Maroc – Conseil de Coopération du Golfe

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Maroc – Conseil de Coopération du Golfe
Maroc – Conseil de Coopération du Golfe : tentant mais…. - Institut Amadeus
Mardi dernier en début de soirée, une information surprenante tombe : Maroc et Jordanie sont
proches d’une intégration au Conseil de Coopération du Golfe (CCG)
Il faut tout d’abord bien distinguer les 2 cas :
Pour le Maroc, une invitation d’adhésion a été émise.
Dans le cas de la Jordanie c’est différent, cela fait suite à une demande d’adhésion prononcée
par le royaume hachémite.
Pourquoi le Maroc ? Pourquoi la Jordanie ? Le CCG, cet ensemble régional crée en 1981, qui a
toujours fermé ses portes au Yemen ou encore à l’Irak (même après la chute de Sadam) décide
de s’ouvrir à d’autres pays arabes, en l’occurrence les deux autres monarchies de la région
MENA.
Cependant, rien d’incongru la dedans. Mise à part la distance géographique, le Maroc, allié des
USA, entretient d’excellentes relations avec les pays du CCG, autres fidèles du camp
occidental. Il y a là une alliance stratégique, une solidarité entre monarchies forte que l’Histoire
est venue nous rappeler à de nombreuses reprises (cf Guerre du Golfe 1991) doublée en cela
d’une coopération militaire majeure dont il est certain qu’une adhésion permettrait un meilleur
accès encore au savoir-faire marocain, ce qui au passage est largement moins compromettant
médiatiquement que celui des Etats Unis.
Pourquoi maintenant ? Dans un contexte de printemps arabe, clairement les Etats du CCG sont
préoccupés par la stabilité de leur régime. Mis à part le cas du Bahrain et quelques
manifestations timorées en Arabie Saoudite, il n’y a pas eu de réelles secousses. Mais jusqu’à
quand ?
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A ce titre le cas marocain est intéressant : la monarchie en insufflant une dynamique de
réformes, en répondant à l’appel de la rue, s’est érigé en modèle de réactivité. Son absence
étant le mal fondamental des régimes de Mubarak, Ben Ali, Kadaffi, Saleh, Bachar et
consorts… totalement sclérosés.
Et puis stratégiquement, une adhésion du Maroc permettrait au GCC d’avoir un point d’ancrage
en Afrique, dans un pays au carrefour de la Méditerranée et de l’Europe, en plus de renforcer
les liens de l’organisation par le biais du royaume avec les nouvelles républiques qui
émergeront dans le reste de l’Afrique du Nord : Tunisie, Egypte, Lybie en attendant
éventuellement plus tard l’Algérie.
Reste la question iranienne. Ce pays et ses velléités expansionnistes constituent la hantise
suprême des pétromonarchies du Golfe, dont une part non négligeable de la population est
d’obédience chiite. Dernier exemple en date : les critiques acerbes du régime de Téhéran face
à l’intervention saoudienne dans le Bahrain voisin, venue mater une rébellion (la première de
cette ampleur dans la région) initiée essentiellement par la majorité chiite de ce petit Etat
insulaire.
Une République islamique avec laquelle le Maroc avait par ailleurs coupé les ponts il y de cela
deux ans… en solidarité avec Bahrain qui accusait Teheran de violer sa souveraineté
territoriale.
Economiquement, les fonds d’investissement des pays du Golfe sont déjà présents de manière
conséquente au Maroc (dans les secteurs du tourisme, de l’immobilier, les marchés des
grandes infrastructures…) Une adhésion viendrait renforcer leur position. De même le Maroc
comme la Jordanie connaissent un chômage des jeunes diplômés important. Rabat verrait d’un
bon œil l’afflux de travailleurs marocains dans ces pays. Quant au boom que cela engendrerait
sur la balance commerciale des matières premières (pétrole d’un coté, pêche et phosphate de
l’autre…), les perspectives sont indéniablement prometteuses. A titre d’exemple : l’expertise
des Etats du Golfe en matière de raffinage des hydrocarbures et de désalinisation de l’eau de
mer serait d’une énorme aide pour le Royaume en matière d’exportations du phosphate et au
regard du risque menaçant des stress hydriques à venir dans les prochaines années.
Et puis tous les observateurs sont conscients que les concessions sociales récentes concédées
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par le gouvernement auront à court terme des répercussions économiques importantes : déficit
budgétaire, inflation grandissante… La manne financière que procureraient des facilités de
prêts octroyés par le CCG serait à cet égard fortement souhaitée.
Le royaume s’est dit très intéressé, s’est même félicité par l’intérêt du CCG. On a évoqué un
"signal fort" ayant "une signification profonde" (M. Fassi Fihri, Ministre des Affaires Etrangères),
mais il ne serait pas surprenant que le Maroc refuse poliment l’invitation. Une image écornée
(club des monarchies) ne serait pas le dernier argument à faire reculer les marocains.
L’ancrage du Maroc reste en effet dans son environnement naturel et immédiat à savoir l’UMA,
un « choix stratégique fondamental de la nation marocaine » et cela c’est le chef de la
diplomatie chérifienne qui le dit.
Et c’est là que l’on reparle de l’éventualité d’une réouverture des frontières avec l’Algérie avant
la fin de l’année…
Par Talal Salahdine, Responsable Stratégie et Communication de l'Institut Amadeus
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