Dossier de presse - Cinéma La Fourmi

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Dossier de presse - Cinéma La Fourmi
AU CINÉMA LE 7 SEPTEMBRE
LA NUIT ET L'ENFANT
de David Yon
France - DCP - 59 min
format 1 .77 - 201 5
Presse
Emmanuel Vernières
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01 40 36 86 44
Distribution
Survivance
Guillaume Morel
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09 80 61 59 06
Le soleil ne se lève plus sur l’Atlas algérien. Après les guerres, sur cette terre où résonne
encore l’écho d’une menace, Lamine marche dans la steppe. Un enfant, à la présence
rassurante l’accompagne.
Que fuient-ils ensemble ? Un présent peuplé de mystérieux assaillants ? Les
cauchemars du passé ? Cette traversée nocturne au coeur d’une nature majestueuse
prend tour à tour les accents fantastiques d’une quête, d’un jeu ou d’un récit initiatique.
*note du réalisateur
La région de Djelfa était peuplée de tribus nomades. Lieu de la guerre d’indépendance et
terre du terrorisme pendant les années 90, son lourd héritage historique est d’un poids
tel qu’une menace lui est intrinsèquement liée. Mais en dépit du legs de sang qui leur a
été fait, je suis frappé par la manière dont les jeunes algériens que j’ai rencontrés
s’approprient ce territoire, veulent me guider pour me montrer des lieux que d’autres,
considèrent encore comme entachés d’un danger.
La Nuit et L’Enfant est aussi partie de cette ré-appropriation. Un des principaux lieux de
tournage est « La Mare Blanche », oasis au milieu de la steppe. Pendant la guerre civile,
durant les années 90, des terroristes sont passés et les habitants ont fui. Aujourd’hui La
Mare blanche est désertée, comme figée dans les traces d’une violence ancienne. Au fil
du temps, une relation de confiance s’est établie entre moi et mes amis de Djelfa qui
m’ont accompagnés dans le long processus du film. Cela nous permet d’aborder le
cinéma comme une expérience collective, le moyen de libérer une parole et des corps.
Ils sont donc partie prenante de la fabrication du film, un film avec eux et non sur eux.
Au rythme de mes allers et retours à Djelfa, un personnage fort a émergé, celui de
Lamine Bachar, l’acteur principal du film, son engagement et son désir de cinéma ont
permis de construire le film autour de lui, d’un talent inné pour créer un personnage, à la
fois extension de lui-même et autre. Je suis sensible à sa manière de se livrer et à la
grâce, matérielle et tactile qu’il a d’aborder son environnement. Le film a été conçu à
trois voix, celle du cinéaste algérien Zoheir Mefti, celle de Lamine et la mienne.
Dans le film, Lamine, par ses rituels, tente de faire « refleurir les ruines» au sein d’une
nuit qui paraît sans fin et accompagné par un enfant qui est son confident. Le film
documente cela, je l’espère : l’histoire qui sourd du territoire et une jeunesse qui
l’invoque, par le cinéma, pour mieux s’en libérer.
David Yon
*entretien
Le film s’est écrit sur une longue période. Peux-tu revenir sur la genèse du projet et
la manière dont il s’est transformé au fil des années ? Le projet était d’abord plutôt
documentaire s’est de plus en plus “fictionné”...
Pendant le tournage de mon premier film à Djelfa en 2007, Les Oiseaux d’Arabie, j’ai
rencontré des jeunes gens de mon âge, les frères Lahrech, Salah, Ilyes, Idriss et
Boubaker, qui sont devenus mes amis. Je suis retourné les voir régulièrement et mon
désir de faire un film avec eux et leurs proches a grandi. La première idée était de
travailler autour de leur arrière grand-mère espagnole qui avait été enlevée par l’Emir
Abdelkader et mariée à l'un de ses lieutenants. Il s’agissait de trouver à partir de
l’histoire de leur famille quelque chose entre fiction et documentaire. Mais lorsqu’on a
commencé à interroger des personnes de leur entourage autour de cette aïeule, je me
suis rendu compte que cette histoire était source de débats qui intéressaient plus la
génération de leurs parents que la leur. A partir de ce moment là, on s’est vraiment plus
tourné vers la fiction. Comme l’idée était de partir d’eux, de faire le film avec eux et de
ne pas plaquer mes idées, on a essayé de voir quelle fiction on allait pouvoir faire
ensemble. La seule chose que j’ai amenée est cette idée formelle de soleil qui ne se lève
plus, pour aller vers une image où le visible se raréfie. Comme avec la HD tout est très
défini, c’est une image trop pleine, j’avais envie de travailler dans l’obscurité, dans les
clairs obscurs pour qu’il y ait une image plus mystérieuse.
On a fait un casting tous ensemble avec leurs amis. Comme leur modèle de fiction était
plutôt le film d’action, ils se sont dits que la scène de casting serait de faire un tour avec
un fusil dans un terrain vague. Nous avons regardé les images ensemble et nous avons
tous été d’accord pour dire que Lamine était le plus magnétique d’entre tous. Il a été
décidé que Lamine serait l’acteur principal et il nous restait à écrire cette fiction.
Les textes ou les dialogues, parfois très littéraires, ont-ils été écrits auparavant sur
la base de témoignages inventés ou improvisés ?
Comme depuis 7 ans je vais chaque année à Djelfa, et que je tiens un journal de bord de
mes impressions, il y avait une base de texte. Je vous cite un extrait important pour
moi
« A Djelfa, j’ai souvent pensé à l’image d’une goutte d’eau sur un rocher, en plein soleil.
Cette image, elle évoquait mon expérience d’être là, dans ce pays qui n’est pas le mien.
La chaleur, les bruits, la lumière, l’organique et le minéral. Une expérience d’épuisement
qui m’oblige à un lâcher prise. C’est-à-dire, qu’à partir d’un moment, je lâche prise sur
ma peur de disparaître, et là commence la liberté.
Je souhaite que ce film soit épris de cette liberté. »
Une des choses importantes, est que je ne parle pas arabe et que mes amis algériens de
Djelfa ne parlent presque pas français. C’est une équipe très légère, je fais l’image et je
suis accompagné d’un ingénieur du son français. Ni lui ni moi ne parlons arabe. Le seul
qui parle arabe et français, c’est Salah, un des frères Larech, qui est donc notre
traducteur et assistant réalisateur. Toute l’équipe est composée des amis des frères
Lahrech, personne n’est professionnel. Donc c’est une relation qui passe peu par le
langage parlé. Ce qui m’amène à filmer des situations sans me focaliser sur la parole,
c’est à dire que je suis d’autant plus attentif aux gestes, aux mouvements, à la lumière,
aux rapports contenus dans l’image. Mon désir était de pouvoir réaliser un film qui soit
une expérience sensible et collective. La réussite du film dépendait de la possibilité de
pouvoir associer une histoire intime à cette quête de la lumière, de la figuration de
l’homme.
J’ai par la suite invité le cinéaste algérien Zoheir Mefti à m’aider artistiquement dans la
réalisation du film. Nous regardions ensemble les images tournées en Algérie et c’est lui
qui me permettait de comprendre la réalité de ce que j’avais filmé. Le sens des images
est donc venu après, comme un temps nécessaire pour trouver la bonne distance par
rapport à ces images et les histoires qu’elles racontent. Comme nous voulions
décrocher d’un certain réalisme et apporter des aspects fantastiques au film, nous avons
écrit un scénario à partir des personnages, des lieux, des histoires récoltées et de textes
que nous avons écrits. Zoheir a écrit des textes à partir de sa propre expérience dans un
langage poétique. Ensuite, Lamine improvisait à partir de ces textes et de son histoire
propre. Zoheir et Lamine sont nés à la fin des années 70, début des années 80, ils ont
pratiquement le même âge et ont vécu des choses proches. Leur jeunesse s’est déroulée
pendant les années de terrorisme. Au départ, le scénario était plutôt un western qui se
déroulait comme un voyage initiatique : « Après un meurtre, un adulte et un enfant
prennent la fuite en explorant le territoire ». C’est à partir de ce scénario traduit en arabe
que je pouvais discuter avec mes amis de Djelfa et préparer les scènes.
A quel moment l’enfant est-il arrivé dans le scénario ?
L’enfant est arrivé dès qu’on a commencé à écrire la fiction. Aness était avec nous
pendant les repérages, parce que c’est le cousin des frères Lahrech. On est parti en
balade avec lui et Lamine, je les ai filmés et c’est en voyant leur relation que je me suis
dit que c’était dans cette direction que le film devait aller. C’est entre lui et cet enfant. Je
me suis aperçu que la raison pour laquelle Lamine m’avait touché était sa sensibilité,
parce qu’il est à la fois timide et qu’il a le désir fort d’une autre vie. Et que quelque chose
de son enfance est très présent. Le faire jouer avec cet enfant était un moyen pour qu’il
se révèle, pour qu’il nous montre son rapport à l’enfance.
Quelle était votre méthode de tournage ? Comment avez-vous choisi les lieux ?
Lors de discussions avec mes amis, ils proposent des lieux où ils aimeraient tourner des
scènes. On les prépare ensemble, il y a en a qui se chargent des accessoires, des
costumes, de la lumière, certains jouent. Et à partir de ces situations, on retourne
plusieurs fois dans les mêmes lieux jusqu’à ce qu’on trouve quelque chose de signifiant
pour le film. La plupart des lieux se situe à l’extérieur de la ville, dans la steppe et les
forêts. Beaucoup d’habitants de Djelfa font partie de la tribu Ouled Naïl qui étaient
nomades. Ils vivaient sous des tentes dans la steppe (Djelfa est à 300km au sud d’Alger
aux portes du désert) mais pendant la guerre civile, ils se sont regroupés dans la ville,
dans des habitats en dur. Le désir avec mes amis était de reprendre la marche et de se
réapproprier certains lieux qui avaient été désertés, comme un geste d’émancipation.
Ce sont des lieux comme « La Mare blanche », un oasis avec des fermes, qui fut
abandonné pendant les années noires. Deux des frères Lahrech, dont l’un est berger et
l’autre agriculteur, ont tenté il y a quelques années de le re-cultiver et d’habiter une des
anciennes fermes pendant 6 mois mais la source, qui est salée, a empoisonné certaines
brebis. Pour eux, c’est vraiment un lieu auquel ils tiennent beaucoup mais ils ne savent
plus comment l’habiter. C’est à partir de cette expérience et de celle de la perte de
proches pendant la guerre civile que Lamine a improvisé son histoire au début du film
autour de La Mare blanche. Il y aussi le moulin militaire, c’est un ancien bâtiment
colonial vide, un endroit où mes amis aiment bien se retrouver le week-end parce qu’il y
a une rivière, des arbres et que c’est en périphérie de la ville. Sur les murs, plusieurs
jeunes de Djelfa viennent inscrire leurs noms ou des mots d’amour. C’est un lieu de libre
expression finalement.
Le rocher de sel est un lieu marquant autour de Djelfa, c’est un paysage lunaire unique
au monde, ils m’ont amené plusieurs fois sur ce rocher parce que c’est quasiment un
lieu de science-fiction. Quand je leur parlais de cinéma, pour eux tout de suite, c’était un
décor impressionnant. Il y a donc une scène qui se passe là-bas.
L’autre lieu important du tournage, c’est le terrain vague qui est devant la maison des
Lahrech et c’est là qu’Ylies s’est construit une cabane pour garder ses moutons.
Beaucoup de scènes y ont été tournées comme un terrain de jeu, comme un studio.
Comme tout le monde était sur place, c’était simple d’organiser les tournages à cet
endroit. C’est le lieu où ils se retrouvent tous les soirs pour être ensemble autour d’un
feu à se raconter des histoires.
Cet entretien fut réalisé par Carine Chichkowsky, productrice du film, à l’occasion de la
première mondiale du film, lors de la Berlinale 2015.
*david yon
David Yon habite à Marseille. En 2007, il concrétise
avec des proches son désir de créer une revue autour
du cinéma alliant un site internet, un livre et un dvd :
Dérives. Son premier film, Les Oiseaux d’Arabie est
sélectionné dans une vingtaine de festivals (FID,
Viennale,Rencontres internationales Paris / Berlin /
Madrid...), et remporte les prix du moyen métrage à
Doclisboa 201 0, du court métrage aux Ecrans
Documentaires 2009 et une Etoile de la Scam 201 0.
En 201 5, il termine La Nuit et l’Enfant (Sélection au
Festival international du film de Berlin - section
Forum 201 5 et Prix spécial du jury au Fronteira
Festival 201 5, Brésil). Son travail de réalisateur s’est
toujours accompagné d’une volonté de partage, de
transmission et d’échange autour du cinéma. Il est
enseignant associé à l’Université Grenoble Alpes,
anime des ateliers et programme des films dans
différents lieux.
*fiche technique
Interprétation : Lamine Bachar (l’homme), Aness Baitich (l’enfant)
Image : David Yon
Scénario : Lamine Bachar, Zoheir Mefti, David Yon
Son : Bertrand Larrieu
Montage : Jérémy Gravayat
Musique : Jean DL & Sandrine Verstraete
Production :
Survivance (Carine Chichkowsky et Guillaume Morel)
Hautlesmains (Karim Aitouna, Thomas Micoulet)
au cinéma le 7 septembre
survivance.net