Comment lutter contre le viol

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Comment lutter contre le viol
Comment lutter contre le viol
[descriptions explicites de scènes de viol]
On demande souvent aux féministes comment diminuer le nombre de
viols, quelles mesures elles préconisent (sachant que la méthode la plus
rapide est l'extinction du genre masculin mais vous allez pinailler).
Si tout le monde s'accorde à être contre le viol, ce même monde
devient d'un coup beaucoup moins prolixe quand il s'agit de définir le
viol. Pour la majorité d'entre nous, un viol est commis par un type très
moche sur une jolie fille qui garait sa voiture dans un parking. Là on
est tous d'accord que c'est un viol et qu'il faut le punir.
Avant donc de penser à diminuer le nombre de viols peut­être
convient­il de comprendre ce qu'est un viol.
­ un mec couche avec une fille. Malgré son insistance elle lui a bien
spécifié qu'elle refuse la sodomie. Et ce jour là, en levrette, il la
sodomise.
­ un garçon rencontre une fille dans une soirée, ils finissent dans une
chambre, nus dans un lit. Mais elle dit non. Mais elle est nue. Et elle l'a
embrassé. Et elle l'a masturbé. Alors il couche avec elle, alors qu'elle dit
non.
­ Dans cette même soirée un mec rentre dans une chambre où dort une
fille complètement bourrée. Elle est belle. Il est puceau, il a 13 ans. Il
se demande bien comment c'est là­bas en bas. Il regarde, il la doigte.
Pour voir.
­ Un couple. 10 ans de mariage. Elle ne veut plus depuis qu'elle a
accouché. Alors il la pousse. Beaucoup. Au fond c'est ce qu'on dit non?
Il suffit de leur remettre le pied à l'étrier.
Ces quatre scènes constituent des viols, mais, pour beaucoup d'entre
nous ce seront des dérapages, des filles chiantes, des filles indécises,
une baise ratée, une tentative. Combien de femmes ont vécu ces
situations sans réaliser qu'elles ont été violées ? Combien d'hommes ont
accompli ces actes sans se douter qu'ils violaient ?
Il faut ensuite se dire que s'il y a 50 000 viols par an a minima, il y a
sans doute beaucoup, beaucoup, beaucoup de violeurs en liberté. Nos
frères. Nos fils. Nos cousins. Nos pères. Nos mecs. Nos amis. Nos ex. Nos
voisins. Si on veut lutter contre le viol, il faut nommer les violeurs en
essayant de rappeler aux hommes qui ne manqueront pas de venir hurler
à l'amalgame que leur déni empêche toute lutte efficace. Tout le monde
est très d'accord pour lutter contre le viol si on en reste à l'inconnu
moche du parking ; beaucoup moins quand on commence à parler des
vrais coupables.
Comment en arrive­t­on au viol, comment on en arrive à un crime aussi
sexo­spécifique où l'immense majorité des violeurs sont des hommes
(98%).
On parle beaucoup de la frustration sexuelles des hommes, de leur
misère ; j'ai cherché des définitions ; je n'en ai trouvé aucune tellement
cela semble aller de soi que les hommes sont frustrés sexuellement.
Les futurs hommes sont élevés dans l'idée que la frustration, y compris
sexuelle, est mauvaise et qu'elle doit à tout prix être jugulée. A tout prix.
Il a des besoins et de la violence qu'on naturalise mais que jamais on ne
remet en question. Les femmes sont élevées dans l'idée que leurs désirs
ou leurs absences de désir n'existent pas ; être une pute est mal, être une
vierge est mal.
On en revient toujours à la même chose ; les stéréotypes de genre.
Élever un garçon dans l'idée que sa violence est normale, que c'est un
"vrai petit homme" que "boys will be boys" lorsqu'ils commettent un acte
violent, une violence sexiste, une violence de genre.
Élever un garçon dans l'idée qu'il doit baiser, le plus possible, sans savoir
s'il en a envie ou pas parce que les garçons sont ainsi.
Élever les garçons dans l'idée qu'il faut insister car elles finissent toujours
par dire oui.
Convaincre les garçons qu'ils souffriront de misère sexuelle s'ils ne
baisent pas.
Menacer les femmes de viol si elles ne satisfont pas ­ payées,
gratuitement ­ la misère sexuelle des garçons.
Traiter un mec de pédé parce qu'il n'a pas baisé une fille ivre morte.
Traiter un mec de tapette qui a respecté le consentement d'une fille.
Élever les filles dans l'idée que le viol est horrible.
Élever les filles dans l'idée que le viol est horrible mais n'arrive qu'aux
putes.
Élever les filles dans l'idée qu'elles risquent le viol à chaque coin de rue et
qu'elles seront ensuite des putes.
Élever les filles dans l'idée qu'il faut refuser et attendre qu'ils insistent; cela
te donne de la valeur.
Leur expliquer que leur désir est sale.
Leur expliquer que leur non désir frustre les garçons.
Leur expliquer que leur désir a conduit les garçons à les violer.
Leur expliquer que leur non désir a conduit les garçons à violer.
Il n'y a pas 50 façons de diminuer le nombre de viols ; il faut élever
différemment de ce qu'on le fait à l'heure actuelle garçons et filles. On
pourrait se dire qu'il s'agit d'erreurs de la nature, de monstres, de fous, de
responsabilités individuelles s'il y avait quelques viols par an. Au bout d'un
certain nombre, on peut peut­être, péniblement, se dire qu'il y a peut­être
des raisons sociales et que peut­être la façon d'élever les garçons en
conduit certains, beaucoup, à ne pas respecter le consentement des
femmes.
Textes publiés sur le blog Crêpe Georgette : http://www.crepegeorgette.com / et mis en brochure avec
l'autorisation de l'auteure : Valérie.
Aucune modification du texte n'est autorisée. La vente pour profit de cette brochure est interdite. Sa
prolifération est vivement recommandée.
La question du viagra est assez intéressante ; l'envie masculine est
ramenée à un simple trouble de l'érection. "Après tout, c'est bien
mécanique tout ca !" L'éjaculation vaut jouissance alors que "chez les
femme c'est plus cérébral". Un homme n'est jamais cérébral ; on sait qu'un
homme qui ne bande plus a juste un problème mécanique et que s'il ne
l'avait plus, il baiserait à nouveau car il est clair pour tous et toutes qu'il
n'a pas d'autres envies. C'est ainsi que le viol ou l'agression sexuelle
d'hommes par des femmes est vue comme une chance incroyable, un truc
que tous les hommes attendent. Cette affaire au Zimbabwe avait suscité la
plus grande hilarité en France sans jamais imaginer le calvaire vécu par ces
hommes. La question du consentement féminin, nous y reviendrons, est
complexe et une femme se retrouve souvent à dire ni oui ni non tant les
règles en matière de sexualité sont peu claires pour les femmes ; en
revanche, un homme, lui, n'a aucune raison de refuser un acte sexuel sauf
à vouloir sortir de la "maison des hommes" et à perdre en virilité.
Le consentement masculin
La question du consentement des hommes au sexe se pose assez peu
puisqu'il est admis par tous et toutes qu'un homme est toujours partant
pour du sexe. Et si par hasard, il ne l'était pas, il aurait un sacré problème.
Si l'on comprend à peu près ­ sans vraiment le respecter d'ailleurs ­ qu'il
faut avoir le consentement d'une femme dans un acte sexuel, la question
ne se pose pas pour un homme. Aucune fille ou femme n'aura jamais
entendu "mais assure­toi qu'il veut bien et ne va pas insister" parce qu'il est
bien clair qu'il veut toujours.
La question de la sexualité masculine est souvent naturalisée, ramenée à
une basse histoire d'hormones : l'homme est tout entier mu par la
testostérone qui le pousserait à avoir des besoins vitaux en matière de
sexe. Un homme qui ne serait pas très intéressé par le sexe, ou aurait une
baisse, passagère ou non, d'envie sexuelle, serait perçu avec méfiance.
Comment un homme pourrait­il ne pas avoir envie de sexe ? D'ailleurs ne
pensent­ils pas qu'à "ça" ?
Les hommes n'ont donc pas à consentir puisqu'ils sont consentants par
défaut ; donnez­leur une femme, un homme, un enfant, une chèvre, une
boite de pâté hénaff et ils la baiseront. C'est dans leur nature d'hommes et
tout le monde est bien d'accord là dessus. L'idée est d'ailleurs que s'ils ne
baisent pas, il arrivera des choses terribles. On m'a ainsi gentiment encore
dit que l'interdiction des prostituées mènerait aux viols d'enfants. Nous
serions donc obligés de sacrifier des classes de femmes et d'hommes (voire
d'enfants pourquoi pas) pour que les hommes ne connaissent surtout pas
la frustration sexuelle qui les mène toujours à violer. Fameuse image de
l'homme n'est­ce pas ?
Frustration sexuelle les mots sont lâchés ; de Houellebecq à Beigebeder,
toute une frange d'écrivains fameusement politiquement incorrects, nous
expliquent que depuis quelques décennies (allez au hasard depuis le droit
de vote des femmes ?), les hommes sont frustrés sexuellement. Ils font
benoîtement le lien entre indépendance des femmes et frustration des
hommes, n'hésitant pas à laisser entendre qu'on baise vachement mieux
avec son inférieure en droits.
Si on commence à peine à entendre qu'une femme peut prendre l'initiative
en matière sexuelle, personne n'a encore émis l'idée qu'un homme puisse
refuser un rapport sexuel ou ne pas en avoir envie.