1 M. GAGET.- Je suis ergonome chez Renault Trucks. Nous
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1 M. GAGET.- Je suis ergonome chez Renault Trucks. Nous
ACTIONS CONCRETES D'AMENAGEMENT DES POSTES DE TRAVAIL POUR SALARIES EN RESTRICTIONS D'APTITUDE : GENESE, SUCCES, DIFFICULTES, IMPACT DE LA CRISE Loïc Gaget – Emilie N'Guyen Ergonomes du travail RH de Renault Trucks M. GAGET.- Je suis ergonome chez Renault Trucks. Nous travaillons « dans le camion », un secteur très différent du transport aérien, aussi n’hésitez pas à nous interrompre si les termes qui nous semblent évidents ne vous sont pas clairs. Mme N'GUYEN.- Je suis également ergonome, et j’ai rejoint Renault Trucks il y a un an et demi. M. GAGET.- Nous allons vous présenter la démarche que nous avons mise en place depuis 2003, sur le site de Blainville, et que nous allons être amenés à développer au sein de notre entreprise. Principalement basée sur les restrictions d'aptitude de notre personnel, elle est très en lien avec le vieillissement de la population et notamment, de nos personnels qui travaillent dans les ateliers. Je vous présente Renault Trucks en quelques mots. Nous sommes intégrés au groupe ABVolvo depuis 2001. Nous proposons une gamme complète de produits et de services adaptés aux exigences des nombreux métiers du transport. Nous avons une présence internationale forte, notamment en Europe. Nous représentons environ 10 000 personnes en France dont 2 500 sur le site de Blainville, situé à Caen, d’où nous sommes venus ce matin. Nous sommes implantés sur six sites industriels et un site tertiaire. Sur cette diapositive, je vous ai représenté les produits que nous fabriquons et les différentes gammes de véhicules. Voici les sites de production et d'assemblage dans le monde. Tous les sites de production sont principalement situés en France : Blainville à Caen ; Bourg-en-Bresse ; Limoges et Vénissieux-Saint-Priest. A Blainville, nous fabriquons toutes les cabines du groupe. Nous effectuons également l'assemblage des gammes intermédiaires ; ici, vous voyez le véhicule le plus petit de la gamme. Nous faisons également tous les faisceaux pour les cabines, le châssis et différentes pièces métalliques. A Bourg-en-Bresse, nous assemblons tous les autres véhicules, la gamme haute et la gamme construction. Vient ensuite Limoges avec les véhicules militaires, les pièces de rechange et l'échange standard. A Vénissieux-Saint-Priest, nous avons notre pôle recherche/développement, les moteurs et l'emboutissage. Et Batilly s’occupe de l'assemblage des véhicules utilitaires. Vous voyez représentés sur la carte nos sites CKD1 à travers le monde, où on envoie le véhicule en pièces détachées et où il sera assemblé. Plus particulièrement sur le site de Blainville, anciennement Saviem, nous avons produit 10 816 Renault Midlum (les véhicules de la plus petite gamme) en 2005, ce qui a représenté 59 426 cabines. En 2005, nous étions environ 2 500 personnes. Voilà pour la présentation très rapide de notre entreprise. Nous avons appelé notre démarche PARI : Processus d'Aménagement des postes et Reclassements en Interne. 1 CKD : completely knocked down (vehicles) : pièces détachées automobiles 1 Pourquoi avons-nous mis en place ce plan d'aménagement ? Nous avions plusieurs problématiques : Nous sommes organisés en équipes, nous avons des UP (unités de production) au niveau de l'atelier et ensuite, des UEP (unité élémentaire de production) jusqu'au poste de travail. L'UEP de progrès avait été créée à l'origine, pour que dès qu'une personne rencontrait des difficultés physiques, on la sortait de la production et on la transférait à une activité plus en adéquation avec ses restrictions, en attendant de trouver une solution. Le problème, c'est qu'il y a eu une dérive sur l'utilisation de cette UEP. On avait tendance à y envoyer tous les cas difficiles, que ce soit en termes de management, à défaut des restrictions d'aptitude physique. Du coup, l'image de l'UEP s'est vite dégradée et a créé une problématique d'ambiance comme sur l'utilité même de cette unité élémentaire de production. En parallèle, nous avions notre centre de faisceaux où nous fabriquons tous les faisceaux des cabines et des camions. Pendant longtemps, on a décidé de reclasser dans cet atelier les personnes en restrictions d'aptitude parce que c'est une activité qui ne semble pas très physique. Il n'y a pas de pièces lourdes, donc à première vue, c’est un travail simple et facile. Par contre, il y a beaucoup de gestes de précision qui peuvent être à l'origine de maladies professionnelles. En mettant donc dans cet atelier des personnes avec des restrictions, on a encore dégradé la situation. Le nombre de personnes ayant plus de cinq restrictions dans ce secteur en 2002, se montait à 55,48 %. C'était vraiment très problématique ! Une autre problématique était que nous allions fermer un de ces ateliers, ce qui représentait à peu près 80 personnes très abîmées. Nous nous sommes alors retrouvés dans une impasse : comment reclasser ces personnes et leur trouver une activité en corrélation avec leurs inaptitudes ? La Direction du site a vraiment eu la volonté de prendre ce problème à bras-le-corps et de créer une démarche. C'est de là qu'est né le plan PARI, et fin 2002-début 2003, nous avons fait appel à un cabinet extérieur pour établir un diagnostic. L’analyse statistique du risque a mis en avant que la majorité de la population COTOREP2 était âgée de plus de 45 ans. COTOREP, ce sont les personnes reconnues comme personnes handicapées et qui aujourd'hui s'appellent RQTH3. Cela représentait environ 10 % de la main d'œuvre directe (MOD), en gros, les opérateurs qui travaillent sur ligne. On s'aperçoit tout de suite que ce sont les personnes les plus âgées qui sont les plus touchées ; ce qui paraît logique. En parallèle, nous avons également observé une montée très importante de nos maladies professionnelles déclarées, puisqu'en 2001 nous étions à 16, et en 2003 à 42, dont 55 % étaient des MP57, c'est-à-dire des troubles musculo-squelettiques des membres supérieurs. On avait des maladies liées à l'amiante, mais également une augmentation pas négligeable des TMS. Notre pyramide des âges était très défavorable, avec une population à risques se situant entre 700 et 900 personnes, dont le point culminait en 2005 et baissait en 2007. Nous voyons sur cette diapositive une évolution de la MOD, âge supérieur à 45 ans, avec un pic en 2005, qui ensuite, diminue. Nous ne nous sommes pas seulement arrêtés sur la problématique que nous rencontrions dans un des centres mais avons analysé la population globale du site pour observer la tendance. Et nous nous sommes aperçus que non seulement nous avions un problème sur un des ateliers, mais qu’il était général à l'ensemble du site ! 2 3 COTOREP : Commission Technique d'Orientation et de Reclassement Professionnel RQTH : Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé 2 Il fallait donc entamer une action globale pour essayer d'endiguer le problème et proposer une solution. Entrait également en compte l'évolution des classes d'âges, les plus de 54 ans étant en forte augmentation. La problématique de notre pyramide des âges venait donc abonder dans la mise en œuvre d’une telle démarche. Le diagnostic a mis en évidence trois facteurs clés : L'importance de la notion de restrictions médicales comme révélateur d'une situation à risque. L'existence de réponses aux problèmes d'insertion. Ce n'est pas uniquement mettre les personnes qui posent problème dans un atelier en dehors de notre champ de vision, et dont on oublie un peu le problème… L'amplification probable du risque dans les 5 ans. A partir de ce diagnostic, nous avons pu instaurer quelques principes : Instaurer la restriction médicale comme système d'alerte. Donner le statut d'UP à l'UEP de progrès et la placer au centre du dispositif afin d'améliorer son image et en faire un acteur essentiel. Maintenir les personnes dans leur UEP d'origine pour arrêter l'exclusion et responsabiliser les secteurs. Marquer l'engagement de la Direction. Poursuivre le développement de l'ergonomie. Rentrons maintenant dans le détail de ce plan PARI qui contient trois grands axes. 1. La prévention : il s'agissait d’intégrer l'ergonomie et le reclassement dans les projets produits et process pour éviter les problèmes que nous avons rencontrés et pour que sur une action menée sur du long terme, nous rencontrions moins de problématiques. Former également toutes nos équipes méthode à l'ergonomie pour pouvoir intégrer ce sujet dans tous les aménagements à faire, notamment sur les nouvelles lignes de fabrication. 2. Le reclassement : il s'agit de proposer des solutions pour les personnes en restriction ou inaptitude médicale, en aménageant des postes de travail en adéquation avec leurs contraintes. 3. La correction : réduire le risque sur les postes les plus pénibles, en les aménageant de manière ergonomique. C'est commencer par établir un état des lieux de nos postes existants pour définir les secteurs les plus problématiques et faire en sorte de corriger le tir pour obtenir une situation plus correcte. Mme N'GUYEN.- Le plan d'actions consistait à mettre en place une nouvelle organisation, ce qui était complètement nouveau. Par exemple, dès la notification d’une restriction médicale, une procédure d’alerte se met en place pour pouvoir agir immédiatement. Des commissions aménagements progrès ont été créées et la Direction s’est mobilisée de manière importante. Un comité de pilotage usine et une équipe de coordinateurs ont été mis en place, et un plan de communication fort a été établi pour que toute l'action menée soit partagée autant au niveau du site que du groupe. La Direction a défini des indicateurs et des 3 objectifs qu'elle suit régulièrement et qui sont intégrés dans le tableau de bord du site au même titre que les accidents du travail ou la productivité. Comme le disait Loïc, il s'agissait de connaître la cartographie de pénibilité de nos postes de travail sur le site. On a développé des compétences en ergonomie par le biais de la formation. Pour le suivi des résultats des actions en comité de Direction et au démarrage du projet, nous avons bénéficié du soutien financier de l'AGFIPH4. C'est l'agence qui gère les financements pour l'emploi des personnes handicapées. Les entreprises qui ne remplissent pas le contrat de 6 % versent une amende et l'AGFIPH collecte ces sommes et aide les entreprises qui ont des personnes handicapées en finançant des aménagements de poste ou des études. Beaucoup de grands groupes ont des accords qui les dédouanent de ces amendes mais en contrepartie, ils doivent montrer qu'ils font les aménagements ou qu'ils possèdent bien ces 6 % de personnels handicapés dans leurs effectifs. Nous avons un Handi’Accord dans l'entreprise, donc en théorie, Renault Trucks n'est pas censé bénéficier du soutien financier de l'AGFIPH, mais devant la mise en place de ce plan assez ambitieux, l'AGFIPH a aidé notre entreprise à lancer cette démarche. Avec ce plan PARI, se sont mis en place des outils d'évaluation, notamment de cotation de postes que l'on va vous décrire, une formation action et l'utilisation des données médicales puisque nous avons un service de santé au travail interne sur le site de Blainville. L'organisation, rapidement, se décline par un comité de pilotage dirigé par le directeur de notre site, qui a lieu deux à trois fois par an et qui est composé du comité de Direction, de l'ergonome, des médecins du travail, du responsable sécurité du site et du responsable de l'UP de progrès. Ce comité est chargé de définir et de piloter la politique de prévention des handicaps et de reclassements. Il effectue le suivi des indicateurs, le suivi des budgets et traite également les situations difficiles, car nous avons parfois des points de blocage, qu'il faut pouvoir remonter. Les décisions ne peuvent être prises qu'au plus haut niveau de l'entreprise. Le site de Blainville est composé de 6 usines qu'on appelle des centres. Chacun de ces centres réunit une commission tous les deux mois, composée du responsable du centre, du responsable des méthodes et de la logistique, du médecin, de l'ergonome, du responsable de l'UP de progrès, des responsables d'UP, des responsables de production et du partenaire ressources humaines. Une image maintenant un peu plus proche du terrain vous permet de suivre la cartographie des postes de travail, l'évolution des inaptitudes et handicaps des personnels du centre, l'évolution des aménagements qui ont été définis, et des formations. Les centres gèrent leurs budgets en interne comme les financements des aménagements. Dans le cadre de reclassement de personnels reconnus handicapés, les représentants du CHSCT sont également invités aux commissions, puisque c'est dans leurs prérogatives qu’on travaille ensemble. Un participant syndicaliste.- Vous avez eu de la chance ! Une participante syndicaliste.- Vous avez été obligés de travailler avec eux, quelle horreur ! Mais c'est très intéressant de voir la composition des commissions. Mme N'GUYEN.- Pour vous résumer le processus, nous travaillons à la fois à partir des postes de travail, de l'état des lieux de notre cartographie des postes, selon la difficulté et la pénibilité, en évaluant les opérations qui sont sollicitantes. Nous travaillons également à partir des alertes médicales. Un outil a été créé, la FIAO (fiche individuelle aménagement orientation) pour les personnes avec des restrictions. 4 AGFIPH : Association pour la gestion, la formation et l'insertion des personnes handicapées 4 Nous essayons de travailler sur une cartographie du personnel, car nous aimerions bien avoir une idée de notre population ayant des restrictions comme celles auxquelles on peut s'attendre dans les années à venir, notamment avec le vieillissement de la population. On aimerait travailler avec nos médecins du travail et infirmières pour obtenir des points de vigilance médicale et orienter la création de nos postes de travail dans le même sens. On en sortirait des plans d'actions sur les postes, des aménagements et du reclassement personnalisés. La cartographie du personnel devrait aider à définir les priorités pour l'ensemble de ce processus. M. GAGET.- Je vais vous parler maintenant de nos outils, comme notre cartographie qui donne une visibilité sur l'ergonomie de nos ateliers et postes de travail. Cet outil est très important parce que nos décideurs n’ont pas forcément une idée concrète des secteurs les plus à risques dans l'usine. Cet outil arrive à donner une visibilité, à ouvrir le dialogue, et à définir des objectifs avec l'encadrement qui pourra ainsi identifier les problèmes à traiter en priorité. La cartographie permet également de valoriser les actions menées, puisqu'aux termes des aménagements, on fait de nouveau une évaluation. Cela permet de mettre en valeur un investissement fait sur un poste de travail et de pouvoir dire de combien on a amélioré ce poste. C'est vraiment un outil de communication très important pour donner du souffle à la démarche, la jalonner et faire en sorte qu'elle soit managée. Nous avons créé un outil de cotation avec une échelle de cotation par couleurs. Nous sommes en cours de développement d’un suivi et d’une mise à jour via Access parce que ce sont quasiment 700 postes de travail qui ont été évalués. L'entreprise évolue tous les jours, ce n'est donc pas évident d'avoir une visibilité sur l'ensemble des évolutions et de mettre à jour cet outil. Cet outil de cotation est séparé en différents chapitres, la première phase consistant en une évaluation globale où on fonctionne par un code de couleurs : vert, jaune, rouge. On regarde de manière très rapide, la sécurité, l'ambiance de travail, l'environnement du poste, avec une check-list pour avoir une première interprétation du poste. Entrons un peu plus dans le détail sur deux items : La charge physique qui représente la pénibilité et la fatigue sur le poste de travail. Là, nous avons une échelle de cotation allant de vert à marron ; vert étant un poste léger, et marron un poste lourd. Le risque TMS, où nous avons le même système de cotation de vert à marron avec un risque élevé sur un poste marron. Ce sont ces deux paramètres qui sont pris en considération pour la cartographie. • Nous avons un troisième item qui est la charge mentale, également sous une forme de check-list (vert, jaune et rouge). Quand on parle de charge mentale, la grosse problématique que nous rencontrons concerne surtout la diversité. Sur une ligne de fabrication, on va passer une gamme très importante de véhicules. Chaque véhicule est très différent, ce qui crée de très nombreuses problématiques pour nos opérateurs de ligne. Nous avons préféré nous focaliser sur cet item très problématique, aujourd'hui. Je vous présente rapidement l'évaluation globale, qui fonctionne sous forme de check-list avec quatre chapitres abordés : la sécurité, l'ambiance, l'organisation et les moyens. Voyons en détail la sécurité : par exemple pour la "circulation", on va aller de satisfaisant à très insatisfaisant. On coche ce qui est observé sur le poste de travail. Cela nous ramène une note (3, 5, 15, 45). On agit ainsi pour tous les items et on obtient une note pour chaque chapitre. Sur cet exemple en sécurité, on est jaune ; en ambiance, vert ; en organisation, rouge ; en moyens, jaune. Cela va nous donner une note globale. Sur ce poste, on est rouge, il y a donc 5 une réelle problématique. On est ainsi capable de dire que sur ce poste, on a un problème d'organisation et qu’il faut peut-être aussi regarder la sécurité et les moyens. Cela nous donne une première évaluation du poste. Sur la partie "charge physique - risque TMS", je rappelle que cela reste un outil cartographique, c'est donc une vision assez rapide, pas une analyse ergonomique. Nous avons quand même diminué certains items. On va observer toutes les postures sur le poste de travail : les angulations du tronc, les angulations du tronc sur le côté, les torsions du tronc, les distances d'atteinte et les angulations de l'épaule. Quelques postures sont jugées inacceptables, elle sont représentées, ici : travail à genou, accroupi, sur une marche, sur un plan incliné. Sur le risque TMS, nous nous sommes concentrés sur les troubles musculo-squelettiques des épaules, du coude, du poignet, de la nuque. On observe également les angulations de chacun des membres. Brièvement, pour chaque poste de travail, on liste toutes les opérations faites au poste et on évalue chacune des postures observées sur chacune des opérations (le dos, les épaules, tout). Tout est détaillé et on ramène cela avec la fréquence de la posture observée. On observe également tous les efforts, le poids et la fréquence d’une pièce manipulée, par exemple. Cela nous donne une note pour une opération. On fait ensuite la somme de ces notes et on la ramène sur une échelle de cotation qui va nous donner la couleur du poste en termes de charge physique. Pour le risque TMS, on procède de la même manière en listant toutes les opérations. On évalue dans quelle zone on se trouve sur les angulations des membres supérieurs et on fait la somme sur l'ensemble des membres pour savoir sur une heure, ce que cela représente en termes de fréquence de sollicitation dans les zones à risques. Cela nous donne une première idée des membres concernés. On va attribuer un coefficient à chacun des membres en fonction de la couleur (0, 1/3 ou 3). On fait la somme sur l'ensemble des membres et on la rapporte à l'échelle, ce qui nous donne une couleur. Cela va nous donner une visibilité sur le poste, sur la partie charge physique et sur les risques TMS pour lesquels nous nous sommes principalement axés sur la physiologie. On sait que c'est beaucoup plus compliqué et qu’ensuite, cela nécessitera une analyse ergonomique plus poussée, mais cela permet une première approche. L'évaluation de la charge mentale fonctionne comme l'évaluation globale, sous forme de check-list avec différents items. Nous les évaluons de très satisfaisants à très insatisfaisants. Les chapitres abordés sont : le mode opératoire, le montage et l'information. Nous sommes très axés sur la diversité qui peut être rencontrée au poste de travail. Voilà le type d'indicateurs que nous sortons ensuite : un indicateur charge physique, un indicateur charge cognitive (il n'est pas à jour car nous nous y sommes attelés depuis peu) et le risque TMS. On voit que chaque graphe, si on regarde la partie charge physique, va représenter une ligne de fabrication. Chacun des secteurs peut avoir une visibilité sur la charge physique de ses postes de travail et se dire : sur le premier graphe, j'ai 11 postes marron qu'il faudra donc prioritairement étudier. Cela amène un peu de visibilité sur la problématique de l'ergonomie, chose qui n'est pas forcément visible selon les interlocuteurs que nous avons en face de nous. Même chose sur le risque TMS, où nos postes sont classifiés en fonction des secteurs et du membre concerné. On peut donc identifier les problématiques suivant le type d'ateliers et de travail rencontrés. 6 Ensuite, on décline ce projet en termes de communication auprès de nos équipes. Sur cette diapositive, on a représenté une ligne de fabrication où les carrés représentent la charge physique et les ronds, le risque TMS. On peut donc déjà identifier les secteurs les plus à risques. En parallèle, vous avez des triangles de couleurs qu’on a rapprochés des accidents de sécurité. Souvent quand on a beaucoup d'accidents, cela correspond à des postes difficiles. Tous ces indicateurs permettent par exemple à nos décideurs, de pouvoir s'engager sur des objectifs et de quantifier un nombre de postes aménagés par an. Donc de se dire "sur tel secteur, j’ai trois ou quatre postes marron qui se suivent, cette année, on va faire en sorte de diminuer la couleur du poste et de s'engager dans une démarche d'amélioration des postes de travail." Sur la droite de la diapositive, vous pouvez voir des camemberts. Quand on change de cadence sur une ligne de travail, cela intensifie le travail même en mettant plus de personnes sur les postes. On peut alors donner un peu de visibilité en disant "attention, en augmentant les cadences, voilà vers quel type de cotation on va se retrouver". Il faudra peut-être alors engager plus de moyens et améliorer la démarche pour ne pas se retrouver dans ce type de situation. Cela permet d'anticiper des changements d'organisation ou comme sur cet exemple, un changement de cadence. Voilà notre indicateur suivi lors des commissions aménagements - progrès de chacun des secteurs, avec l’exemple des aménagements réalisés sur le site de Blainville en 2007. En violet, les aménagements restant à faire ; les études en cours en orange ; en jaune les études soldées ; la commande est passée en bleu et l'aménagement est validé en vert. Cela permet de suivre les avancements tout au long de l'année. Si on s'aperçoit que certains secteurs ont un peu en retard, on peut mettre un peu de pression à l'aide de l'organisation mise en place et même remonter jusqu'au comité de Direction pour faire en sorte que les aménagements avancent et que l'on puisse tenir l'objectif en fin d'année. Voici la fiche individuelle d'aménagement et d'orientation dont Emilie a parlé tout à l'heure, pour effectuer le suivi des personnes ayant des restrictions. On va y retrouver différentes informations : le parcours de la personne, l'avis médical, le changement ou l'aménagement de poste en fonction de la restriction, les solutions qu'on a pu trouver, et la validation de la commission qui suit cette personne. On a une fiche par personne, ce qui nous permet de savoir où on en est tout au long de l'année. Elle peut aussi être exploitée lorsqu'on souhaite connaître sur une année, le nombre de personnes avec une restriction aux épaules, coudes, etc. Cela permet de pouvoir parler de reclassement avec nos personnels qui travaillent sur différents projets et qui sont en général assez éloignés de ce type de problématique. Nous bénéficions de deux formations : • Une formation ERGOBASE qui concerne notre encadrement et qui aborde l’aspect théorique de l'ergonomie, avec quelques études de cas sur une journée pour sensibiliser tout l'encadrement sur cette problématique. • Et la formation ERGOPASS qui s’adresse aux techniciens méthodes et aux personnes de la production. Le principe est de former un binôme avec un technicien méthodes et une personne de la production et leur choisir un poste de travail. Pendant ces cinq jours de formation, ils auront une partie théorique sur l'ergonomie et toute une analyse sur le terrain. Le but du jeu est qu'à la fin de ces cinq jours, ils soient capables de nous proposer des solutions, à charge pour notre décideur de décider de mettre en place ou pas ces aménagements suivant le budget. Nous travaillons donc également sur les projets en utilisant notre cartographie pour identifier le constat de départ et définir des objectifs. Nous partons d'une analyse de la population, car 7 généralement, lorsqu'on démarre un projet, dans la tête de nos concepteurs, tous nos opérateurs font 1,75 m et ont 25 ans ; ce qui n'est pas du tout le cas et qui peut créer de grosses problématiques derrière ! Sur l’écran, vous pouvez lire : Définition d'objectifs en ergonomie et définition d'objectifs en termes de reclassement. Une chose que nous n'avions pas avant : pouvoir anticiper et ne pas se retrouver bloqué comme on a pu l’être dans le passé. On utilise aussi des outils informatiques : ici, vous voyez une employée utilisant des simulations avec des mannequins pour anticiper sur les environnements du poste de travail et entrer dans le détail des process. Ceci est un exemple d'objectifs projets, je ne vais pas rentrer dans le détail, mais voilà comment était la situation et voilà l'objectif vers lequel on veut se diriger. Cela permet de quantifier les choses. Si en cours de projet, on dérive, on sait mettre la pression avec ce type d'indicateurs qui se révèlent vraiment utiles. Voilà une analyse de cartographie de population sur un secteur donné et dont le but était de faire prendre conscience aux concepteurs de la nouvelle ligne de fabrication que nos personnels n'étaient pas en si bonne santé que cela et qu'ils n'avaient pas tous 25 ans… Cela permet de remettre les choses à leur place et de peser aussi dans les discussions. Si la moyenne d'âge se situe plutôt autour de 40 ans que 25-30 ans, les décisions à prendre ne seront pas les mêmes. Les objectifs de reclassement : avec nos fiches individuelles d'aménagement et d'orientation, on sait identifier les restrictions les plus fréquemment rencontrées dans nos ateliers. En l'occurrence, il s'agit des charges lourdes, des sollicitations des épaules et du dos, et de la station debout prolongée. On peut alors proposer que pour tout ce qui est supérieur à 7 kilos, on fasse appel à une aide à la manutention. Chaque cas est ensuite analysé dans le détail, mais c'est une donnée d'entrée. On va également essayer de créer un maximum de postes assis là où c'est possible, notamment sur des postes de préparation. Nous allons maintenant vous présenter ce film de 14 minutes que nous avons préparé et qui illustre notre démarche avec des exemples plus visuels. (Visionnage du film) Ce film est donc un résumé de tout ce que nous vous avons présenté : • Plus de 750 postes ont été cartographiés avec une mise à jour que nous aimerions effectuer tous les 4 ans, mais qui reste un peu compliquée à mettre en place. • 50 commissions aménagements – progrès sont à réaliser par an. • 120 personnes handicapées ont été reclassées depuis l'origine du plan PARI. • Nous faisons 30 à 40 aménagements de poste par an. • L'ensemble des manageurs ont été formés à cette démarche et aux principes de base de l'ergonomie et une centaine de techniciens ont également été formés à l'ergonomie. • L'évolution des aménagements a démarré en 2004, avec une progression tous les ans. Nous avions entre 30 et 40 postes ; aujourd'hui, 180 postes ont été aménagés depuis l'origine de la démarche. • Concernant les personnes reclassées, nous avons les personnes reconnues en tant que personnes handicapées (126 personnes) et les non bénéficiaires (environ 100 8 personnes) qui ont des restrictions médicales de tout type et pour lesquelles on a pu trouver une solution en termes d'aménagement ou d'organisation de tâches. • Nous avons été récompensés en 2007 par le groupe AB-Volvo qui, chaque année, récompense ce type de démarche concernant la santé, la sécurité et le bien-être au travail. Le succès de notre plan repose sur tous ces points réunis qui font que la démarche peut fonctionner : L'importance d'un engagement de la Direction. La nôtre était très consciente des problèmes et très moteur pour mettre en place cette démarche. Sans son engagement, il est certain qu’elle n’aurait pas fonctionné. La pertinence du soutien financier pour initialiser la démarche, surtout sur un site comme le nôtre, où nous avons 700 postes de travail. On ne peut pas le faire juste en claquant des doigts. Le fait que l'AGFIPH nous ait aidés à financer la cartographie a été vraiment un plus. La nécessité d'une organisation globale à mettre en place. Les nouvelles compétences en ergonomie des acteurs en interne. L'outil de cartographie avec une vue synthétique permettant de fixer des objectifs. Le soutien des partenaires sociaux. La pérennité des moyens engagés. Tous ces éléments représentent la réussite du plan PARI : Une meilleure prise en compte des conditions de travail avec une représentation partagée sur ce sujet qui est devenu beaucoup plus présent dans la culture de l'entreprise. L'existence des commissions AP, avec une reconnaissance organisationnelle du sujet. Le rôle du médecin est beaucoup mieux compris. Avant les médecins et les personnes de la production n'avaient pas de lieu d'échange pour discuter, ce qui générait beaucoup d'incompréhensions entre ces acteurs. Le fait d'organiser des réunions assez souvent dans l'année, permet d'avoir des échanges constructifs et arriver à des solutions concrètes. De nombreux aménagements en cours ou réalisés avec un budget dédié. Une meilleure intégration de l'ergonomie dans les projets. L'outil de cartographie. Le développement des compétences. Des reclassements internes et une diminution des effectifs de l'UP de progrès, puisque son but n'est pas de garder des personnes trop longtemps. Elle doit rester une période de transition, le temps de trouver des solutions. La convergence entre la sécurité et les conditions de travail. L’approbation du CHSCT et des partenaires sociaux. Les limites de cette démarche : - La cartographie : ne pas faire l'amalgame entre un diagnostic ergonomique et la vision de la cartographie, très simplifiée, et qui reste uniquement un outil de communication. Parfois, on a tendance à faire des raccourcis et à prendre des décisions qui ne vont pas toujours dans le bon sens. L'utilisation d'une cartographie doit toujours être encadrée. Cela permet de prendre des objectifs en début d'année et de faire une analyse ergonomique pour aller plus loin, pas uniquement pour aborder les aspects physiologiques mais aussi l'organisation du travail qui va derrière. 9 - Le rôle insuffisant de l'UP de progrès dans la participation à l'aménagement des postes de travail. - Avec notre outil de cartographie au format Excel, l'exploitation est très difficile, notamment pour les mises à jour. Ce que nous sommes en train de corriger actuellement. Comment tenir compte des changements d'équilibrage dans la cartographie ? Car chaque fois qu'on a une augmentation de cadence, on répartit les opérations sur les opérateurs, c'est ce qu'on appelle un équilibrage. Chaque changement de cadence remet en cause la cartographie du secteur. Derrière, il faut pouvoir réagir et remettre exactement les informations à jour, ce qui n'est pas forcément évident. - L'engagement des manageurs dépend des secteurs et des interlocuteurs. Ce n’est pas toujours évident. - La surcharge de travail pour divers acteurs, les ergonomes entre autres ! - Le risque d'essoufflement de la démarche après l'effet nouveauté. C’est un peu ce que nous vivons actuellement, en plus, doublé de la crise. - La fragilité de la démarche lors de changements d'organisations et suivant la conjoncture. - Le plan PARI n'est pas encore suffisamment connu en interne, même si beaucoup d'efforts ont été fait pour mettre en avant les aménagements effectués et que tous soient informés des réalisations effectuées dans l'entreprise. - Le manque de ressources et de budget pour les aménagements actuellement gérés dans chaque centre. Chaque centre se prenant en charge, en fonction du manageur ou de l'interlocuteur que nous avons en face, nous arrivons plus ou moins bien à faire avancer le sujet. - Les objectifs de productivité sont rarement compatibles avec une volonté de reclassement. Nous l'avons souvent rencontré. En 2004, nous avions un atelier protégé pour faire du reclassement, or au fur et à mesure des années, des objectifs de productivité et des changements organisationnels, nous nous sommes retrouvés avec des objectifs de productivité similaires à d'autres atelier ! Il faut donc rester vigilant. Les impacts de la crise. - Nous avons observé qu'une grande partie des reclassements n'était plus possible aujourd'hui, du fait des baisses de cadence. Avant, nous avions un opérateur sur un poste aménagé ; la baisse de cadence entraînant moins d'opérateurs pour faire la production, ceux-ci doivent donc tenir plusieurs postes. Du coup, malgré l'aménagement du poste, la personne ne pouvait plus le tenir, car à cause de la grosse baisse de cadence, elle ne pouvait pas tenir plusieurs postes. Cela a pour conséquence de mettre par terre le dispositif prévu, avec une tendance à sortir les personnes en restriction de la production. La crise nous fait donc repartir un peu en arrière. - Le cas des personnes les plus abîmées est quasiment impossible à résoudre, car il faut déjà reclasser un grand nombre de personnes du fait des baisses de cadence et de l'arrêt des équipes de nuit et de week-end. On se retrouve avec beaucoup d'opérateurs à reclasser dans les différents centres et ce sont eux qui vont passer en priorité. On va davantage se concentrer pour reclasser ces personnes plutôt qu'aller se casser la tête à essayer de reclasser celles qui ont des restrictions médicales. - Les postes lourds qui étaient tenus par des intérimaires –ce que l'on rencontre assez fréquemment dans toutes les entreprises– comme nous n'avons plus d'intérimaires aujourd'hui, nous nous retrouvons avec notre personnel Renault Trucks qui a une moyenne d'âge plus élevée et qui doit tenir des postes considérés comme difficiles. 10 - Nous ne bénéficions plus de budget pour faire de l'aménagement. - Le temps disponible réduit entraîne un manque de ressources du fait du chômage partiel. En ce moment, nous chômons deux jours par semaine. En termes de disponibilité de ressources, c'est nettement plus difficile et notre démarche s’essouffle. - Le compromis est plus difficile à trouver avec une contrainte budgétaire plus grande. Nous sommes un peu moins écoutés forcément, puisque le paramètre budgétaire rentre prioritairement dans les décisions. - La mise en relief de la contrainte des postes aménagés sur l'organisation des équipes. - La disparition des petites opérations périphériques souvent utilisées pour du reclassement. On regroupait des petites opérations pour faire des postes un peu moins difficiles. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas puisqu'on a moins de personnel. Chaque opérateur récupère ces petites opérations et on se retrouve un peu les bras ballants. Ce sont donc les impacts non négligeables de la crise. Et sur cette dernière diapositive, vous pouvez voir la politique santé sécurité de notre groupe. Je vous remercie. 11