La fascination de l`encens

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La fascination de l`encens
10 _ TRIBUNE DU DROGUISTE 2–3/16
La fascination de l’encens
Durant les mois gris et froids de l’hiver, les fumigations peuvent avoir des effets
relaxants et énergisants.
La fumigation se pratique depuis des millénaires. Dans les cultures les plus diverses,
sous les formes les plus différentes et à des
fins les plus variées. Autrefois, les fumigations étaient surtout supposées exercer
une action protectrice. On y recourait
pour guérir les hommes et les bêtes, pour
éloigner les maladies et les épidémies.
Brûler des herbes médicinales devait
ainsi écarter ou dissiper les fléaux.
Un rituel apaisant
Pour les troubles du sommeil
Kurt Altermatt donne donc volontiers
des informations sur le rituel de la fumigation et organise aussi des conférences
pour les clients durant les mois d’hiver.
«C’est justement durant la saison froide,
quand il fait gris et humide dehors, que
le rituel peut aider à surmonter une
période de blues», explique le droguiste
qui insiste sur le mot «peut». «Je conseille
toujours de l’utiliser en complément, car
il ramène la paix aux hommes», poursuit-il.
D’autant que les résines comme l’encens
ont des effets vivifiants et favorisent la
vigilance. Quant à l’armoise, elle peut
aider les femmes qui souffrent durant les
règles. Le droguiste conseille aussi aux
parents dont les enfants peinent à trouver le sommeil et craignent l’obscurité
d’instaurer un rituel de fumigation. «C’est
un moment que les parents et l’enfant
décident de passer ensemble», souligne
le droguiste. En plus, les enfants sont
généralement fascinés quand la fumée
s’élève et la chaleur diffusée a des vertus
relaxantes. Enfin, les essences calmantes,
comme le copal blanc ou la lavande,
peuvent également favoriser l’endormissement de l’enfant.
Fumigation: mode d’emploi
Pour brûler des résines, il faut une coupe
réfractaire contenant un peu de sable ou
des petits cailloux. On pose dessus un
morceau de charbon à brûler, que l’on
peut acheter en droguerie. Après l’avoir
allumé, on attend environ trois à cinq
minutes jusqu’à ce qu’il ait blanchi et
atteint une température assez élevée. On
peut alors déposer une pincée d’herbes
ou un morceau de résine odorante sur le
charbon. «Point trop n’en faut», assure
Kurt Altermatt. «Mieux vaut en mettre
peu au début car on peut toujours en
rajouter.»
Le moment est alors venu de savourer
l’instant présent, en laissant le parfum
agir, en inspirant profondément, en fer▲
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Kurt Altermatt, droguiste dipl. féd. et
gérant de la droguerie Hildegard à Bâle,
connaît bien l’historique de la tradition
des fumigations, du moins chez les Amérindiens. «Ils croyaient aux vertus bénéfiques de la combustion de résines et
utilisaient diverses herbes, notamment
pour aiguiser leur vigilance mentale.
Mais aussi, tout simplement, pour soigner
des hémorroïdes. En fait, ils avaient une
herbe pour tous les maux possibles et
imaginables», explique Kurt Altermatt.
Et bien qu’il s’intéresse à l’histoire de la
fumigation, il considère que c’est surtout
«un beau rituel aux effets apaisants». C’est
un cérémonial qui calme, car il faut se
prendre le temps de faire brûler la résine
odorante, et qui associe la lumière, la chaleur et le feu. «On voit avec les yeux la
fumée qui s’élève, mais on la perçoit aussi
avec le nez. Le parfum de l’herbe choisie
déclenche quelque chose en nous, évoque
des souvenirs d’enfance, des événements
passés ou éveille peut-être une certaine
nostalgie», poursuit notre interlocuteur
qui fait régulièrement brûler de l’encens
en compagnie de sa compagne.
Il s’est découvert cette fascination pour
les fumigations il y a quelques années en
rencontrant Marc Gloor, spécialiste des
encens. «Pour moi, c’est un peu un Amérindien qui serait né au mauvais endroit»,
précise Kurt Altermatt en souriant. Marc
Gloor a beaucoup appris des Amérindiens et il a voyagé en Europe avec des
guérisseurs pour mieux connaître les
effets de ces plantes. «Echanger avec
lui était si passionnant que j’ai aussitôt
organisé une conférence avec lui pour les
clients de ma droguerie. L’intérêt fut vif»,
se souvient-il.
Le droguiste Kurt Altermatt (photo
en-haut à droite) fait brûler un
morceau de charbon spécial posé sur
un petit lit de sable dans une
coupe réfractaire. Lorsque le charbon
a blanchi (photo ci-contre),
il dépose une pincée d’herbes ou un
morceau de résine odorante sur
le charbon ardent et fait onduler les
volutes de fumée qui s’élèvent.
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mant les yeux et en se recentrant sur soimême. «Certaines personnes méditent
pendant la fumigation, d’autres prient et
d’autres, encore, se contentent d’observer
les volutes de fumée qui s’élèvent.»
Chaque personne doit ainsi trouver la
forme de rituel qui lui convient le mieux.
«Les Amérindiens utilisent une plume
pour diriger la fumée vers eux-mêmes ou
une autre personne», explique le droguiste, qui propose aussi de telles plumes
dans son assortiment. «Elles ne proviennent toutefois pas de pygargues à tête
blanche mais de dindons.» Les Amérindiens veillent à ce que les plumes utilisées n’aient encore jamais touché le sol,
«les attrapant pour ainsi dire en vol», et
que personne d’autre n’y ait touché. «Ce
sont de beaux rituels qui existent déjà
depuis plusieurs centaines d’années. C’est
cela qui me fascine.»
impression de fraîcheur et de sécurité,
elle peut aussi s’utiliser en complément du traitement durant les périodes
dépressives.
La racine d’osha peut lever les blocages
et libérer les voies respiratoires.
Les Amérindiens portent cette racine
comme une amulette de protection
ou l’emportent dans une «bourse
sacrée». De nombreuses populations
amérindiennes l’utilisent lors de
rituels médicaux.
Beaucoup d’Amérindiens considèrent
la résine, le bois et les aiguilles de pin
comme un «médicament sacré».
Avec leurs effets calmants, ils favorisent
la détente et s’utilisent lors de cérémonies de guérison. Ils sont aussi prisés
en cas de refroidissement et pour
nettoyer locaux, places et objets. Les
aiguilles de pin devraient aussi être
expectorantes et éveilleraient la curiosité intérieure, selon les Amérindiens.
La sauge blanche est la «plante
sacrée» des Amérindiens. Comme elle
présente une action antibactérienne,
elle s’utilise souvent pour nettoyer
locaux et objets. La sauge renforcerait
aussi l’esprit et la mémoire, apporterait la paix et la guérison et procurerait
une bonne lucidité mentale.
Le foin d’odeur aussi appelé hiérochloé
odorante chez nous sert à purifier
les places dans un groupe et soutient le
processus de lâcher prise intérieur.
Il peut aussi favoriser la gaîté et attirer
les énergies positives.
La fève de tonka se porte souvent
comme une amulette ou dans les
«bourses sacrées». Pour les fumigations,
les Amérindiens utilisent les grains
brun foncé, en forme d’amande, afin de
voir l’avenir. La fève de tonka a égale-
ment des effets
équilibrants en
cas de colère,
d’irritation et de
stress, elle éveille la
sensualité et aurait des vertus
aphrodisiaques. Elle est gage de bonheur, de prospérité et d’amour.
L’herbe rêveuse, provenant de la plante
appelée calea zacatechichi, augmenterait les phases de rêve durant le
sommeil. Les Amérindiens la font
donc brûler avant d’aller dormir. Les
descendants des Mayas l’utilisent
aujourd’hui encore pour dire la bonne
aventure.
Sacrées, les baies de genièvre se
trouvent souvent dans les bourses
sacrées. Elles donneraient un
regain d’énergie vitale et du courage,
apporteraient protection et sécurité
et augmenteraient l’attention à autrui.
Elles protégeraient aussi contre les
maladies contagieuses et soulageraient
l’asthme.
L’encens s’utilise aujourd’hui encore
dans les églises. Les Amérindiens, eux,
se servent de cette résine pour désinfecter les locaux. Mais il agit aussi
contre le stress, éclaircit les sens et
apporte plus de clarté. L’encens serait
aussi bénéfique au travail intellectuel.
Enfin, il chasserait les insectes.
L’armoise tridentée, qui pousse dans
les régions arides, est indiquée dans
les situations qui nécessitent une prise
de décision. Selon les Amérindiens,
cette plante renforce le côté féminin
des individus et agit contre les
troubles menstruels et ceux de la ménopause. Elle aurait aussi des propriétés
tranquillisantes et relaxantes.
Texte: Denise Muchenberger / trad: cs
Photos: Corinne Futterlieb
Aperçu des herbes utilisées
par les Amérindiens
_ Les feuilles de boldo, arbre qui pousse
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en Amérique du Sud, font partie des
principaux remèdes des Amérindiens.
Elles s’utilisent aussi lors de cérémonies. Une gerbe de feuilles de boldo
placée sur la porte d’entrée éloignerait
les mauvais esprits. Les amateurs de
fumigations considèrent que ces feuilles
ouvrent l’âme et dissipent les blocages
tout en ayant un effet calmant et
équilibrant en cas de nervosité et de
troubles du sommeil.
Le copal, noir et blanc, est une résine
qui peut être extraite de différents
arbres. Il passe pour être sacré. Le copal
blanc est supposé purifier l’individu
de l’intérieur et ouvrir son cœur.
Il favorise aussi la lucidité. Le copal
noir, lui, s’utilise dans les périodes
de crise et devrait aider à retrouver la
bonne voie. Il serait aussi bénéfique
à l’endormissement.
L’encens juniper est fait à partir des
extrémités du genévrier. Les Amérindiens l’utilisent pour saluer des
groupes ou pour nettoyer des objets.
Il doit améliorer la vigilance et agir
contre la nervosité et les surcharges
dues au stress. Il dégagerait aussi
les voies respiratoires.
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_ La lavande peut être utile aux personnes qui ont peur des examens.
Elle aurait des vertus calmantes, relaxantes et harmonisantes et favoriserait le sommeil. Comme le parfum
de la lavande donne souvent une
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Source: «Räuchern mit indianischen Kräutern» de Marc Gloor