Rainer Maria Rilke. Lettres à un jeune poète

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Rainer Maria Rilke. Lettres à un jeune poète
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Rainer Maria Rilke.
Lettres à un jeune poète
«Le souvenir de Rilke est maintenant devenu pareil à cette brise,
qui rouvre comme une rose de Jéricho le cœur desséché des
solitaires.
Parce qu'il fut triste, notre amertume est moins grande;
Nous sommes moins inquiets, parce qu'il vécut sans sécurité;
Nous sommes moins abandonnés, parce qu'il fut seul.»
Marguerite Yourcenar
Philippe Juveneton, le boï, 12200 Villefranche de Rouergue. 0565455984 / 0614303042
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Résumé et contexte
En 1903, un poète de vingt ans,
Franz Xaver
Kappus, alors étudiant à
l'Académie militaire de Wiener-Neustadt, décide d'envoyer à Rainer-Maria
Rilke, ses premiers essais poétiques accompagnés d'une lettre dans laquelle il
lui avoue douter de sa vocation. Il ne pouvait espérer plus belle écoute et plus
juste accueil à ses incertitudes.
Pendant 5 ans, de 1903 à 1908, avec une extrême délicatesse, Rilke répondra
régulièrement à ce jeune homme qu'il ne rencontrera jamais.
Humble et magistral à la fois, Rilke aborde tous les grands sujets de l'existence :
l’amour, la mort, Dieu, la solitude. Il dévoile également ses influences :
l'écrivain danois Jacobsen, le sculpteur Rodin...
Trois ans après la mort du maître, en 1929, Franz Xaver Kappus édite dix
courriers que lui a envoyés l'auteur des Elégies de Duino et les accompagne
d'une courte et respectueuse préface. Il décide simplement d'intituler ce recueil
: Lettres à un jeune poète.
Ce « guide spirituel » connaîtra un succès éditorial mondial qui ne s'est jamais
démenti depuis.
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Note de mis en scène
Eloigné des contingences matérielles, fuyant la nécessité de produire pour produire,
l’histoire de mon parcours artistique m’amène aujourd’hui à percevoir que,
finalement, je n’ai mis en chantier un texte que dans l’urgence de la nécessité
d’exprimer une conviction ou une réflexion redondante de ma propre histoire...
Chacune de mes tentatives théâtrales, chacun des textes qui ont jalonné mon
parcourt émane d’une préoccupation qui l’accompagnait.
C’est donc avec cet accord intime en relation à l’œuvre d’un auteur que je m’attelle
aux « lettres à un jeune poète ». Car ce qui est exprimé dans ce texte rejoint mes
préoccupations actuelles, au travers d’un long cheminement de plusieurs mois
d’errance psychique, de recherche de l’intime pour me confronter à mon intime
conviction, de ma position face au phénomène sociétal, de mon discours sous jacent
qui seul est la marque de notre vérité terrestre.
On peut confronter cette série de questionnements avec une réflexion sur la place de
l’artiste dans notre monde actuel. Fait d’image symbolique autoritaire, de distraction
évasive tendant à s’éloigner sans cesse de l’essentiel, le monde médiatique
d’aujourd’hui tend à nous éloigner de nous-mêmes et nous convaincre de
l’inexorabilité du phénomène. Cette tendance à la superficialité va a l’encontre de
toute démarche spirituelle, de toute recherche du bonheur véritable. Au contraire, la
place de Rilke dans la littérature a cela de bénéfique qu’elle nous confronte à
l’essentiel, au profond, au concret, par le truchement de la volupté poétique,
compréhensible par delà les mots par une évidence qui parle à notre âme.
Nous pouvons nous demander si aujourd’hui le spectateur ne veut pas avant tout
aller au spectacle pour rire et ainsi oublier les affres de son existence besogneuse.
Certes le nombre accrédite cette thèse. En allant plus loin dans la prospective, nous
pouvons également nous demander si l’homme d’aujourd’hui est à la recherche de
sens de son individualité, phénomène contemporain ou l’être a tendance a se perdre
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C’est en pariant sur la deuxième hypothèse que la conviction de la nécessité de
présenter ce texte m’apparait comme pertinente, urgente et vitale…
Comment transmettre la parole de Rilke ?
Il apparait essentiel de percevoir que l’on peut permettre l’adhésion à ses paroles en
ayant éprouvé au plus intime de soi-même les vérités qui se cachent dans ce texte.
Seul le vécu intime des principes et concepts exprimés, (qui relèvent de la plus haute
pensée ésotérique occidentale et orientale du principe même de l’existence) peut
donner au récepteur l’idée d’un au-delà de soi-même accessible et une réponse à
l’angoisse que créent nos turpitudes égotiques, humaines certes, mais de quelle
humanité parle t-on ? Est-ce l’humain destructeur de lui-même et de son
environnement qui devient le principe de l’existence, ou est-ce la recherche au plus
profond de soi-même, de sa vérité, de l’illumination du principe d’existence
éphémère qui permet d’appréhender la vie sous sa forme sereine et joyeuse. Là est le
débat de fond qui permet soit une possible libération, soit la souffrance reconduite et
perpétuée en une longue et monotone perversion quasi bestiale.
Il est question également d’interroger notre rapport à la place que doit avoir l’artiste
dans la société. Est-ce un individu qui devient principe absolu de vénération,
d’idolâtrie, ou l’artiste n’est-t-il qu’un transmetteur d’une utopie rafraîchissante ?
Nous interrogerons également la place de « « l’homo spectator », humain de plus en
plus spectateur passif qui développe une distance qui nous plonge dans le virtuel en
nous éloignant de plus en plus de nous-mêmes. Cette réflexion sera l’objet d’une
scénographie particulière permettant l’implication intime à notre réalité « d’homme
solitaire » parmi la foule.
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Scénographie
La scène est vide, et le récitant doit trouver une manière physique d’être au
plus prêt du recevant. Pour cela, il est envisagé de diffuser la parole dans un
rapport charnel de proximité, par le corps, par le regard, par le son, par le
toucher. Le récitant va donc se déplacer dans l’espace public, et la scène vide
éclairée devient la symbolique de l’absurdité de la notion même du spectacle
qui de nos jours est devenu une usine à l’aliénation du spectateur, passif devant
ce qui est proposé, hypnotisé par sa passivité, hors de lui-même et
profondément plongé dans une réceptivité sensorielle qui annihile la
conscience au profit d’une tendance végétative …
La tentative artistique sera de sortir du processus émetteur / récepteur pour
donner à vivre de manière intime le texte, qui permet d’être face à soi-même
en corrélation avec la parole dite en fait un principe qui nous permet de mieux
accepter notre finitude et notre insignifiance.
La scénographie prend en compte la manière de recevoir du public dans sa
globalité. Pour tenter de construire cette approche du public consubstantiel au
propos de Rilke, la salle et la scène seront éclairées conjointement, le comédien
passera de l’espace public à l’espace scénique par intermittence, en corrélation
avec les propos tenus et en élaborant la meilleure position pour permettre une
appropriation du propos le plus pertinent possible.
Le spectacle peut se jouer en salle, en extérieur protégé, en appartement.
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Philippe Juveneton :
Metteur en scène / comédien
ETUDE UNIVERSITAIRES de 1983 à 1991
 Théâtre : Paris VIII
 Histoire de l’Art : Toulouse Mirail/ Paris 1 Sorbonne
 Psychologie : Toulouse Mirail.
EXPERIENCE PROFESSIONNELLE.
Depuis 1991 : Directeur artistique compagnie de théâtre O de sable :
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2002/ 2013 : Animation ateliers de théâtre ;
 Enfant : 18 spectacles produits,
 Adolescent : 9 spectacles produits,
 adulte : 56 spectacles produits. Essentiellement comédies d’auteur
contemporain.
 Organisation de stage.
 Intervention collèges, lycées. Partenariat Conseil Général Aveyron,
Conseil Régional Midi Pyrénées. Pays Rouergue occidental.
2007/ 2012 : Artiste associé ATP villefranche de Rouergue.
 Recherche de Nouveau public
 création de résidence
 Animation de territoire
 Création
 formation.
Parcours artistique professionnel
Mises en scène et interprétation :
- Le Premier d'Israèl HOROVITZ, mise en scène de Serge DECRAMER.
Rôle de Stephen
- En attendant Godot de Samuel BECKETT. Rôle de Lucky & assistant à la
mise en scène
- Le Bastringue de Karl VALENTIN. Rôle de l'amoureux et du régisseur
- L'Ouest le vrai de Sam SHEPPARD. Mise en scène et interprétation
- Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie KOLTES. Mise
en scène et rôle du client.
- Faux pas de Paul QUELLIEN. Création et rôle de Jack
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- Pour un oui ou pour un non de Nathalie SARRAUTE. Mise en scène et
rôle de l'H2
- L'homme assis de BAUER
- Richard II de SHAKESPEARE, mise en scène Yves GASC (de la comédie
française). Auditeur libre, suivi théorique avec l'aimable et chaleureux
accord de Pascale de BOYSSON et de Laurent TERZIEFF
- Mektoub d'après les textes Isabelle EBERHARDT. Adaptation et mise en
scène
- Home de David STOREY. Mise en scène, rôle d’Harry
- Piège pour un homme seul de Robert THOMAS. Mise en scène / lumière
- Des étoiles dans le ciel du matin d'Alexandre GALINE. Mise en scène et
rôle d'Alexandre
- Passagères de Daniel BESNEHARDT. Mise en scène et rôle de l'officier.
- Toi et tes nuages d'Eric WESPHAL. Mise en scène / Lumière
- Eugénie Grandet d'Honoré de BALZAC, adaptation Désiré de Lavie. Mise
en scène / Lumière
- Vivement la Guerre de Désiré DE LAVIE. Mise en scène / Lumière
- L’histoire des ours pandas, de Mattei VISNIEC. Mise en scène
- Hamlet, entre terre et ciel. Adaptation pour un monologue de Philippe
JUVENETON. Interprétation, lumière, mise en scène
- Délire à deux d’Eugène IONESCO. Mis en en scène, interprétation lui,
lumière.
Mis en scène avec Troupes Amateurs Adulte les plus significatives
-
Palace – Jean Michel RIBES
Le rendez-vous de Senlis – Jean ANOUILH
La colonie –Marivaux
la barque sans pêcheur - Alejandro CASONA
J’y croix pas – Noël Percy
La dégringolade – jean Pierre Martineau
Kilt ou double – Patrick Stéphan
Les pommes de terre sont en fleur – Anca VISDEI
Les pas perdus – Denise Bonal
8 Femmes - Robert Thomas
Boeing Boeing – Marc CAMOLETTI
Les héritiers – Alain KRIEF
La nuit des reines – Michel HEIM
Love – Murray SCHISGAL
Chat et souris – Ray COONEY
Un grand cri d’amour –Josiane BALASKO
La catin de Venise – Claude MERCADIE
Toc Toc – Laurent baffi
Clair de lune et magnolias – Ron Hutchinson
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Vue sur internet
On ne sait trop si cet éloge de la solitude (thème central de
l'œuvre de Rilke avec celui de la chair) où le créateur trouve
dans la profondeur de soi sa raison d'être, si cette leçon
d'indépendance et de rigueur où chacun n'a d'autre juge que sa
propre conscience, peut encore toucher, dans un monde où
l'imaginaire est collectif et la morale communautaire, un public
auquel on serine sans cesse que l'homme a pour vocation et
devoir d'être un animal de troupeau. Pierre Marcabru parue dans
le Figaro
Il y a là des vérités aussi utiles pour celui qui les prononce
que pour ceux qui les entendent. L'écrivain autrichien
conseille, en effet, à tous les artistes de renoncer aux trucages
de la vie et de la société. Dans la bouche d'un acteur qui a
enchaîné le pire et le meilleur, le banal et le sublime, les mots
de Rilke sonnent comme un remords, en tout cas comme un
moment de mise en question, de dialogue avec soi-même.
Gilles Costaz parue dans Les Echos
De 1903 à 1908, il revient inlassablement sur les questions
essentielles qui se posent au poète, au créateur. Ces dix lettres
sont à la fois un moyen d'accès privilégié à l'univers de Rilke
et un manuel de la vie créatrice de portée universelle.
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Bien sûr, il y est question de l’art, mais chaque ligne est avant tout un appel à la vérité
: ne nie pas cette soif qui est en toi, accepte-la et porte la, même si elle entraîne la
solitude et l’obscurité de la chute, c’est la seule attitude qui peut conduire au
scintillement de la remontée.
Le premier conseil que Rilke donne au jeune novice c’est de reconnaître ce qui est le
plus important pour lui et d’y rester fidèle, quoi qu’il lui en coûte. « Il n’est qu’un seul
chemin, entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s’il
pousse ses racines au plus profond de votre cœur (…) Demandez-vous à l’heure la
plus silencieuse de votre nuit : ‘Suis-je vraiment contraint d’écrire’ » (Lettre I). Pour
se poser cette question et pour en reconnaître la réponse, le silence est nécessaire,
silence extérieur qui conduit au silence intérieur. « Je jouirai de ce grand silence dont
j’attends le cadeau d’heures bonnes et pleines. » (Lettre V).
Seule l’honnêteté de la réponse nous permettra d’accepter avec patience le chemin
laborieux qui nous conduira à respecter ce qu’il y a de plus beau et de plus vrai en
nous. « Le temps, ici, n’est pas une mesure. Un an ne compte pas, dix ans ne sont rien.
Être artiste, c’est ne pas compter, c’est croître comme l’arbre qui ne presse pas sa
sève, qui résiste, confiant, aux grands vents du printemps, sans craindre que l’été
puisse ne pas venir. L’été vient. Mais il ne vient que pour ceux qui savent attendre,
aussi tranquilles et ouverts que s’ils avaient l’éternité devant eux. Je l’apprends tous
les jours au prix de souffrances que je bénis : patience est tout. » (Lettre III)
Les questions et les doutes, la souffrance, font partie de ce chemin, comme tels ils
doivent être acceptés et assumés. « Efforcez-vous d’aimer vos questions elles-mêmes.
(…) Il s’agit de tout vivre, vivez pour l’instant vos questions. Peut-être simplement en
les vivant, finirez-vous par entrer insensiblement un jour, dans les réponses. » (Lettre
IV)
« Votre doute lui-même peut devenir une chose bonne si vous en faites l’éducation : il
doit se transformer en instrument de connaissance et de choix. Demandez-lui,
chaque fois qu’il voudrait abîmer une chose, pourquoi il trouve cette chose laide. (…)
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Surtout n’abdiquez pas devant lui. Demandez-lui ses raisons. (…) Un jour viendra
peut-être où ce destructeur deviendra l’un de vos meilleurs artisans. » (Lettre IX).
Bien sûr, les questions, les doutes entraîneront la tristesse, mais rien n’est à rejeter du
chemin qui nous est imparti. « Seules sont mauvaises et dangereuses les tristesses que
l’on transporte dans la foule pour qu’elle les couvre. (…) Elles sont bien de la vie mais
de la vie qui n’a pas été vécue, qui est dédaignée, comme abandonnée, et qui n’en
peut pas moins causer notre mort. » (Lettre VIII). Comme les questions, comme le
doute, la tristesse est à porter dans le silence pour se l’approprier. Mais Rilke fait
aussi justement remarquer : « Ne vous observez pas trop. Gardez-vous de tirer de ce
qui se passe en vous des conclusions trop hâtives. Laissez faire tout simplement. »
(Lettre VIII).
Ainsi nous pourrons porter jusqu’au bout cette tâche qui est la nôtre, tâche qui est
absolument unique pour chaque personne. « Porter jusqu’au terme et enfanter, tout
est là » (lettre III).
À cette attitude humaine, Rilke oppose l’attitude des critiques artistiques qui sont par
excellence, ceux qui regardent la réalité en fonction de la loi du marché « ce sont, ou
bien des produits de l’esprit de chapelle, pétrifiés, privés de sens dans leur
durcissement sans vie ; ou bien d’habiles jeux verbaux ; un jour une opinion y fait
loi, un autre jour c’est l’opinion contraire » (Lettre III), et sans amour « Les œuvres
d’art sont d’une infinie solitude ; rien n’est pire que la critique pour les aborder. Seul
l’amour peut les saisir, les garder, être juste envers elles. » (Lettre III). Mieux vaut un
vrai jugement personnel qui se trompe, que l’acceptation irréfléchie de l’avis d’un
autre simplement parce qu’il est celui qui doit avoir l’autorité. Le maître, celui à
suivre, c’est celui qui, tel Rilke, invite à l’approfondissement du jugement personnel
et donc de la liberté.
Rilke revient régulièrement sur le fait que le chemin qu’il propose au jeune Kappus
est un chemin de solitude, mais c’est seulement dans cette solitude que le jeune
homme pourra trouver le silence qui lui permettra d’être témoin de son temps et de
découvrir la réelle fécondité.
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« Une seule chose est nécessaire : la solitude. » (Lettre VI).
« Être seul comme l’enfant est seul quand les grandes personnes vont et viennent,
mêlées à des choses qui semblent grandes à l’enfant et importantes du seul fait que
les grandes personnes s’en occupent et que l’enfant ne comprend rien à ce qu’elles
font. (…) Pourquoi échanger les sage ne-pas-comprendre de l’enfant contre lutte et
mépris, puisque ne pas comprendre c’est accepter d’être seul, et que lutte et mépris
ce sont des façons de prendre part aux choses mêmes que l’on veut ignorer. » (Lettre
VI)
Reconnaître sa solitude c’est aussi la capacité à recevoir toutes ces choses inconnues,
qui nous font le plus souvent peur. Peur qui nous conduit à nous réfugier dans des
conventions. « La peur de l’inexplicable n’a pas seulement appauvri l’existence des
individus, mais encore les rapports d’homme à homme, elle les a soustraits au fleuve
des possibilités infinies, pour les abriter en quelque lieu sûr de la rive. » (Lettre VIII)
Paradoxalement, reconnaître et vivre de solitude, c’est aussi ce qui nous permet
d’avoir une vraie fécondité. Le pouvoir créateur n’est beau que parce qu’il est riche
de milliers d’engendrements. L’ordre humain est un ordre de maternité nous dit
Rilke, parce qu’il est ouvert à l’avenir. « Tout est peut-être régi par une vaste
maternité. » (Lettre IV). Mais le plus souvent les hommes ne le perçoivent pas.
L’artiste, solitaire qui s’éloigne de la foule, est celui qui prend conscience de ce grand
mystère et peut le retranscrire et montrer que l’amour même n’est pas un don égoïste
de deux individus, mais l’accueil de l’autre dans l’ouverture à l’avenir. « L’amour
d’un être humain pour un autre, c’est peut-être l’épreuve la plus difficile pour
chacun de nous, c’est le plus haut témoignage de nous-mêmes (…) l’amour c’est
l’unique occasion de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour
l’amour de l’être aimé. » (Lettre VII).
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Pour vivre de cette solitude, Rilke propose plusieurs aides.
Il nous faut choisir le quotidien « avec une sincérité intime, tranquille et humble »
(Lettre I). « Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l’accusez pas. Accusez-vous
vous-même de ne pas être assez poète pour appeler à vous ses richesses. » (Lettre I)
Il nous faut contempler la nature. « Si vous vous accrochez à la nature, à ce qu’il y a
de simple en elle, de petit, à quoi presque personne ne prend garde, qui, tout à coup,
devient l’infiniment grand, l’incommensurable, si vous étendez votre amour à tout ce
qui est, si très humblement vous cherchez à gagner en serviteur la confiance de ce
qui vous semble misérable – alors tout vous deviendra plus facile, vous semblera plus
harmonieux et, pour ainsi dire, plus conciliant. » (Lettre IV)
Il nous faut patiemment apprendre notre tâche quotidienne dans le travail. Le travail
est ce lieu où nous sont données « toutes ces choses tangibles et bien délimitées »
(Lettre X). Pour celui qui sait le vivre sérieusement, le travail apporte à notre vie un
caractère de gravité et de nécessité. « Un mode de vie qui nous provoque et nous
oppose de loin en loin à des grandes choses de la vie : voilà ce qu’il nous faut » (Lettre
X).
Toutes ces lettres semblent nous offrir encore une aide : l’art. Parce que l’art, tel que
nous l’offre Rilke, cherche un contact toujours plus vrai, plus humble et plus grave
avec la réalité, il nous montre aussi toujours plus ce qu’est l’homme.
Il s’agit de « croître selon votre loi, gravement, sereinement. » (Lettre I)
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