Les études d`orthophonie en Europe

Transcription

Les études d`orthophonie en Europe
Les études d’orthophonie en Europe : une évolution vers le haut…
Jean-Marc Kremer, chargé de mission aux affaires européennes
Depuis la création du CPLOL (Comité Permanent de Liaison des OrthophonistesLogopèdes de l’UE) en mars 1988 à Paris, le dossier « formation initiale » a fait l’objet de
nombreuses réunions afin de comprendre les conceptions de chacun, la terminologie
nationale ou culturelle, l’inscription dans les systèmes scolaire ou universitaire et sociopolitique, et de comparer les contenus tant théoriques que pratiques.
Par ailleurs, une mise à jour est nécessaire régulièrement dans ce dossier, dans la
mesure où les filières et contenus évoluent vite dans certains pays, pour s’adapter aux
exigences nouvelles des compétences requises pour exe rcer la profession.
Enfin, les dernières volontés des institutions européennes, qui mettent en place des
textes réglementaires pour permettre une mobilité professionnelle facilitée au sein de
l’Union, contraignent certains pays à des réformes en profondeur et conduisent à des
changements et à des adaptations dans les programmes de formation.
Le traité de Bologne
Signé en 1999 par les pays-membres, ce traité vise par un moyen nouveau à réaliser ce
qui a été impossible jusqu’à présent entre les états de l’Union, à savoir l’harmonisation,
méthodologie qui a prévalu dans les années soixante, mais qui a vite montré ses limites.
Ce nouveau texte doit permettre une plus grande mobilité des étudiants au sein de
l’Europe ainsi que la reconnaissance facilitée de leur cursus de formation initiale. En effet,
jusqu’à présent et ce depuis 1991, seule la directive générale de reconnaissance mutuelle
des diplômes à niveau bac+3 minimum permettait, dans certaines conditions, que soient
reconnus mutuellement les diplômes délivrés par les pays- membres et données les
autorisations d’exercice. Le traité de Bologne introduit deux paramètres intéressants : la
mise en place de crédits d’études acquis par chaque étudiant 1 , unités capitalisables (
c’est l’ECTS = European Credit Transfer System), ainsi que l’introduction d’une
harmonisation des cursus avec 3 niveaux : c’est le système L-M-D (Licence-MasterDoctorat ou Bachelor-Master-Doctorat dans certains pays). Désormais donc, dans ce
système à trois niveaux bien identifiés, les pays peuvent mettre en place leurs différents
cursus, sans qu’il soit recommandé que telle filière soit à tel niveau et pas à un autre ;
cela relève de la responsabilité nationale de chaque pays. En revanche, ce qui est
imposé, c’est le nombre de crédits pour tel ou tel niveau : 180 ECTS pour le niveau
Licence (structuré en 6 semestres), et 120 ECTS supplémentaires pour atteindre le
niveau Master. Donc, plus question, de manière formelle en tout cas, de parler de
nombre d’années d’études.
Toute la question va donc être, dans le cadre des réformes en cours, de savoir à quel
niveau sera placée la barrière diplômante… Pour l’orthophonie, niveau Licence ou niveau
Master, si Master, niveau Master 1 ou Master 2 (schématiquement 4 ou 5 années
d’études). Par ailleurs, les textes obligent à passer obligatoirement, préalablement au
Master, par le niveau Licence qui doit donner lieux à délivrance d’un diplôme : ce diplôme
permettra-t-il d’exercer (diplôme de licence universitaire professionnelle), ou simplement
de rejoindre une autre filière (diplôme de licence universitaire) ?
Pour la France, l’enjeu est de taille : soit il sera mis en place une Licence professionnelle
(180 ECTS), qui permettra de travailler comme orthophoniste (mais en 180 ECTS, on est
en régression par rapport avec la formation initiale actuelle reconnue comme déjà
1
Le crédit étudiant comporte aussi bien les cours théoriques, que les stages, les ED et TP, le travail personnel,
les recherches…
insuffisante eu égard aux responsabilités professionnelles réglementées par le décret de
compétence) ; cet étage devrait concerner aux alentours de 80% des étudiants, seuls 10
à 20% pouvant poursuivre en Master (professionnel et de recherche). Ainsi seraient
créés deux types d’orthophonistes : les orthophonistes de base, ou de terrain, ou de
première ligne (pourquoi pas de front en langage militaire), et les autres, qui seraient
experts et à qui seraient réservés les postes dans la recherche bien sûr, mais surtout
dans l’expertise. On voit immédiatement sur quoi on peut déboucher…
Les pays qui viennent, le 1er mai 2004, de rejoindre l’Union européenne, travaillent déjà
avec les institutions depuis plusieurs années, et n’ont pas hésité à se mettre à niveau par
rapport au traité de Bologne ; par exemple, en Estonie, le niveau en orthophonie est
Master 2 (soit 5 années d’études)…
Les niveaux européens actuels…
Une récente enquête réalisée pour le CPLOL par nos collègues allemands (Suzanne Daniel
de la DBL) révèle un premier point : dans tous les états membres qui ont répondu, la
formation initiale des orthophonistes relève d’une formation universitaire, sauf en
Allemagne et en Autriche (où ce sont des hautes écoles non universitaires, comme
d’ailleurs dans certains centres de formation en Belgique…). Dans 9 pays (Autriche,
Allemagne, Danemark, Estonie, Finlande, France, Lettonie, République tchèque, Suède) il
n’existe qu’un seul diplôme d’orthophonie. Dans 4 de ces pays, il s’agit déjà d’un master
en 4 ou 5 années (M1 ou M2). Dans 6 pays, coexistent deux niveaux de formation
(Belgique, Espagne, Irlande, Lettonie, Pays-Bas, Portugal), et dans 4 pays, trois niveaux
différents de formation (Chypre, Italie, Luxembourg, Suisse) et au Royaume Uni existent
même quatre niveaux de diplômes pour les orthophonistes. Le Luxembourg qui n’a pas
de cursus national reconnaît les diplômes allemands, belges et français.
Voici résumée la situation actuelle (tous les pays n’ayant pas encore répondu à
l’enquête):
Bac non
nécessaire
Allemagne
Autriche
Bac + 3 ans
Espagne
Bac + 4 ans
Master 1
Grèce
France (4 ans
reconnus 3
ans)
Portugal
Chypre
Suède
République
tchèque
Pays Bas
Pays Bas
Belgique
(licence)
2
Suisse
R.U.
7
Italie
Luxembourg
Irlande
Suisse
R.U.
10
Estonie
Lettonie
Finlande
Portugal
Chypre
Danemark
Danemark
Belgique
(graduat)
Italie
Luxembourg
Master 2
Italie
Luxembourg
Irlande
R.U.
8
Irlande
Suisse
R.U.
9
Nombre
de titres
1
1
2
2
2
2
2
3
3
3
3
4
Les types de diplômes :
-
-
diplôme universitaire (Bac exigé)16 pays: Autriche, Belgique, Danemark,
Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Espagne,
Suède, Royaume-Uni, Estonie, Suisse
diplôme non universitaire (Bac non exigé, mais 80% des étudiants l’ont) :
Allemagne
Contraintes légales :
-
pas de contraintes légales pour exercer : Grèce
enregistrement officiel auprès d’un organisme d’administration : Autriche (pour
les libéraux), France, Suisse
droit d’exercer attribué par un autre autorité (qui peut être privée ou
corporatiste : Allemagne, Portugal, Royaume Uni
Qui délivre le diplôme :
-
-
universités ou instituts de formation universitaires : Danemark, Finlande, France,
Grèce (pour ceux qui ont reçu ou reçoivent une formation à l’étranger), Irlande,
Italie, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Suède, Royaume Uni, Estonie, Suisse
écoles spécifiques : Allemagne et Autriche
instituts d’enseignement technologique (reconnus par l’état mais pas
universitaires : Grèce
ministères : Belgique, Espagne
Existe-t-il une restriction d’accès à la profession (numerus clausus) :
-
-
Oui 3 pays: France, Italie, Suisse
Non 14 pays: Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Allemagne, Grèce, Irlande,
Pays-Bas, Norvège, Portugal, Espagne, Suède, Royaume Uni, Estonie.
Quelques précisions supplémentaires, pays par pays (15 pays)
Nous savons que la situation de l’orthophonie et des orthophonistes est très hétérogène
dans l’Union européenne ; cela s’explique par l’histoire, la culture, les pratiques
professionnelles et les systèmes socio-politiques différents. Ce qui, pour le moment,
réunit solidement la profession, c’est le cœur même de l’orthophonie : une discipline
carrefour, qui tente, en prenant en compte toutes les avancées des sciences humaines et
tous les progrès médicaux et technologiques, de réhabiliter et de réinsérer culturellement
et socialement toutes les personnes atteintes de troubles de la communication, qu’ils
soient de type développemental ou qu’ils soient acquis. Nous verrons donc qu’il est
possible, malgré les approches et les conceptions parfois fort différentes, de faire en
sorte que les formations, les qualifications et les expériences soient reconnues par les
uns et par les autres, pour peu qu’on respecte certaines procédures permises par les
directives réglementaires qui doivent garantir l’égalité des citoyens en Europe.
Allemagne : environ 1400 étudiants par an, répartis dans 70 hautes écoles qui
dépendent des Länder (bien que 90% des étudiants aient le baccalauréat, ce dernier
n’est pas obligatoire pour accéder à la formation). Après cette formation, possibilité
d’accéder à deux programmes universitaires, qui sont des post-graduats. La rééducation
des troubles du langage écrit ne fait pas partie du champ de compétence du logopède
allemend ; ce domaine est dévolu à une autre profession plus pédagogique.
Autriche : dans ce pays la filière de formation est pratiquement identique à celle de
l’Allemagne. Il n’existe que 6 écoles.
Belgique : Que ce soit en pays néerlandophone ou francophone, la formation est la
même : deux niveaux de formation, deux diplômes différents : le bac est nécessaire, et
le cursus est réalisé soit en haute école (3 années d’études sans concours d’accès :
graduat en logopédie), soit à l’université (2 années d’études après une formation
universitaire de 3 ans au moins – psychologie par exemple – ou un graduat : licence en
logopédie). En Belgique wallonne, il existe 5 hautes écoles et 2 universités qui dispensent
la formation. Mais une réforme des programmes universitaires est à l’étude, avec un
projet de cursus en logopédie de 5 ans (2 années de psychologie ou pédagogie ou
logopédie + 3 années de logopédie) ; il n’y aurait plus à terme coexistence de 2 niveaux.
Danemark : Jusqu’à présent, seule l’Université de Copenhague délivrait le diplôme ;
mais deux nouveaux cursus universitaires viennent d’être ouvert, avec un programme
s’inspirant énormément du standard minimum européen défini par le CPLOL : c’est un
graduat de 3 ans pour le moment, mais il semble qu’il soit destiné à évoluer vers un
master par la poursuite de deux années d’études. Si à Copenhague (ou les cours sont
communs entre logopèdes et audiologistes) le programme comprend une formation dans
le langage écrit, ce n’est pas le cas des deux nouveaux cursus…
Estonie : pour ce petit pays balte qui vient de rejoindre l’Union européenne, il existe une
seule université à Tartu : le diplôme final délivré est un master 2 (5 années d’études). 12
étudiants sont en formation chaque année. Il existe un tronc commun entre la formation
d’enseignants spécialisés et de logopèdes, car auparavant, ces professions relevaient des
formations en défectologie, telle qu’était la terminologie en vigueur dans les pays de
l’Est.
Finlande : Ce pays scandinave forme une soixantaine d’étudiants par an, répartis en
deux universités. Les études durent 5 ans, et sont en cours d’organisation selon le traité
de Bologne : master 2. Il existe une formation spécialisée supplémentaire en neurologie,
à laquelle ne peuvent accéder que 30% des étudiants.
France : rappelons que plus de 15 000 orthophonistes sont en exercice, que les besoins
de soins ne sont pas couverts, que le numerus clausus devrait arriver aux alentours de
680 étudiants à la rentrée 2005, que les études durent 4 ans mais ne sont reconnues que
sur 3 ans (problème de classement dans la fonction publique…), et que les études se
réalisent dans 13 écoles, composantes des facultés de médecine. La profession réclame
la création de deux écoles supplémentaires depuis quelques années, pour garantir la
qualité pédagogique dans les centres existant. Une réforme des études de santé est en
cours, et l’orthophonie sera concernée dans le groupe des professions paramédicales. La
profession souhaite que, conformément aux compétences définies dans le décret, la
formation devienne de niveau master 2 (5 ans) pour tous les orthophonistes, et s’oppose
à une conception qui imposerait un niveau de Licence (3 ans) pour 80% des étudiants,
avec accès pour 20% d’entre eux en niveau master 2 (5 ans), créant ainsi de fait deux
niveaux de diplômes, deux professions et deux domaines de compétences différenciés.
Grèce : Il existe deux centres publics de formation de type Institut Technologique au
pays inventeur du phonos et du logos. Mais ces forma tions ont vu leur niveau s’élever au
stade de l’université pour « coller » aux exigences du texte de Bologne. Par ailleurs, deux
instituts privés assurent la formation d’orthophoniste ; il n’est pas sûr que la profession
parviendra à éviter que ces centres privés soient à terme agréés par l’état pour délivrer
le diplôme officiel…
Hollande : depuis quelques années, comme le pays manquait de professionnels, le
numerus clausus a été supprimé. Pour accéder à la formation, le baccalauréat est
nécessaire ; pas de véritable sélection, sinon un examen fonctionnel (voix et
articulation). La première année du cursus sert d’année probatoire, ce qui permet une
sélection, car un certain nombre d’étudiant abandonne à ce niveau-là. Le cursus a été
déjà formaté selon les principes de la Charte de Bologne en ECTS. Auparavant, il existait
un graduat qui pouvait se poursuivre par une formation universitaire complémentaire,
désormais les études durent 4 ans (master 1) et un certain nombre d’étudiants
poursuivent avec une année supplémentaire (master 2 = 5 ans).
Irlande : Si autrefois l’Irlande ne comptait qu’un seul institut de formation, depuis l’an
dernier on en compte 4, dont 3 qui délivrent la formation de Speech and language
therapist en 4 années, et une qui forme d’abord en 2 ans éducateurs, linguistes,
psychologues, qui ensuite font 2 années d’études cliniques pour accéder à la profession.
Comme en Grande- Bretagne, c’est la corporation qui contrôle les contenus et qui délivre
aux écoles leur agrément d’enseignement, et qui gère la profession (accréditation…).
Italie : avant 2001, tout était un peu désorganisé dans le domaine de l’enseignement de
la logopédie ; mais depuis la réforme universitaire, on y voit un peu plus clair. En
premier lieu, est appliqué par décret le niveau L en 3 ans avec 180 ECTS avec le
standard minimum défini par le CPLOL. De plus, les orthophonistes ont la possibilité
désormais aussi d’accéder à un master 1 ou master 2 (80 crédits ou 120 crédits
supplémentaires) pour une licence en management sanitaire, en réadaptation et en
logopédie. La formation continue vient d’être rendue obligatoire.
Luxembourg : le Grand Duché de Luxembourg ne dispose pas d’une formation
spécifique luxembourgeoise ; ses étudiants vont faire leurs études en Europe :
principale ment en Allemagne, en Belgique et en France. Il y a environ 50 orthophonistes
au Grand Duché, pour 450 000 habitants.
Portugal : depuis cette année existe un master en sciences du langage (5 ans). La
formation spécifique en logopédie se déroule en 4 ans, un niveau de licence suivi d’une
année supplémentaire (master 1).
Royaume Uni : la situation britannique, on a pu le constater à la lecture du tableau cidessus, n’est pas des plus simple ; donc, quatre sortes de diplômes… A la base, tous les
« speech and language therapists » ont un niveau de « bachelor de sciences » (licence en
3 ans) : il existe donc des graduats de 3 et de 4 ans, et des post-graduats de 2 ans. Et
tous les diplômes sont accrédités par le « Royal College ». Enfin, la plupart des
orthophonistes de Sa Majesté oeuvrent dans la fonction publique. Nous n’avons pas
encore tout compris quant au fonctionnement et aux conceptions du Royaume Uni…
Suède : les études d’orthophonie sont organisées en master 1 (4 ans) avec 240 ECTS.
Auparavant, l’entrée en formation ne se faisait que tous les 2 ans ; devant le manque de
thérapeutes, elle se fait chaque année désormais.
Suisse* : Les logopèdes y sont au nombre de 1500 et il existe dans l’état fédéral suisse
7 centres de formation : 5 en région alémanique et 2 en Suisse romande.Comme
l’enseignement dépend des cantons, il y a 4 formations à l’Université et 3 en hautes
écoles. La Suisse en en train de se conformer aux vœux de la charte de Bologne. En
région francophone, les universités délivreront l diplôme avec bachelor (licence) et
master (le master sera obligatoire pour exercer la profession), tandis qu’en région
germanophone, le niveau sera seulement un bachelor.
Les souhaits des organisations professionnelles
Le travail fait au CPLOL, qui vise à une véritable harmonisation afin de permettre, à
terme, la mise en place d’une plate-forme de reconnaissance automatique, s’est aussi
orienté vers la position des organisations professionnelles quant à leurs souhaits en
matière de formation, en tout cas pour les pays qui n’ont pas encore réformé leur cursus
selon le traité de Bologne.
La majorité des pays qui ont répondu à cette enquête CPLOL (sur 19 pays)
recommandent et réclament, pour niveau de formation minimum en orthophonie, le
niveau Master 1 (soit 4 ans après le bac). La majorité des pays souhaiterait également
qu’il n’y ait qu’un seul titre reconnu pour la profession. Malheureusement, sur ces deux
points, les volontés politiques ne coïncident parfois pas avec les revendications
professionnelles ; car sont en jeu, outre des conflits de pouvoirs avec certaines autres
professions, ici ou là (les médecins, les neuro-linguistes, les phoniatres, certains
pédagogues ou psychologues spécialisés…), des traditions socio-politiques qui vont avoir
du mal à s’harmo niser en Europe.
Rappelons de plus la résolution N°9 votée par l’assemblée générale du CPLOL à Malmö en
octobre 2003 :
« Le CPLOL, réuni à Malmö les 18 et 19 octobre 2003,
- prend note, avec satisfaction, de l’adoption de la Déclaration de Bologne, 1999,
par l’U.E. pour une formation de haut niveau ;
- demande que tous les pays de l’U.E. prennent progressivement en compte les
principes de cette charte ;
- rappelle que les formations initiales d’orthophonistes-logopèdes devraient être
de niveau master ;
- propose que les organisations nationales, membres du CPLOL, soient toujours
consultées dans les procédures de réformes et dans la mise en correspondance de
leur formation initiale avec les principes et le contenu de la Déclaration de
Bologne.
Enfin, le CPLOL rappelle qu’il représente la profession au plan européen, et qu’à ce titre,
il demande à être consulté par les diverses autorités, instances et groupes d’experts
européens pour tout ce qui concerne le domaine de l’orthophonie-logopédie. »
Reconnaissance des diplômes : deux conceptions se confrontent, deux voies
sont possibles, selon les professions : directive sectorielle ou générale…
La reconnaissance des diplômes, ou reconnaissance professionnelle, est une procédure
qui permet qu’un diplôme délivré régulièrement dans un état membre soit reconnu par
un pays hôte afin de permettre à son titulaire d’exercer sa profession dans ce pays hôte.
Des lois européennes, appelées directives, réglementent cette procédure, qui est
appliquée par l’Autorité compétente du pays d’accueil, sous le contrôle de la Commission
européenne.
Jusqu’à présent, il existe soit des directives sectorielles, soit une directive générale pour
que puissent être reconnus des diplômes. Une directive sectorielle (qui comprend une
seule profession) permet une procédure de reconnaissance automatique ; actuellement,
7 professions en bénéficient : les médecins, les infirmiers en soins généraux, les
praticiens de l’art dentaire, les sages-femmes, les vétérinaires, les pharmaciens et les
architectes). Toutes les autres professions relèvent de deux directives générales, qui ne
permettent pas la reconnaissance automatique : l’une concerne les diplômes jusqu’au
niveau Bac+ 2 (directive 92/51 CEE du 18 juin 1992), l’autre intéresse les niveaux à
partir de Bac+3 (directive 89/48 du 21 décembre 1988). Toutes ces directives sont
traduite en droit interne français.
La directive de reconnaissance mutuelle des diplômes en vigueur permet, depuis le 1er
janvier 1991, que les professionnels migrent au sein de l’Union européenne ; pour ce
faire, il convient que les diplômes puissent être reconnus par les Autorités compétentes
nationales, selon des critères bien définis (pour connaître les détail de la procédure, voir
sur site internet : www.orthophonistes.fr ).
Au printemps prochain (2005) devrait paraître une nouvelle directive unique (générale
qui intégrera des directives sectorielles concernant toujours les mêmes professions…),
relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’UE. Rappelons
que la directive générale permet une reconnaissance professionnelle (à ne pas confondre
avec la reconnaissance académique qui permet les échanges d’étudiants en cours
d’études) selon une procédure définie, tandis que les directives sectorielles (pour les
médecins et les architectes par exemple) permettent une reconnaissance automatique.
Dans le projet de nouvelle directive, deux avancées paraissent notamment
intéressantes : la nécessité pour certaines professions de maîtriser la langue du pays
d’accueil (ce qui était un critère interdit officiellement par la directive en vigueur
actuellement), maîtrise linguistique qui sera considérée comme faisant partie de la
formation initiale – mais il n’est pas prévu de procédure ni de critère pour évaluer cette
maîtrise linguistique qui doit être nécessaire et spécifique à l’exercice de ladite
profession-, et la prise en compte, dans certaines conditions, de l’expérience
professionnelle et des acquis (par exemple en formation continue).
En outre, dans la nouvelle directive unique, 5 niveaux de qualification devraient être
définis :
niveau 1 : attestation de compétences
niveau 2 : certificat
niveau 3 : diplôme sanctionnant une formation courte inférieure à 3 ans
niveau 4 : diplôme sanctionnant une formation égale ou supérieure à 3 ans et
inférieur à 4 ans
niveau 5 : diplôme sanctionnant une formation égale ou supérieure à 4 ans.
Bien évidemment, dans cette nouvelle directive (sauf pour les professions concernées par
des mesures sectorielles), des mesures compensatoires seront toujours possibles s’il est
fait la preuve d’un déficit substantiel du candidat à la reconnaissance dans sa formation
initiale par rapport à ce qui est requis dans le pays hôte. Enfin, si 10 pays s’accordent
(via les organisations professionnelles représentatives), ils peuvent présenter à la
commission un projet de « plate-forme commune », texte qui peut prévoir en amont,
dans certaines conditions (même des mesures compensatoires…), des procédures de
reconnaissance automatique simplifiées.
Mais une différence fondamentale prévaut en Europe quant à la conception de la
reconnaissance et du contrôle des diplômes :
dans les pays latins, en Allemagne et en Autriche, nous avons un « système
autorisatoire », où les professions sont réglementées et les diplômes garantis par
l’administration compétente de l’état ;
dans les pays anglo-saxons, tout repose sur un « système accréditatoire », où la
gestion de la profession, le contrôle des diplômes et de la formation continue,
l’autorisation d’exercer est déléguée à la corporation, à laquelle il convient
d’adhérer (mais ce n’est pas obligatoire) : l’exemple de la Grande Bretagne est
instructif. La reine délègue sa compétence au Collège Royal de la profession, qui
assume les compétences ailleurs dévolues à l’état.
Cette contradiction entre deux conceptions diamétralement opposées (garantie de l’état
ou garantie de la corporation qui est incontournable), si elle rend plus difficile
l’harmonisation des procédures de reconnaissance mutuelle, elle ne l’empêche cependant
pas. Dans certains cas, lorsque la reconnaissance est rendue difficile ou impossible (par
exemple pour certaines professions non reconnues…), le principe du droit du pays
d’origine pourrait être maintenu, avec des mesures dérogatoires, afin de permettre
d’appliquer que « tout citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement
sur le territoire des états membres, sous réserve de limitations et conditions prévues par
le présent traité et par les dispositions prises pour son application » (traité de Maastricht
de 1993 et traité d’Amsterdam de 1999).
Pour ce qui est de la procédure de reconnaissance mutuelle actuellement en cours
(directive 89/48 CEE traduite en droit interne), et qui reste valide jusqu’à l’adoption de la
future directive générale (qui devrait pouvoir être adoptée, dans les meilleurs délais, au
cours du 1er semestre 2005 sous la présidence de l’Union assurée par le Grand Duché de
Luxembourg), le descriptif complet, déjà paru, est disponible sur le site
www.orthophonistes.fr. Enfin, depuis le 1er mai 2004, date d’adhésion des 10 nouveaux
pays membres de l’Union, ces derniers appliquent la directive actuelle en l’état ;
précisons que ces 10 pays participent déjà, depuis quelques années, à l’élaboration de la
nouvelle directive.
Reconnaissance académique…
Pour les étudiants, autonomie d’appréciation est laissée aux établissements
d’enseignement supérieur pour reconnaître le niveau d’études d’un candidat désireux
d’entreprendre ou de poursuivre ses études dans un autre état de l’Union. Cette
reconnaissance académique se demande individuellement par un étudiant, ou
collectivement dans le cadre d’un échange universitaire (dans le cadre de programmes
communautaires tels que Leonardo Da Vinci, Socrates, Erasmus ou Comenius). La
validation des acquis des étudiants sera grandement facilitée lorsque pourront être
comparés les niveaux d’études grâce au système ECTS : European Credit Transfert
System).
Autorités compétentes qui appliquent la procédure de reconnaissance :
La directive de reconnaissance prévoit que, dans chaque pays, une instance officielle soit
chargée de la reconnaissance des diplômes. Il existe donc une variété d’instances, qui
vont de l’état à la corporation…
-
Autriche : ministère de la Sécurité sociale et des générations
Belgique : Ministère de la société française et ministère de la santé
Danemark : autorité de tutelle (employeur)
Finlande : Bureau national des affaires mé dico-légales
France : ministère de la santé
Allemagne : président du conseil régional ou du département régional de la santé
Grèce : instance en charge de la reconnaissance des diplômes étrangers
Irlande : département de la Santé
Italie : ministère de la santé
Pays-Bas : ministère de la santé
Norvège : Département de l’éducation
Portugal : Ecole supérieure de la Santé et ministère de la santé
Espagne : ministère de la santé et de la consommation
Suède : Bureau national de la santé et des affaires sociales
Royaume Uni : Conseil des professions de santé (ordre)
Estonie : ministère de l’éducation
Suisse : administration des cantons suisses et association des directeurs des
programmes de formation
Critères de reconnaissance
La directive prévoit sur quels critères sont instruits les dossiers de demande de
reconnaissance des diplômes, avec le principe que, si et seulement si un déficit
substantiel dans la formation est constaté, alors une compensation est exigée.
Cependant, aucune instance européenne s’est assurée, à notre connaissance, du bon
respect par les pays membres de l’application de la directive. Or, nous savons, parce que
quelques-uns de nos collègues confrontés à une demande de ce type en ont témoigné,
que certains pays appliqueraient des critères qui dépasseraient l’esprit et la lettre de la
directive. Les seuls critères exceptionnels reconnus par cette enquête portent sur la
maîtrise linguistique. Comment imaginer, en effet, exercer le métier d’orthophoniste sans
maîtriser la langue du pays d’accueil ?
Existe-t-il des conditions supplémentaires officielles (maîtrise linguistique) à
celles prévues dans la directive ?
-
-
pas de critères supplémentaires officiels: Autriche, Belgique, Danemark, Finlande,
France, Grèce, Espagne, Suède.
exigence officielle de maîtrise de la langue : Italie, Pays-Bas, Norvège, Portugal,
Estonie, Suisse (pour au moins une des langues officielles entre l’allemand,
l’italien, le français ou la langue rhéto-romande)
permission d’exercer limitée si la langue n’est pas maîtrisée : Finlande
soumission du candidat à un test linguistique : Irlande et Royaume Uni
Comment sont évaluées les compétences linguistiques des candidats ?
-
-
-
par évaluation de documents : Autriche (directeurs des écoles d’orthophonie),
Finlande (bureau national des affaires médico-légales), Pays-Bas (commission
d’orthophonistes), Suède (bureau national de la santé et des affaires sociales),
Royaume Uni, Estonie, Suisse
agrément formel et test linguistique : Pays-bas, Norvège, Irlande, Italie, Portugal,
Royaume Uni
évaluation des compétences linguistiques durant une période de stage : France
(et dans certains cas entretien avec un médecin régional des affaires sanitaires et
sociales), Italie
entretien : Danemark, Irlande (et France)
d’une façon variable en Allemagne (selon les instances régionales)
pas d’évaluation formelle : Belgique, Grèce, Espagne
Un dernier élément. Nous savons qu’en France, la procédure de reconnaissance, vocation
de l’administration publique, est gratuite (compte non tenu des frais de traduction par un
interprète assermenté des documents officiels). Si elle est aussi gratuite au Danemark,
en Italie, aux Pays-Bas, en Norvège, en Espagne et en Suède, elle a un coût dans les
autres pays : par exemple, 37,18 € en Belgique, 30 € en Estonie, 130 € en Irlande, 150
€ en Finlande et en Grèce, 200 € en Autriche, 280 € au Portugal, plus de l’équivalent en
livres sterling de 300 € en Grande Bretagne… Avec des frais supplémentaires pour des
cours de langue au Danemark et en Finlande (entre 300 et 350 €).
Quant aux délais, la directive prévoit que l’Autorité compétente a 4 mois pour instruire le
dossier et donner une réponse.
Se pose enfin la question de la reconnaissance par certains pays de diplômes étrangers à
la zone de l’Union européenne ; par exemple, le Portugal qui reconnaît un diplôme
brésilien. Dans cette perspective, un diplôme brésilien, pour reprendre le même exemple,
reconnu par le Portugal, lui- même pays membre de l’Union européenne, fait que le
diplôme brésilien peut être reconnu (dans les conditions habituelles) par la France, alors
que par ailleurs la France n’a pas d’accord bilatéral de reconnaissance mutuelle avec le
Brésil. La jurisprudence européenne est claire pour ce cas…
L’avenir…
Pour ce qui concerne la reconnaissance mutuelle des qualification, nous serons fixés
définitivement au cours du premier semestre de l’année prochaine si tout va bien
(passage en deuxième lecture au Parlement européen et accord du conseil des
ministres), 4 mois après si le conseil des ministres européens n’accepte pas le projet.
Nous verrons alors, à la lumière de ce texte et de la directive sur les « services du
marché intérieur », en préparation mais pas aussi avancé, comment se feront les
migrations professionnelles dans l’Union.
Pour ce qui concerne le niveau d’études en Europe, si on est encore loin d’une
harmonisation, qui finira par arriver étape après étape, une chose est sûre : nos sociétés,
et surtout leurs citoyens, n’auront rien à gagner d’une dévalorisation des formations
initiales des professions de santé, surtout si on s’attache à exiger toujours plus de qualité
dans les services rendus, et davantage de garanties et de sécurité pour les
« consommateurs de soins »… Quoi qu’il en soit, la profession, au plan européen est
arrivée à un consensus : à minima, la formation initiale en orthophonie doit se dérouler
au moins sur 4 années…
*Suisse : la Suisse ne fait pas partie de l’Union européenne ; cependant, un accord
intervenu entre l’UE et la Suisse en juillet 2002 permet la reconnaissance mutuelle des
diplômes. Ainsi, sur proposition de la France au CPLOL, nos collègues suisses vont être
bientôt membres de droit du CPLOL, et non plus seulement membres observateurs…
Merci à Suzanne Daniel, de la DBL (Allemagne), pour les résultats de son enquête, et à
Frédérique Brin qui l’a traduite de l’Anglais.
Démographie* des orthophonistes
dans quelques pays de l’Union européenne
Pays
Nombre
d’habitants
Nombre
d’orthophonistes
Allemagne
Autriche
Belgique
Chypre
Danemark
Espagne
Estonie
Finlande
France
Grèce
Hongrie
Irlande
Italie
Lettonie
Lituanie
Luxembourg
Malte
Pays Bas
Pologne
Portugal
République
tchèque
Royaume Uni
Slovaquie
Slovénie
Suède
TOTAUX**
82 350 000
8 130 000
10 285 000
762 000
5 359 000
40 266 000
1 364 000
5 188 000
59 191 000
10 582 000
10 188 000
3 854 000
57 075 000
2 355 000
3 478 000
442 000
393 000
16 046 000
38 638 000
10 299 000
10 283 000
11 000
900
8 000
100
1 700
4 000
30
900
15 000
2 00
non connu
300
3 500
non connu
non connu
60
non connu
4 500
non connu
300
300
60 004 000
5 397 000
1 992 000
8 896 000
452 817 000
12 000
non connu
non connu
900
63 690
Nombre
d’orthophonistes pour
100 000 habitants
1 / 7 500
1 / 9 000
1 / 1 300
1 / 7 620
1 / 3 150
1 / 10 000
1 / 5 800
1 / 3 950
1 / 52 900
1 / 12 850
1 / 16 300
1 / 7350
1 / 3 560
1 / 34 330
1 / 34 275
1 / 5 000
1 / 9 885
1 / 6130
* certains chiffres sont approchés en fonction de données qui datent de quelques années
** les ratios orthophonistes/habitants ne sont réalisés que pour les pays dont nous
disposons de tous les chiffres

Documents pareils