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VOX POPULI Contestataires, Réformateurs et Révolutionnaires de l’Imperium Un supplément pour le jeu de rôle Imperium écrit par Nicolas Sanson (2005) « Sans le pouvoir, les idéaux ne peuvent être réalisés. Avec le pouvoir, ils survivent rarement. » Axiome Mentat I : Idéologie et Contestation…………………………………………………………………….…..…p 2 II : Doctrine et Figures……………………………………………………………………………………….p 6 III : Mouvements et Organisations…………………………………………..………………….p 12 1 I : Idéologie et Contestation « A toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes : autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante. (…) Les pensées dominantes ne sont rien d'autre que l'expression en idées des conditions matérielles dominantes, ce sont ces conditions conçues comme idées, donc l'expression des rapports sociaux qui font justement d'une seule classe la classe dominante, donc les idées de sa suprématie. » Extrait de Les Données de la Proto5 Proto5histoire : Recueil d’ d’Auteurs de l’l’Ancienne Terra, Terra de Shapur Eilikiani Le Contexte Idéologique On aura facilement constaté que le monde dans lequel évoluent l’empereur, les Grandes Maisons, la Guilde, le Bene Gesserit et le Bene Tleilax n’a pas pour objectif le bien5être de tous, mais bien le profit de quelques5uns. A l’époque de référence d’Imperium, l’unité humaine, qui trouve son origine dans la lutte contre les machines pensantes au moment du Jihad Butlérien, perdure toujours, et les structures de l’empire montrent de ce point de vue une remarquable stabilité. Il découle de tout ceci quatre grands principes : On peut également supposer que l’ordre féodal instauré par les Maisons sur leurs fiefs, aussi libéral soit5il, n’est pas accepté comme allant de soi par l’ensemble de l’humanité et peut susciter des réactions d’opposition, au moins sur un plan local. Cette dimension semble quelque peu absente des textes de Frank Herbert, où les pyons apparaissent comme des anonymes obéissants. Or, l’existence d’une opposition clandestine au système impérial peut recéler un grand intérêt en termes de jeu, puisqu’elle constitue une source particulièrement riche de complots, de mystères et de conflits. Le but de ce supplément est de proposer une étude non exhaustive de contestataires et de mouvements dont la doctrine ou les actions possèdent suffisamment d’ampleur pour prendre une dimension interstellaire et pour attirer l’attention de figures aussi importantes que les personnages5joueurs – que ce soit en tant qu’adversaires, alliés ou instruments. L’univers des classes dirigeantes étant déjà largement abordé dans d’autres suppléments d’Imperium (notamment La Voie du Pouvoir), nous nous intéresserons ici tout particulièrement à la contestation populaire. 1) L’idéologie dominante favorise la stagnation. A l’image de la morale confucéenne, la Bible catholique orange privilégie donc l’ordre statique du monde, en justifiant la place de chacun par le souci de la prospérité et de la paix sociale, tout cela aux dépens de la notion de progrès, assimilé désormais à une perversion (comme le montrent les tabous du Jihad et la réputation des Ixiens et des ignobles Tleilaxu). La seule intransigeance que montre encore la BCO concerne la technologie et ces interdits sont de toute façon si bien intégré qu’ils ne posent problème qu’à des populations très spécifiques (toujours Ix et Tleilax). 2) Tout Tout est une question de rapport de forces. forces. Une des principales causes de la stabilité de la société impériale est la puissance écrasante des nobles sur leurs sujets. Savoir que les nobles peuvent se déplacer sur une autre planète, frapper depuis l’espace, disposent d’armes atomiques et de forces armées, incite le plus grand nombre des pyons à la sagesse, c'est5à5dire à la soumission, même s’il existe des organisations qui, appliquant une stratégie du faible au fort (guérilla et attentats) espèrent remporter quelques succès. 2 3) L’existence d’une forme de contest contestation (même virtuelle) est inévitable. inévitable. Compte tenu de l’étendue des fiefs (qui implique l’application d’une politique unique – celle du siridar – à un très grand ensemble plus ou moins homogène de populations) et du type de régime autoritaire et hiérarchique défendu par les Grandes Maisons, il y a fort à parier que les révoltes locales ne sont pas rares, bien que les Maisons fassent tout pour les réprimer par la violence (Harkonnen) ou pour s’attirer l’amour de leurs sujets (Atréides). Dans la mesure où l’affrontement entre Maisons n’est autorisé que dans des cas exceptionnels, on voit d’ailleurs mal quelle serait l’utilité des forces armées nobles, si ce n’est pour des fonctions de maintien de l’ordre (un peu à l’image des légions urbaines et prétoriennes dans la Rome antique), d’autant qu’on ne voit nulle part dans les romans d’Herbert, apparaître de troupes de police dont ce serait précisément le rôle… Il est clair que maintien de l’ordre et sécurité intérieure font partie des raisons d’être des forces militaires de toute Maison noble. L’avantage d’un parlement réside d’une part dans les compétences rassemblées par de telles structures et qui peuvent manquer à la Maison pour gérer correctement les ressources de la planète, et d’autre part dans l’image positive qu’elle peut acquérir auprès des populations représentées, et dans la solidarité éprouvée par les parlementaires vis5à5vis de leurs dirigeants. Il s’agit cependant d’une arme à double tranchant, dans la mesure où des manœuvres partisanes, des ambitions déplacées ou une mauvaise gestion de cette liberté par le siridar peuvent entraîner des blocages, des réclamations, des crises et, au final, l’amorce d’une révolution. Les compétences des mentats amoindrissant par ailleurs le rôle d’expertise d’une « chambre des représentants », très rares sont les Maisons qui ont mis en place ce genre de structures, excepté parfois à des niveaux très locaux, dont la responsabilité peut être fastidieuse pour le siridar. En termes de jeu, un parlement peut donc conduire à une élévation de la Prospérité, comme à son contraire, suivant la politique menée par le siridar. 4) La La démocratie est soluble dans l’espace. l’espace. Un régime dans lequel la consultation régulière des citoyens serait nécessaire est impossible à mettre en place au niveau interstellaire, parce que les déplacement sont très coûteux et parce que les préoccupations et les gens sont trop éloignés pour que les populations qui seraient amenés à se prononcer puissent se sentir représentées par des élus quelconques. Au vu des expériences menées depuis deux siècles sur notre planète Terre, il est même difficile de croire qu’un gouvernement puisse bénéficier d’une légitimité auprès d’un ensemble de populations hétérogènes, même par un système qui prévoirait une cascade de grands électeurs. Tout au plus peut5on penser que les Maisons nobles les plus « libérales » (au sens philosophique du terme), ont pu mettre en place des parlements locaux afin de recevoir les avis d’une diète, d’une chambre, d’un conseil ou d’un parlement regroupant des notables ou des représentants d’ethnies ou de corporations (tout comme l’empereur consulte le Landsraad et comme c’était le cas en France sous l’Ancien Régime). Bref, au5delà des raisons historiques qui ont conduit à l’empire, l’avantage du régime féodo5 impérial réside essentiellement dans sa simplicité tant symbolique que réelle 5 et nécessaire à la gouvernance de telles étendues. Véhicules de la Contestation Pour qu’une idée ait du succès, il faut qu’elle circule. Là réside, pour part, la clé de la domination des nobles sur le peuple : pour l’essentiel, les pyons ne peuvent pas quitter leurs planètes d’origine, parce que les voyages sont trop chers et qu’on peut penser que les Grandes Maisons ont à cœur de contrôler strictement les entrées et les sorties de leur territoire, sachant qu’il est presque toujours impossible de retrouver quelqu’un une fois que celui5ci a atterri et qu’il dispose d’un monde pour s’enfuir. Seuls quelques roturiers ont donc accès à ce privilège, et c’est par une très petite minorité que sont véhiculées les idées anti5impériales. Bien entendu, le contrôle exercé par la Guilde et les Maisons implique une clandestinité totale des individus en question. 3 Parmi ces roturiers susceptibles de voyager d’un monde à l’autre, on peut citer : 5 les entrepreneurs planétaires 5 les artistes renommés 5 les militaires (soldats et mercenaires) 5 les personnels conditionnés (Suk, Mentats) 5 les maîtres d’armes et les maîtres de guerre 5 les maîtres assassins et leurs agents 5 le petit personnel servant à bord des Courriers Le Courant Populaire Ce courant d’opposition tend surtout à la dénonciation des abus de certains siridars et, plus amplement, d’un système qui met les populations à la merci d’un héritier de Maison noble, fût5il fou ou incompétent. En l’occurrence, ce dernier reproche est largement amoindri par la professionnalisation des conseillers (Mentats, Suk, maître d’armes, Bene Gesserit) des Grandes Maisons qui, sauf chez les plus pervertis (Harkonnen), peuvent tempérer les excès d’un déséquilibré ou d’un imbécile. 5 l’élite des administrateurs de l’empire 5 les historiens et les propagandistes Certains mouvements de cette obédience sont parfois même aidés en sous5main par le Bene Gesserit, qui peut parfois percevoir une mortalité trop élevée de la population comme un péril à son programme génétique. 5 l’élite des serviteurs du Bene Gesserit Le Courant des Entrepreneurs 5 les personnels qualifiés devant accompagner des marchandises (dresseurs pour les animaux, éleveurs pour le bétail devant rester vivant, convoyeurs de bois5brouillard, etc). Egalement qualifié de « libéral », ce courant est représenté par les membres de Maisons mineures qui fustigent le contrôle exercé par les Grandes sur leurs affaires. Les Courants d’Opposition Nombreux sont en effet les entrepreneurs qui se sont vu dépossédés de la source de leurs revenus, quand ceux5ci devinrent considérables. Il faut compter également avec le strict contrôle des grandes richesses que la CHOM (donc les nobles) exercent sur les échanges de marchandises. 5 les serviteurs des nobles voyageant souvent 5 l’élite des scientifiques Dans ce contexte, quelques rares penseurs se sont tout de même permis d’émettre des réserves sur le bien5fondé de la domination aristocratique. La plupart ne sont plus là pour en témoigner, mais leurs écrits et leurs idées continuent d’influencer un grand nombre de mouvements de contestation. Une fois écartées les positions les plus excentriques, on distingue environ quatre courants politiques dans l’empire : 5 le courant populaire 5 le courant des entrepreneurs 5 le courant aristocratique 5 le courant hégémonique Examinons à présent chacun de ces quatre courants d’opposition. Enfin, il y a également une dimension symbolique à cette résistance, dans la mesure où les nobles ont toujours eu beau jeu de snober les membres des Maisons mineures, à travers un ensemble de vexations tenant à l’habillement, à l’étiquette, à l’exercice de privilèges scandaleux. Les plus virulents des entrepreneurs aspirent donc à l’ouverture de la CHOM et du Landsraad à une « noblesse » censitaire (c'est5à5dire disposant d’un revenu minimum suffisant), voire à une disparition des Grandes Maisons au profit d’une aristocratie étendue à tous ceux qui peuvent prétendre à une clientèle et une fortune nombreuses. Or si les plus éminents représentants de cette tendance reçoivent le soutien d’une grosse partie des bourgeoisies planétaires, aucune des factions de l’empire ne 4 trouvent d’intérêt à soutenir leurs aspirations, tenant essentiellement à la libéralisation du commerce et à l’abolition des privilèges. A noter enfin que ce courant n’a pas de fondements philosophiques, qui tiendrait comme pour l’Europe des Lumières, à l’affirmation de l’égalité des hommes ; il y a en effet longtemps que l’Epice, les Navigateurs, le Bene Tleilax et les prodiges du Bene Gesserit ont apporté la preuve que les humains sont inégaux, et que tout, en dernière analyse, n’est qu’une question de pouvoir et d’intérêt. A noter également qu’aucune des autres factions (Guilde, Bene Gesserit, Bene Tleilax, etc.) n’est de toutes façons favorables à un renforcement des pouvoirs de l’empire, ce qui risque de maintenir cette tendance au stade d’un doux rêve, tout au moins jusqu’à l’avènement de Leto II. Le Courant Aristocratique Ce courant est représenté par les nobles qui dénoncent la puissance de l’empereur et voudraient le voir cantonner à un rôle d’arbitre intervenant uniquement sur les questions interstellaires. La possibilité qu’a l’empereur de disposer des fiefs comme bon lui semble est la principale source des critiques, et nombreux sont les nobles qui souhaitent que le rôle du Landsraad soit considérablement augmenté (notamment en ce qui concerne la promulgation des lois et les arbitrages des conflits), sans voir que les antagonismes propres aux Grandes Maisons entraveraient considérablement l’action de cette instance, au point peut5être de réduire la notion d’imperium à une coquille vide. Le Courant Hégémonique Depuis que le trône est revenu aux Corrino, on voit apparaître essentiellement parmi les courtisans, l’idée que l’empereur devrait uniquement s’appuyer sur son administration et ses élites afin de gouverner, et renvoyer les nobles à leurs petites affaires, en ayant réduit le rôle du Landsraad à celui d’une chambre d’enregistrement des décisions de l’empereur (et qui servirait également de cadre aux manifestations honorifiques destinées à renouveler le lien entre le trône et les nobles). Inutile de dire à quel point cette tendance est honnie par les Grandes Maisons, qui reprochent à ses défenseurs, d’être des « ennemis de la noblesse » et des « chiens courants du trône ». 5 II : Figures et Doctrines « Mieux vaut avoir vécu vingt5cinq jours comme un tigre qu’un millénaire comme un mouton. » Bachiri achiriii Ancien Proverbe B achiri La Doctrine Elferiste : Célébration de la Misère Elfer Jack5San5Bom Elfer est né sur la planète Blekblem du système Hyu5San. D’une origine aisée (son père, Kresten, servit à la cour du duc Bajeg Pretorius, Elfer commença sa vie dans les traces de son père. Après avoir suivi l’Ecole des cadres (collège institué par la Maison Pretorius, où est formée et recrutée l’élite de l’administration ducale), il commence une carrière remarquable dans le corps des Questeurs, un corps de l’administration consacré au recrutement des impôts et, plus généralement, au contrôle des transactions sur les marchés du fief. Puis il rejoint à trente5sept ans le Conseil du duc Saramir, où il est en charge de la construction, de l’entretien et de la restauration des bâtiments sur Blekblem 5 la planète connaît en effet des « vents de cristaux » qui, tous les cinq ou dix ans, ravagent des régions entières. Mais une bagarre ayant tourné à l’émeute, survenue pendant les Lupercales (fête de la fécondité présidée par le siridar et sa famille, qui se livrent à l’occasion à des sacrifices, à des orgies et à des représentations sacrées des drames où la Maison Pretorius prend ses racines) prive Elfer de l’usage de ses deux jambes – on dit qu’il fut écrasé par un chargement de Lullabies5Kirio, des éponges émulsifiantes du système Candie. Après une longue période de claustration dans le domaine familial, Elfer inaugure à quarante5 huit ans une vie de pérégrinations sur suspenseurs qui va le mener sur les dix5huit continents de Blekblem, à la rencontre des marginaux et des déshérités. Il en tire de puissants enseignements, qu’il mettra cependant une vie à mettre en forme, dans des sonnets ou des vers sans rime, où transparaît la vision d’une société sans chef, sans richesse, sans hiérarchie, et accompagnée par de puissants aspects lyriques et pessimistes (on parle à son propos d’une poésie de la misère). Après avoir semé ses poèmes sur toute la planète et suscité des exemples de ferveur sans précédent, Elfer meurt dans l’arrière5cour d’une taverne de Fregur (continent Appius), tabassé à mort par plusieurs inconnus. Longtemps restée dans l’ombre, sa doctrine se répand tout d’abord parmi les poètes. Puis, publiées sous formes de billets, semées dans tout l’empire dans les œufs porte5bonheur de Lisao (petits globes vivants, décorés et creux, où les orfèvres de Blekblem glisse des maximes de sagesse ou de poésie, censés avoir un pouvoir divinatoire), ses compositions brèves et saisissantes rencontrent un intérêt vigoureux chez le petit peuple. Dès lors, une mythologie s’installe, où certaines mauvaises langues voient l’influence de la Missionaria Protectiva : on ne tarde pas à voir en lui la figure d’un ermite et d’un saint, et l’on prête bientôt un ensemble de textes apocryphes et un sens contestataire à ses poèmes, que ses exégèses trouvent cependant difficile de confirmer sur la seule base des poésies qui lui sont formellement reconnues… 6 La Doctrine Oussoumane : le Lamento d’une Esclave Alice5Tau Bint Oussouman Femme de peine chez les Alokianis (baronnie ayant son fief sur Ullills), Alice5Tau doit sa fortune à l’emprise que cette jeune fille bien en chair, à l’esprit tranchant et au verbe fleuri des esclaves, est parvenue à établir sur le jeune na5 baron Iliustenverin dans son adolescence. Tout d’abord servante aux bains, Alice5Tau sera épousée par le tout jeune homme (de sept ans son cadet) à la mort du baron son père, victime d’une apoplexie dans un bain de vapeur. Moqué par l’ensemble du Landsraad, condamné unanimement par la famille du baron, ce mariage ne durera pas. Après quelques années d’un amour passionné, le siridar Iliustenverin répudie son épouse, au cours d’une sombre nuit dont les témoins n’ont, pour la plupart, pas survécu. Confinée dès lors dans une tour du Fort5Bel, Alice5Tau ne s’avoue pas vaincue, et propage parmi les esclaves du baron, des chants qui dénoncent la bêtise et la méchanceté des puissants, l’inhumanité avec laquelle la baronnie gère ses cheptels d’esclaves, la brutalité des Clores (surveillants des étables) et l’injustice générale qui règne dans l’empire. Or c’est un moment de faiblesse pour les Alokianis. Engagés dans une guerre d’assassins contre les Borda, menacés sur plusieurs fiefs secondaires, ils peinent à réprimer une immense révolte d’esclaves qui enflamment les domaines et les champs aquatiques d’Ullills. Débordés par la situation, après avoir hésité à faire usage de leurs atomiques, les Alokianis paient la Guilde afin que leurs satellites météorologiques accablent les régions révoltées des terribles ouragans qu’ils étaient jusque5là censés combattre. En quelques jours, les principales plaines du fief sont inondées et, coupés des endroits où ils pouvaient se ravitailler, les esclaves commencent à périr. La catastrophe se transforme bientôt en désastre planétaire quand les épidémies font leur apparition et quand les lokorsques du large (reptiles sous5marins redoutables) viennent, grâce à la montée des eaux, fendre les eaux répandues sur les terres et faire entendre leurs sinistres feulements de prédateur électrique aux pauvres esclaves réfugiées sur les bancs de sable, en haut des arbres et des bâtiments. Réfugiée dans sa tour, sauve mais cernée par les eaux, les cadavres et les charognards, Alice5Tau contacte alors la Guilde et parvient, en échange de l’enfant qu’elle porte du siridar (que la Guilde revend elle5même au Bene Gesserit), à acheter son passage sur un vaisseau à destination de Quijan, où elle commence une autre vie sous une nouvelle identité. On perd alors sa trace. Ruinés par le saccage de leur fief, les Aliokanis ne se remettront jamais de la révolte. Ils sont bientôt exterminés par les Borda, et la planète devient un immense sépulcre, que les satellites de la Guilde s’exercent à réchauffer, afin de dégager les plaines des marais qui les ont envahies. Le fief ne sera attribué que soixante5 huit ans plus tard par l’empereur et les nouveaux maîtres découvrent en arrivant des horizons parsemés de squelettes blanchis et de ruines. Le nombre des victimes s’élève officiellement à 13 millions. Alice5Tau reste longtemps dans l’ombre, mais ce sont les recherches du musicologue Jared Obrin qui, trois siècles plus tard (grâce à une cession d’enregistrement inattendue ayant eu lieu sur le vaisseau de la Guilde), font connaître ses chants et répandent peu à peu sa parole dans le petit peuple de l’empire, par le biais des chanteurs et des musiciens. On raconte qu’à la fin de sa vie, Alice5Tau reçut la visite de l’ancien na5baron Iliustenverin, que les malheurs avaient miraculeusement épargné. Nul ne sait ce qui se passa lors de l’entrevue. Tout au plus sait5on que, quatre jours plus tard, on retrouva le vieux couple baignant nu, égorgé, dans des flaques de sang séché. L’autopsie pratiquée par un expert Suk ne permit pas de savoir qui, des deux, avait tout d’abord tué l’autre avant de se donner la mort, ou si une vieille vengeance les avait rattrapés alors qu’ils fêtaient des retrouvailles inespérées, plus de quatre5vingt ans après leur dernière entrevue tragique. 7 La Doctrine Vilterienne : la Révolution Commence aux Arènes Skon Vilterbränd Abenaqi De père inconnu, de mère ouvrière dans les puits d’Askalon, Skon se signale tout d’abord par des activités relevant de la petite délinquance. Son charisme, son bagout, la passion qu’il met en toutes choses sollicitent cependant l’attention du sharif Comar’ch, dont l’influence morale et politique est décisive. Le sous5officier de l’Ordre Public (corps de juges5policiers mis en place auprès de la population d’Askalon pour prévenir et réprimer la petite criminalité) est un misanthrope à demi5 vagabond, très porté sur l’alcool de juje et dont les diatribes furieuses dénonçant l’iniquité du monde marquent profondément le jeune Skon que Comar’ch a pris à ses côtés. L’année de ses quinze ans, un drame frappe Skon, quand son mentor est renvoyé de l’Ordre Public, rossé par les hommes du comte KlouBy Ninrod, avant d’être envoyé dans un puits5 lumière extraire de la Soufflère Bélaune (particules lumineuses particulièrement cancérigènes utilisées dans les revêtements de vaisseaux interstellaires). Un temps désorienté, Skon se rabat alors sur le Bluut. Ce jeu d’équipe très violent, présentant un mélange de course, de duels et de jeu de crosses et palets, pratiqué en arènes sur plusieurs systèmes pour amuser les foules, tient une place majeure dans la vie de la planète Askalon, une géante glacée, minière, pourvue de gigantesques métropoles enfouies. Skon ne tarde pas à s’investir dans le soutien à l’équipe Jaune. La violence et la cohérence de ses propos, sa profonde intelligence, le sens tactique dont il fait montre dans les affrontements avec les supporters d’équipes adverses le mènent bientôt à la tête du club des Jaunes (il est nommé par le comte édile des ocres) et toute sa vie va désormais se mener sur les gradins d’arènes, où il acquiert une véritable autorité, tant auprès des supporters, que des présidents de clubs qui craignent la plume acérée qui s’exprime dans les Libelles, sorte d’hebdomadaire sportif diffusé par un réseau de crieurs publics à travers tout Askalon. Mais juste au moment où Skon, à soixante ans, allait se voir nommer à la tête de la fédération planétaire, le comte d’Askalon (toujours KlouBy Ninrod, resté très en forme grâce à l’épice) est alerté par ses conseillers sur le contenu de plus en plus subversif des Libelles. Le journal est interdit, on massacre les crieurs, et les hommes du comte tentent de s’emparer de Skon. Mais de véritables émeutes le portent au contraire à la tête d’une insurrection contre les troupes du siridar. Menée dans le labyrinthe des galeries innombrables creusées sous la croûte d’Askalon, la lutte sera longue. Pendant trois décennies, une véritable guerre civile saccage les puits, les métropoles, les installations, jusqu’à ce que les révoltés s’épuisent. Skon a alors disparu depuis longtemps. Certains le disent fondu dans de la Soufflère en fusion, d’autres le prétendent caché quelque part, qui ourdie en secret l’œuvre du Grand Soir. La plupart (dont le baron lui5même, toujours aussi fringant) le considèrent cependant mort, sans doute par accident, au cours des affrontements les plus durs dans le puits d’Ilij. Ses Libelles connaissent alors une longue compilation, menée par Jon Stark Mestfen auprès des anciens crieurs et compagnons de Skon, pour aboutir à la rédaction de Jeu à Seize, un traité de Bluut crypto5révolutionnaire, où les initiés, grâce à un code, peuvent relire les discours de Skon, dont les célèbres séries intitulées Contre la noblesse et Le comte, l’infamie. Malgré une interdiction quasi5interplanétaire, Jeu à Seize, sous différentes éditions et différents noms (Anagramme de l’attaquant ou Pratique de la diagonale) circule encore dans l’empire avec les joueurs de Bluut. 8 La Doctrine Makiniste : Réfutation Logique du Système Impérial Dieter Makin Dès son plus jeune âge, Dieter fit preuve de puissantes capacités le destinant très jeune à une carrière de Mentat. De fait, il fut l’un des mentats les plus précoces, attirant l’attention de ses professeurs par la facilité déconcertante avec laquelle il supportait le conditionnement. Certains cependant virent dans de telles capacités, les prémisses de difficultés et, après avoir été acheté par la Maison Samal, Dieter se lance en effet dans la rédaction de la Summa Makina, vaste réflexion sur le monde, où les analyses les plus acérées côtoient les spéculations les plus folles et les avis les plus radicaux. Malgré l’opposition des Samal (qui supportent mal que leur mentat passe autant de temps à des travaux personnels), il rédige en cinq ans les dix5huit volumes de sa Somme, où il fait notamment état de l’irrationalité présidant à l’empire et à la domination aristocratique, au motif que les aristocrates tiennent leur pouvoir sur le seul critère du sang, ce qui ne garantit ni leur probité ni leur compétence et peut avoir des conséquences immenses sur les populations dominées. L’ouvrage ne fait tout d’abord pas parler de lui, mais les censeurs de l’empire finissent un jour par achever les dix5huit volumes et par trouver cette dénonciation de la noblesse et les puissants sarcasmes employés par Dieter à propos de l’empereur. Un corps de Sardaukars est immédiatement envoyé sur le fief des Samal. La protestation déclamée devant le Landsraad par un comte Samal brisé par le drame restera lettre morte. Dieter est mis au secret, interrogé par les hommes de l’empereur, avant d’être étranglé dans sa cellule par l’empereur lui5 même. Il était, depuis son arrestation, très serein quant à son devenir, donnant une forte probabilité à ce que Dieu existe et l’accueille bientôt dans son paradis. Enfermé en compagnie de l’acteur Eisan Makateribeko (arrêté pour débauche), il rédige en prison l’essentiel d’une œuvre dramatique en vers, marquée par l’extravagance, la précision, la longueur (la plus longue de ses compositions fait cinquante5huit heures), la présence du Divin et de brusques visions délirantes. Pourtant, ces pièces seront jouées à travers tout l’empire, jusqu’à ce qu’un mentat décèle la présence d’un code dans les textes, tenant au nombre de pieds combiné aux valeurs attribuées par la tradition aux lettres du Gallach standard. Or le contenu ésotérique du texte est profondément subversif, visant à convaincre les mentats de l’iniquité du régime aristocratique par des arguments logiques. Peu à peu, ses pièces sont interdites sur plusieurs mondes, mais des troupes continuent, çà et là, d’en jouer des extraits… La comtesse Agelika Samal, depuis longtemps amoureuse du mentat, tente alors de protéger sa fuite. Mais les Sardaukars ne font pas le détail et, après un bref affrontement avec les gardes du corps de la comtesse, celle5ci meurt dans les bras de Dieter. 9 La Doctrine Marcusienne : Liberté Chérie par un Eleveur Nomade Marcus Ditex Né dans les hautes plaines de la planète Qio XIII (fief secondaire de la famille Pillow), Marcus passe son enfance parmi les « vachers » qui suivent les troupeaux de Placides de Qio (de très grands ruminants de type mégathérium) sur le dos des Véloces, un genre de reptile à peu près de la taille d’une girafe et qui, à grande vitesse, peut déployer les membranes qui courent entre ses pattes et sa gueule, pour prendre un envol sur un courant ascendant. Tout destinait Marcus à rester un pyon complètement inconnu, mais son autorité et sa force en font bientôt un homme très respecté parmi les vachers. Les rivalités qui agitent périodiquement les clans d’éleveurs le force cependant à quitter rapidement les camps de yourtes sur suspenseurs, pour se lancer dans des opérations de pillage et de représailles dans les très grands espaces dénudés du Continent Nord. Marcus entreprend ces voyages avec quelques compagnons et va bientôt se bâtir une réputation de Cavalier de légende, en donnant l’exemple d’un comportement très proche des règles de la courtoisie qui ont, dans un passé très lointain, régit la chevalerie dans les chansons de geste. C’est qu’il accomplit une quête ! Son très grand ami Dorim ayant été enlevé par les cavaliers d’un clan adverse, Marcus va sillonner les plaines pendant des dizaines d’années afin de retrouver cet homme, accumulant les conduites exemplaires, se signalant sur toute la planète, passant dans les villages comme le souffle d’une quête sans espoir. Marcus donnera lui5même quelques éléments de réponse, dans un opuscule gravé sur du cuir de Véloce, où il prétend que le Beau se pratique, qu’il vaut mieux passer une vie à accomplir un seul bel acte vain, que de se perdre dans les tâches utiles mais laides. Il écrit également que l’homme ne doit jamais souffrir que sa liberté soit entraver par quiconque, que les nobles sont les gardiens de la laideur des mondes, que les Navigateurs de la Guilde sont les seuls êtres libres, que le monopole de celle5ci est une insulte à la face de tous les êtres pensants de l’empire, etc. Tout d’abord confidentielle, son œuvre voyagera avec les vachers qui accompagnent les troupeaux sur d’autres mondes. De son vivant, cependant, le comte Pillow ne réagira pas et Marcus ne connaîtra pas un seul des signes de l’oppression. On dit qu’il est mort un soir de printemps, de vieillesse et de fatigue, sans avoir retrouver Dorim. Les témoignages sont contradictoires sur ses dernières paroles. Certains de ses compagnons prétendent qu’il a eu un dernier sourire pour le ciel et prononça juste « Allez en paix » dans un souffle. D’autres soutiennent au contraire qu’il maudit Dorim et sa quête, pleura de voir, au soir de sa vie, qu’il n’avait rien accompli et qu’il avait gâché son existence « pour une chimère. » Avec le temps, sa figure prendra cependant la taille d’un mythe pour tous les éleveurs nomades de l’empire et on raconte que certaines peuplades reculées vouent même un culte à son effigie, qui apparaît tournée vers l’Est. Les hypothèses fleurissent sur son passage : que fuit5il ainsi ? Quel genre d’amour peut donc justifier un tel dévouement ? Quels sont les motifs secrets d’une quête qui paraît de plus en plus absurde ? 10 La Doctrine Vandelède : une Compassion Universelle Hesa Vandeled Oo Punrik Née dans une modeste famille noble (baronnie Punrik), Hesa se distingue dans son enfance par une santé fragile, qui l’amène à suivre de longues cures dans des instituts spécialisés et entrave son éducation par les Sœurs du BG. Alors qu’elle a seize ans et qu’une brève rémission lui fait espérer un avenir plus radieux, les docteurs Suk délivrent hélas leur diagnostic : atteinte d’une dégénérescence génétique du tissu pulmonaire, elle est condamnée dans quelques années. Les traitements sont désormais inutiles. Hesa en profite alors pour se rendre à la cour, sur Kaitain, simplement sur le rêve de rencontrer au moins une fois l’amour, auprès de l’un des jeunes princes de la cour. Là, sa profonde naïveté, l’âme d’enfant qu’elle montre en toutes choses, en font tout d’abord un objet de curiosité, d’amusement puis de révolte quand, toujours avec une infinie bonté, elle tente de convaincre ses pairs de l’injustice qu’il y a à régner sur les autres, à vivre du travail d’autrui et à faire subir à d’autres hommes les chaînes de l’asservissement. On sait peu de choses sur ce qui arriva ensuite. Tout au plus sait5on que « l’affaire » dura plusieurs heures, qu’elle ne se déroula pas du tout comme les viveurs (et parmi eux le duc Stavanguer, ignoble sybarite perclus de dettes et de profiteurs) l’avaient pensé et que le baron Punrik trouva plusieurs cadavres enroulés dans des draps, quand il vint au matin chercher sa fille. Les appartements étaient dans un désordre horrible, les affaires de sa fille éparpillées dans toutes les pièces, plusieurs serviteurs avaient subi des violences ou s’étaient vus enfermés dans une antichambre, mais le pire, c’était qu’Hesa et le duc Stavanguer avaient disparu. Celui5ci refit cependant surface six mois plus tard, considérablement déprimé, sur une planète du système Major. Hesa resta introuvable. A peu près à la même période, on ramassa dans les faubourgs de Kaitain, une femme morte, enceinte, au visage méconnaissable et qui montrait une dégénérescence pulmonaire inexplicable. Le baron Punrik refusa cependant de la reconnaître et tiendra par la suite sa fille pour disparue, sans admettre que le temps l’aurait condamnée de toutes manières. Sa maladie, son extrême jeunesse, la fragilité émouvante qu’elle montre malgré un physique quelconque, lui épargnent un temps les sanctions mais non les sarcasmes, qu’elle déjoue avec une simplicité d’ange, redoublant parfois la fureur de ceux qui la prenaient pour cible. Son père le baron Punrik est alors convoqué à la cour, et sommé d’emmener sa fille poursuivre son agonie ailleurs. Hesa accepte l’ordre avec douceur mais on raconte que la nuit précédant son départ, alors qu’elle dormait entourée de ses valises, une bande de viveurs déchaînés entra dans ses appartements, dans l’idée de briser par la violence et l’orgie une innocence qu’ils n’avaient pu confondre. 11 La Doctrine Okotiste : Insolence, Sarcasmes et Mauvais Goût Okoto Iliul Farid Né d’un palefrenier à la cour du baron Brême, Okoto commença sa vie comme écuyer, avant de faire partie de l’entourage du na5baron Vilemeur qui, viveur impénitent, se ravit de ses farces et de ses blagues. Bientôt, Okoto affirme une puissante vocation de comique, à laquelle le prête son physique renfrogné, son esprit alerte, son sens de l’ironie et son mépris des origines. Bientôt, les invités du baron ravis par ses prestations, l’invitent sur leurs planètes et, petit à petit, Okoto entame une carrière interstellaire, effectuée grâce à des sketchs puisant l’essentiel de leur registre dans les blessures de son enfance, les différences de rang, les ridicules des nobles et des pyons, alliées à une démesure donnant à tout incident la dimension d’une catastrophe. Malgré les quelques grincements de dents que provoquent ses satires, la plupart des nobles se l’arrachent et Okoto en vient à gagner des fortunes, allant jusqu’à prendre quelques doses d’épice de temps en temps. Mais la loi du baron Brême, hélas, le rattrape : à la mort de son père, Okoto est rappelé sur Gentille (fief de la baronnie) pour prendre sa charge aux écuries. Toutes les pressions amicales menées par les amis qu’Okoto avait acquis dans la noblesse ne font pas fléchir Vilemeur qui, devenu siridar, soupirant sous le poids des responsabilités, vexé qu’Okoto l’ait quitté dès qu’il eut un peu de succès, obtient son retour sur Gentille. Okoto peut alors reprendre sa carrière, et se voit à nouveau invité sur bien des mondes. Mais le cœur n’y est plus, les mœurs ont évolué, et les princes, déçus, assistent à des numéros poussifs, pleins de sarcasmes, de grossièretés et de haine que, peu à peu, Okoto oriente vers des diatribes revanchardes, qui au mieux le font expulser, au pire provoque un soir sa mort, quand un garçon de la maison Delambre finit par l’égorger sur scène, après avoir exigé d’obtenir réparation des moqueries que le vieux comique avait accablé la dulcinée du jeune homme. Ce sont pourtant les numéros de cette dernière période qui auront le plus de succès auprès des humbles, sans doute par leur caractère outrancier et par l’usage d’un comique à la fois juste et destructeur. Transmis par les servantes, les gardes, les majordomes, son œuvre se perpétue sous la forme de bons mots, de bribes de sketchs répétés dans les cuisines, les écuries, les salles des gardes et apparaissant périodiquement dans des recueils de blagues et de calembours, malgré le caractère subversif de leurs contenus. Okoto restera trente ans sur Gentille. Devenu obèse après son sevrage de l’épice, rageur, haineux, il finit par obtenir sa relaxe auprès d’un Vilemeur vieilli qui de guerre lasse, après avoir subi pendant des années le fiel de son ancien compagnon, le délivre de son servage ; on dit que l’épouse du siridar ne fut pas étrangère à cette victoire, harassée qu’elle était également par l’atmosphère pesante que l’immense figure d’Okoto faisait régner sur la cour. 12 III : Mouvements et Organisations « L'histoire de l'humanité est un mouvement constant du règne de la nécessité vers le règne de la liberté. » usienne, citation attribuée au sage antique Zedong. Doctrine Marcusienne arcusienne Toutes les organisations ci5dessous sont secrètes, et plus ou moins puissantes selon les cas. Au pire, ce n’est plus qu’une légende, dont tous les membres ont été massacrés. Au mieux, le mouvement peut revendiquer de petites actions voire parfois la constitution d’une révolte qui est écrasée dans un bain de sang… Les Guerriers du Sentier Lumineux Ce mouvement narco5messianique se rencontre le plus souvent dans les forces armées. Il fonctionne comme une société secrète (avec rites violents d’initiation et de possession, hiérarchie parallèle, etc.) et opère un amalgame entre la pensée marcusienne (culte de la force, du corps masculin, de la nature et de la liberté), l’utilisation de psychotropes (pour atteindre des transes où les forces de la nature se manifestent) et l’attente d’un messie hypothétique, sonnant « l’heure de la Quille » pour tout le monde (c'est5à5dire d’un monde sans guerre, où les soldats, dans une apocalypse fanatique, se donneront tous la mort pour bannir à jamais la haine entre les hommes). On dit que l’initiation au Sentier Lumineux (ce que l’on nomme les Mystères Lumineux) a réussi à s’introduire jusque parmi les Sardaukars, malgré leur conditionnement. Si le fait n’est pas avéré, il est par contre établi que le mouvement est né à Kaitain, par la fréquentation de soldats de certaines Grandes Maisons avec d’autres contingents venus également avec leur maître. Malgré plusieurs décès (overdoses, brutalité des rites d’initiation, sanction prise à l’égard d’un pratiquant), le SL continue de rencontrer un vif succès dans les forces armées des Maisons et de l’empire, peut5être grâce à l’appui discret de la missionaria protectiva. L’Ecole Emaniste Parmi les différentes écoles existant dans la tradition mentat, l’école émaniste s’est longtemps distinguée par l’accent qu’elle mettait sur les pratiques prana5bindu afin d’atteindre l’état mental nécessaire aux mentats, ainsi que sur l’utilisation des mathématiques et de vieilles philosophies logiciennes dans les processus de déduction. Les recherches les plus récentes ont largement occulté cette école, mais il reste des mentats pour, à travers ses enseignements, reconnaître le bien5fondé de la Summa Makina. Sauf à leur prêter un rôle occulte dans certaines opérations, l’influence de ces hommes est cependant restée presque nulle, hormis dans la manière dont ils ont pu infléchir la politique des nobles qu’ils conseillaient, sans jamais toutefois aller à l’encontre de l’intérêt de la Maison (conditionnement oblige), lequel coïncide bien souvent avec l’oppression. Jeu à Seize Pour plus de détails sur ce concept, voir la rubrique consacrée à Skon Vilterbränd Abenaqi, au chapitre précédent. Surtout en vogue dans les clubs régionaux ou planétaires du Bluut, le Jeu à Seize est « une gangrène qui mine le monde des arènes en pervertissant les jeunes et en les amenant à la désobéissance » (baron Vicinius Kalpol). Bien que les clubs soient très surveillés, Jeu à Seize est, au5delà d’une compilation de discours, une véritable société secrète, recrutant parmi les joueurs et les supporters. 13 Elle connaît plusieurs niveaux de responsabilités, des agents dormants, un système complexe d’initiation visant à ce que les hauts responsables ne puissent jamais être identifiés. Ses buts tiennent essentiellement à diffuser la parole vilterienne auprès du peuple, soit par des chants repris en cœur par les supporters dans les gradins, soit par des rumeurs colportées dans les couloirs des arènes, soit par des réunions secrètes tenues au milieu de la foule, soit par un endoctrinement dans les tavernes après les matchs… A ce jour, c’est un mouvement puissant, où fermentent les germes de la révolution mais auquel les nobles et l’empereur refusent de s’attaquer, tant le Bluut est populaire et tant la répression allumerait sans doute des foyers de guérilla dommageable aux économies comme aux populations. Kürzug5Bachir ! Mouvement clandestin, préconisant la lutte armée contre les oppresseurs, Kürzug5Bachir ! recrute surtout chez les pyons du prolétariat industriel ou agricole. Mêlant des accents oussoumannes, elferistes et vandelèdes, sa doctrine n’est pas très claire et varie considérablement suivant les mondes et les contextes où sont plongées les populations. L’essentiel tient cependant à une chose : lutter, avec tous les moyens disponibles, contre les nobles et leurs fidèles. Cela a pu prendre la forme d’infanticides (enfants nobles étouffés par leurs nourrices), d’attentats préparés (crash d’orni5suicide, par exemple), de perversions (accoutumance à une substance non toxique et donc non détectée par le goûte5poison, mais très addictive) jusqu’à des vendetta opérées dans le prolétariat lui5même, contre ceux qui refusent de rejoindre la lutte armée et de payer l’impôt révolutionnaire (des dérives fréquentes incitent les polices nobiliaires à assimiler ces mouvements à des mafias). Les appellations de Kürzug5Bachir ! sont nombreuses, mais un réseau tente, malgré tous les obstacles, de former une Interplanétaire, qui coordonnerait la révolte générale. On appelle ses partisans, Francs5Tireurs, ou Bachirii Le Dit de l’Arbre5Cristal Surtout en vogue chez les acteurs de théâtre, le DAC reprend l’essentiel de la doctrine elferiste et vandelède, pour diffuser un message de liberté au petit peuple à travers des représentations de marionnettes, de mimes, d’opéras ou de pièces de théâtre. Parmi tous les genres théâtraux, on dit que le genre pornographique est, compte tenu de son caractère naturellement confidentiel (à tout le moins sur une majorité de planètes), le meilleur vecteur des idées du DAC et que ses acteurs/actrices en sont les apôtres les plus convaincus – et les plus convaincants, d’après le Bene Gesserit. Malgré de multiples répressions, l’Arbre5Cristal (du nom d’une petite pièce en vers dont l’origine se perd dans la nuit des temps) a toujours et partout donné des rameaux et la contestation n’est, de ce point de vue, pas prête de s’éteindre. Le DAC n’a jamais donné lieu à des actes violents, mais il est arrivé que l’influence de Kürzug5Bachir ! se fasse sentir jusqu’à des attentats perpétrés sur scène, par les acteurs contre le public. La plus célèbre reste à ce jour la contamination à un virus foudroyant mis au point par les Tleilaxu, par une troupe de théâtre pornographique, de presque toute la famille du baron Morkin, laquelle avait participé à une représentation. Les Officiers Libres Contrairement à ce que leur nom laissent penser, les Officiers Libres n’ont rien de militaires, mais regroupent au contraire une nébuleuse de hauts serviteurs (chargés d’offices dans des Grandes Maisons), comme les chambellans, majordomes, veneurs, argentiers, intendants, gardes des sceaux, écuyers, etc. qui ont eu l’occasion de voyager dans la suite de leurs maîtres et ont été sensibilités aux thèses elferistes et aux bons mots okotistes. Le mouvement des Officiers Libres s’inspire cependant tout autant du courant libéral, par une communion de valeurs et d’idées qui les rapproche des entrepreneurs planétaires ; même s’ils se moquent volontiers des travers des nobles qu’ils côtoient tous les jours et dont ils peuvent remarquer les traits les moins flatteurs, les Officiers Libres sont profondément anti5 révolutionnaires et rêvent simplement d’une société plus juste, qui donne une chance à tous 14 selon leurs mérites, sans bouleverser cependant l’ordre établi. Très peu d’actions sont à mettre au compte de cette organisation, dont le caractère secret n’a pas toujours été maintenu, suivant la libéralité des maîtres. Les plus régulières concernent les banquets qu’ils organisent quand plusieurs Officiers Libres se rencontrent et où on célèbre la bonne chère en se rappelant les blagues d’Okoto, après une vague cérémonie où sont lus certains passages de la Bible catholique orange et de vieux cantiques libéraux. Les Officiers Libres sont clairement les ennemis des Bachirii. L’Assemblée du Saint Sauveur Mouvement très ancien, constitué au départ en opposition aux réformes ayant conduit à la Bible catholique orange, l’ASS regroupe ceux qui se nomment eux5mêmes « Vieux Croyants ». Hormis les Livres Saints, les VC s’inspirent des idées d’Alice5Tau Bint Oussouman (pour les chants qui composent la liturgie), Elfer Jack5 San5Bom (pour sa célébration de la pauvreté) et d’Hesa Vandeled Oo Punrik (pour sa vision du monde). L’accent de leur doctrine est mis sur l’opposition sainteté/pauvreté5souffrance5martyr – péché/pouvoir5fortune. L’ASS concerne surtout des populations reculées, attachés à des traditions d’un autre âge (on rencontre même certaines sectes de castrats volontaires, qui prétendent ainsi « rompre avec les tentations ») et en contradiction avec l’idéologie dominante de l’empire, où la puissance et la fortune sont des valeurs positives. Il arrive cependant que des gens « quittent le siècle » pour aller rejoindre des colonies de Vieux Croyants qu’un noble tolère sur un fief, parce qu’ils sont les seuls à bien vouloir s’installer sur des terres inhospitalières. Il est arrivé ainsi que l’ASS finisse par obtenir le monopole de l’extraction du mler, (un métal gazeux très utilisé dans l’agroalimentaire pour ses capacités de réchauffement), jusqu’à ce que le comte Vlar Kerjoug les chasse des puits pour y mettre ses esclaves. Les Vieux Croyants basculent rarement dans la violence, le pardon occupant une place essentielle dans l’idéologie, avec l’obligation de souffrir. Parfois cependant, un sicaire provoque un drame, en se jetant sur un noble qu’il tient pour possédé par un génie. Jamais l’une de ces tentatives n’a cependant rencontré de succès. Confrérie du Zenburkinapayat Tenant de la gymnastique et de l’art de combat, le Zenburkinapayat est une pratique sportive, médicinale et spirituelle très ancienne, dont les aspects martiaux ont été largement dépassés par les techniques mises au point depuis les maîtres et les écoles d’armes. Il en reste cependant une gymnastique efficace, assez proche par certains côtés des techniques prana5bindu (et de la philosophie zensunni, sans ses aspects messianiques), bien que bien plus rudimentaire. Prenant en compte tous les aspects de la vie, cette « gymnastique » comprend aussi bien des recettes de cuisine (visant à l’équilibre des aliments positifs/négatifs – chtoniens/aériens – clairs/sombres, selon des schémas complexes), que des massages, des techniques de relaxation, kinésithérapie et d’ostéopathie, de divination, de design, de méditation, d’évasion ou de strangulation… Les aspects moraux de la doctrine sont inconnus de la grande majorité des pyons de l’empire qui pratiquent le Zenburkinapayat dans leurs vies quotidiennes, mais ils ont été contaminés depuis longtemps par les thèses populaires (notamment par la poésie d’Elfer Jack5San5Bom) et par les préceptes naturalistes de la doctrine marcusienne, au point d’aboutir à la constitution d’une société secrète, recrutant dans les temples où les maîtres du Zenburkinapayat transmettent leur savoir, ou parmi les élèves des maîtres itinérants. La Confrérie regroupe actuellement le plus grand nombre d’adeptes des thèses populaires. Elle prend ses membres chez les administrateurs, les commerçants, les artisans, les scientifiques des villes petites ou grandes. Quelques grands penseurs actuels sont soupçonnés d’y appartenir (qu’ils pratiquent ou non le Zenburkinapayat). Pour l’heure, la confrérie n’a revendiqué aucun acte violent, mais travaille activement à saper les bases de l’oppression, aussi bien auprès de la population des fiefs des Grandes Maisons qu’auprès de celle des planètes de l’empereur ou du Bene Gesserit… Nicolas Sanson, 2005 15