pdf: article l`anniversaire au musée Claire ROCHET

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pdf: article l`anniversaire au musée Claire ROCHET
L’anniversaire au musée, par Claire Rochet
Assez récente dans le milieu muséal, l'offre-anniversaire connaît depuis un peu moins de
dix ans un succès et une diffusion considérable à travers la France. Alliant à la fois divertissement
et éducation, l’offre propose un contenu original et de nombreuses caractéristiques propres à son
déroulement, la distinguant totalement du reste de la programmation.
Permettant de répondre aux attentes du public, l’intégration de ce rituel de nature privée
au sein de l'institution muséale est une des conséquences des bouleversements connus par le
musée ces trentes dernières années l’amenant à s’ancrer davantage dans le monde du marché et
dans
la
sphère
du
divertissement,
dans
l'objectif
d'augmenter
son
chiffre
de
frequentation. Proposant toutes sortes d’activités, l’institution est aujourd'hui passée maître dans
la diversification de ses offres et de ses publics faisant du musée un véritable exemple à suivre.
En lien avec son environnement et son temps, le musée fait cependant l'objet de
nombreux débats en ce qui concerne cette offre et ses intentions, qui se révèlent pour certains
exclusivement mercantiles puisque l'offre ne permettrait pas de répondre aux missions du musée.
Il convient alors de se demander ce qui a poussé le musée à intégrer cette offre et quels
en sont les avantages ? Nous pouvons aussi nous demander si l’anniversaire peut être considéré
comme une offre avec un contenu propre et s’il permet de répondre aux missions du musée ? En
s’immisçant dans la sphère privée et familiale, l’institution modifie-elle et favorise-elle ses
relations avec son public ? Si la réponse est positive, quels en sont les aspects et les effets ?
Nous questionnerons à travers cet article le phénomène de l’anniversaire au musée en
exposant tout d'abord le contexte d'apparition de l'offre et les avantages qu'elle peut présenter.
Nous essayerons ensuite d’évaluer l’impact de l’offre à travers une enquête effectuée sur internet
et établirons une typologie de l’anniversaire en dressant les similitudes et les divergences entre
les offres. Enfin, nous verrons à travers différents entretiens et observations les raisons qui
poussent les établissements à proposer l’offre et en quoi l’offre peut être considérée comme l’un
des symptômes dû au tournant effectué par le musée à partir des années 70, tournant qui l’a
amené à se rapprocher de plus en plus des industries du divertissement.
1
L'anniversaire au musée, un sujet encore peu abordé
Offre relativement récente en France, l’offre-anniversaire semble constituer encore
aujourd’hui, malgré sa propagation à travers le territoire, un sujet très peu connu des musées et du
milieu universitaire. Avant d’observer l’offre, il paraissait nécessaire d’analyser le contexte
autour de ce phénomène. Afin de comprendre les raisons qui ont amenées les musées à adopter
un telle proposition, la recherche a été complétée par une revue littéraire couvrant des sujets
divers tels que l’evolution du musée, l'arrivée des domaines de gestion et du divertissement dans
l’institution ou encore l’évolution du rituel de l’anniversaire d’un point de vue sociologique.
Cette première partie de l’enquête a été accompagnée d'un travail sur le terrain afin
d'intégrer à notre recherche un aperçu au cas par cas et tester les différentes hypothèses tirées lors
de la lecture de notre revue littéraire. Pour cela, la méthode d’enquête par entretien a été choisie.
Des musées de différents types et statuts ont alors été interrogés afin d’avoir une vue d’ensemble
du domaine avec premièrement le ‘musée de la Poupée’, musée privé consacré à l’enfant, la ‘Cité
de la Science et de l’Industrie’ qui se présente comme un centre d’interprétation tourné vers le
divertissement et la connaissance, le ‘Cnam’ (Conservatoire national des arts et des métiers),
entité rattachée au Ministère de l’Education, le ‘Palais de Tokyo’, musée municipal dédié à l’art
contemporain et à l’expérimentation et le ‘musée du Quai Branly’, musée spectaculaire des arts et
cilivisations non occidentales. S’est rajouté à cela neuf observations1 d’anniversaires effectués
entre le mois de janvier et avril 2012 au ‘musée du Quai Branly’, qui nous permettront d’évaluer
le lien et l'écart entre les explications apportées par les musées et la mise en situation de l’offre.
L’article « Fêter son anniversaire au musée : un rituel de l’enfance, entre transmission et
marchandisation » publié par Marie-Christine Bordeaux en 2010, qui constituera jusqu’en 2012 le
seul texte scientifique sur l’anniversaire au musée, s’est révélé essentiel à la compréhension de
notre sujet. En effet, l’article propose un inventaire complet des musées proposant l’offre en se
basant sur différents dispositifs communicationnels. Devant le nombre d’offres et leur diversité,
la métholodologie qui a servie la rédaction de cet article nous permettra dans un premier temps
d’étudier le contenu de l’offre mais aussi d’observer son évolution en comparant les résultats
obtenus en 2010 par Marie-Christine Bordeaux avec ceux obtenus lors de notre recherche.
1
Les parents étaient souvent réticents face à la présence d’une tierce personne. En effet, même si le rituel s’est
externalisé, l’anniversaire est encore considéré par les parents comme un événement relevant de la sphère intime.
2
L'anniversaire, une offre exclusive au service de la famille
Considéré comme une « sollicitude personnelle »2, l'anniversaire s'est imposé de
manière naturelle au sein des industries. Le rituel au départ sacré et réservé à l'élite représente
aujourd'hui un réel marché, porteur d'enjeux importants comme la célébration de l'individu et de
la sphère familiale, mais aussi l'inscription sociale et publique de l'enfant dans la société.
Par les enjeux qu'il met en avant, l'anniversaire est devenu un événement majeur de la
vie de l’enfant, constituant une immense pression pour les parents. En effet, en tant que rite,
l’anniversaire dispose d'un ordre établi avec des phases clairement prescrites3.
Face à un rituel en mutation et une exigence de plus en plus forte de la part des enfants
qui demandent une maîtrise irréprochable des différents codes liés au rite4, les parents ont de plus
en plus de mal à suivre le rythme et font appel à des services extérieurs afin de faire de
l'anniversaire un événement inoubliable.
L’anniversaire s’est alors externalisé, touchant d’abord les industries du loisir et de
restauration comme les parcs d’attractions ou plus spécifiquement McDonald’s qui représente
l’emblème de l’externalisation du rituel. L’offre proposée par McDonald’s connaît aujourd’hui
encore un immense succès et a été adapté selon le même modèle dans les différents restaurants du
groupe, présents dans le monde entier. En effet, près de quatre-vingt mille anniversaires
McDonald’s sont célébrés en France chaque année, ce qui représente environ huit cent mille
enfants5, le restaurant acceptant une moyenne de 10 enfants par anniversaire. Devant ce succès
retentissant, l’offre-anniversaire est alors sortie des industries du loisir et s’est étendu peu à peu
2
DE SINGLY François, Sociologie de la famille contemporaine, Paris, Armand Colin (Collection 128), 2004, p.8
3
FOMBUENA VALERO Josefa, « Vingt-cinq ans de travail social: l'anniversaire comme rite de passage », Pensée
plurielle, n° 22, 2009, p.123-132, p.126
4
FORSTER Simone, « De quelques passages et rites d’enfance », Enfance, 2007, p.26-28, p.28
5
SIROTA Régine, « Le gâteau d'anniversaire. De la célébration de l'enfant à son inscription sociale », La lettre de
l'enfant
et
de
l'adolescence,
n°
55,
2004/1
p.53-66,
Disponible sur Internet : http://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-adolescence-2004-1-page-53.htm,
http://www.cairn.info/revue-lettre-de-l-enfance-et-de-l-adolescence-2004-1-page-53.htm (consulté en février 2012),
p.63
3
jusqu’à atteindre les musées. En effet, s’inscrivant dans un contexte concurrentiel difficile, les
musées se sont mis à proposer au fil des années des offres de plus en plus spécialisées,
correspondant aux attentes et désirs de son public.
En proposant l’anniversaire, le musée montre son envie de s'adresser à la famille, qui
constitue aujourd’hui une cible majeure en tant que prescripteur commercial de premier plan.
L’offre a permis de faire du musée un lieu au service de la famille, bénéficiant à chaque
partie puisqu’elle permet à l'enfant d'apprendre en s’amusant et aux parents de se relaxer.
Répondant à une demande croissante, l’offre se doit de satisfaire de nombreux critères
qui vont motiver les choix des parents comme l'identité de l'offre, le poids financier, la stratégie
de représentation et de distinction de l'offre, le critère d'âge, le principe de plaisir et les principes
culturels6. En effet, l'offre doit s'accorder à la fois aux envies des parents mais aussi à celles de
l'enfant et de ses pairs pour le rite de passage et l'intégration social de l'enfant soit réussi.
En prenant en charge l’organisation de cet événement spécial, le musée prend une place
particulière dans la vie de l'enfant et dans la famille en devenant un acteur à part entière du
développement personnel de l’enfant.
L'offre présente aussi des avantages symboliques pour la famille en permettant aux
parents d'affirmer leur statut socioprofessionnel aux yeux de tous et de se différencier7. En effet,
l'anniversaire au musée mêle à la fois un certain désir de transmission, un investissement affectif
et symbolique de l'enfant dans l'événement mais aussi une distinction sociale de la part des
parents8. La cible de l’offre coïncide d’ailleurs avec la cible majeure du musée qui est représentée
par les familles avec un statut socioprofessionnel élevé9.
6
SIROTA Régine, « Les copains d'abord, les anniversaires de l'enfance, donner et recevoir », Ethnologie
française (n° spécial Les cadeaux), décembre 1998, p.457-471, p.458
7
L'anniversaire constitue une épreuve de parentalisation qui reflète souvent la position de la famille dans la société.
8
BORDEAUX Marie-Christine, « Fêter son anniversaire au musée : un rituel de l’enfance, entre transmission et
marchandisation », Actes du colloque international ‘Enfance & Cultures sous le regard des sciences sociales’ du
Ministère de la culture et de la communication (Association internationale des
sociologues de langue française – Université Paris Descartes, 9ème journées de sociologie de l’enfance),
Paris, 2011, Disponible sur Internet. http://www.enfanceetcultures.culture.gouv.fr/actes/bordeaux.pdf
4
Cependant, l’externalisation de l'anniversaire peut poser certains problèmes au niveau de
la place des parents, qui disparaît petit à petit, puisqu’ils délèguent entièrement à l’institution
l'organisation et la responsabilité de l'événement, ce qui représente un réel danger. En effet, leur
rôle est indispensable au bon déroulement de la fête d’anniversaire puisque ce sont eux qui
s'assurent du suivi et de l'officialisation des différentes étapes et qui font du rite non seulement
une célébration mais un apprentissage de la vie en société10, raison pour laquelle l'anniversaire au
musée doit être vu comme une aide par les parents et en aucun cas une substitution.
La présence du musée dans ce rite de nature privée peut aussi constituer un
inconvénient. En effet, fêter son anniversaire au musée peut brouiller le déroulement du rite
puisqu’il se rajoute aux règles de l'anniversaire les règles du musées qui ne sont pas toujours
acquises par les enfants et qui de plus, vont à l'encontre de l'esprit de l'anniversaire puisque ce
sont des règles essentiellement restrictives dans un souci de sécurité pour la préservation des
œuvres, et de confort vis à vis des autres visiteurs, le musée restant un lieu public.
Le rapport entre l’institution et les parents représente lui aussi une contrainte majeure,
les parents constituant un public extrêmement exigeant dans le cas de l'anniversaire. En effet,
contrairement à la majorité des offres proposées par le musée, l’anniversaire est préexistant et
domine sur l'institution qui est perçue dans ce cas, comme un unique prestataire de services.
Certains parents oublieront d’ailleurs qu’ils se trouvent dans un musée en refusant une
quelconque autorité de la part de l’institution, ce qui peut nous pousser à nous poser des questions
sur les intentions des parents puisqu'ils désirent à la fois bénéficier de l'image prestigieuse du
musée mais aussi que leur enfant s'amuse sans aucune contrainte de la part de l'institution.
Malgré cela, l’anniversaire semble disposer de plus d’avantages que d’inconvénients
puisque les offres se multiplient peu à peu à travers le pays, l’avantage premier étant de « faire
plaisir à l'enfant tout en libérant les parents des contraintes matérielles »11.
(consultation en février 2012), p.2
9
DONNAT Olivier, « Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique. Eléments de synthèse 1997-2008,
Culture
Etudes
-
Pratiques
et
Publics,
octobre
2009.
Disponible
sur
Internet :
http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/ (consultation janvier 2012)
10
SIROTA Régine, « Les copains d'abord, les anniversaires de l'enfance, donner et recevoir », op.cit., p.460
11
SIROTA Régine, « Le gâteau d'anniversaire. De la célébration de l'enfant à son inscription sociale », op. cit. , p.63
5
L’impact de l’offre-anniversaire
S’inscrivant dans une concurrence difficile, les musées portent aujourd'hui une offre
culturelle et commerciale de plus en plus diversifiée et développée, dans le but d’atteindre des
« objectifs de distinction, de diversification et d’incitation des classes moyennes »12.
L'anniversaire constitue un bon moyen pour le musée de se différencier puisque l’offre
lui permet à la fois de mettre en valeur son identité en tant qu’institution mais aussi de porter un
message et des valeurs choisies par celui-ci.
Afin d'évaluer l'impact de l’offre, j'ai procédé à une réactualisation de l’enquête
proposée par Marie-Christine Bordeaux dans l’article « Fêter son anniversaire au musée : un
rituel de l'enfance , entre transmission en marchandisation » où elle dresse un état des lieux des
musées proposant l’anniversaire. Cette étude a été effectuée sur un célèbre moteur de recherche 13
sur les pages francophones14 et nous permettra d'évaluer l'impact communicationnel de l'offre sur
un dispositif grand public et de dresser un portrait de l'anniversaire type.
Dès le commencement, nous pouvons noter une forte augmentation des résultats de
recherche car en utilisant les mots clefs « anniversaire+musée », la requête a suscité plus de 4
millions de résultats alors qu’ils se chiffraient à près de 1,5 millions en 2010. Afin de constituer
un corpus révélateur à partir de la consultation des différents sites trouvés qui se chiffraient à 600
résultats, les sites qui ne correspondaient pas à notre objet d'étude ont été éliminés15. Suite à cela,
189 résultats dont 115 différentes offres-anniversaire dans les musées ont été isolés16.
12
SIROTA Régine, « Les civilités de l'enfance contemporaine, l'anniversaire ou le déchiffrage d'une
configuration », Education et Sociétés (n° spécial Sociologie de l’enfance), n°3, 1999, p.31-54, p.49
13
Marie-Christine Bordeaux m’a expliqué par téléphone le 22 mars 2012 la méthode qu’elle a suivie pour effectuer
ses recherches qui lui ont servies dans la publication de l’article « Fêter son anniversaire au musée : un rituel de
l’enfance, entre transmission et marchandisation », méthode qui lui a elle-même été transmise lors de sa thèse, par
Daniel Jacobi.
14
Les pages francophones inclues des pays comme la France, Monaco, la Belgique et le Luxembourg mais aussi le
Canada. La situation géographique de l’internaute fait partie des facteurs que le moteur de recherche prend en
compte afin de lui proposer les résultats les plus pertinents possibles.
15
Il y avait de nombreuses références aux anniversaires institutionnels.
16
Cette estimation est sans doute inférieure à la réalité, où les offres doivent être plus importantes.
6
Les résultats laissent penser que l’anniversaire au musée représente aujourd’hui une
offre répandue et bien acceptée dans le milieu muséal. En comparant les résultats avec ceux
obtenus en 201017, nous pouvons noter une forte augmentation de l'offre-anniversaire en général
avec une hausse de 95% de l'offre sur le total et une de 116% rien qu’en France puisque nous
sommes passés de 37 à 80 musées proposant l’offre. Cet accroissement prouve que l’offre connaît
un véritable succès commercial mais aussi que les musées se placent dans une vraie situation
concurrentielle.
La hausse la plus spectaculaire est celle connue par les musées situés en Province
puisque nous sommes passés en 2010 de 16 musées à près de 52 musées proposant l'anniversaire
ce qui correspond à une hausse de 225%, alors que Paris se contente de 7 musées supplémentaires
proposant l’offre. En effet, les musées localisés en Province prennent beaucoup plus de risques
lorsqu’ils lancent une nouvelle offre puisqu'ils ont des moyens financiers et humains beaucoup
plus restreints. Devant le succès de l’offre dans la région Parisienne qui regroupe 24.35% de
l’offre totale, ces musées ont remarqué le potentiel de celle-ci et l'ont adapté plus facilement.
L'anniversaire est pour ces musées qui ne bénéficient pas forcément d'un grand attrait par leur
objet, qui correspond souvent à un élément lié à l'identité locale, une occasion d’attirer et
reconquérir la population locale tout en renouvelant leur image.
L'anniversaire, une offre standardisée
Malgré le nombre de propositions, l'offre-anniversaire semble présenter de nombreuses
similitudes entres les musées et constitue même une offre assez standardisée.
Au niveau des tarifs, ils sont assez étendus avec des prix qui vont de 1,35 € par enfant au
'Musée de Beaucaire'18 jusqu’à 25 € par enfant au 'Musée de la Magie'19, même si la moyenne se
situe autour des 10 €. Nous pouvons noter un décalage entre les prix proposés en Province, moins
importants puisqu’ils tournent entre les 6 € et 10 € par enfant, que ceux des musées Parisiens
18
http://www.beaucaire.fr/spip.php?article3184 (consulté en février 2012)
19
http://www.museedelamagie.com/h_pages/anniversaires.html (consulté en février 2012)
7
avec une moyenne de 20 € par enfant, même si certains musées parisiens, surtout ceux disposant
d'une certaine notoriété proposent des prix plus bas, comme le Cnam avec un tarif de 8 €20.
Les anniversaires acceptent en moyenne entre 10 et 15 enfants ce qui fait environ un
budget entre 120 € et 300 € au total, ce qui est un investissement important même si ce n'est pas
beaucoup plus cher qu'un anniversaire organisé à la maison qui occasionne de nombreuses
dépenses matérielles et beaucoup de temps personnel. En effet, l'anniversaire au musée a
l'avantage de regrouper un grand nombre des différentes étapes inévitables du rituel que ce soit la
réalisation des invitations, du goûter, d'une animation, et d'un contre-cadeau ou cadeau21.
En ce qui concerne le gâteau, il reste la plupart du temps à la charge des parents afin
d'éviter les problèmes d’allergie et pour faire de l'anniversaire une vraie célébration de l'individu.
Symbole même du rituel, le gâteau permet de célébrer l'individu, de témoigner de son importance
par l'investissement qui est mis dedans, mais aussi de mettre en avant l'individualité de l'enfant
par sa spécificité donc il est important que ce soit les parents qui s'occupent de celui-ci.
Les offres sont pour la majorité réservées aux enfants entre 6 et 12 ans ce qui correspond
à la tranche d'âge du public scolaire qui est une cible bien connue du musée et donc ne représente
pas un grand risque. Les touts petits seront souvent mis de côté22, l'anniversaire au musée
correspondant souvent à l’anniversaire copinal23, réseau qui n'est pas encore très développé à cet
âge où l'anniversaire familial reste prédominant. Pour les plus grands, l’organisation de
l'anniversaire par les parents s’arrête souvent vers l'âge de 12 ans, âge où l'enfant souhaite être
totalement autonome et se détacher de la sphère familiale.
Le contenu de l'offre est similaire avec le plus souvent une courte visite, un atelier en
lien avec la spécificité de l'offre et du musée et enfin le goûter. Les offres se limitent souvent à
quelques différentes options même si certains musées n'ont pas d’offre spécifique et laissent la
possibilité de choisir parmi les ateliers existants. Les thèmes de la 'chasse au trésor' ou de la
'course d’orientation' reviendront souvent. En effet, ces thèmes présentent de nombreux
20
http://www.arts-et-metiers.net/musee.php?P=228 (consulté en février 2012)
21
Ce sont souvent des cadeaux offerts par les partenaires du musée ou l’objet réalisé lors de l’atelier.
22
Le musée du Leuven précise sur son site qu’il est obligatoire que l’enfant sache « lire et écrire »
http://www.mleuven.be/fr/visiter-m/enfants-familles/fetes-anniversaire/ (consulté en février 2012)
23
Régine Sirota divise les anniversaires en trois différentes catégories avec tout d’abord ‘l’anniversaire familial’
organisé dans la sphère familiale, ‘l’anniversaire copinal’ qui inclut la sphère amicale de l’enfant et enfin
‘l’anniversaire institutionnel’ qui se manifeste souvent dans la sphère scolaire et inclue les camarades et amis.
8
avantages puisqu'ils permettent de concilier à la fois jeu et pédagogie, en inscrivant les objets du
musée dans la logique du parcours.
La durée moyenne de l’offre se situe entre 1h30 et 3h, goûter inclus, et nécessite la
plupart du temps la présence de deux parents accompagnateurs afin de faciliter le bon
déroulement de l’anniversaire et de garder une certaine autorité24 au sein de l’institution.
Les anniversaires sont pris en charge par les conférenciers habituels du musées, ce qui
peut présenter certains problèmes puisqu’ils se placent clairement du côté de la pédagogie et non
du côté ludique, même s'ils suivent la règle du « apprendre en s'amusant »25.
Au niveau de la promotion, les musées rencontrent des difficultés pour classifier l'offre
qui est souvent mise au même rang que les activités classiques d'où une certaine difficultés pour
la trouver, même si certains la mettent en avant dans une rubrique spéciale, ce qui est pertinent
puisque l’anniversaire est une offre à part entière. Ces disparités montrent de la part des musées
une difficulté à classifier l'offre de manière générale puisqu’elle est à la fois individuelle et
collective, privée et publique, c'est pourquoi elle s'insère mal dans les rubriques traditionnelles26.
Comparé aux autres institutions, l’anniversaire au musée est assez bon marché. En effet,
les institutions du loisir proposent pour la plupart d’entre eux des tarifs plus élevés avec des prix
allant de 20 € à 50 € par enfant, comme le parc aquatique Aquaboulevard27 à Paris qui propose
pour son offre-anniversaire un tarif de 49 € par enfant. Toutefois, contrairement à l’anniversaire
dans les musées, les enfants sont totalement pris en charge et souvent pour la totalité de la
journée par des animateurs spécialisés. Néanmoins, cette tendance ne semble pas constituer une
généralité puisque de nombreux parcs d'attractions proposent des prix beaucoup plus bas, autour
24
Le ‘Musée du jouet de Bruxelles’ justifie sur son site la présence d’un parent-accompagnateur lors de
l’anniversaire de la manière suivante : « Un adulte responsable au moins doit rester sur place puisque nous ne
sommes pas « garderie » et n’assumons aucune responsabilité généralement quelconque».
http://www.museedujouet.eu/index.php/jouet/afficherlesinfos/ficheinfo?id=4 (consulté en février 2012)
25
CHAUMIER Serge, « Apprendre en s'amusant" : credo pour la culture ? », Réalités Industrielles, mai
2007, p.60-65
26
BORDEAUX Marie-Christine, "Fêter son anniversaire au musée : un rituel de l’enfance, entre transmission et
marchandisation", op. cit., p.9
27
http://www.forest-hill.fr/assets/pdf/fr/Forest_Hill_Journee_Enfant_Aquajeune.pdf (consulté en février 2012)
9
des 10 € et 20 €, qui se rapprochent des prix proposés par les musées28. Ces parcs semblent être
pour la majorité des parcs de petite taille uniquement réservés aux enfants, où l’anniversaire
représente l’offre principale.
Tout comme l’anniversaire au musée, les offres proposées par les industries du loisir
comprennent de nombreux avantages pour la famille. Cependant, la dimension ludique est ici
évidente et donc plus propice à plaire aux enfants. Les offres semblent aussi plus complètes,
personnalisables et fidèles au rituel de l’anniversaire puisqu’elles suivent à la lettre tous les rites
liés à l'anniversaire comme la règle du cadeau, du contre-don, de la goinfrerie et de l’amusement
total29. Contrairement au musée où l’apprentissage est mis en avant, le goûter et l'animation sont
ici vus comme les éléments centraux de l'offre.
Plus surprenant, l'anniversaire au musée comporte aussi de nombreuses similitudes avec
l’anniversaire proposé par McDonald’s au niveau du contenu et du format. En effet, l'offre
comprend toutes les différentes étapes et objets nécessaires au bon déroulement du rite avec un
tarif qui défie toute concurrence de 5,40 € par enfant pour une durée similaire de 1h30.
McDonald's dispose toutefois d'une qualité majeure qui est le fait que le groupe détient
une bonne réputation auprès des enfants. En effet, le groupe a compris très tôt le rôle des enfants
en tant que prescripteur et a développé un marketing très ciblé en multipliant les différentes offres
réservées aux enfants, ce qui leur a permis de créer une fidélisation sur le long terme.
28
Le parc Gulli et le Royal Kid, présents dans la région parisienne, proposent trois formules différentes pour
l’anniversaire. Les tarifs vont de 14,90 € à 24,90 € pour le parc Gulli et de 11,90 € à 17,90 € pour le parc Royal Kid.
http://www.gulli-parc.com/Francais--Les-cabanes--VillaStar.phtml (consulté en mars 2013)
http://www.royalkids.fr/parcs/bezons/anniversaires.php?PHPSESSID=e2df332812d41c28abf2d941ec694852
(consulté en mars 2013)
29
Régine Sirota a dressé une typologie des différentes règles comprises dans l’anniversaire dans son article « Les
délices de l’anniversaire, une mise en représentation de l’enfance ».
SIROTA Régine, « Les délices de l’anniversaire, une mise en représentation de l’enfance », Revista
Eletrônica d’Educação, vol.2 n°2, novembre 2008, Disponible sur Internet : http://www.reveduc.ufscar.br,
(consulté en décembre 2011) p.8
10
Cependant, la chaîne possède en même temps une mauvaise image auprès de l’opinion
publique, pour qui McDonald's représente aussi le symbole de la suralimentation et du 'profit à
tout prix'.
Comme l’anniversaire proposé par McDonald's, l'anniversaire au musée représente pour
les parents un soutien majeur en prenant en charge l’organisation totale de la fête. Néanmoins,
l’anniversaire au musée comporte un point fort que l’on ne retrouve pas dans les offres proposées
par les industries du loisir ou McDonald’s. En effet, l’anniversaire au musée permet non
seulement aux parents de se relaxer mais aussi à ceux-ci de préserver et même améliorer leur
façade sociale. En effet, comme indiqué précédemment, l’anniversaire au musée comporte une
volonté de distinction sociale de la part des parents. En choisissant le musée comme organisateur
du rituel, les parents s’associent par la même occasion aux valeurs du musée qui se placent du
côté de l’apprentissage, la culture et l'ouverture culturelle.
Pour conclure, nous pouvons noter que pour l’anniversaire, les musées ont adopté
certaines techniques des industries du loisir, en mettant l'accent sur le divertissement et en
proposant des offres diverses et stéréotypées afin que l'anniversaire soit le plus personnalisé
possible. En effet, malgré leur mission éducative, les musées ont dû prendre en compte et intégrer
ces aspects afin d'attirer les familles.
Une offre nécessaire et avantageuse pour le musée
Comme le contenu de l'offre, les motivations poussant les musées à proposer l'offre
semblent similaires avec plusieurs arguments qui reviendront avec d'un côté l'apport en argent et
le changement d’image du musée et de l'autre, l'aspect pédagogique et la notion de demande.
L'intégralité des personnes interrogées se mettront d'accord pour dire que les besoins
financiers au sein de l’institution ont fortement influencé l'intégration de l'offre, qui constitue un
réel besoin, besoin qui sera encore plus visible pour le 'musée de la Poupée' qui est un musée
privé et donc ne bénéficie d'aucune subvention publique
L’adoption de l’offre-anniversaire représente aujourd’hui une nécessité pour de
nombreux musées en leur permettant de développer leurs recettes propres. En effet, l'anniversaire
11
constitue pour le musée un moyen de faire une offre 'à part' mais aussi plus facile et moins chère
à mettre en place tout en rapportant de nombreuses recettes. Contrairement aux autres ateliers,
l'offre est beaucoup moins ciblée, ce qui permet au musée de diversifier son public, mais aussi
beaucoup plus ludique ce qui nécessite moins d'efforts pour le développement du contenu.
L'anniversaire constitue par la même occasion un moyen efficace pour les musées de
promouvoir ses missions mais aussi de changer la perception que le public a de celui-ci.
Selon la chargée de médiation ‘enfants et familles’ du ‘musée du Quai Branly’, l'objectif
principal de l’anniversaire serait d'établir un changement quant à l'image du musée, souvent à
tord ou à travers lié au monde scolaire:
« De la même manière que pour l’événementiel, l’objectif est de faire découvrir le
musée de manière décalée, en invitant à y faire la fête. Il est, dans ce cadre, perçu comme un
lieu agréable et original pour un moment festif ; il s’agit donc plutôt de faire aimer le musée.»
En effet, l'anniversaire au musée permet de faire connaître le musée mais aussi de le
faire aimer, en l'inscrivant dans le présent et dans la vie des gens.
La majorité des personnes interrogées insisteront sur l'apport didactique de l'offre qui
permettrait aux enfants d'apprendre tout en s'amusant même si l' amusement est ici prioritaire sur
l’apprentissage. En effet, elles se mettront aussi d'accord pour affirmer que le déroulement d'un
anniversaire est beaucoup plus éprouvant que celui d'un atelier classique, les enfants se trouvant
dans un tout autre état d'esprit qui n’est pas propice à l’apprentissage. En effet, comme le
souligne la responsable des médiateurs scientifiques et culturels du ‘Cnam', « on apprend quand
on se met en condition d'apprendre ».
Contrairement aux ateliers où les enfants savent qu’ils sont là pour apprendre,
l'anniversaire se place dans une autre situation, c'est pourquoi l'offre propose une dimension
avant tout ludique même si on demande aux enfants un court moment pour l’apprentissage. En
effet, l'anniversaire se place surtout comme un moyen permettant de sensibiliser l'enfant à la
connaissance.
12
En dépit de son aspect ludique, les personnes interrogées ne considèrent pas
l'anniversaire comme une dérive et affirment que le credo « apprendre en s'amusant »30 n'est pas
l'apanage du parc, mais a toujours été l'un des objectifs du musée qui a trouvé là, une manière de
se différencier de l'école.
La notion de demande semble elle aussi revenir à l’unanimité, l’intégration de l'offre
étant due en grande partie à une forte demande de la part du public. En effet, le motif de
l'anniversaire préexistait à l'offre proposée par les musées puisque de nombreux parents
utilisaient les ateliers classiques afin d’organiser l'anniversaire de leur enfant. Néanmoins, les
offres n’étaient pas du tout adaptées à l'occasion d'où un besoin de développer une offre spéciale.
Le fait de proposer une offre-anniversaire représente avant tout un bon moyen de satisfaire les
visiteurs tout en facilitant la tâche au musée lui-même.
Le fait qu'il existe une demande directe laisse aussi supposer que le public du musée est
composé de nombreux habitués. En proposant cette offre, le musée s'assure de ‘garder’ sa
clientèle à ses côtés dans un contexte concurrentiel difficile.
Selon le chargé de la coordination des activités de médiation du ‘musée du Quai Branly',
musée qui a adopté l’offre dès son ouverture en 2006, l'anniversaire constituerait même un des
services que les familles s'attendraient à retrouver dans un musée aujourd’hui au même titre
qu'une boutique. En effet, le public est devenu au fil des années de plus en plus exigeant,
revendiquant des offres adaptées à ses spécificités et goûts. Devant cette pression, les musées ont
alors dû prendre en compte progressivement les demandes de leur part, les plaçant dans une
situation de dépendance à l'égard de ce public qui en demande toujours plus.
Toutefois, après avoir utilisé cet argument de « demande », les différentes personnes
interrogées, excepté le ‘musée de la Poupée’ et la ‘Cité des sciences et de l'industrie’31, se
30
CHAUMIER Serge, « Apprendre en s'amusant”: credo pour la culture ? », Réalités Industrielles, op. cit.
31
Le statut/type de ces musées leur permet d’avoir une approche beaucoup plus décomplexée face au domaine du
divertissement. En effet, le ‘musée de la Poupée’ est un musée privé ce qui lui permet plus de liberté au niveau du
contenu alors que la ‘Cité de la Science et de l’Industrie’ se définit comme un centre d’interprétation. Cela permet à
l’établissement non seulement de sortir de la définition du musée qui est très restreinte mais aussi d’élargir sans
culpabiliser son champ d’activités.
13
justifiaient en affirmant que les musées privilégiaient tout de même les ateliers pédagogiques ou
que malgré son aspect ludique et commercial, l'offre détenait une grande part didactique.
En avançant cette justification, les personnes interrogées donnent l'impression de se
dédouaner de l'offre en mettant la responsabilité du côté de la demande. Elles se placent ainsi
dans une situation contradictoire puisqu’elles semblent à la fois revendiquer la nécessité de
l'anniversaire et en même temps elles ne semblent pas l'assumer complètement.
De plus, suite à diverses observations effectuées au ‘musée du Quai Branly’, j'ai pu
relever que l'offre était souvent rejetée par le personnel scientifique du musée. En effet, plusieurs
intervenantes ne semblaient guère apprécier l'activité.
Une des intervenantes ira même plus loin en déclarant que l’offre-anniversaire ne
comporte aucun interêt pédagogique:
« J’aime pas du tout animer les anniversaires. Le problème c’est que les parents
oublient souvent qu’on se trouve tout d’abord dans un musée. En plus, l’anniversaire c’est avant
tout le divertissement et pas la pédagogie, ce qui n’est pas ma profession ».
Certains musées favoriseront d'ailleurs les activités pédagogiques n'hésitant pas à
annuler les anniversaires pendant les vacances, au profit de programmes spéciaux 32. De plus,
aucun des musées interrogés ne réalisent d’enquête sur cette offre.
Cela semble prouver la place de l’anniversaire qui est perçu comme une activité
secondaire ne remplissant pas tout à fait les missions des musées. Nous pouvons alors nous
demander si l'anniversaire ne constituerait pas une solution de facilité pour ces musées ou un
moyen de remplir les caisses en attendant de proposer une programmation plus en lien avec ses
missions, même si cela exprime une certaine radicalité.
Malgré toutes ces points communs, les musées interrogés semblent toutefois
percevoir l’offre-anniversaire de manière différente. L’offre-anniversaire semble constituer pour
le ‘musée de la Poupée’ une de ses offres principales. En effet, l’offre a eu une grande
32
Le ‘Palais de Tokyo’ et le ‘musée Quai Branly’ annulent les anniversaires pendant les vacances scolaires pour
programmer des ateliers spéciaux, et parfois même gratuits, à destination des enfants.
14
répercussion sur le chiffre de fréquentation du musée, leur chiffre de fréquentation étant
essentiellement basé sur les visites scolaires avant le lancement de l’offre. Pour la ‘Cité de la
Science et de l’Industrie’, l’offre-anniversaire est perçu comme une offre haut-de-gamme
permettant au musée de fidéliser les clients. Selon la responsable promotion du Département
Marketing et de la direction du Développement des Publics et de la Communication du musée, de
nombreuses familles auraient décidé de s’abonner au pass Universiences33 après avoir organisé
l’anniversaire de leur enfant dans le musée. Pour le ‘Cnam’ et le ‘musée du quai Branly’, l’offreanniversaire est vue comme une activité comme une autre leur permettant de s’aligner sur la
concurrence. En effet, l’offre ne dispose pas de moyens spécifiques. De plus, les deux musées ont
lancé l’offre en même temps que le reste de leur activités. En ce qui concerne le ‘Palais de
Tokyo’, l’offre-anniversaire est considérée comme une offre secondaire34 même si l’offre semble
comporter de nombreux avantages didactiques selon la médiatrice jeune public du musée. En
effet, l’annniversaire permettrait au musée de remplir sa mission éducative de manière
extrêmement efficace car les enfants se sentent plus en confiance.
En prenant en compte les notions de rentabilité, de concurrence et de demande, les
musées sont devenus des institutions faisant partie intégrante du marché, à la recherche de plus en
plus de profits et de visiteurs35. Ce besoin de diversifier leurs contenus pour qu’ils soient plus
adaptés aux différents segments est un argument que l'on retrouve chez chaque musée interrogé.
En effet, devant la baisse des subventions, les musées ont dû produire plus de leurs ressources
propres ce qui explique pourquoi ils ont dû développer les activités destinées aux individuels.
33
Le pass permet à son détenteur plusieurs avantages comme un accès illimité pendant 1 an aux expositions
permanentes et temporaires de la Cité et du Palais ainsi qu’à la Cité des enfants ou le planétarium, et à des reductions
chez les partenaires de la Cité de la Science et de l’Industrie.
http://www.cite-sciences.fr/fr/cite-des-sciences/contenu/c/1239024053541/pass-universcience/ (consulté
en janvier 2012)
34
La médiatrice jeune public du musée dira lors de notre entretien que « les ateliers pédagogiques sont prioritaires
sur les anniversaires ».
35
JACOBI Daniel, « Les musées sont-ils condamnés à séduire toujours plus de visiteurs? », La Lettre de
l'OCIM, n° 49, janvier/février, 1997, p.1
15
Une confusion avec le monde du divertissement de plus en plus floue
Le musée est aujourd'hui marqué par une limite de plus en plus brouillée entre les
différents genres, que ce soit entre la culture ou le loisir ou la culture savante et la culture
populaire36. En effet, les musées ont adopté au fil des années des contenus de plus en plus
ludiques afin de relancer leur attractivité.
Vu comme son opposé, le parc d’attractions représente encore aujourd'hui le pire
cauchemard du musée, en se plaçant dans le domaine de la spectacularisation et de l’expérience.
Néanmoins, malgré leurs différences, les musées et les parcs semblent vouloir atteindre la même
chose, le client37. En effet, en dépit de ses objectifs démocratiques, la fréquentation du musée a
révélé pendant longtemps des inégalités faisant du musée un lieu de distinction culturelle plus
qu'un lieu d'ouverture. De manière à s'ouvrir véritablement au grand public, le musée a alors dû
assimilé une « culture du divertissement » transformant le sens du musée et le désacralisant38.
Le musée est alors peu à peu entré dans une économie de service en intégrant des
espaces commerciaux dans une optique de multiplication des motifs de visites et s'est transformé
pour devenir un lieu de vie totale.
Toujours d’actualité, cette économie de service a aujourd’hui laissé place à une
économie basée sur l'expérience, technique adoptée à la base par les parcs, qui se concentre sur le
vécu du visiteur et insiste sur le caractère unique de son passage. L'économie de l'expérience
utilise des techniques permettant au musée d'optimiser les principes d'interactivité et de mise en
situation du visiteur afin qu'il se laisse emporter dans un autre monde39, transformant le musée en
36
CHAUMIER Serge, « Introduction » in CHAUMIER Serge (dir.), Expoland, ce que le parc fait au
musée: ambivalence des formes de l’exposition, Complicités, 2011, p.9
37
MINTZ ANN, « That's edutainment », Museum news, vol. 73 n° 6, novembre-décembre 1994, p.32-
35, p.33
38
BRUGÈRE, Fabienne, « Le musée entre culture populaire et divertissement », Revue Esprit, Quelle
culture défendre?, mars-avril 2002, p.90-104, p.91
39
Serge Chaumier évoque dans l’introduction du cinquième numéro de la revue Culture & Musées le travail effectué
par Raymond Montpetit, muséologue qui a publié plusieus articles sur l’économie de l’expérience dans les musées
dont un, publié en 2008, entièrement consacré à ce sujet. (Cf. MONTPETIT Raymond, « L’expérimentation au
service des expériences de visite » in Les cahiers du musée des confluences, n°2, Décembre 2008)
16
véritable terrain de jeux et de vie. Influencée par la démocratisation des technologies, l'expérience
est devenue un credo majeur du musée40 puisqu'il permet au visiteur d'apprendre tout en prenant
du plaisir et de relier les connaissances acquises à son vécu.
L'anniversaire représente de manière évidente ce bouleversement au sein du musée et
signe la consécration de l'économie de l'expérience en plaçant l'individu comme élément central
tout au long de l'activité. L'offre comporte d’ailleurs de nombreuses ressemblances avec les
activités proposées par les industries du loisir en immergeant l'enfant dans un contexte
exceptionnel, qui se caractérise par un monde clos, sécurisé et artificiel propice au dépaysement
et à l'émotion41.
Suite aux observations effectuées au ‘musée du Quai Branly’, le parallèle avec le parc
devient encore plus évident. En effet, l’offre-anniversaire au ‘musée du Quai Branly’ s'appuie en
majeure partie sur la culture populaire avec d'un côté le rugby pour l’offre-anniversaire ‘Haka’,
danse chantée rituelle des insulaires du Pacifique Sud devenue célebre grâce au rayonnement de
l'équipe de rugby neo-zélandaise les ‘All Blacks’42 et la démocratisation du rubgy en général, et
de l'autre, le film de Disney « Les Pirates des Caraïbes » pour l’offre-anniversaire ‘Charms’. Ce
rappel à la culture populaire permet à la fois d'intéresser les enfants et de faire ressortir de
manière évidente le côté ludique de ces activités. En effet, plusieurs appuis sur différentes
références populaires seront effectués lors de la visite afin de favoriser la connaissance43.
L’immersion représente la caractéristique principale de l’offre. Les intervenantes
répéteront souvent aux enfants lors de l’atelier « vous êtes maintenant de véritables
pirates/maories » ce qui poussera les enfants à rentrer plus facilement dans le jeu et à de devenir
CHAUMIER Serge, « Introduction », in CHAUMIER Serge (dir.), Du musée au parc d'attractions,
Culture & Musées, n°5, 2005, p.13-26, p.19
40
CHAUMIER Serge, « Introduction », in CHAUMIER Serge (dir.), Du musée au parc d'attractions,
Culture & Musées, op. cit., p.19
41
CASEDAS Claire, «La ‘Disneylandisation’ : une expression protéiforme et ambiguë, vers une planète
disneylandisée» in CHAUMIER Serge (dir.), Expoland, ce que le parc fait au musée: ambivalence des
formes de l’exposition, op. cit., p.49
42
43
Les intervenantes projetteront lors de l’atelier plusieurs films montrant les ‘All Blacks’ faisant le Haka.
Une des intervenantes prendra comme exemple « Blanche-Neige » ou « Harry Potter », films issus de l’institution
Disney, pour expliquer aux enfants la symbolique du miroir.
17
de vrais acteurs. Le motif du voyage sera aussi utilisé puisque les intervenantes diront plusieurs
fois aux enfant qu' « ils vont voyager en s'amusant ». Ce rappel à la notion du voyage permet
encore une fois de favoriser l'immersion puisque les enfants se préparent à sortir de leur vie
quotidienne. Tout comme le parc spécialisé dans la fabrication d'univers, les intervenantes
assimilent le musée à un monde imaginaire en abordant des thèmes liés à l'univers du conte et au
surnaturel.
Les offres sont aussi sexuées par le contenu. En effet, lors de la création des offres
‘Haka’ et ‘Charms’ au ‘musée du Quai Branly’ en 201044, les responsables de la médiation du
musée avaient donné pour consigne aux intervenantes des activités à destination des enfants de
créer deux offres, une orientée pour les filles et une pour les garçons, afin de répondre de manière
plus efficace aux envies des familles. Tout comme les offres proposées dans les parcs, les offres
s'appuient sur des codes très stéréotypés facilitant l'identification, afin de garantir une plus grande
satisfaction.
La part didactique semble elle limitée, les intervenantes faisant souvent l’impasse sur
certaines informations45, pour favoriser l’amusement. Dans le cas de l'anniversaire, le
divertissement semble être la finalité de l'atelier, ce qui sera confirmé par les intervenantes ellesmêmes qui diront à plusieurs reprises aux enfants « vous êtes là pour vous amuser,c'est le but »
ou « vous n'êtes pas à l'école », ce qui montre clairement le positionnement de l'offre.
La part didactique reste toutefois présente à travers d’autres aspects. Comme indiqué
précédemment46, l’offre constitue avant tout une sensibilisation permettant de donner aux enfants
les clefs du comportement à adopter au musée mais aussi de développer leur sens de l'observation
et de favoriser le travail en équipe. Le spectaculaire et le concept d’expérience deviennent alors
de vrais moteurs pour le musée en lui permettant de se renouveler. Comme l’explique Michèle
Antoine, « l'émotion peut servir de tremplin à une découverte plus instruite des sujets abordés
mais il faut mettre en place des moyens qui dépassent le spectaculaire et permettent aux éléments
44
Les anniversaires ont été lancé dès l’ouverture du musée en 2006 mais ont été revues en 2010.
45
Certaines questions ne bénéficient d’aucun apport pédagogique comme la question « quel est le dessert préféré des
naufragés » dont la réponse est « l’île flottante », réponse qui repose sur un jeu de mot.
46
Voir partie ‘Une offre nécessaire et avantageuse pour le musée’, p.11-15, p.12
18
pédagogiques de cohabiter à part égale »47. Le divertissement constitue ici un bon moyen pour le
musée d'attirer du public tout en assurant sa mission d'apprentissage.
Néanmoins, l'instrumentalisation du message semble plus importante que le message luimême, ce qui inscrit le musée dans l'ère du spectacle où « le but n'est rien alors que le
développement est tout »48. Pire, le musée semble perdre sa vocation première qui est la
présentation et l'explication d'une collection. En effet, le lien avec la collection disparaît, les
objets devenant des éléments de mise en scène49 s’inscrivant dans le scénario de l'anniversaire.
Si l’on suit les fondements avancés par Serge Chaumier dans son article « Apprendre en
s'amusant: credo pour la culture ? »50, apprendre en s'amusant est aujourd’hui devenu une
obligation. Toutefois, ce problème ne vient pas seulement du musée mais surtout d'une évolution
générale dans la société qui désire un plaisir de plus en plus immédiat.
En adoptant une offre clairement associée au monde du loisir, le musée montre son envie
de concurrencer les autres musées mais aussi les industries du loisir afin d’attirer les faveurs du
public.
CONCLUSION
A première vue, l’offre-anniversaire semble constituer pour le musée un bon moyen de
de sortir de son image de lieu fermé et inaccessible, en intégrant au sein de l’établissement un
événement issu du quotidien, tout en respectant sa mission éducative qui constitue la base de
l’atelier. Toutefois, contrairement aux ateliers classiques, le divertissement semble représenter la
finalité de l'offre alors que la connaissance et les collections du musée semblent constituer des
éléments de mise en scène afin de favoriser cet amusement. D’ailleurs, les musées adopteront
47
ANTOINE Michèle, «Du dinozoo à l’exposition de dinosaures» in CHAUMIER Serge (dir.),
Expoland, ce que le parc fait au musée: ambivalence des formes de l’exposition, op. cit.,
p.119-132, p.125
48
DEBORD Guy, La société du spectacle (1967), Paris, Gallimard (Collection Folio), 1992, p.21
49
CLAIR Jean, Malaise dans les musées, Flammarion (Café Voltaire), 2007, p.32
50
CHAUMIER Serge, « Apprendre en s'amusant: credo pour la culture ? », op. cit.
19
pour le déroulement de l’offre, plusieurs ficelles directement sorties de l’intérieur des parcs
d’attractions comme le principe d’immersion et la logique expérientielle permettant de faire du
visiteur un acteur à part entière.
L’offre-anniversaire témoigne néanmoins d’un problème plus profond au sein du musée
qui semble aujourd’hui dépendant des envies du public et du chiffre de fréquentation. Face à la
montée de la concurrence que ce soit vis à vis des institutions culturelles et du monde du loisir et
à la baisse des subventions publiques, il est devenu de plus en plus difficile pour le musée de
perdurer s’il ne prend en compte que ses missions fondamentales. La satisfaction du public est
alors devenue un facteur de plus en plus important, d’où la nécessité pour le musée d’effectuer un
changement brutal. Ce tournant a amené le musée à suivre les tendances actuelles, tendances
alors marquées par la prédominance du monde de la consommation et du monde du spectacle.
Même si l’offre semble aujourd’hui bien installée, elle rencontre encore quelques
difficultés à trouver sa place dans un environnement comme le musée qui est encore lié dans
l’imaginaire collectif à la connaissance et au monde savant. Les personnes interrogées insisteront
d’ailleurs sans cesse sur la caractère pédagogique de l’offre afin de légitimer sa présence au sein
de la programmation tout en avouant qu’un réel contenu éducatif n’est pas possible et que l’offre
ne représente qu’un moyen pour eux de répondre à la demande du public, donnant l’impression
qu’elles n’assument pas vraiment la responsabilité de cette offre et ne savent pas encore sur quel
plan la placer.
A défaut de répondre aux missions fondamentales du musée, l’offre-anniversaire semble
être devenue une necessité pour le musée et pourrait meme être considérée comme un outil
stratégique à part entière, puisque l’offre permet au musée de répondre à ses besoins en tant
qu’institution inscrite dans le marché. En effet, l’offre permet non seulement au musée de
développer ses recettes propres mais aussi de renouveler son image dans le but d’attirer un public
plus large et le fidéliser. Même si l’offre semble aller au premier abord à l’encontre de la
définition du musée, ce tournant représente aujourd’hui une obligation pour le musée qui fait face
à de nouveaux besoins depuis son entrée dans le monde du marché.
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BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES ET REVUES COLLECTIVES
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l’exposition », Culture & Musées, n°5, 2005
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