les
MMORPG (Massive Multiplayer Online Role Playing
Games). Ils peuvent également se connecter aux casinos virtuels ou s’adonner à des jeux légaux et illégaux
tels que le poker. Selon l’Institut suisse de prévention
de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA), le nombre de jeunes qui utilisent Internet de façon démesurée
est estimé entre 100’000 et 150’000. Ceci représente
non seulement un investissement considérable en
temps mais aussi en termes financiers. De plus, la démocratisation des voyages grâce à l’offre grandissante
des compagnies «low cost» procure aux jeunes le sen­
timent d’une aisance financière qu’ils ne possèdent
pourtant pas et qui peut les amener à s’endetter.
Une situation difficile
Plusieurs facteurs convergent pour créer une situation
individuelle difficile à redresser, à savoir: les valeurs ex-
plicites de la société, la pression de groupe, l’exemple
de l’entourage, le manque de formation et les difficultés individuelles. Nous tenons à décrire ici les principaux facteurs d’endettement ainsi que les programmes
de prise en charge dont peuvent bénéficier les jeunes
en difficulté.
Citons d’abord le fait d’une société tendant à l’individualisme et au refus de la modération et de l’épargne.
Les habits de marque, la fréquentation des endroits en
vogue, les frasques de la jeunesse dorée ou encore les
concours de «mannequinat» nourrissent chez le jeune
l’illusion d’appartenir aux «peoples» des quotidiens gratuits. L’argent et l’ostentatoire l’emportent dans notre
société sur une gestion des ressources saine. Profiter et
se divertir selon le slogan «Play now, pay later» mènent
à l’insouciance et à l’égocentrisme.
Les études du professeur Fehr de l’Université de Zurich
(2008) montrent que la norme est au profit et non à la
solidarité. En effet, tout le groupe cherche à profiter
des autres si l’un de ses membres initie le mouvement
et se comporte de manière désolidarisée. Nous pouvons
à présent constater les limites évidentes d’un fonctionnement basé sur la démesure et l’égocentrisme grâce à
la crise du système financier mondial. Il n’est donc pas
étonnant qu’à un niveau individuel, beaucoup de jeunes n’aient pas encore intégré la nécessité d’un budget
équilibré dans leur système de valeurs, peut-être faute
d’exemples positifs dans leur entourage et dans les médias. Face à cette problématique, il serait peut-être nécessaire d’inclure dans le cursus scolaire une formation en gestion financière. Ce type de cours éducatifs,
visant à modifier les comportements inadéquats dans
la vie quotidienne, a déjà été mis en place avec succès
dans d’autres domaines.
Des comportements problématiques
Sur le plan individuel, l’impulsivité et le désir d’appartenance à un groupe valorisé socialement suggèrent à
de nombreux jeunes de «jouer au riche». Dès à présent,
les comportements problématiques tels que les achats
compulsifs ou les comportements maladifs dans le jeu
de hasard et d’argent ne sont plus les seuls responsables
de l’endettement de cette tranche de la population.
Photo: Vadim Frosio
L’emploi abusif de la téléphonie mobile suffit à contracter des dettes pouvant s’élever de 10’000 à 15’000 CHF.
Cette situation peut vite s’avérer dramatique puisque
les moyens financiers d’un apprenti ou d’un étudiant ne
suffiront évidemment pas à faire face à un tel endettement, et nombreux sont les parents qui ne pourront ou
ne voudront assumer cette charge.
Une crise identitaire
Les problèmes d’argent sont compliqués à détecter chez
les jeunes du fait que ceux-ci considèrent souvent cette
situation comme inavouable. Le dépistage s’avère donc
difficile tant pour leurs proches que pour les professionnels, ce qui empêche généralement une intervention précoce. Une telle intervention s’avère pourtant
nécessaire puisque l’endettement n’est souvent qu’un
symptôme d’une crise identitaire profonde. Celle-ci est
le reflet d’un décalage entre l’image de soi réelle et celle
idéalisée. Un tel comportement dépensier permet au
jeune de réduire ce décalage. Cependant, dès l’instant
où il prend conscience des mécanismes qui le poussent
à une consommation abusive et aux conséquences que
cela engendre, le jeune peut être en proie à un fort sentiment de culpabilité, voire manifester des symptômes
dépressifs. L’idéal serait de pouvoir interroger les jeunes
dans leur environnement quotidien à propos de leur
situation financière. On pourrait, par exemple, imaginer une première approche du problème lorsque les jeunes sont en contact notamment avec leurs professeurs,
les infirmiers scolaires, les psychologues ou encore les
assistants sociaux.
Des procédures lentes
Une autre difficulté de la prise en charge est la lenteur
des procédures de désendettement. En effet, l’assainissement des dettes mis en place par certains services
sociaux, qui permet de régler ses dettes à l’amiable,
nécessite 3 ans en moyenne. L’individu doit se déclarer
en faillite personnelle et se soumettre à un suivi sociofinancier régulier. Toutefois, selon «Dettes conseils
suisses», 80% des personnes (toutes classes d’âge
confondues) qui s’adressent à ces services ne sont pas
en mesure de rembourser leurs dettes.
Une prise en charge adéquate
L’aide aux jeunes se caractérise par différentes étapes
bien définies. Un jeune endetté a développé une relation à l’argent inadéquate et devrait donc bénéficier
d’un soutien thérapeutique individualisé ou en groupe.
Le premier pas de la prise en charge consiste à faire
une évaluation psychologique et un bilan de sa situation sociofinancière. L’objectif d’une approche de type
cognitivo-comportemental est d’identifier les causes
sous-jacentes à l’endettement et d’intervenir en corri-
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DOSSIER: l’argent et les jeunes
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geant les conceptions erronées du jeune face à l’argent.
Il doit apprendre à reconsidérer l’importance de l’argent
dans son existence et faire le deuil de son rêve de prestige, de sa volonté de paraître plutôt que d’être. Le jeune doit également apprendre à faire face à la pression
de groupe. Il sera alors en mesure de se responsabiliser
au niveau financier et de revoir son système de valeurs
personnel.
Ce soutien doit en outre s’exercer de manière suivie
afin d’éviter les risques de rechute. Parallèlement, il
faut déterminer l’étendue exacte des dettes et élaborer
un plan de remboursement. Pour ce faire, le jeune doit
être coaché. Il est notamment important d’établir avec
lui un budget adéquat qui lui permette quelques extras
de temps à autre, afin de ne pas créer une trop grande
frustration et d’éviter la rechute.
Bibliographie
Peut-être plus d’équilibre
Les auteures
Etre endetté pour avoir voulu s’identifier à la jeunesse
dorée n’est pas la meilleure façon de commencer sa vie
active. Cependant, toute crise personnelle, comme
celle impliquant une relation destructrice vis-à-vis de
l’argent, peut amener à une évolution personnelle plus
équilibrée. Le jeune doit donc trouver des points de
repère pour accorder ses moyens et ses rêves.
Margret Rihs-Middel a fait ses études de psychologie
aux Universités de Bochum, Constance (Allemagne) et
Fribourg (Suisse). Elle a obtenu un master en Santé publique à l’Université de Harvard. Elle a enseigné à l’Université de Fribourg ainsi qu’à l’EPFL. Actuellement, elle
collabore avec la chaire de Psychiatrie communautaire
du CHUV et dirige le bureau de recherche et d’évaluation
«Ferarihs».
Margret Rihs-Middel
Sophie Hardegger
Caroline Dunand
Une bibliographie plus complète peut être obtenue
auprès des auteures.
Dunand, C., Andronicos, M., Zumwald, C., Charruau, S.,
Smets-Dupertuis, B., &. Liebkind, Y. (2008). Analyse/Jeu
excessif: un nouveau défi pour les travailleurs sociaux.
Information sociale indépendante.
Revue en ligne Reiso: www.reiso.org/revue/spip.
php?article97
Falk, A., Fehr, E., & Fischbacher, U. (2008). Testing theories of fairness – Intentions matter. Games and Economic
Behavior, 62 (1), 287-303.
Nower, L., Derevensky, J.L., & Gupta, R. (2004). The relationship of impulsivity, sensation seeking, coping, and
substance use in youth gamblers. Psychology of Addictive Behaviors, 18, 49-55.
Sophie Hardegger a obtenu sa licence en psychologie et
un master en sciences criminelles, mention criminologie,
à l’Université de Lausanne. Elle travaille actuellement en
tant qu’assistante de projet au Centre du Jeu Excessif du
Service de psychiatrie communautaire du CHUV.
Caroline Dunand a obtenu sa licence et un diplôme en
psychologie expérimentale et cognitive à l’Université de
Genève. Elle a été assistante à l’Université de Genève.
Actuellement, elle travaille à l’Université de Fribourg et au
Centre du Jeu Excessif du Service de psychiatrie communautaire du CHUV.
Adresse
Centre du Jeu Excessif, Service de Psychiatrie communautaire - CHUV, Rue Saint-Martin 7, 1003 Lausanne.
Tél.: 021 316 44 40, fax: 021 316 44 41
www.jeu-excessif.ch
Lien
Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres
toxicomanies: www.sfa-ispa.ch.
Zusammenfassung
Ihre steigende Kaufkraft und das entsprechende
Konsumverhalten führen häufig dazu, dass sich Jugendliche verschulden. Margret Rihs-Middel, Sophie
Hardegger und Caroline Dunand, Psychologinnen am
«Zentrum Exzessives Spielen» In Lausanne beschreiben in ihrem Artikel sowohl die wichtigsten Ursachen
für die Verschuldung von Jugendlichen wie auch Massnahmenprogramme, die dagegen entwickelt wurden.
Confiance en soi
et perspectives
Les conséquences psychologiques d’une étude récente sur l’endettement
Les recherches de la sociologue bâloise
Elisa Streuli sur l’endettement des jeunes
aboutissent aussi à des conclusions sur
le plan psychologique.
Parents et spécialistes devraient en tirer
les conséquences en vouant une attention particulière à l’origine sociale des
jeunes, à leur valeur personnelle et à
leurs perspectives d’avenir.
Vous avez publié tout récemment une étude (voir ciaprès) sur la problématique de l’endettement des jeunes:
quel est à votre avis le degré de gravité de la situation ?
Elisa Streuli: – Dans notre commentaire, nous nous
situons à mi-chemin entre dramatisation et minimisation. La situation n’est pas aussi dramatique que l’écho
médiatique aurait pu le laisser supposer à la sortie de
notre étude.
La plupart des jeunes gens se débrouillent avec leurs
moyens financiers et se comportent en étant conscients
de leurs responsabilités. A propos de l’endettement de
la jeunesse, on ne peut pas parler d’un phénomène de
masse; même le cliché d’une jeunesse hédoniste et
accro à la consommation ne se vérifie pas. D’un autre
côté, il y a bien un petit groupe de jeunes surendettés,
qui ont besoin d’un soutien, et qu’il ne faudrait pas laisser tomber. Ce phénomène ne se limite d’ailleurs pas à
la jeunesse…
Les résultats de votre recherche offrent un intérêt interdisciplinaire. Sur le plan psychologique, quelles conclusions tirez-vous des réponses à la question que vous posez: «Où résident les raisons subjectives de l’endettement
des jeunes ?»
La raison principale du surendettement n’est pas une
consommation effrénée, mais un profond sentiment
d’insécurité et un manque de perspectives d’avenir.
Une situation d’endettement problématique de plusieurs milliers ou dizaines de milliers de francs est en
général l’aboutissement d’une succession de problèmes
sociaux et de santé.
Dans la brochure qui livre vos résultats, vous avez brossé
les portraits de jeunes d’origine très diverse.
En quoi sont-ils typiques ?
En sélectionnant dans son ensemble le groupe de référence, nous trouvions important de pouvoir montrer
aussi bien des exemples de situations à problème que
des stratégies de solution qui avaient réussi. Ceci ressort également dans le choix des portraits de jeunes de
la brochure.
Le portrait de Max illustre le fréquent surmenage des
jeunes jouissant d’une indépendance financière précoce, ainsi que leur difficulté à accepter de l’aide.
A première vue, avec son tas de cartons à chaussures,
Princess semble incarner un peu le cliché de la
«consommation chic». A vrai dire, elle perçoit aussi son
rapport à l’argent d’une manière très autocritique.
Ajoutons que chez les filles l’achat de vêtements et de
produits de beauté a clairement à faire avec le besoin
d’appartenance et la quête d’identité.
Quels sont les résultats de votre recherche qui vous ont
particulièrement touchée ?
Ce qui a le plus frappé notre équipe, c’est de voir combien le rapport à l’argent était façonné par l’origine sociale des personnes interrogées. Des ressources importantes sur le plan social et temporel au sein du milieu
familial conduisent incontestablement à un rapport à
l’argent plein d’assurance: la conscience de pouvoir, en
cas de nécessité ou d’erreur due à l’exubérance de la
jeunesse, se réfugier dans la chaleur d’un nid familier
et sécurisant augmente la confiance en soi sur le plan
financier.
Le jeune qui, au contraire, est issu d’un milieu défavorisé et se trouve obligé d’assurer précocement son indépendance économique semble développer aussi plus tôt
le sentiment qu’il est des renoncements nécessaires.
Combien certains jeunes doivent tomber bas avant de
faire appel aux possibilités d’aide et de soutien est aussi
une réalité qui nous a touchés.
Il faut visiblement un déclic existentiel, une sorte de
détonateur, pour qu’un jeune se laisse convaincre de
consulter un service de conseil en matière d’endettement.
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Photo: Vadim Frosio
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DOSSIER: l’argent et les jeunes
PSYCHOSCOPE 11/2008
Qu’entendez-vous par là?
Il est arrivé que des jeunes, avant d’accepter une aide,
se soient retrouvés si bas qu’ils étaient au bord du suicide. Avant de recourir au conseil en matière d’endettement, ils devaient reconstruire à la base leur volonté de
vivre. C’est pourquoi il est clair que les causes des gros
problèmes financiers chez les jeunes ne se laissent pas
expliquer par de simples clichés comme l’hédonisme et
les achats compulsifs. On doit ici poser des questions
plus précises sur l’arrière-plan, dans lequel s’imbriquent
souvent les questions d’estime de soi et de perspectives
d’avenir, et enquêter sur le réseau social où évoluent les
jeunes.
Parfois, à la volonté de résoudre ses problèmes d’argent
est aussi associée une certaine déception à propos du
couplage des relations au statut et à l’argent. De ce fait,
des interventions, comme dans le cas de Max, peuvent
conduire à ce que le réseau de relations des jeunes se
modifie dès le moment où ils réalisent qui leur veut
vraiment du bien.
Comment pouvons-nous soutenir au mieux, à votre avis,
les jeunes gens endettés ?
Si l’on prend au sérieux la recherche des causes, il
convient, par exemple au moyen d’une politique de
l’éducation bien pensée, de créer pour tous une vraie
égalité des chances et des perspectives d’avenir. En ce
qui concerne les séductions du monde de la consommation, je trouve par contre plus sensé de renforcer
les jeunes gens psychiquement que de les protéger, par
exemple, par des mesures légales d’interdiction de la
publicité.
A l’égard des personnes touchées – assez nombreuses –
provenant de milieux défavorisés, il est en outre nécessaire de disposer d’offres d’aide permettant de réduire
les risques, avec si possible un savoir-faire interculturel.
Ce qui est le plus profitable aux victimes du surendettement, c’est un accompagnement à long terme par des
personnes de confiance.
Verriez-vous ici des possibilités d’emploi spécifiques pour
des psychologues ?
«Le détonateur» dont il a été question ne peut pas être
actionné par des personnes extérieures. Cependant, si
les personnes endettées font d’elles-mêmes appel à une
aide psychologique, les thérapies comportementales et
le coaching me paraissent propres à obtenir des résultats.
L’éducation à la consommation et la prévention de l’endettement doivent être introduites le plus tôt possible,
au moment où les compétences générales en matière
de finances et de vie quotidienne se renforcent. C’est
pourquoi je vois surtout des possibilités d’emploi pour
des spécialistes formés en psychologie dans le domaine
de la prévention, par exemple dans la formation ou le
perfectionnement des enseignant(e)s et des pédagogues
sociaux ainsi que dans le conseil aux parents.
Interview: Susanne Birrer
Bibliographie
Hafen, M. (2003). Was unterscheidet Prävention von Behandlung? Abhängigkeiten. 2: 21-33.
Hurrelmann, K. (2004). Lebensphase Jugend. Weinheim:
Juventa.
Korczak, D. (1997). Marktverhalten, Verschuldung und
Überschuldung privater Haushalte in den neuen Bundesländern. Stuttgart: Kohlhammer.
Lange, E. (2004). Jugendkonsum im 21. Jahrhundert.
Wiesbaden: GVW.
Mattes, Ch. (2007). Im Schatten der Konsumgeschichte.
Basel: Gesowip.
«Avec son argent et celui des autres»
Résultats d’une recherche récente
A la Haute école de travail social de la Suisse du
Nord-Ouest, deux études sur l’endettement des
adolescents et des jeunes adultes ont été menées
sous la direction d’Elisa Streuli: un questionnaire
soumis, sur mandat de l’Office fédéral de la Justice
et via Internet, à un échantillon représentatif de 500
jeunes Alémaniques de 18 à 24 ans et des deux
sexes, et une enquête approfondie auprès de 537
jeunes de Bâle-Ville, fréquentant un gymnase, une
école normale, une école de diplôme ou une passerelle vers le monde du travail (semestre de motivation) (voir indications bibliographiques).
Toutes les données ci-dessous sont tirées de ces
études.
Chiffres et faits
• 38% des Alémaniques de 18 à 24 ans ont des engagements financiers ouverts. On y trouve des
dettes d’argent informelles auprès des familles et
des amis, des dettes formelles auprès d’instituts
de crédit, des factures non acquittées et qui ont
déjà fait l’objet de rappels, des contrats de leasing
et d’amortissement et d’autres engagements (cumul possible).
• Près de 30% ont des dettes d’argent informelles
auprès des familles ou d’amis.
• Près de 4% ont des dettes auprès d’instituts de
crédit.
• 8% ont des factures non réglées et ayant déjà fait
l’objet de rappels.
• 11% ont des contrats de leasing et d’amortissement.
• 3% ont fait l’objet de poursuites, une ou plusieurs
fois.
• La moitié des personnes endettées ont des dettes pour un montant inférieur à 1’000 francs.
• Environ un Alémanique de 18 à 24 ans sur dix a
des dettes supérieures à 2’000 francs.
• Environ une personne sur sept a des dettes qui
dépassent ses revenus mensuels. On peut qualifier ces personnes de «surendettées».
• Les créanciers sont en première ligne les parents.
Streuli, E., Steiner, O., Mattes, Ch., & Shenton, F. (2008).
Eigenes Geld und fremdes Geld – Jugendliche zwischen
finanzieller Abhängigkeit und Mündigkeit. Basel: Gesowip.
L'auteure
Elisa Streuli, dr phil., a étudié la sociologie et la didactique de l’économie à l’Université de Zurich; elle est professeure à la Haute école spécialisée de la Suisse du
Nord-Ouest. Auparavant elle a travaillé plusieurs années
à l’UBS et collaboré à la recherche sociale au Bureau
d’études en politique sociale et du travail (BASS) ainsi
qu’à l’Université de Bâle, où elle enseignait la sociologie
du monde du travail.
Adresse
Dr. Elisa Streuli, Prof. FH, Hochschule für Soziale Arbeit
FHNW, Thiersteinerallee 57, 4053 Basel.
[email protected]
Liens
Résultats détaillés de l’enquête:
www.bj.admin.ch/etc/medialib/data/
pressemitteilung/2007/pm_2007_06_18.Par.0001.File.
tmp/20070618_berverschuldung-d.pdf
Brochure-résumé:
www.fhnw.ch/sozialearbeit/ikj/publikationen/broschuere-jugendverschuldung
Généralités:
www.schulden.ch
www.plusminus.ch
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