l`echo_renard - Ensemble correspondances
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L’ECHO SAMEDI 12 SEPTEMBRE 2015 55 Musiques Dans les bacs Classique CLASSIQUE Joyce et Tony – Live at Wigmore Hall NNNNn 2 CD Erato Le«Balletroyal dela Nuit», quand le Roi danse… En 1653, Louis XIV a 15 ans. Un ballet somptueux va imposer son image de «Roi Soleil». Sébastien Daucé a reconstitué ce que fut musicalement ce fabuleux coup de marketing. Une première mondiale. Est-il possible de construire un récital qui débute par la virtuose cantate «Ariane a Naxos» de Haydn, se poursuit avec deux mélodies de Rossini et un «canti» de Santiquilido, fait un détour par Villa-Lobos et s’achève à Broadway en célébrant quelques songs du Nouveau Monde? Pour la mezzo américaine Joyce DiDonato, accompagnée au piano par Antonio Pappano, c’est l’évidence même. Enregistré «live» au Wigmore Hall de Londres, ce rendez-vous complice et généreux entre Joyce et Tony est un ovni par son répertoire. Mais la mezzo rayonne, savourant ce programme aussi jubilatoire qu’improbable avec l’appétit d’une diva capable de toutes les nuances comme de toutes les envolées. Pudique ou capiteuse, sucrée ou glaciale, tragique ou facétieuse, Mme DiDonato emballe son pianiste et son public avec la verve qu’on lui connaît. En star impériale. Les fans vont craquer, une fois de plus. ST.R. Par Stéphane Renard ROCK The Libertines «Anthems For Doomed Youth» «Le Concert royal de la Nuit» Sébastien Daucé et l'Ensemble Correspondances 1 double CD/livre Harmonia Mundi NNNNn (Mercury/ Universal) L’urgence, le style, le mordant. Formés à la fin des nineties, The Libertines avaient tout… et ont tout cramé sur fond d’addictions et de relations chargées d’amour/haine. Depuis, chacun avait fait sa vie musicale. Jusqu’à un retour sur scène, il y a 5 ans. Retrouvant l’alchimie qui les avait autrefois soudés, les Libertines sortent enfin un troisième album, 11 ans après leur implosion. D’entrée, «Barbarians» scelle ces retrouvailles sur un rock sec et très British, façon The Jam, où les voix de Carl Barât et de Pete Doherty se répondent dans un intrigant mélange de poésievérité. Le single «Gunga Din» balance en reggae blanc, façon The Clash, mais le refrain a ce caractère à la fois épique et au ras du comptoir qui fait les meilleures mélodies du groupe. Au final, on semble bien loin des guitares crades et saturées du duo infernal des années 2000. Pas tous renversants, ces «hymnes pour la jeunesse damnée» comptent en leur sein quelques vraies réussites («Heart of the Matter», la ballade «You’re my Waterloo», le beatlesque «Iceman»). NNNNN I l a suffi de quelques années à peine à Sébastien Daucé et son ensemble Correspondances pour prouver que tout n’était pas encore joué dans l’univers de la musique baroque. Au sens propre comme figuré. À l’heure où il est de bon ton (commercial) de vanter les (re) découvertes de partitions oubliées, qualifiées un peu vite de chef-d’œuvre, Daucé, lui, fait bel et bien l’événement, et sans tricher. Chacun de ses enregistrements consacrés à la musique sacrée du Grand Siècle – Charpentier, Moulinié, Boësset, de Lalande… – se révèle pur joyau. Le double CD-livre qui paraît ces jours-ci, poli pendant trois longues années de recherches, est encore plus interpellant. Il propose en effet la reconstitution musicale des grandes lignes du «Ballet royal de la Nuit», événement marquant du début du règne de Louis XIV auquel participa le jeune souverain en personne. ROMAN Le ballet, art du gentilhomme Pour saisir l’importance historique qu’eut ce spectacle, il faut se rappeler que le grand ballet joue un rôle de premier plan dans la France du XVIIe siècle. Il ne s’effacera devant l’opéra que dans les années 1670. Jusque-là, les ballets rythment la vie de la cour. La danse est bien plus qu’un art, quasiment une obligation sociale et culturelle exprimant l’appartenance à l’aristocratie courtisane. «Ces ballets mêlaient professionnels et courtisans, rappelle Sébastien Daucé. Il s’agissait essentiellement de représenter en une succession d’entrées, c’est-à-dire de danses, tous les univers possibles, des plus sérieux aux plus burlesques. Ces spectacles duraient plusieurs heures, avec des chorégraphies variées, des costumes somptueux, des décors faits de grandes toiles peintes, sans oublier les imposantes machineries importées par les Italiens.» On comprend mieux, dans un tel contexte, l’impact qu’aura le «Ballet royal de la Nuit». Ce fabuleux spectacle est donné le 23 février 1653, quelques mois seulement après l’entrée triomphale du jeune Louis XIV à Paris. Pour Mazarin et Anne d’Autriche, il s’agit de consolider le juvénile et toujours fragile pouvoir royal, à la sortie de la Fronde. D’où l’idée de ce ballet dépassant en splendeur tout ce qui a pu être imaginé Sébastien Daucé a utilisé le matériau existant pour reconstituer un ballet «historiquement crédible». © VISUALSCLOSE Jusqu’à présent, aucun chef n’avait osé s’attaquer à ce ballet, dont de larges pans n’ont pas été conservés. [email protected] - 295393-001 The Weeknd «Beauty Behind the Madness» NNNNn (Republic/Universal) jusqu’alors. Un «méga-événement» dirait-on aujourd’hui. Ecrit et monté en quelques semaines à peine, mobilisant les meilleurs compositeurs autour d’un livret d’Isaac de Bensérade, le spectacle se veut une démonstration triomphante du pouvoir royal. La France est ruinée? Qu’importe. La «production» sera d’autant plus somptueuse, offrant une débauche de costumes et de décors époustouflants. Plus de 250 participants – dont sa Majesté – se succèdent douze heures d’affilée, enchaînant plus de 40 entrées. Au petit matin, alors que se sont multipliées pendant la Nuit les scènes mythologiques les plus sombres, l’apparition du jeune Louis, 15 ans, nimbé d’or et de lumière, a valeur de délivrance. Le jour se lève en même temps que l’astre salvateur, nimbé d’or et de lumière, entouré de ses planètes. Difficile de faire plus cliché, mais en matière de pub, le message doit être clair. Le Roi Soleil est né. Historiquement crédible Jusqu’à présent, aucun chef n’avait osé s’attaquer à ce ballet, dont de larges pans n’ont pas été conservés. On ne connaît pas par exemple tous les compositeurs qui y ont participé. Riche de nombreux commentaires et coloré par les gouaches des costumes du spectacle (conservées… en Angleterre), le livre-CD de Sébastien Daucé est une première mondiale. À défaut de reconstituer ce qui ne peut l’être, le jeune chef français s’est appuyé sur le matériau existant – notamment la partie de violon de 77 danses – pour bâtir un ballet «historiquement crédible». Daucé s’est ainsi inspiré de l’accompagnement des danses telles qu’il se faisait sous Louis XIII. Il a scénarisé le tout en introduisant des textes d’époque en français ainsi que des extraits d’opéra italiens de Cavalli et de Rossi. Il y a ajouté enfin des parties instrumentales signées de Cambefort, Boësset, Constantin et Lambert. Le résultat orchestral de cette magnifique aventure, qui avait emballé, en primeur, le public estival du Festival de Saintes, est désormais gravé. C’est sans conteste l’un des événements de la rentrée musicale. Abel Tesfaye, 25 ans, né au Canada, a fait ses débuts en échantillonnant des groupes comme Beach House, Cocteau Twins et Siouxsie and the Banshees. Depuis, le générique de «Cinquante Nuances de Grey», lui a servi de caisse de résonance internationale. Au point de convaincre Tom Cruise et Jimmy Fallon de faire du lipsync sur son single «Can't Feel My Face», le mois dernier. Résultat: son clip a été vu 43 millions de fois. À l'heure où chaque disque vendu est une victoire, The Weeknd livre un second album de R'n'B sophistiqué, rythmé par un timbre de voix fascinant (un copycat de Michael Jackson). Qu’il cajole ou qu’il fasse danser, l'homme sait allier les grooves et les ficelles de la ballade pop, comme dans un «Prisoner» chanté en duo avec Lana del Rey. Plus loin, il injecte des piments de synthèse, des ruptures de tempo comme sur l'impeccable «Losers». Plus surprenant, «Dark Times» le voit chanter le blues avec le songwriter anglais Ed Sheeran. Intense, chic, suggestif. Une star est née.