Le temps de trajet estil du temps de travail?

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Le temps de trajet estil du temps de travail?
22/9/2015
Journal en Ligne
Le temps de trajet est­il du temps de travail?
La presse européenne a largement fait écho à un arrêt de la Cour de justice européenne rendu ce 10 septembre.
Celui­ci est particulièrement intéressant et traite de la qualification à donner aux déplacements professionnels que
réalisent certains employés lorsqu'ils se rendent directement 'sur site' en ne devant pas se présenter d'abord au
siège de l'employeur.
Les commentaires de la presse belge étaient assez neutres. Mais pour "Le Monde" ou "Le Figaro", l'arrêt de la Cour
de justice a valeur de séisme. En effet, en droit français, le temps de déplacement professionnel pour se rendre au
travail n'est pas du temps de travail. Mais la situation du salarié itinérant ne disposant pas de lieu habituel de
travail fixe n'est pas rencontrée par le Code du travail français. Selon les avocats spécialisés interrogés, cette
décision "va faire grincer des dents à un grand nombre d'employeurs (...) et va coûter une fortune s'il faut
rémunérer ces trajets".
Que dit l'arrêt de la Cour de justice?
En 2011, la société espagnole Tyco, une société qui installe des systèmes électroniques contre les cambriolages
dans toute l'Espagne, a fermé ses bureaux de province. Depuis lors, les techniciens itinérants ne passent plus par
un siège administratif en début et en fin de journée mais entament ou terminent leur tournée quotidienne
immédiatement à leur domicile. Antérieurement, Tyco considérait que le temps de travail quotidien du technicien
se situait entre l'arrivée le matin et le départ le soir au/du siège régional.
Depuis la suppression des bureaux régionaux, Tyco considère que la journée débute à l'arrivée chez le premier
client et se termine lorsque le travail est terminé chez le dernier. À défaut d'être du temps de travail, les trajets
domicile/premier client ou dernier client/domicile sont considérés comme des moments de repos puisque le
technicien n'est pas à la disposition de son employeur.
Les employés de cette firme se sont plaints de la situation parce que ces déplacements étaient, en général, plus
longs que le temps antérieurement requis entre le domicile et le siège régional de l'entreprise.
Dans son arrêt, la CJCE constate tout d'abord que la directive concernant l'aménagement du temps de travail ne
définit que les périodes de travail ou de repos. Il y a travail lorsque le travailleur est à la disposition de l'employeur
et repos dans la situation inverse. Mais la directive ne prévoit pas de catégorie intermédiaire entre ces deux
périodes (travail versus repos).
La Cour a alors rappelé que la législation européenne visait à établir des prescriptions minimales destinées à
améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs. Elle a analysé la situation qui lui était soumise dans
cette perspective.
Elle a alors constaté que les déplacements pour se rendre chez les clients désignés par l'employeur sont nécessaires
à l'exécution de prestations techniques par ces travailleurs chez ces clients, que même si les travailleurs ont une
certaine liberté pour organiser leur trajet, ils sont soumis aux instructions de l'employeur durant ces trajets et
n'ont pas de possibilité concrète de se consacrer librement à une activité propre.
Enfin, dès l'instant où la journée de travail débute ou se termine au domicile du travailleur, en raison d'une
décision de l'employeur, les déplacements sont consubstantiels à la qualité de travailleur n'ayant pas de lieu de
travail fixe.
Le temps de déplacement domicile/client ou client/domicile est donc du temps de travail. En décider autrement
serait contraire à l'objectif de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs. La nécessité de garantir une
période minimale de repos s'inscrit dans cet objectif.
http://journal.lecho.be/ipaper/20150922?itm_campaign=newsstream_paper#detail/9678146
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22/9/2015
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Et en Belgique? Séisme?
Il y a longtemps en effet que la jurisprudence considère que la journée de travail d'un technicien itinérant débute et
se termine à son domicile s'il ne passe pas par un siège de l'entreprise ou un lieu de rassemblement.
Il n'en va cependant pas de même pour le représentant de commerce. Les dispositions légales relatives à la durée
du travail ne le concernent pas parce que le législateur a considéré voici bien longtemps qu'il échappe à la
surveillance de son employeur.
Convenons qu'il n'est pas très logique qu'il y ait différentes solutions légales pour des métiers somme toute fort
proches. Un peu d'harmonisation ­ fort à la mode en cette période ­ ne ferait pas de tort dans ce domaine
également.
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