vox populi

Transcription

vox populi
VOX POPULI
Contestataires, Réformateurs et Révolutionnaires de l’Imperium
Un supplément pour le jeu de rôle Imperium écrit par Nicolas Sanson (2005)
« Sans le pouvoir, les idéaux ne peuvent être réalisés.
Avec le pouvoir, ils survivent rarement. »
Axiome Mentat
I : Idéologie et Contestation…………………………………………………………………….…..…p 2
II : Doctrine et Figures……………………………………………………………………………………….p 6
III : Mouvements et Organisations…………………………………………..………………….p 12
1
I : Idéologie et Contestation
« A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes : autrement dit, la classe qui est
la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. (…) Les
pensées dominantes ne sont rien d'autre que l'expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce
sont ces conditions conçues comme idées, donc l'expression des rapports sociaux qui font justement d'une
seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. »
Extrait de Les Données de la Proto5
Proto5histoire : Recueil d’
d’Auteurs de l’l’Ancienne Terra,
Terra de Shapur Eilikiani
Le Contexte Idéologique
On aura facilement constaté que le monde dans
lequel évoluent l’empereur, les Grandes Maisons,
la Guilde, le Bene Gesserit et le Bene Tleilax n’a
pas pour objectif le bien5être de tous, mais bien
le profit de quelques5uns.
A l’époque de référence d’Imperium, l’unité
humaine, qui trouve son origine dans la lutte
contre les machines pensantes au moment du
Jihad Butlérien, perdure toujours, et les
structures de l’empire montrent de ce point de
vue une remarquable stabilité.
Il découle de tout ceci quatre grands principes :
On peut également supposer que l’ordre féodal
instauré par les Maisons sur leurs fiefs, aussi
libéral soit5il, n’est pas accepté comme allant de
soi par l’ensemble de l’humanité et peut susciter
des réactions d’opposition, au moins sur un plan
local.
Cette dimension semble quelque peu absente
des textes de Frank Herbert, où les pyons
apparaissent comme des anonymes obéissants.
Or, l’existence d’une opposition clandestine au
système impérial peut recéler un grand intérêt
en termes de jeu, puisqu’elle constitue une
source particulièrement riche de complots, de
mystères et de conflits.
Le but de ce supplément est de proposer une
étude non exhaustive de contestataires et de
mouvements dont la doctrine ou les actions
possèdent suffisamment d’ampleur pour prendre
une dimension interstellaire et pour attirer
l’attention de figures aussi importantes que les
personnages5joueurs – que ce soit en tant
qu’adversaires, alliés ou instruments.
L’univers des classes dirigeantes étant déjà
largement abordé dans d’autres suppléments
d’Imperium (notamment La Voie du Pouvoir),
nous nous intéresserons ici tout particulièrement
à la contestation populaire.
1) L’idéologie dominante favorise la stagnation.
A l’image de la morale confucéenne, la Bible
catholique orange privilégie donc l’ordre
statique du monde, en justifiant la place de
chacun par le souci de la prospérité et de la paix
sociale, tout cela aux dépens de la notion de
progrès, assimilé désormais à une perversion
(comme le montrent les tabous du Jihad et la
réputation des Ixiens et des ignobles Tleilaxu).
La seule intransigeance que montre encore la
BCO concerne la technologie et ces interdits
sont de toute façon si bien intégré qu’ils ne
posent problème qu’à des populations très
spécifiques (toujours Ix et Tleilax).
2) Tout
Tout est une question de rapport de forces.
forces.
Une des principales causes de la stabilité de la
société impériale est la puissance écrasante des
nobles sur leurs sujets.
Savoir que les nobles peuvent se déplacer sur
une autre planète, frapper depuis l’espace,
disposent d’armes atomiques et de forces
armées, incite le plus grand nombre des pyons à
la sagesse, c'est5à5dire à la soumission, même
s’il existe des organisations qui, appliquant une
stratégie du faible au fort (guérilla et attentats)
espèrent remporter quelques succès.
2
3) L’existence d’une forme de contest
contestation
(même virtuelle) est inévitable.
inévitable.
Compte tenu de l’étendue des fiefs (qui
implique l’application d’une politique unique –
celle du siridar – à un très grand ensemble plus
ou moins homogène de populations) et du type
de régime autoritaire et hiérarchique défendu
par les Grandes Maisons, il y a fort à parier que
les révoltes locales ne sont pas rares, bien que
les Maisons fassent tout pour les réprimer par la
violence (Harkonnen) ou pour s’attirer l’amour
de leurs sujets (Atréides).
Dans la mesure où l’affrontement entre Maisons
n’est autorisé que dans des cas exceptionnels,
on voit d’ailleurs mal quelle serait l’utilité des
forces armées nobles, si ce n’est pour des
fonctions de maintien de l’ordre (un peu à
l’image des légions urbaines et prétoriennes
dans la Rome antique), d’autant qu’on ne voit
nulle part dans les romans d’Herbert, apparaître
de troupes de police dont ce serait précisément
le rôle… Il est clair que maintien de l’ordre et
sécurité intérieure font partie des raisons d’être
des forces militaires de toute Maison noble.
L’avantage d’un parlement réside d’une part
dans les compétences rassemblées par de telles
structures et qui peuvent manquer à la Maison
pour gérer correctement les ressources de la
planète, et d’autre part dans l’image positive
qu’elle peut acquérir auprès des populations
représentées, et dans la solidarité éprouvée par
les parlementaires vis5à5vis de leurs dirigeants.
Il s’agit cependant d’une arme à double
tranchant, dans la mesure où des manœuvres
partisanes, des ambitions déplacées ou une
mauvaise gestion de cette liberté par le siridar
peuvent
entraîner
des
blocages,
des
réclamations, des crises et, au final, l’amorce
d’une révolution. Les compétences des mentats
amoindrissant par ailleurs le rôle d’expertise
d’une « chambre des représentants », très rares
sont les Maisons qui ont mis en place ce genre
de structures, excepté parfois à des niveaux très
locaux, dont la responsabilité peut être
fastidieuse pour le siridar.
En termes de jeu, un parlement peut donc
conduire à une élévation de la Prospérité,
comme à son contraire, suivant la politique
menée par le siridar.
4) La
La démocratie est soluble dans l’espace.
l’espace.
Un régime dans lequel la consultation régulière
des citoyens serait nécessaire est impossible à
mettre en place au niveau interstellaire, parce
que les déplacement sont très coûteux et parce
que les préoccupations et les gens sont trop
éloignés pour que les populations qui seraient
amenés à se prononcer puissent se sentir
représentées par des élus quelconques.
Au vu des expériences menées depuis deux
siècles sur notre planète Terre, il est même
difficile de croire qu’un gouvernement puisse
bénéficier d’une légitimité auprès d’un ensemble
de populations hétérogènes, même par un
système qui prévoirait une cascade de grands
électeurs.
Tout au plus peut5on penser que les Maisons
nobles les plus « libérales » (au sens
philosophique du terme), ont pu mettre en place
des parlements locaux afin de recevoir les avis
d’une diète, d’une chambre, d’un conseil ou
d’un parlement regroupant des notables ou des
représentants d’ethnies ou de corporations (tout
comme l’empereur consulte le Landsraad et
comme c’était le cas en France sous l’Ancien
Régime).
Bref, au5delà des raisons historiques qui ont
conduit à l’empire, l’avantage du régime féodo5
impérial réside essentiellement dans sa simplicité
tant symbolique que réelle 5 et nécessaire à la
gouvernance de telles étendues.
Véhicules de la Contestation
Pour qu’une idée ait du succès, il faut qu’elle
circule. Là réside, pour part, la clé de la
domination des nobles sur le peuple : pour
l’essentiel, les pyons ne peuvent pas quitter leurs
planètes d’origine, parce que les voyages sont
trop chers et qu’on peut penser que les Grandes
Maisons ont à cœur de contrôler strictement les
entrées et les sorties de leur territoire, sachant
qu’il est presque toujours impossible de
retrouver quelqu’un une fois que celui5ci a
atterri et qu’il dispose d’un monde pour s’enfuir.
Seuls quelques roturiers ont donc accès à ce
privilège, et c’est par une très petite minorité
que sont véhiculées les idées anti5impériales.
Bien entendu, le contrôle exercé par la Guilde et
les Maisons implique une clandestinité totale
des individus en question.
3
Parmi ces roturiers susceptibles de voyager d’un
monde à l’autre, on peut citer :
5 les entrepreneurs planétaires
5 les artistes renommés
5 les militaires (soldats et mercenaires)
5 les personnels conditionnés (Suk, Mentats)
5 les maîtres d’armes et les maîtres de guerre
5 les maîtres assassins et leurs agents
5 le petit personnel servant à bord des Courriers
Le Courant Populaire
Ce courant d’opposition tend surtout à la
dénonciation des abus de certains siridars et,
plus amplement, d’un système qui met les
populations à la merci d’un héritier de Maison
noble, fût5il fou ou incompétent.
En l’occurrence, ce dernier reproche est
largement amoindri par la professionnalisation
des conseillers (Mentats, Suk, maître d’armes,
Bene Gesserit) des Grandes Maisons qui, sauf
chez les plus pervertis (Harkonnen), peuvent
tempérer les excès d’un déséquilibré ou d’un
imbécile.
5 l’élite des administrateurs de l’empire
5 les historiens et les propagandistes
Certains mouvements de cette obédience sont
parfois même aidés en sous5main par le Bene
Gesserit, qui peut parfois percevoir une
mortalité trop élevée de la population comme
un péril à son programme génétique.
5 l’élite des serviteurs du Bene Gesserit
Le Courant des Entrepreneurs
5 les personnels qualifiés devant accompagner
des marchandises (dresseurs pour les animaux,
éleveurs pour le bétail devant rester vivant,
convoyeurs de bois5brouillard, etc).
Egalement qualifié de « libéral », ce courant est
représenté par les membres de Maisons mineures
qui fustigent le contrôle exercé par les Grandes
sur leurs affaires.
Les Courants d’Opposition
Nombreux sont en effet les entrepreneurs qui se
sont vu dépossédés de la source de leurs
revenus, quand ceux5ci devinrent considérables.
Il faut compter également avec le strict contrôle
des grandes richesses que la CHOM (donc les
nobles) exercent sur les échanges de
marchandises.
5 les serviteurs des nobles voyageant souvent
5 l’élite des scientifiques
Dans ce contexte, quelques rares penseurs se
sont tout de même permis d’émettre des
réserves sur le bien5fondé de la domination
aristocratique. La plupart ne sont plus là pour
en témoigner, mais leurs écrits et leurs idées
continuent d’influencer un grand nombre de
mouvements de contestation.
Une fois écartées les positions les plus
excentriques, on distingue environ quatre
courants politiques dans l’empire :
5 le courant populaire
5 le courant des entrepreneurs
5 le courant aristocratique
5 le courant hégémonique
Examinons à présent chacun de ces quatre
courants d’opposition.
Enfin, il y a également une dimension
symbolique à cette résistance, dans la mesure où
les nobles ont toujours eu beau jeu de snober
les membres des Maisons mineures, à travers un
ensemble de vexations tenant à l’habillement, à
l’étiquette, à l’exercice de privilèges scandaleux.
Les plus virulents des entrepreneurs aspirent
donc à l’ouverture de la CHOM et du Landsraad
à une « noblesse » censitaire (c'est5à5dire
disposant d’un revenu minimum suffisant), voire
à une disparition des Grandes Maisons au profit
d’une aristocratie étendue à tous ceux qui
peuvent prétendre à une clientèle et une fortune
nombreuses. Or si les plus éminents
représentants de cette tendance reçoivent le
soutien d’une grosse partie des bourgeoisies
planétaires, aucune des factions de l’empire ne
4
trouvent d’intérêt à soutenir leurs aspirations,
tenant essentiellement à la libéralisation du
commerce et à l’abolition des privilèges.
A noter enfin que ce courant n’a pas de
fondements philosophiques, qui tiendrait
comme pour l’Europe des Lumières, à
l’affirmation de l’égalité des hommes ; il y a en
effet longtemps que l’Epice, les Navigateurs, le
Bene Tleilax et les prodiges du Bene Gesserit ont
apporté la preuve que les humains sont inégaux,
et que tout, en dernière analyse, n’est qu’une
question de pouvoir et d’intérêt.
A noter également qu’aucune des autres
factions (Guilde, Bene Gesserit, Bene Tleilax,
etc.) n’est de toutes façons favorables à un
renforcement des pouvoirs de l’empire, ce qui
risque de maintenir cette tendance au stade
d’un doux rêve, tout au moins jusqu’à
l’avènement de Leto II.
Le Courant Aristocratique
Ce courant est représenté par les nobles qui
dénoncent la puissance de l’empereur et
voudraient le voir cantonner à un rôle d’arbitre
intervenant uniquement sur les questions
interstellaires.
La possibilité qu’a l’empereur de disposer des
fiefs comme bon lui semble est la principale
source des critiques, et nombreux sont les
nobles qui souhaitent que le rôle du Landsraad
soit considérablement augmenté (notamment en
ce qui concerne la promulgation des lois et les
arbitrages des conflits), sans voir que les
antagonismes propres aux Grandes Maisons
entraveraient considérablement l’action de cette
instance, au point peut5être de réduire la notion
d’imperium à une coquille vide.
Le Courant Hégémonique
Depuis que le trône est revenu aux Corrino, on
voit apparaître essentiellement parmi les
courtisans, l’idée que l’empereur devrait
uniquement s’appuyer sur son administration et
ses élites afin de gouverner, et renvoyer les
nobles à leurs petites affaires, en ayant réduit le
rôle du Landsraad à celui d’une chambre
d’enregistrement des décisions de l’empereur (et
qui servirait également de cadre aux
manifestations
honorifiques
destinées
à
renouveler le lien entre le trône et les nobles).
Inutile de dire à quel point cette tendance est
honnie par les Grandes Maisons, qui reprochent
à ses défenseurs, d’être des « ennemis de la
noblesse » et des « chiens courants du trône ».
5
II : Figures et Doctrines
« Mieux vaut avoir vécu vingt5cinq jours comme un tigre qu’un millénaire comme un mouton. »
Bachiri
achiriii
Ancien Proverbe B
achiri
La Doctrine Elferiste : Célébration de la Misère
Elfer Jack5San5Bom
Elfer est né sur la planète Blekblem du système
Hyu5San. D’une origine aisée (son père, Kresten,
servit à la cour du duc Bajeg Pretorius, Elfer
commença sa vie dans les traces de son père.
Après avoir suivi l’Ecole des cadres (collège
institué par la Maison Pretorius, où est formée
et recrutée l’élite de l’administration ducale), il
commence une carrière remarquable dans le
corps
des
Questeurs,
un
corps
de
l’administration consacré au recrutement des
impôts et, plus généralement, au contrôle des
transactions sur les marchés du fief. Puis il
rejoint à trente5sept ans le Conseil du duc
Saramir, où il est en charge de la construction,
de l’entretien et de la restauration des bâtiments
sur Blekblem 5 la planète connaît en effet des
« vents de cristaux » qui, tous les cinq ou dix
ans, ravagent des régions entières.
Mais une bagarre ayant tourné à l’émeute,
survenue pendant les Lupercales (fête de la
fécondité présidée par le siridar et sa famille, qui
se livrent à l’occasion à des sacrifices, à des
orgies et à des représentations sacrées des
drames où la Maison Pretorius prend ses racines)
prive Elfer de l’usage de ses deux jambes – on
dit qu’il fut écrasé par un chargement de
Lullabies5Kirio, des éponges émulsifiantes du
système Candie.
Après une longue période de claustration dans
le domaine familial, Elfer inaugure à quarante5
huit ans une vie de pérégrinations sur
suspenseurs qui va le mener sur les dix5huit
continents de Blekblem, à la rencontre des
marginaux et des déshérités.
Il en tire de puissants enseignements, qu’il
mettra cependant une vie à mettre en forme,
dans des sonnets ou des vers sans rime, où
transparaît la vision d’une société sans chef,
sans richesse, sans hiérarchie, et accompagnée
par de puissants aspects lyriques et pessimistes
(on parle à son propos d’une poésie de la
misère).
Après avoir semé ses poèmes sur toute la
planète et suscité des exemples de ferveur sans
précédent, Elfer meurt dans l’arrière5cour d’une
taverne de Fregur (continent Appius), tabassé à
mort par plusieurs inconnus.
Longtemps restée dans l’ombre, sa doctrine se
répand tout d’abord parmi les poètes. Puis,
publiées sous formes de billets, semées dans
tout l’empire dans les œufs porte5bonheur de
Lisao (petits globes vivants, décorés et creux, où
les orfèvres de Blekblem glisse des maximes de
sagesse ou de poésie, censés avoir un pouvoir
divinatoire), ses compositions brèves et
saisissantes rencontrent un intérêt vigoureux
chez le petit peuple.
Dès lors, une mythologie s’installe, où certaines
mauvaises langues voient l’influence de la
Missionaria Protectiva : on ne tarde pas à voir
en lui la figure d’un ermite et d’un saint, et l’on
prête bientôt un ensemble de textes apocryphes
et un sens contestataire à ses poèmes, que ses
exégèses trouvent cependant difficile de
confirmer sur la seule base des poésies qui lui
sont formellement reconnues…
6
La Doctrine Oussoumane : le Lamento d’une Esclave
Alice5Tau Bint Oussouman
Femme de peine chez les Alokianis (baronnie
ayant son fief sur Ullills), Alice5Tau doit sa
fortune à l’emprise que cette jeune fille bien en
chair, à l’esprit tranchant et au verbe fleuri des
esclaves, est parvenue à établir sur le jeune na5
baron Iliustenverin dans son adolescence.
Tout d’abord servante aux bains, Alice5Tau sera
épousée par le tout jeune homme (de sept ans
son cadet) à la mort du baron son père, victime
d’une apoplexie dans un bain de vapeur.
Moqué par l’ensemble du Landsraad, condamné
unanimement par la famille du baron, ce
mariage ne durera pas. Après quelques années
d’un amour passionné, le siridar Iliustenverin
répudie son épouse, au cours d’une sombre nuit
dont les témoins n’ont, pour la plupart, pas
survécu. Confinée dès lors dans une tour du
Fort5Bel, Alice5Tau ne s’avoue pas vaincue, et
propage parmi les esclaves du baron, des chants
qui dénoncent la bêtise et la méchanceté des
puissants, l’inhumanité avec laquelle la baronnie
gère ses cheptels d’esclaves, la brutalité des
Clores (surveillants des étables) et l’injustice
générale qui règne dans l’empire.
Or c’est un moment de faiblesse pour les
Alokianis. Engagés dans une guerre d’assassins
contre les Borda, menacés sur plusieurs fiefs
secondaires, ils peinent à réprimer une immense
révolte d’esclaves qui enflamment les domaines
et les champs aquatiques d’Ullills. Débordés par
la situation, après avoir hésité à faire usage de
leurs atomiques, les Alokianis paient la Guilde
afin que leurs satellites météorologiques
accablent les régions révoltées des terribles
ouragans qu’ils étaient jusque5là censés
combattre. En quelques jours, les principales
plaines du fief sont inondées et, coupés des
endroits où ils pouvaient se ravitailler, les
esclaves commencent à périr.
La catastrophe se transforme bientôt en désastre
planétaire quand les épidémies font leur
apparition et quand les lokorsques du large
(reptiles sous5marins redoutables) viennent,
grâce à la montée des eaux, fendre les eaux
répandues sur les terres et faire entendre leurs
sinistres feulements de prédateur électrique aux
pauvres esclaves réfugiées sur les bancs de sable,
en haut des arbres et des bâtiments.
Réfugiée dans sa tour, sauve mais cernée par les
eaux, les cadavres et les charognards, Alice5Tau
contacte alors la Guilde et parvient, en échange
de l’enfant qu’elle porte du siridar (que la Guilde
revend elle5même au Bene Gesserit), à acheter
son passage sur un vaisseau à destination de
Quijan, où elle commence une autre vie sous
une nouvelle identité. On perd alors sa trace.
Ruinés par le saccage de leur fief, les Aliokanis
ne se remettront jamais de la révolte. Ils sont
bientôt exterminés par les Borda, et la planète
devient un immense sépulcre, que les satellites
de la Guilde s’exercent à réchauffer, afin de
dégager les plaines des marais qui les ont
envahies. Le fief ne sera attribué que soixante5
huit ans plus tard par l’empereur et les
nouveaux maîtres découvrent en arrivant des
horizons parsemés de squelettes blanchis et de
ruines. Le nombre des victimes s’élève
officiellement à 13 millions.
Alice5Tau reste longtemps dans l’ombre, mais ce
sont les recherches du musicologue Jared Obrin
qui, trois siècles plus tard (grâce à une cession
d’enregistrement inattendue ayant eu lieu sur le
vaisseau de la Guilde), font connaître ses chants
et répandent peu à peu sa parole dans le petit
peuple de l’empire, par le biais des chanteurs et
des musiciens.
On raconte qu’à la fin de sa vie, Alice5Tau reçut
la visite de l’ancien na5baron Iliustenverin, que
les malheurs avaient miraculeusement épargné.
Nul ne sait ce qui se passa lors de l’entrevue.
Tout au plus sait5on que, quatre jours plus tard,
on retrouva le vieux couple baignant nu,
égorgé, dans des flaques de sang séché.
L’autopsie pratiquée par un expert Suk ne
permit pas de savoir qui, des deux, avait tout
d’abord tué l’autre avant de se donner la mort,
ou si une vieille vengeance les avait rattrapés
alors qu’ils fêtaient des retrouvailles inespérées,
plus de quatre5vingt ans après leur dernière
entrevue tragique.
7
La Doctrine Vilterienne : la Révolution Commence aux Arènes
Skon Vilterbränd Abenaqi
De père inconnu, de mère ouvrière dans les puits
d’Askalon, Skon se signale tout d’abord par des
activités relevant de la petite délinquance. Son
charisme, son bagout, la passion qu’il met en
toutes choses sollicitent cependant l’attention
du sharif Comar’ch, dont l’influence morale et
politique est décisive.
Le sous5officier de l’Ordre Public (corps de
juges5policiers mis en place auprès de la
population d’Askalon pour prévenir et réprimer
la petite criminalité) est un misanthrope à demi5
vagabond, très porté sur l’alcool de juje et dont
les diatribes furieuses dénonçant l’iniquité du
monde marquent profondément le jeune Skon
que Comar’ch a pris à ses côtés.
L’année de ses quinze ans, un drame frappe
Skon, quand son mentor est renvoyé de l’Ordre
Public, rossé par les hommes du comte KlouBy
Ninrod, avant d’être envoyé dans un puits5
lumière extraire de la Soufflère Bélaune
(particules
lumineuses
particulièrement
cancérigènes utilisées dans les revêtements de
vaisseaux interstellaires).
Un temps désorienté, Skon se rabat alors sur le
Bluut. Ce jeu d’équipe très violent, présentant
un mélange de course, de duels et de jeu de
crosses et palets, pratiqué en arènes sur
plusieurs systèmes pour amuser les foules, tient
une place majeure dans la vie de la planète
Askalon, une géante glacée, minière, pourvue de
gigantesques métropoles enfouies.
Skon ne tarde pas à s’investir dans le soutien à
l’équipe Jaune. La violence et la cohérence de
ses propos, sa profonde intelligence, le sens
tactique dont il fait montre dans les
affrontements avec les supporters d’équipes
adverses le mènent bientôt à la tête du club des
Jaunes (il est nommé par le comte édile des
ocres) et toute sa vie va désormais se mener sur
les gradins d’arènes, où il acquiert une véritable
autorité, tant auprès des supporters, que des
présidents de clubs qui craignent la plume
acérée qui s’exprime dans les Libelles, sorte
d’hebdomadaire sportif diffusé par un réseau de
crieurs publics à travers tout Askalon.
Mais juste au moment où Skon, à soixante ans,
allait se voir nommer à la tête de la fédération
planétaire, le comte d’Askalon (toujours KlouBy
Ninrod, resté très en forme grâce à l’épice) est
alerté par ses conseillers sur le contenu de plus
en plus subversif des Libelles.
Le journal est interdit, on massacre les crieurs,
et les hommes du comte tentent de s’emparer
de Skon. Mais de véritables émeutes le portent
au contraire à la tête d’une insurrection contre
les troupes du siridar. Menée dans le labyrinthe
des galeries innombrables creusées sous la
croûte d’Askalon, la lutte sera longue.
Pendant trois décennies, une véritable guerre
civile saccage les puits, les métropoles, les
installations, jusqu’à ce que les révoltés
s’épuisent. Skon a alors disparu depuis
longtemps. Certains le disent fondu dans de la
Soufflère en fusion, d’autres le prétendent caché
quelque part, qui ourdie en secret l’œuvre du
Grand Soir.
La plupart (dont le baron lui5même, toujours
aussi fringant) le considèrent cependant mort,
sans doute par accident, au cours des
affrontements les plus durs dans le puits d’Ilij.
Ses Libelles connaissent alors une longue
compilation, menée par Jon Stark Mestfen
auprès des anciens crieurs et compagnons de
Skon, pour aboutir à la rédaction de Jeu à Seize,
un traité de Bluut crypto5révolutionnaire, où les
initiés, grâce à un code, peuvent relire les
discours de Skon, dont les célèbres séries
intitulées Contre la noblesse et Le comte,
l’infamie.
Malgré une interdiction quasi5interplanétaire,
Jeu à Seize, sous différentes éditions et
différents noms (Anagramme de l’attaquant ou
Pratique de la diagonale) circule encore dans
l’empire avec les joueurs de Bluut.
8
La Doctrine Makiniste : Réfutation Logique du Système Impérial
Dieter Makin
Dès son plus jeune âge, Dieter fit preuve de
puissantes capacités le destinant très jeune à
une carrière de Mentat. De fait, il fut l’un des
mentats les plus précoces, attirant l’attention de
ses professeurs par la facilité déconcertante avec
laquelle il supportait le conditionnement.
Certains cependant virent dans de telles
capacités, les prémisses de difficultés et, après
avoir été acheté par la Maison Samal, Dieter se
lance en effet dans la rédaction de la Summa
Makina, vaste réflexion sur le monde, où les
analyses les plus acérées côtoient les
spéculations les plus folles et les avis les plus
radicaux.
Malgré l’opposition des Samal (qui supportent
mal que leur mentat passe autant de temps à
des travaux personnels), il rédige en cinq ans les
dix5huit volumes de sa Somme, où il fait
notamment état de l’irrationalité présidant à
l’empire et à la domination aristocratique, au
motif que les aristocrates tiennent leur pouvoir
sur le seul critère du sang, ce qui ne garantit ni
leur probité ni leur compétence et peut avoir
des conséquences immenses sur les populations
dominées.
L’ouvrage ne fait tout d’abord pas parler de lui,
mais les censeurs de l’empire finissent un jour
par achever les dix5huit volumes et par trouver
cette dénonciation de la noblesse et les
puissants sarcasmes employés par Dieter à
propos de l’empereur. Un corps de Sardaukars
est immédiatement envoyé sur le fief des Samal.
La protestation déclamée devant le Landsraad
par un comte Samal brisé par le drame restera
lettre morte. Dieter est mis au secret, interrogé
par les hommes de l’empereur, avant d’être
étranglé dans sa cellule par l’empereur lui5
même. Il était, depuis son arrestation, très serein
quant à son devenir, donnant une forte
probabilité à ce que Dieu existe et l’accueille
bientôt dans son paradis.
Enfermé en compagnie de l’acteur Eisan
Makateribeko (arrêté pour débauche), il rédige
en prison l’essentiel d’une œuvre dramatique en
vers, marquée par l’extravagance, la précision, la
longueur (la plus longue de ses compositions
fait cinquante5huit heures), la présence du Divin
et de brusques visions délirantes.
Pourtant, ces pièces seront jouées à travers tout
l’empire, jusqu’à ce qu’un mentat décèle la
présence d’un code dans les textes, tenant au
nombre de pieds combiné aux valeurs attribuées
par la tradition aux lettres du Gallach standard.
Or le contenu ésotérique du texte est
profondément subversif, visant à convaincre les
mentats de l’iniquité du régime aristocratique
par des arguments logiques.
Peu à peu, ses pièces sont interdites sur
plusieurs mondes, mais des troupes continuent,
çà et là, d’en jouer des extraits…
La comtesse Agelika Samal, depuis longtemps
amoureuse du mentat, tente alors de protéger sa
fuite. Mais les Sardaukars ne font pas le détail
et, après un bref affrontement avec les gardes
du corps de la comtesse, celle5ci meurt dans les
bras de Dieter.
9
La Doctrine Marcusienne : Liberté Chérie par un Eleveur Nomade
Marcus Ditex
Né dans les hautes plaines de la planète Qio XIII
(fief secondaire de la famille Pillow), Marcus
passe son enfance parmi les « vachers » qui
suivent les troupeaux de Placides de Qio (de très
grands ruminants de type mégathérium) sur le
dos des Véloces, un genre de reptile à peu près
de la taille d’une girafe et qui, à grande vitesse,
peut déployer les membranes qui courent entre
ses pattes et sa gueule, pour prendre un envol
sur un courant ascendant.
Tout destinait Marcus à rester un pyon
complètement inconnu, mais son autorité et sa
force en font bientôt un homme très respecté
parmi les vachers. Les rivalités qui agitent
périodiquement les clans d’éleveurs le force
cependant à quitter rapidement les camps de
yourtes sur suspenseurs, pour se lancer dans des
opérations de pillage et de représailles dans les
très grands espaces dénudés du Continent Nord.
Marcus entreprend ces voyages avec quelques
compagnons et va bientôt se bâtir une
réputation de Cavalier de légende, en donnant
l’exemple d’un comportement très proche des
règles de la courtoisie qui ont, dans un passé
très lointain, régit la chevalerie dans les
chansons de geste. C’est qu’il accomplit une
quête !
Son très grand ami Dorim ayant été enlevé par
les cavaliers d’un clan adverse, Marcus va
sillonner les plaines pendant des dizaines
d’années afin de retrouver cet homme,
accumulant les conduites exemplaires, se
signalant sur toute la planète, passant dans les
villages comme le souffle d’une quête sans
espoir.
Marcus donnera lui5même quelques éléments de
réponse, dans un opuscule gravé sur du cuir de
Véloce, où il prétend que le Beau se pratique,
qu’il vaut mieux passer une vie à accomplir un
seul bel acte vain, que de se perdre dans les
tâches utiles mais laides.
Il écrit également que l’homme ne doit jamais
souffrir que sa liberté soit entraver par
quiconque, que les nobles sont les gardiens de
la laideur des mondes, que les Navigateurs de la
Guilde sont les seuls êtres libres, que le
monopole de celle5ci est une insulte à la face de
tous les êtres pensants de l’empire, etc.
Tout d’abord confidentielle, son œuvre voyagera
avec les vachers qui accompagnent les
troupeaux sur d’autres mondes. De son vivant,
cependant, le comte Pillow ne réagira pas et
Marcus ne connaîtra pas un seul des signes de
l’oppression.
On dit qu’il est mort un soir de printemps, de
vieillesse et de fatigue, sans avoir retrouver
Dorim. Les témoignages sont contradictoires sur
ses dernières paroles. Certains de ses
compagnons prétendent qu’il a eu un dernier
sourire pour le ciel et prononça juste « Allez en
paix » dans un souffle. D’autres soutiennent au
contraire qu’il maudit Dorim et sa quête, pleura
de voir, au soir de sa vie, qu’il n’avait rien
accompli et qu’il avait gâché son existence
« pour une chimère. »
Avec le temps, sa figure prendra cependant la
taille d’un mythe pour tous les éleveurs
nomades de l’empire et on raconte que certaines
peuplades reculées vouent même un culte à son
effigie, qui apparaît tournée vers l’Est.
Les hypothèses fleurissent sur son passage : que
fuit5il ainsi ? Quel genre d’amour peut donc
justifier un tel dévouement ? Quels sont les
motifs secrets d’une quête qui paraît de plus en
plus absurde ?
10
La Doctrine Vandelède : une Compassion Universelle
Hesa Vandeled Oo Punrik
Née dans une modeste famille noble (baronnie
Punrik), Hesa se distingue dans son enfance par
une santé fragile, qui l’amène à suivre de
longues cures dans des instituts spécialisés et
entrave son éducation par les Sœurs du BG.
Alors qu’elle a seize ans et qu’une brève
rémission lui fait espérer un avenir plus radieux,
les docteurs Suk délivrent hélas leur diagnostic :
atteinte d’une dégénérescence génétique du
tissu pulmonaire, elle est condamnée dans
quelques années. Les traitements sont désormais
inutiles. Hesa en profite alors pour se rendre à la
cour, sur Kaitain, simplement sur le rêve de
rencontrer au moins une fois l’amour, auprès de
l’un des jeunes princes de la cour.
Là, sa profonde naïveté, l’âme d’enfant qu’elle
montre en toutes choses, en font tout d’abord
un objet de curiosité, d’amusement puis de
révolte quand, toujours avec une infinie bonté,
elle tente de convaincre ses pairs de l’injustice
qu’il y a à régner sur les autres, à vivre du travail
d’autrui et à faire subir à d’autres hommes les
chaînes de l’asservissement.
On sait peu de choses sur ce qui arriva ensuite.
Tout au plus sait5on que « l’affaire » dura
plusieurs heures, qu’elle ne se déroula pas du
tout comme les viveurs (et parmi eux le duc
Stavanguer, ignoble sybarite perclus de dettes et
de profiteurs) l’avaient pensé et que le baron
Punrik trouva plusieurs cadavres enroulés dans
des draps, quand il vint au matin chercher sa
fille. Les appartements étaient dans un désordre
horrible, les affaires de sa fille éparpillées dans
toutes les pièces, plusieurs serviteurs avaient
subi des violences ou s’étaient vus enfermés
dans une antichambre, mais le pire, c’était
qu’Hesa et le duc Stavanguer avaient disparu.
Celui5ci refit cependant surface six mois plus
tard, considérablement déprimé, sur une planète
du système Major.
Hesa resta introuvable. A peu près à la même
période, on ramassa dans les faubourgs de
Kaitain, une femme morte, enceinte, au visage
méconnaissable
et
qui
montrait
une
dégénérescence pulmonaire inexplicable.
Le baron Punrik refusa cependant de la
reconnaître et tiendra par la suite sa fille pour
disparue, sans admettre que le temps l’aurait
condamnée de toutes manières.
Sa maladie, son extrême jeunesse, la fragilité
émouvante qu’elle montre malgré un physique
quelconque, lui épargnent un temps les
sanctions mais non les sarcasmes, qu’elle déjoue
avec une simplicité d’ange, redoublant parfois la
fureur de ceux qui la prenaient pour cible.
Son père le baron Punrik est alors convoqué à la
cour, et sommé d’emmener sa fille poursuivre
son agonie ailleurs. Hesa accepte l’ordre avec
douceur mais on raconte que la nuit précédant
son départ, alors qu’elle dormait entourée de ses
valises, une bande de viveurs déchaînés entra
dans ses appartements, dans l’idée de briser par
la violence et l’orgie une innocence qu’ils
n’avaient pu confondre.
11
La Doctrine Okotiste : Insolence, Sarcasmes et Mauvais Goût
Okoto Iliul Farid
Né d’un palefrenier à la cour du baron Brême,
Okoto commença sa vie comme écuyer, avant de
faire partie de l’entourage du na5baron Vilemeur
qui, viveur impénitent, se ravit de ses farces et
de ses blagues. Bientôt, Okoto affirme une
puissante vocation de comique, à laquelle le
prête son physique renfrogné, son esprit alerte,
son sens de l’ironie et son mépris des origines.
Bientôt, les invités du baron ravis par ses
prestations, l’invitent sur leurs planètes et, petit
à petit, Okoto entame une carrière interstellaire,
effectuée grâce à des sketchs puisant l’essentiel
de leur registre dans les blessures de son
enfance, les différences de rang, les ridicules des
nobles et des pyons, alliées à une démesure
donnant à tout incident la dimension d’une
catastrophe.
Malgré les quelques grincements de dents que
provoquent ses satires, la plupart des nobles se
l’arrachent et Okoto en vient à gagner des
fortunes, allant jusqu’à prendre quelques doses
d’épice de temps en temps.
Mais la loi du baron Brême, hélas, le rattrape : à
la mort de son père, Okoto est rappelé sur
Gentille (fief de la baronnie) pour prendre sa
charge aux écuries. Toutes les pressions amicales
menées par les amis qu’Okoto avait acquis dans
la noblesse ne font pas fléchir Vilemeur qui,
devenu siridar, soupirant sous le poids des
responsabilités, vexé qu’Okoto l’ait quitté dès
qu’il eut un peu de succès, obtient son retour
sur Gentille.
Okoto peut alors reprendre sa carrière, et se voit
à nouveau invité sur bien des mondes. Mais le
cœur n’y est plus, les mœurs ont évolué, et les
princes, déçus, assistent à des numéros poussifs,
pleins de sarcasmes, de grossièretés et de haine
que, peu à peu, Okoto oriente vers des diatribes
revanchardes, qui au mieux le font expulser, au
pire provoque un soir sa mort, quand un garçon
de la maison Delambre finit par l’égorger sur
scène, après avoir exigé d’obtenir réparation des
moqueries que le vieux comique avait accablé la
dulcinée du jeune homme.
Ce sont pourtant les numéros de cette dernière
période qui auront le plus de succès auprès des
humbles, sans doute par leur caractère
outrancier et par l’usage d’un comique à la fois
juste et destructeur.
Transmis par les servantes, les gardes, les
majordomes, son œuvre se perpétue sous la
forme de bons mots, de bribes de sketchs
répétés dans les cuisines, les écuries, les salles
des gardes et apparaissant périodiquement dans
des recueils de blagues et de calembours, malgré
le caractère subversif de leurs contenus.
Okoto restera trente ans sur Gentille. Devenu
obèse après son sevrage de l’épice, rageur,
haineux, il finit par obtenir sa relaxe auprès d’un
Vilemeur vieilli qui de guerre lasse, après avoir
subi pendant des années le fiel de son ancien
compagnon, le délivre de son servage ; on dit
que l’épouse du siridar ne fut pas étrangère à
cette victoire, harassée qu’elle était également
par l’atmosphère pesante que l’immense figure
d’Okoto faisait régner sur la cour.
12
III : Mouvements et Organisations
« L'histoire de l'humanité est un mouvement constant du règne de la nécessité vers le règne de la
liberté. »
usienne, citation attribuée au sage antique Zedong.
Doctrine Marcusienne
arcusienne
Toutes les organisations ci5dessous sont secrètes,
et plus ou moins puissantes selon les cas. Au pire,
ce n’est plus qu’une légende, dont tous les
membres ont été massacrés. Au mieux, le
mouvement peut revendiquer de petites actions
voire parfois la constitution d’une révolte qui est
écrasée dans un bain de sang…
Les Guerriers du Sentier Lumineux
Ce mouvement narco5messianique se rencontre
le plus souvent dans les forces armées. Il
fonctionne comme une société secrète (avec
rites violents d’initiation et de possession,
hiérarchie parallèle, etc.) et opère un amalgame
entre la pensée marcusienne (culte de la force,
du corps masculin, de la nature et de la liberté),
l’utilisation de psychotropes (pour atteindre des
transes où les forces de la nature se
manifestent)
et
l’attente
d’un
messie
hypothétique, sonnant « l’heure de la Quille »
pour tout le monde (c'est5à5dire d’un monde
sans guerre, où les soldats, dans une apocalypse
fanatique, se donneront tous la mort pour
bannir à jamais la haine entre les hommes).
On dit que l’initiation au Sentier Lumineux (ce
que l’on nomme les Mystères Lumineux) a réussi
à s’introduire jusque parmi les Sardaukars,
malgré leur conditionnement. Si le fait n’est pas
avéré, il est par contre établi que le mouvement
est né à Kaitain, par la fréquentation de soldats
de certaines Grandes Maisons avec d’autres
contingents venus également avec leur maître.
Malgré plusieurs décès (overdoses, brutalité des
rites d’initiation, sanction prise à l’égard d’un
pratiquant), le SL continue de rencontrer un vif
succès dans les forces armées des Maisons et de
l’empire, peut5être grâce à l’appui discret de la
missionaria protectiva.
L’Ecole Emaniste
Parmi les différentes écoles existant dans la
tradition mentat, l’école émaniste s’est
longtemps distinguée par l’accent qu’elle
mettait sur les pratiques prana5bindu afin
d’atteindre l’état mental nécessaire aux mentats,
ainsi que sur l’utilisation des mathématiques et
de vieilles philosophies logiciennes dans les
processus de déduction.
Les recherches les plus récentes ont largement
occulté cette école, mais il reste des mentats
pour, à travers ses enseignements, reconnaître le
bien5fondé de la Summa Makina.
Sauf à leur prêter un rôle occulte dans certaines
opérations, l’influence de ces hommes est
cependant restée presque nulle, hormis dans la
manière dont ils ont pu infléchir la politique des
nobles qu’ils conseillaient, sans jamais toutefois
aller à l’encontre de l’intérêt de la Maison
(conditionnement oblige), lequel coïncide bien
souvent avec l’oppression.
Jeu à Seize
Pour plus de détails sur ce concept, voir la
rubrique consacrée à Skon Vilterbränd Abenaqi, au
chapitre précédent.
Surtout en vogue dans les clubs régionaux ou
planétaires du Bluut, le Jeu à Seize est « une
gangrène qui mine le monde des arènes en
pervertissant les jeunes et en les amenant à la
désobéissance » (baron Vicinius Kalpol).
Bien que les clubs soient très surveillés, Jeu à
Seize est, au5delà d’une compilation de discours,
une véritable société secrète, recrutant parmi les
joueurs et les supporters.
13
Elle connaît plusieurs niveaux de responsabilités,
des agents dormants, un système complexe
d’initiation visant à ce que les hauts
responsables ne puissent jamais être identifiés.
Ses buts tiennent essentiellement à diffuser la
parole vilterienne auprès du peuple, soit par des
chants repris en cœur par les supporters dans les
gradins, soit par des rumeurs colportées dans les
couloirs des arènes, soit par des réunions
secrètes tenues au milieu de la foule, soit par un
endoctrinement dans les tavernes après les
matchs…
A ce jour, c’est un mouvement puissant, où
fermentent les germes de la révolution mais
auquel les nobles et l’empereur refusent de
s’attaquer, tant le Bluut est populaire et tant la
répression allumerait sans doute des foyers de
guérilla dommageable aux économies comme
aux populations.
Kürzug5Bachir !
Mouvement clandestin, préconisant la lutte
armée contre les oppresseurs, Kürzug5Bachir !
recrute surtout chez les pyons du prolétariat
industriel ou agricole.
Mêlant des accents oussoumannes, elferistes et
vandelèdes, sa doctrine n’est pas très claire et
varie considérablement suivant les mondes et les
contextes où sont plongées les populations.
L’essentiel tient cependant à une chose : lutter,
avec tous les moyens disponibles, contre les
nobles et leurs fidèles.
Cela a pu prendre la forme d’infanticides
(enfants nobles étouffés par leurs nourrices),
d’attentats préparés (crash d’orni5suicide, par
exemple), de perversions (accoutumance à une
substance non toxique et donc non détectée par
le goûte5poison, mais très addictive) jusqu’à des
vendetta opérées dans le prolétariat lui5même,
contre ceux qui refusent de rejoindre la lutte
armée et de payer l’impôt révolutionnaire (des
dérives fréquentes incitent les polices nobiliaires
à assimiler ces mouvements à des mafias).
Les appellations de Kürzug5Bachir ! sont
nombreuses, mais un réseau tente, malgré tous
les obstacles, de former une Interplanétaire, qui
coordonnerait la révolte générale. On appelle ses
partisans, Francs5Tireurs, ou Bachirii
Le Dit de l’Arbre5Cristal
Surtout en vogue chez les acteurs de théâtre, le
DAC reprend l’essentiel de la doctrine elferiste et
vandelède, pour diffuser un message de liberté
au petit peuple à travers des représentations de
marionnettes, de mimes, d’opéras ou de pièces
de théâtre. Parmi tous les genres théâtraux, on
dit que le genre pornographique est, compte
tenu de son caractère naturellement confidentiel
(à tout le moins sur une majorité de planètes), le
meilleur vecteur des idées du DAC et que ses
acteurs/actrices en sont les apôtres les plus
convaincus – et les plus convaincants, d’après le
Bene Gesserit.
Malgré de multiples répressions, l’Arbre5Cristal
(du nom d’une petite pièce en vers dont
l’origine se perd dans la nuit des temps) a
toujours et partout donné des rameaux et la
contestation n’est, de ce point de vue, pas prête
de s’éteindre. Le DAC n’a jamais donné lieu à
des actes violents, mais il est arrivé que
l’influence de Kürzug5Bachir ! se fasse sentir
jusqu’à des attentats perpétrés sur scène, par les
acteurs contre le public. La plus célèbre reste à
ce jour la contamination à un virus foudroyant
mis au point par les Tleilaxu, par une troupe de
théâtre pornographique, de presque toute la
famille du baron Morkin, laquelle avait participé
à une représentation.
Les Officiers Libres
Contrairement à ce que leur nom laissent
penser, les Officiers Libres n’ont rien de
militaires, mais regroupent au contraire une
nébuleuse de hauts serviteurs (chargés d’offices
dans des Grandes Maisons), comme les
chambellans, majordomes, veneurs, argentiers,
intendants, gardes des sceaux, écuyers, etc. qui
ont eu l’occasion de voyager dans la suite de
leurs maîtres et ont été sensibilités aux thèses
elferistes et aux bons mots okotistes.
Le mouvement des Officiers Libres s’inspire
cependant tout autant du courant libéral, par
une communion de valeurs et d’idées qui les
rapproche des entrepreneurs planétaires ; même
s’ils se moquent volontiers des travers des
nobles qu’ils côtoient tous les jours et dont ils
peuvent remarquer les traits les moins flatteurs,
les Officiers Libres sont profondément anti5
révolutionnaires et rêvent simplement d’une
société plus juste, qui donne une chance à tous
14
selon leurs mérites, sans bouleverser cependant
l’ordre établi.
Très peu d’actions sont à mettre au compte de
cette organisation, dont le caractère secret n’a
pas toujours été maintenu, suivant la libéralité
des maîtres. Les plus régulières concernent les
banquets qu’ils organisent quand plusieurs
Officiers Libres se rencontrent et où on célèbre
la bonne chère en se rappelant les blagues
d’Okoto, après une vague cérémonie où sont lus
certains passages de la Bible catholique orange
et de vieux cantiques libéraux. Les Officiers
Libres sont clairement les ennemis des Bachirii.
L’Assemblée du Saint Sauveur
Mouvement très ancien, constitué au départ en
opposition aux réformes ayant conduit à la
Bible catholique orange, l’ASS regroupe ceux qui
se nomment eux5mêmes « Vieux Croyants ».
Hormis les Livres Saints, les VC s’inspirent des
idées d’Alice5Tau Bint Oussouman (pour les
chants qui composent la liturgie), Elfer Jack5
San5Bom (pour sa célébration de la pauvreté) et
d’Hesa Vandeled Oo Punrik (pour sa vision du
monde). L’accent de leur doctrine est mis sur
l’opposition sainteté/pauvreté5souffrance5martyr
– péché/pouvoir5fortune.
L’ASS concerne surtout des populations
reculées, attachés à des traditions d’un autre
âge (on rencontre même certaines sectes de
castrats volontaires, qui prétendent ainsi
« rompre avec les tentations ») et en
contradiction avec l’idéologie dominante de
l’empire, où la puissance et la fortune sont des
valeurs positives. Il arrive cependant que des
gens « quittent le siècle » pour aller rejoindre
des colonies de Vieux Croyants qu’un noble
tolère sur un fief, parce qu’ils sont les seuls à
bien vouloir s’installer sur des terres
inhospitalières.
Il est arrivé ainsi que l’ASS finisse par obtenir le
monopole de l’extraction du mler, (un métal
gazeux très utilisé dans l’agroalimentaire pour
ses capacités de réchauffement), jusqu’à ce que
le comte Vlar Kerjoug les chasse des puits pour
y mettre ses esclaves.
Les Vieux Croyants basculent rarement dans la
violence, le pardon occupant une place
essentielle dans l’idéologie, avec l’obligation de
souffrir. Parfois cependant, un sicaire provoque
un drame, en se jetant sur un noble qu’il tient
pour possédé par un génie. Jamais l’une de ces
tentatives n’a cependant rencontré de succès.
Confrérie du Zenburkinapayat
Tenant de la gymnastique et de l’art de combat,
le Zenburkinapayat est une pratique sportive,
médicinale et spirituelle très ancienne, dont les
aspects martiaux ont été largement dépassés par
les techniques mises au point depuis les maîtres
et les écoles d’armes.
Il en reste cependant une gymnastique efficace,
assez proche par certains côtés des techniques
prana5bindu (et de la philosophie zensunni, sans
ses aspects messianiques), bien que bien plus
rudimentaire. Prenant en compte tous les
aspects de la vie, cette « gymnastique »
comprend aussi bien des recettes de cuisine
(visant à l’équilibre des aliments positifs/négatifs
– chtoniens/aériens – clairs/sombres, selon des
schémas complexes), que des massages, des
techniques de relaxation, kinésithérapie et
d’ostéopathie, de divination, de design, de
méditation, d’évasion ou de strangulation…
Les aspects moraux de la doctrine sont inconnus
de la grande majorité des pyons de l’empire qui
pratiquent le Zenburkinapayat dans leurs vies
quotidiennes, mais ils ont été contaminés depuis
longtemps par les thèses populaires (notamment
par la poésie d’Elfer Jack5San5Bom) et par les
préceptes
naturalistes
de
la
doctrine
marcusienne, au point d’aboutir à la
constitution d’une société secrète, recrutant
dans les temples où les maîtres du
Zenburkinapayat transmettent leur savoir, ou
parmi les élèves des maîtres itinérants.
La Confrérie regroupe actuellement le plus
grand nombre d’adeptes des thèses populaires.
Elle prend ses membres chez les administrateurs,
les commerçants, les artisans, les scientifiques
des villes petites ou grandes. Quelques grands
penseurs actuels sont soupçonnés d’y appartenir
(qu’ils pratiquent ou non le Zenburkinapayat).
Pour l’heure, la confrérie n’a revendiqué aucun
acte violent, mais travaille activement à saper les
bases de l’oppression, aussi bien auprès de la
population des fiefs des Grandes Maisons
qu’auprès de celle des planètes de l’empereur ou
du Bene Gesserit…
Nicolas Sanson, 2005
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