Un plan de vol pour sauver Air France - La Croix

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Par Michel Waintrop, le 2/11/2016 à 06h57
Un programme de survie ! C’est ainsi que nombre d’observateurs considèrent le plan stratégique que
Jean-Marc Janaillac, PDG du groupe Air France-KLM, a présenté mercredi 2 novembre aux conseils
d’administrations d’Air France et du groupe et qu’il doit dévoiler le 3 novembre en comité central
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d’entreprise.
« C’est un fusil à un coup, dit ainsi Gérard Feldzer, consultant en aéronautique et lui-même pilote à Air
France pendant une trentaine d’années. Il ne faut pas se tromper car je ne vois pas comment la compagnie
pourrait résister à l’environnement concurrentiel qui la menace. »
> À lire aussi : Jean-Marc Janaillac nommé à la tête d’Air France
À première vue, Air France va mieux. Pour la première fois depuis 2008, la compagnie française est revenue
dans le vert l’année dernière en affichant 462 millions d’euros de bénéfices d’exploitation, contre une perte
de 314 millions d’euros en 2014. Un résultat en partie lié au plan de réduction des coûts « Transform 2015 »
qui s’est notamment traduit par une suppression de plus de 8 000 postes mais aussi à la baisse du pétrole qui
a favorisé aussi tous ses concurrents.
Situation compliquée
D’après la direction de la compagnie, 2016 devrait être aussi une année positive pour les résultats mais le
bilan sera moins favorable qu’espéré. Le premier semestre a vu un recul du trafic sur les lignes entre
l’Europe et l’Asie alors que les prix du billet ont baissé.
En outre, les réservations sur Air France ont baissé de 5 % cet été par rapport à l’année dernière, en raison
à la fois du contexte sécuritaire mais aussi de la grève des hôtesses et stewards lors du chassé-croisé entre
juillettistes et aoûtiens…
> À lire aussi : Air France gardera de profondes séquelles
« La tendance est heureusement à la reprise en main mais la situation est très compliquée car depuis la fin des
années 2000, la compagnie s’était appauvrie de quelque 11 milliards d’euros, en cédant des filiales comme
Servair ou Amadeus, mais aussi une partie de sa flotte, quitte à relouer des avions ensuite », insiste Gérard
Feldzer.
Offrir les meilleurs avions et le meilleur service
En outre, selon un bon connaisseur du secteur, l’important n’est pas tant d’être au vert que « d’être au même
niveau de bénéfices que les concurrents ». Selon ce spécialiste, « le nerf de la guerre commerciale dans l’aérien,
c’est de pouvoir investir pour offrir les meilleurs avions et le meilleur service ». Or les grands concurrents
européens du groupe français, à commencer par IAG, né du rapprochement de British Airways et Iberia,
sont bien plus performants (lire repères).
À son arrivée à la présidence du groupe franco-néerlandais, début juillet, Jean-Marc Janaillac s’était étonné
de constater que « l’idée qu’Air France pourrait disparaître reste encore étrangère à certains salariés ».
Nombre d’analystes soulignent que les fleurons meurent aussi dans ce secteur, comme la Belge Sabena,
l’Américaine Panam ou encore la Swissair. « Dans un contexte de concurrence mondiale intense, les
compagnies aériennes se doivent d’être compétitives et de se développer sur les marchés en croissance pour
survivre », dit Philippe Berland, du cabinet SIA Partners.
Attaqué sur plusieurs fronts
Air France a été attaqué sur plusieurs fronts. Celui du moyen-courrier d’abord avec l’essor, depuis les
années 1990, des compagnies à bas coût comme Ryanair ou EasyJet, qui ont pris environ 25 % des passagers
transportés sur le marché français et près de la moitié des parts de marchés dans le ciel européen.
> Lire aussi : Air France : la crise touche les relations entre les pilotes et les personnels au sol
Mais l’activité long-courrier, la plus rémunératrice, a été à son tour attaquée par les compagnies du Golfe et
asiatiques, parfois accusées par leurs détracteurs d’être soutenues économiquement par leurs
gouvernements. Cerise amère sur le gâteau, des compagnies low cost commencent à entreprendre des vols
long-courriers.
« Les autres compagnies historiques européennes subissent aussi ces concurrences, dit Philippe Berland.
Certaines ont été plus réactives qu’Air France, comme IAG qui a engagé très vite un plan de restructuration
drastique pour réduire les coûts et qui a développé l’activité low cost sur le moyen-courrier avec Vueling.
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Lufthansa a fait de même avec Eurowings. » Air France a développé à son tour Transavia, la compagnie à bas
coût héritée de KLM. De même, ses plans de réduction des coûts ont certes amélioré sa compétitivité mais
sans grande réforme structurelle…
Achat de la paix sociale
« Pendant de nombreuses années, il y a eu sans doute une tentation d’acheter la paix sociale à Air France, au
risque de ne pas aller assez loin dans des efforts de compétitivité, estime un bon connaisseur de la compagnie.
Quand Alexandre de Juniac a pris les rênes de la compagnie française en 2011 puis celle du groupe en 2013, il
a voulu aller beaucoup plus loin mais cela a déclenché des conflits sociaux très durs. »
Selon ce spécialiste, trop de salariés croient encore que l’État, actionnaire à plus de 17 % sera toujours là
pour voler au secours de la compagnie. Les pouvoirs publics devraient pourtant jouer un rôle actif selon la
direction et les salariés en améliorant l’environnement réglementaire et fiscal du secteur aérien français. Un
rapport de la Cour des comptes, à la demande du Sénat, a jugé que le pavillon français avait besoin d’une
vraie stratégie d’État.
Bâtir de nouvelles relations avec les salariés
Si le plan stratégique que le PDG d’Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, doit présenter le 3 novembre en
comité central d’entreprise s’appelle « Trust together » (« la confiance ensemble »), ce n’est donc pas par
hasard. Il lui faut bâtir de nouvelles relations avec les salariés après le mandat de son prédécesseur,
Alexandre de Juniac, qui a démissionné en avril.
« Jamais on n’a assisté à une telle rupture de confiance entre les salariés et la direction, dit Gérard Feldzer. La
feuille de route de Jean-Marc Janaillac devra remporter l’adhésion des équipes qui ont besoin d’un plan de vol
mais aussi d’une confiance partagée. »
Le mot d’ordre est donc devenu « cohésion » au siège de Roissy où Jean-Marc Janaillac a commencé à
appliquer la méthode utilisée pour redresser l’opérateur de transports publics Transdev, à commencer par
une réorganisation de la direction. Le départ du président d’Air France, Frédéric Gagey, devrait être ainsi
confirmé avec l’annonce du plan stratégique.
Le problème du low cost
Il devrait prendre la direction financière du groupe. Selon La Tribune, Franck Terner, directeur général
d’Air France-KLM Engineering et Maintenance, serait proposé pour le poste de directeur général d’Air
France, Jean-Marc Janaillac prenant la fonction de président non exécutif d’Air France.
> Lire aussi : Air France, dernière des compagnies historiques européennes à investir le « low cost »
Les observateurs attendent que le plan du PDG s’attaque au problème du low cost et notamment sur
l’activité long-courrier. L’équilibre entre l’activité de KLM et Air France devrait aussi être évoqué et bien
sûr la recherche d’une cohésion interne… qui n’exclura sans doute pas de nouveaux efforts de productivité.
« On verra sur pieds ce que donnera le projet », avec une vigilance sur « l’impact social » des « réformes
structurelles » qui pourraient être annoncées, a souligné Éric Chauvel, de l’Union des navigants de l’aviation
civile (CFE-CGC). De son côté Emmanuel Mistrali, porte-parole du syndicat national des pilotes de ligne
(SNPL, majoritaire), dit attendre un « virage pertinent » et une rupture avec la tentation de
« l’externalisation à tout prix qui a vidé Air France d’une partie de sa substance ».
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► Air France, la moins rentable des grandes compagnies européennes
Le groupe Air France-KLM exploite 536 avions (332 pour Air France et 204 pour KLM) et emploie 93 000
personnes. Le groupe dessert 320 destinations vers 114 pays.
En 2015, Air France-KLM a transporté 90 millions de passagers et 1,2 million de tonnes de fret. Le groupe a
réalisé un chiffre d’affaires de 26 milliards d’euros et dégagé un bénéfice de 816 millions d’euros.
En comparaison, le groupe IAG, qui regroupe notamment British Airways et Iberia, exploite 548 avions qui
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desservent 274 destinations. Il a transporté 95 millions de passagers en 2015. Le groupe a réalisé un bénéfice
d’exploitation de 1,4 milliard d’euros et une marge de plus de 12 % quand Air France a vu la sienne se
limiter à 3 %.
De son côté, le groupe allemand Lufthansa, autre rival historique, exploite 600 avions. Il a transporté 107
millions de passagers en 2015 ainsi que 1,8 million de tonnes de fret. Il a réalisé un chiffre d’affaires de 32
milliards d’euros et une marge de 6 %.
Michel Waintrop
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