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Chants Hébreux d’Israël et d’Orient
Hebrew songs from Israel and the Orient
Ora Sittner • Youval Micenmacher
(Chant)
(Percussions)
Lamidbar
(vers le désert)
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Chants hébreux d’Israël et d’Orient
On avait tant rêvé de cette terre, l’idée ne vous lâchait plus. Cette terre, et celle-là seule,
mettrait fin à l’ulcérante fatigue, à l’exil, sourires convenus, peur de déplaire, certitude de
déplaire. Il fut un temps, et cela dura des siècles, où l’amour de la terre d’Israël, obsédante
nostalgie, lubie, espérance vieillie, ne pouvait se dire qu’avec les mots de l’amour lointain.
Puis un autre temps arriva où l’idée s’accomplit. Certains trouvèrent des mots inégalables
:«l’objet de son désir éternel ne peut être assouvi que lorsqu’il se serre contre son pays, dans
l’étreinte» (Rav Kook).
L’année 70 de l’ère chrétienne, Israël quittait Israël. La terre d’Israël ne serait plus arpentée,
de l’extrêmité nord de Canaan jusqu’à Schem, de Beth El jusqu’au Neguev, comme on raconte
que Abraham le fit, pour signifier qu’il s’installait chez lui.
Le Temple détruit, le monde juif est en morceaux, en mouvement.
Ce malheur est une chance. Les Juifs circulent, se déplacent. Une communauté est en
danger ? Il y aura toujours des Juifs, plus loin. Le temps était désormais aux prières, aux
commentaires, aux explications, aux lectures publiques. Les rabbins s’écrivent, régissent,
éliminent, conservent, transmettent. Les mots de la religion, devinrent communs à tous, de
Vilna à Djerba, des marches de la Pologne jusqu’en Tunisie.
Pendant longtemps, il ne resterait que les mots.
La musique du culte s’était vue codifiée entre le 6° et le 10° siècle, par des signes placés
au-dessus du texte, les taamim. La voix qui va à Dieu trouve dans ses taamim matière à
intonations, ascendantes, descendantes, circonflexes. Les taamim fournissent la courbe à la
cantillation des prières, de la Loi écrite (Thora), des commentaires (le Talmud). Quelquefois,
ils renforcent ou indiquent une signification. Mais la décision mélodique appartient à celui
qui chante. Selon les influences environnantes, la diversité de la cantillation biblique sera
considérable.
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Sépharades, Ashkénazes,...
Après l’expulsion d’Espagne (1492), la répartition géographique de la diaspora ressemble à
ce qu’elle sera à la fin du siècle dernier.
Les communautés orientales du pourtour méditerranéen et du Moyen et Proche-Orient (aire
sépharade), sont les plus closes sur elles-mêmes, les plus stables; l’organisation de leur
monde musical pourrait ressembler à celui des temps anciens, il est en tout cas fort différent
des systèmes européens. Mélodie soumise à un texte au mètre libre, imprévisible. En attente.
Prête à se dérouler. Guirlande d’ornements. Texte entouré, enrobé, improvisations, volutes
infinies, structures vagues.
Parmi les communautés juives d’Orient, il faut faire une place à part à celle du Yémen (âge
d’or, XVII° siècle). Elle créa une poésie, une musique dont la renommée irait au-delà de la
seule péninsule arabique. L’aspiration au retour vers la patrie ancestrale s’y imprimait avec
précision, distinction, naturel. Un modèle, pour ceux qui, plus tard, créeront la musique de
la terre d’Israël.
Après l’expansion de l’Islam, dès le 7° siècle et durant tout le Moyen-Age, le culte s’était
ouvert à des poèmes chantés, les piyutim. Ces poèmes disaient l’amour de Dieu, et leur
manière avait convaincu. A côté des prières instituées et de la lecture cantillée de la Thora,
la liturgie laissait place à une expression personnelle. Ces piyoutim, dont ce disque offre de
sublimes exemples (Dror Iqra, Qyria Yéféfyia) donneront plus tard naissance à la musique
juive semi-religieuse et laïque.
Les communautés ashkénazes possèdent un mode de cantillation conforme aux échelles
scalaires “locales”. Leurs musiques de tous les jours se retrouveront dans le théâtre yiddish...
à la fin du XIX° siècle. Et sur la terre d’Israël.
Alyot
Fin du XIX° siècle, les premiers immigrants juifs débarquent dans le port arabe de Jaffo.
Une terre brûlée par le soleil, des mouches, des maisons arabes, des mendiants, beaucoup
de mendiants, le temps est ici arrêté. Saleté, éclairs de grâce de certains visages arabes. Une
histoire commence.
Première alya. Littéralement, première “montée”, première vague d’immigration vers Israël,
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dans la terminologie sioniste. Ces Juifs qui arrivent sur le port de Yaffo sont des personnes
déplacées, des fous, des intelliguents, comme on les appelle ici, (langage cruel, ce sont des
propres à rien). Beaucoup attendent le prochain bateau pour repartir.
Terre Sainte? A coup sûr vierge, inhabitable, orientale. Création des premiers établissements
agricoles juifs : Rishon le Zion, etc.
Deuxième alya, entre deux révolutions russes, 1905 et 1917. Alya collectiviste, premiers
kibboutzim, syndicats. Les pionniers. Encore des fous, des intelliguents, Russes, Roumains,
Polonais. Ils ont apporté les vieux airs de là-bas... Des chansons qui portaient en elles le venin
de la nostalgie. Chanter en yiddish ? Le yiddish fait sourire les jeunes générations. Plus de
place pour les temps anciens. Regarder devant soi. Vie nouvelle dans patrie nouvelle. Yiddish
? A peine acceptable, ici on parle hébreu.
Israël, Israël
Terre retrouvée, foulée aux pieds, travaillée. En fait de travail, de l’héroïque, du surtravail.
Ce bout du monde mise sur le travail pour contrer un excédent de mémoire, d’histoire, de
religion. Contours nets, il s’agit de changer. Une libération comme celle-là est irrépressible,
épique. L’idée devient culture, villes, champs cultivés, routes, langue. Quels sont vos titres à
vous installer ici? Historique patrie? Bible? Promesse historique? Réponse possible: «La terre
appartient à qui la rend meilleure » (Bertold Brecht).
Il ne faut pas plus d’une vingtaine, d’une trentaine d’années, à partir des années 20, troisième
alya, jusqu’en 1949, date de la création de l’Etat, jaillissent ici des chants et des danses, une
musique, comme il n’en n’existait pas auparavant.
Musiques d’Israël
Lithuanie, Koutchine, Boukhara, Djerba, Russie, Yémen. Les populations qui arrivent dans le
pays viennent de partout. «Cette fabuleuse richesse de mélodies, de communautés diverses,
il ne faut pas qu’elle devienne une bigarrure culturelle, pour ne pas être semblable au chant
des corbeaux, qui voulant imiter celui des oiseaux, ne chantaient ni corbeaux ni oiseaux».
Ovadia Touvia
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Question: ni corbeaux, ni oiseaux, la musique née en terre d’Israël, à quoi devait-elle ressembler?
Une question que ne se posent pas les compositeurs. Des intelliguents.
Il apparaissait évident, pour eux, que la musique d’Israël prît appui sur la réalité locale.
S’inspire de manières de chanter entendues par ici. Arabes ou bédouines (virilité, affirmation, ornements à l’orientale). Un peu d’Orient, juste ce qu’il faut. Un peu d’Occident, pas
trop, parce qu’on en vient, mais si on est là, c’est que l’on aime la simplicité. «Si tu veux la
richesse matérielle, va au Nord, si tu veux la richesse spirituelle, va au sud» (Talmud). Exit
l’Europe donc, ses alambics, ses richesses, ses complications... Certes, leurs mélodies seront
chantées par un yishouv en majorité encore d’origine européenne, certes les instruments qui
les accompagnent sont presque tous européens (accordéon, etc.), certes le texte des chants est
écrit à l’européenne, avec rimes et métrique.
Ont été entendu, ici ou là, quelques ney de berger. Le halil, version locale et si peu baroque de
la flûte à bec fera office de. S’ajoutent des instruments de percussion faits de peaux tendues
sur de la terre, qu’on appelle tof. Déjà qu’ils avaient l’Orient dans leur ligne de mire...Tof,
là depuis toujours. Signifie on ne peut plus nettement que l’on est en Terre d’Orient. Tof,
l’indispensable. Son timbre, sa frappe sèche, à mains nues, marquent l’ancrage. Les choses
par ici, prennent un rythme nouveau. Un rythme disons, syncopé...
Emmanuel Amiran, (Ki mi Tzion, Eretz Zavat Halav) Yedidya Admon (Hiné Ma tov), ou
cette miraculeuse exception, femme et yéménite, Sara Lévy Tanai (El Guinat Egoz, Shir
Ha noded), prennent la route. Shabbat, ils apprendront leurs chansons à ceux des vallées.
Il se trouvera toujours quelqu’un pour prendre le tof. Et on dansera. D’origine roumaine,
-hora- ou druze/ libanaise -debqa- la danse d’Israël: rythmée, mixte, repos du pionnier.
Rapport Orient/Occident, une tension. Le peuple juif, “peuple médiateur qui a acquis la
sagesse et l’art de l’Occident sans avoir perdu sa substance orientale originelle” (Martin
Buber).
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Folkloriques ?
Entre le télescopage de différentes cultures, le volontarisme, les bonnes intentions, le
risque était grand de l’amalgame, du syncrétisme, de l’hybridation («la tendance à surajouter
certaines caractéristiques d’un système à l’autre, Alain Daniélou»). Risque musical se
résumant dans le mot de folklore, rangées de danseurs, sourires figés, costume national,
reconstitutions en carton pâte, ballets d’Etat, et tutti quanti.
Mais ces chants visent juste. Simples, monodiques, sans apprêts, pleins de lumière, âpres, ce
qu’il faut de naïveté.
Le climat, le paysage, les hommes. Captés.
Les textes de ces chants? Sources diverses. Bibliques tout d’abord, (inclination pour “Le
cantique des cantiques”, qui célèbre amours, femme, Jérusalem, parfums d’Orient, et Israël
qui minaude comme fille, de savoir Dieu si près. Allons mon bien-aimé/ sortons dans les campagnes/ Dès le matin, nous irons aux vignes/ Nous verrons si les ceps ont fleuri/ Si le bouton
s’est ouvert... El Guinat Egoz; yéménites ensuite; ceux des poètes juifs (Bialik); des textes
écrits sur place, une poésie -disons- légère. «Le désert et les chameaux qui nous portent, sous
le scintillement des étoiles »(Orkha Bamidbar)...
Un Orient de toile peinte, des vers de mirliton...
Mais ils sont écrits, chantés en Eretz Israël. Travail, terre, agriculture, enracinement, routes,
l’antienne sioniste devient chanson de geste, brûlante, simple, douloureuse tant elle est la vie
même. Les roulements de pierres ne sont pas de simples roulements de pierres, les ânes ne
sont pas que des ânes. L’âne a les pieds posés sur la terre d’Israël. Les roulements de pierre
sont ceux du Galil. Très loin au sud, le Neguev. Le lac s’appelle Kineret. Splendeur des mots
hébreux. On peut pleurer en les écoutant...
Musiques “traditionnelles”, “ethniques” dit-on aujourd’hui. Comparé à folklore, c’est
plus digne, plus légitime, plus précis. Les musiques “traditionnelles”, authentiques
(le peuple?), ont été composées par des musiciens, dont le nom s’est perdu...
Ici, on sait par qui ces chants furent composés. C’était il n’y a pas longtemps. Et ils sont
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devenus le patrimoine de tous.
Est-il étonnant qu’une population se soit créée une tradition musicale au XX° siècle? Oui.
Une chance infinitésimale. Ces chants ne sont pas hybrides. Beauté sublime dûe à ce que
l’ethno-musicologue Alan Lomax appelait “cross fertilization”: la fertilisation réciproque
des styles, et Guy Hocqeingeim, la beauté du métis.
La musique? Nul autre que Max Brod, l’ami “sioniste” de Kafka, ne l’aura mieux décrite.
«Musique méridionale, baignée de la lumière éclatante de l’air mditerranéen, lucide,
aspirant à la clarté; le rythme a la rudesse du temps irrégulier, la répétition obstinée, mais
aussi la variation multiple, incessante. La structure du mouvement est linéaire, à l’unisson,
ou du moins n’est pas surchargée polyphoniquement. Influence exercée par les mélodies des
Juifs yéménites. Climat et paysage, chant de berger... Accompagnement des timbales ou du
tambour, caractère étrangement monotone, même hypnotique ».
Ora Sittner, Youval Micenmacher
Ils y sont revenus. A ces chants, dans lesquels ils furent plongés dès l’enfance, l’une en
Israël, l’autre au Dror, 11° arrondissement, où les chants hébreux apprenaient aux jeunes
générations l’amour de la Terre d’Israël.
Relecture, comme on dit dans les revues de jazz, à deux, homme et femme, chants et peaux
frappées.
Entre eux, pas d’instruments harmoniques.
La voix seule, et le tof, zarb, bendir, daf, etc.
Dans l’immense répertoire, ils ont choisi les chants qui allaient le mieux. Il s’avéra qu’il
s’agissait de chants d’Orient.
Piyoutim, poèmes sacrés, il faut commencer par eux; ils disent dans quel extrême de la
beauté, dans quelle exaltation sensible, jusqu’à quelle brûlure va l’amour de Dieu. Beauté
mélodique de Dror Iqka, l’unique, chant de shabbat, langueur, dureté. Autre merveille,
extraite du fond de l’histoire juive, Qyria Yéféfyia, paroles de Zakaria Aldahari, poète
mystique, poète de la Terre d’Israël.
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Chants yéménites. La pureté des miniatures, la préciosité brûlante de Seï Yona, chanté par
Ora Sittner seule. Mahmad Lévavi, autre brillant yéménite, où Youval mêle timbres, jarre et
tof frotté, et fait sortir, à force de sobriété, un Orient intérieur, raffiné, comme suspendu. El
guinat egoz, jusqu’où peut-on dire en frappant? (Youval). Pas d’effets. Pas de virtuosité. La
percussion, comme un écho de la voix..
Chants de bergers. Hiné hahallela, Im Hachahar, Lamidbar. Ceux-là datent des années 30.
Voix pure, jeu âpre, pas de naturalisme, rien qu’une tendresse quelque peu rudoyante, de
l’humour.
Debqot druzes. Debqa Rafiah Debqa Habaya, Debqa HaHamor. Un style, la virilité comme
un sourire.
Deux, donc. L’expérience nue. Une voix, un coup. Une voix quasiment seule, livrée à
elle-même, donnée à nous-mêmes, la percussion qui va son chemin, personne n’accompagne
jamais personne.
Pas de prétention, pas de précaution. L’anti-folklore.
Les protestants parlent de l’écriture seule.
Ici, chants seuls.
Philippe Gumplowicz
Sources:
Lahat (Avner), Rencontre Orient-Occident dans la musique israélienne; Thèse de doctorat,
Jacques Chailley, UER Musique et Musicologie, Paris, 1964
Smoira-Cohen (Michal), Aspects of Israeli folk song, in 20 years of Israeli Music, Tel Aviv,
S.D.
Dictionnaire Encyclopédique du Judaïsme Sous la direction de Sylvie Anne Goldberg pour
l’adaptation française. Éditions du Cerf. Paris 1993.
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Hebrew songs from Israel and the Orient
We dreamt so hard of that land, we couldn’t get it off our mind. That land, and that land
alone, would put an end to the excruciating fatigue, to the exile, the stiff smiles, the fear of
displeasing, the certainty of displeasing. There was a time, that lasted for centuries, when the
love for the land of Israel, an obsessive nostalgia, whim, tired hope, could only be expressed
with the words of distant love. Then came a time when the idea became reality. Some found
unequalled words: the eternal desire can not be satisfied until he holds his country close, in
an embrace (Rav Kook).
In the year 70 of the Christian era, Israel left Israel. The land of Israel would no longer be
travelled, from the northern extremity of Canaan to Schem, from Beth El to Neguev, in the
way that Abraham did, to indicate that he was making his home.
Once the Temple had been destroyed, the Jewish world was in pieces, in motion.
There was luck in this misfortune. The Jews travelled and moved around. If one community was in danger, there were always more Jews, further on. It was now time to pray,
comment, explain, give public readings. The Rabbis wrote to each other, managed, eliminated,
preserved, transmitted. The words of the religion became common to all, from Vilna to
Jerboa, from Poland to Tunisia.
For a long time, only the words would remain.
Between the 6th and 10th centuries, a code was applied to the music of this religion using
signs being placed above the texts, the taamim. The voice addressed to God finds the indications for intonations to be used, ascending, descending, circumflex. These taamin draw
the line of the cantillation of prayers, of the written law (Thora), the comments (Talmud).
At times, they strengthen or indicate a meaning. However, the choice of the melody belongs
to the singer. There can be great diversity in biblical cantillation, depending on the singer’s
background and environment.
Sepharades, Ashkenazes...
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The geographic spread of the Diaspora, following the eviction from Spain in 1492, remained
much the same until the end of the last century.
The Oriental communities of the Mediterranean basin and the Middle and Near East (sepharade air), are the most introverted, the most stable; The organisation of their musical world
bears resemblance to that of ancient times. In any case it is very different from European
systems. A melody in a free, unpredictable verse. Waiting. Ready to unfold. A garland of
ornaments. Embellished lyrics, improvisations, infinite volutes, vague structures.
Among the Jewish communities of the Orient, the one in Yemen holds a place of its own
(golden age in the seventeenth century). This community created a poetry, a music, that is
renowned beyond the Arab peninsula. The yearning for the lost fatherland is clearly and
naturally imprinted. It later served as a model for those who created what became the music
of the land of Israel.
After the expansion of Islam, from the seventh century and throughout the Middle Ages, the
Jewish cult opened itself to poems that were sung, called piyoutim. These poems told of the
love of God, and were rapidly adopted. Alongside the traditional prayers and chanting of
the Thora, the religious service left room for personal expression. Later, these piyoutim, of
which this recording offers brilliant examples (Dror Iqra, Qyria Yéféfiya), gave birth to the
semi-religious and secular Jewish music.
The cantillation practised in ashkenaze communities conforms to “local” scalar units. Their
non religious music found its place in Yiddish theatre... at the end of the nineteenth century.
And in the land of Israel.
Alyot
At the end of the nineteenth century, the first Jewish immigrants landed in the Arab port of
Jaffa. A land burned by the sun, flies, Arab houses, beggars, many beggars. Time had stopped
here. Filth, except for a few handsome faces. A story begins.
First alya. Literally, first “rise”, the first wave of immigrants to Israel, so-called in the
Zionist terminology. These Jews who arrived in the port of Yafo are displaced persons, mad,
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called sarcastically “intelliguents” by the locals (cruel language, good for nothing). Many
waited for the next boat to go back where they came from.
The Holy Land? Certainly virgin, uninhabitable, oriental. The first Jewish agricultural
establishments were created: Rishon the Zion, etc.
Second alya, between the two Russian revolutions of 1905 and 1917. A collectivist alya, the
first kibbutzim, unions. The pioneers. More madmen, intelliguents, Russians, Romanians,
Polish. They brought their old tunes from their native lands... Songs that carried the venom
of nostalgia in them. To sing in Yiddish? Yiddish made the younger generations smile. No
more room for the olden times. To look ahead. A new life in a new land. Yiddish? Hardly
acceptable, Hebrew is spoken here.
Israel, Israel
A new found land, trodden, worked. As far as work goes, heroism, superhuman work. This
bit of the world puts everything into work to fight against a surplus of memory, history,
religion. Clear boundaries, its time to change. Such freedom is irrepressible, epic. The idea
develops into culture, cities, ploughed fields, roads, language. By what right do you settle
here? Historical homeland? The Bible? A historical promise? A possible response: The land
belongs to those that make it better (Bertold Brecht).
It took but twenty or thirty years, then came the third alya starting in the 1920s and lasting until 1949, when the State was created. Songs and dances, a completely new music
emerged.
Music of Israel
Lithuania, Koutchine, Boukhara, Jerboa, Russia, Yemen. People arrived in the country from
everywhere. This fabulous wealth of melodies from the multitude of communities needed to
be preserved from becoming a cultural mish-mash, so as not to resemble the song of crows,
that wanting to imitate the song of other birds, sang neither like crows nor birds. Ovadia
Touvia.
Question : neither crow, nor birds, what should the music born in the land of Israel
sound like?
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Composers do not ask this question. They are intelliguents.
It seems clear to them that the music of Israel relies on local realities and is inspired by
the local styles of singing. Arab or Bedouin (virility, affirmation, Oriental ornamentation/
embellishment). A touch of Orient, just the right amount. A little bit of the west, but not too
much, because that is where they come from, but if they are here, it is because they like
simplicity. If you want material riches, then go to the North, if you want spiritual riches,
then go to the south (Talmud). Exit Europe, their riches, complications... True, the melodies
are sung by a yishouv, most of whom are still of European origin. True, the accompanying
instruments are almost all European (accordion, etc.). True, the lyrics are written in
European style, rhyming and measured.
Here and there a shepherd’s flute was heard. The halil, local simplified version of the
recorder takes its place. Percussion instruments are added, made of skin stretched over
earthenware, called tof. Already the music was heading for the Orient. The tof, an ancient,
instrument, clearly indicates that we are in the Orient. Tof, indispensable. Its tone, a dry
beating with the bare hands, throw the anchor. Here the rhythm takes a turn, becomes
syncopated...
Emmanuel Amiran (Ki mi Tzion, Eretz zaavat Halav) Yedidya Admon (Hine Ma tov), or that
miraculous exception, a Yemenite woman, Sara Levy Tanai (El Guinat Egoz, Chir Hanoded)
take to the road. Shabbat, they take their songs to those who live in the valleys. There is
always someone there to play the tof. And there will be dancing: from Romania - hora - or
Druze/Lebanese -debqa- the dancing of Israel: rhythmic, mixed, the pioneer’s rest.
The Orient/West relationship, tension. The Jewish people, “a mediating people that has
acquired the wisdom and art of the west without having lost its original oriental substance”
(Martin Buber).
Folklore?
There was a great risk of amalgamation, syncretism, and hybridisation (tendency of piling
certain characteristics of systems on top of one another, Alain Daniélou) in the telescoping
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of different cultures, voluntarism, and good intentions. The risk involved for music can be
resumed in one word: folklore, a line of dancers with frozen smiles, traditional dress,
cardboard backdrops, State ballets and tutti quanti.
But these songs came out all right. Simple, monadic, unaffected, full of light, rough, with just
a touch of naiveté.
The climate, the countryside, the people. Captured.
The lyrics of these songs? Various sources. First of all Biblical, (inclination for the “chants
of all chants”, that celebrates love, women, Jerusalem, smells of the Orient, and Israel simpering like a girl, to know that God was so close. Come my love/Let us leave the countryside/
Early in the morning, we will go to the vineyards/We will see if the vines have bloomed/If the
bud has bloomed... El Guinat Egoz); Then Yemenite; the lyrics of Jewish poets(Bialik); texts
written locally, what you could call “light” poetry. The desert and camels carry us under the
shining stars (Orkha Bamidbar)...
A painted backdrop of the Orient, trashy verse...
But they are written and sung in Eretz Israel. Work, land, agriculture, roots, roads, the zionist
anthem turned into a song of gesture, burning, simple, painful, so close to life itself. Rolling
stones are no longer just rolling stones, donkeys are no longer just donkeys. The donkey’s
hooves are resting on the land of Israel. The rolling stones are those of Galil. Very far to
the south, the Neguev. The lake called Kineret. Splendor of Hebrew words. They can make
you cry...
Today, we say “traditional” or “ethnic” music. This is more dignified than folklore, more
legitimate, more precise. Authentic “traditional” music (of the people?) is compsed by
musicians whose names have been forgotten...
Here, we know who composed the songs. They were composed not so long ago. And they now
belong to everyone.
Is it surprising that a population created a musical tradition in the twentieth century? Yes.
There was a chance in a million. These songs are not hybrids. Sublime beauty created from
what Alan Lomax, ethno-musicologist, called cross-fertilization, and what Guy Hocqeingeim
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described as the beauty of mixing.
Music? None other than Max Brod, Kafka’s zionist friend, would have described it any better.
“Music from the south, bathed in the brilliant light of the Mediterranean air, lucid, reaching
for the light; the rhythm and roughness of an irregular tempo, obstinate repetition, but
multiple, endless variations. The movement follows a linear structure, in unison, or at
least not overladen polyphonically. Influenced by Yemenite Jewish melodies. Climate and
countryside, shepherds song... Accompanied by kettle drums or other drums, a strange
monotonous sound, almost hypnotic.
Ora Sittner, Youval Micenmacher
They came back to these songs, which were part of their childhood, one in Israel, one in
Dror, 11th district, where Hebrew songs taught the young generations of the love for the
land of Israel.
Rereading, like they say in jazz, by two people, a man and a woman, singing and the beating
of a skin drum.
The voice alone, the tof, zarb, bendir, daf, etc.
They chose from this immense repertory, the songs that fit the best. It turns out these were
songs from the Orient.
Piyoutim, holy poems, we have to start with them; they tell to what extreme beauty, to what
extent of exaltation, to what burning goes the love of God. Melodious beauty of Dror Iqra, the
unique song of the shabbat, languor, harshness. Another marvel, from the depths of Jewish
history, Qyria Yéféfiya, lyrics by Zakaria Aldahari, mystical poet, poet of the land of Israel.
Yemenite songs. The purity of miniatures, burning preciousness of Seï Yona, sung solo by Ora
Sittner. Mahmad Levavi, another brilliant Yemenite, in which Youval mixes snares, jars and
brushed tof, and, through the strength of moderation, brings out an interior, refined Orient,
as if suspended. El guinat egoz, how far can you go in beating? (Youval). No effects. No
virtuosity. The percussions, like the echo of a voice... Shepherds songs. Hine Hahallela, Im
hachahar, Lamidbar. Those date from the 1930s. A pure voice, rough playing, no naturalism,
nothing but a rough tenderness, humor.
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Debqot druzes. Debqa Rafiah Debqa Habaya, Debqa Hahamor. A style, virility like a smile.
Therefore two. Naked experience. A voice, a beat. A voice almost alone, on its own, offered
to us, the percussion goes on its own way, neither is accompanying the other.
No pretense, no precaution. Anti-folklore.
Protestants talk of writing alone.
Here, singing alone.
Philippe Gumplowicz
Sources:
LAHAT (Avner), Rencontre Orient occident dans la musique israélienne, Doctorate thesis,
Jacques Chailley, UER Musique et Musicologie, Paris 1964
SMOIRA-COHEN (Michal), Aspects of Israeli folk song, in 20 years of Iraeli Music, Tel
Aviv, S.D.
Dictionnaire Encyclopédique du Judaïsme. Adapted in French under the direction of Sylvie
Anne GOLDBERG, Editions du Cerf, Paris 1993.
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Berr Bassadé
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Lamidbar
Vers le désert
Vers le désert, les chameaux nous porteront, sur leur dos,
A leurs cous, tinteront grands grelots
Vers le désert, emportez-nous, emportez-nous
Li, Li, Li, Li, Li, Li,Li, Li, Li,
Surtout, ne jouez pas de la flûte, les bergers sommeillent,
Et dans la nuit, sur les sentiers, les étoiles scintillent,
Vers le désert, emportez-nous, emportez-nous
Li, Li, Li, Li, Li, Li, Li, Li, Li.
Im Hachahar
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El Guinat Egoz
Cantique des cantiques
Au jardin des Noyers, j’étais descendu
Pour regarder les pousses du torrent
Pour voir si la vigne avait bourgeonné
Si les grenadiers étaient en fleurs.
Allons, mon bien-aimé, sortons dans les campagnes,
Passons la nuit dans les hameaux,
Dès le matin, nous irons dans les vignes,
Nous verrons si les ceps ont fleuri,
Si le bouton s’est ouvert.
Lèves-toi, Aquilon,
Et viens, Antan
Souffles sur mon jardin,
Et que ses baumes ruissellent !
Que mon bien-aimé vienne en son jardin
Et qu’il mange de ses fruits exquis.
Qu’as tu donc mon bien-aimé de plus qu’un autre ?
O la plus belle des femmes !
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Debqa Hahamor
La danse de l’âne
Hiné Hahallela
Le chant de la flûte
L’homme écoutera, le troupeau prêtera l’ouïe
A mon chant, à mon allégresse.
Son maître,
Le bœuf le connaît.
L’âne, l’âne aussi le connaît,
L’âne qui, tout autant sait,
La mangeoire du maître.
Aussi ne vous étonnez pas, amis,
A l’écoute du récit
Sur un âne dompté
Le chevreau a quitté le troupeau,
Pas sans raison, pas sans raison,
Car il est venu vers ma tente,
Alors que j’allais à la tâche...
Un village répond à un autre village.
Tous parlent de lui,
Sous le figuier sauvage,
Sous le palmier, aussi,
Tous les fils de l’Orient parlent de lui.
Le chevreau s’est frotté, doux, la tête,
Contre les cordes de mon violon
Et les pans de ma tente.
Je t’en prie, dis-moi, mon frère :
Un chevreau égaré trouvera-t-il un abri ?
Avec l’aube, le paysan,
aux champs s’en est allé
Et l’âne, tout autant,est allé,
Avec sur son dos, la jarre,
Puiser l’eau de la source.
Me voici, jouant de la flûte...
L’Effendi, à la panse bien pleine,
Court à la ville.
Et sur le dos du bûcheron,
De nouveau, charge l’âne...
Me voici, jouant de la flûte
Dans le silence de la nuit.
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Chir Hachomer
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Debqà Rafiah
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Seï Yona
Prens ton vol, ma colombe
Prends ton vol, ma colombe,
Prête-moi l’oreille :
Joue du violon,
Emets des cris de joie et chante,
Regarde, hâte-toi,
Ne te retourne pas
Vers le chemin de la perte (bis)
Prends des provisions, et partons,
Nous dégusterons et nous nous rassasierons,
Nous boirons aux sources de la sagesse,
Nous jouerons d’la lyre,
Et ton chant s’élèvera.(bis)
Lève-toi, lève-toi, hâte-toi, ma colombe
Prépare ton trousseau.
Nous entrerons dans le jardin,
Tu grimperas sur le palmier,
Te saisiras de ses branches,
Et mangeras de ses fruits.
Hâte-toi, revêts tes plus belles parures,
Mets du fard sur tes joues,
Et ta beauté resplendira en elle.
Mets un anneau à ton nez,
Et des boucles à tes oreilles.
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Mahmad Lévavi
Délice du cœur
L’oiseau retiendra-t-il son chant,
Quand au Zénith, le soleil cesse sa course ?
Et le parfum de sa robe, la fleur précieuse
L’enferme-t-elle, à l’heure du prodige enfant du printemps ?
Eh bien oui! Délice de mon cœur
Tu tiendras prisonnière la nostalgie,
Quand, entre chien et loup, à l’entrée de la tente,
Ma voix s’élève joyeuse.
Le vallon s’enfuira-t-il de la montagne ?
Et la rivière se dérobera-t-elle à l’océan ?
Le jour n’est-il pas frère de la nuit ?
Et la lune n’est -elle pas l’enclos de la rêverie ?
Eh bien, oui ! délice de mon cœur,
Tu tiendras prisonnière la nostalgie,
Quand , entre chien et loup, à l’entrée de la tente
Ma voix s’élève joyeuse.
Orkha bamidbar
Désert et caravane
De droite et de gauche, du sable rien que du sable,
Dans le désert jauni qu’aucun sentier ne trouble.
De droite et de gauche, du sable rien que du sable,
Dans le désert jauni qu’aucun sentier ne trouble.
Passe une caravane, silencieuse elle avance,
Comme là-bas, l’image merveilleuse d’un songe,
Comme un son faible puis vibrant, en rythme,
Les chameaux avancent au sein du morne paysage.
Din-dan, din-dan, c’est le chant de l’errance,
Du fardeau silencieux, de la marche tranquille.
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Ora Sittner
Youval Micenmacher
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