Un art de la réalité

Transcription

Un art de la réalité
Un art de la réalité
Les premières fictions de « télé-vérité »
ou la télévision par excellence
Gilles Delavaud
Université de Paris VIII
En même temps que la fiction télévisuelle se développe, à la fin des années
1950 et au début des années 1960, comme un art de studio, une seconde
voie est explorée où elle cherche à s’affirmer comme un art de la réalité. Cet
article expose, à travers l’analyse de trois émissions (Si c’était vous,
Qu’en pensez-vous ? et Jeux de société), les étapes de la recherche
menée dans cette seconde direction. Il montre comment auteurs et réalisateurs, convaincus que filmer « l’homme ordinaire » est la vocation propre
de la télévision, ont été conduits à des propositions narratives et esthétiques
inédites.
« Il serait trop beau que les arts éclos en notre siècle
fussent promis d’emblée au sublime. »
É. Rohmer (à propos de la télévision, 1960) 1
À la Télévision française, au début des années 1950, l’idée selon laquelle
la télévision aurait une affinité particulière avec le réel est unanimement
partagée 2. Ce n’est toutefois qu’en 1957, avec la série Si c’était vous,
qu’apparaissent – à côté des adaptations théâtrales et des reconstitutions historiques réalisées en direct – les premières fictions abordant
des thèmes contemporains et explicitement centrées sur des problèmes
de société. André Bazin, qui admire ces émissions sans réserve, y voit
immédiatement la confirmation « qu’il existe un style télévision qui est
1
2
Cahiers du cinéma. Nº 112, octobre 1960, p. 60.
Dans les années 1960, ce point de vue est également celui de JeanChristophe Averty pour qui la « vérité » de la télévision c’est, non pas la
dramatique culturelle réalisée en studio, mais, d’un côté, « ce qui vient de
l’extérieur, le “cinéma-vérité” » (dont personnellement il se désintéresse),
de l’autre, l’électronique. (Cf. J. Siclier, Un homme Averty, Jean-Claude
Simoën, 1976, p. 42.)
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d’abord affaire de sujet et de texte avant même que de mise en
scène » 1.
1. Le sujet et le texte
Le sujet et le texte sont la grande préoccupation, depuis 1956, du
directeur des programmes, Jean d’Arcy, et du nouveau responsable des
émissions dramatiques, André Frank. Tous deux sont convaincus que le
développement de la dramatique passe par l’écriture de textes originaux,
donc par la découverte de nouveaux auteurs. D’une visite à la télévision
anglaise, d’Arcy rapporte le projet de « dramatiques d’actualité » 2. Il
prospecte chez les éditeurs parisiens à la recherche d’écrivains intéressés
par la télévision et fait la connaissance du dramaturge et romancier
Marcel Moussy. D’Arcy met en relation Moussy et Marcel Bluwal qui,
de son côté, après de nombreuses mises en scène de pièces du répertoire 3, souhaitait explorer les possibilités d’un théâtre réaliste. Ainsi naît
ce qui restera comme une collaboration exemplaire entre un auteur et
un metteur en scène de télévision.
Comment Bluwal en vient-il à proposer à Marcel Moussy d’écrire « des
cas sociaux dramatisés » 4 ? Sa motivation première n’est pas, contrairement à ce qu’on a souvent dit, politique mais esthétique : « balançant » régulièrement, comme il le reconnaît lui-même, entre théâtralité
et réalisme 5, il compte sur ce type de sujet pour s’approcher, dans la
mise en scène télévisuelle, du réalisme cinématographique. Qu’une telle
voie mérite d’être explorée, il y est par ailleurs encouragé par l’exemple
américain. Même s’il n’a pas encore eu l’occasion de voir la télévision
aux États-Unis, il sait que le film Marty, qui a obtenu la Palme d’or au
Festival de Cannes en 1955 ainsi que quatre Oscars à Hollywood la
même année, est un remake d’une dramatique en direct de 1953 écrite
par Paddy Chayefsky, l’auteur le plus fameux de la télévision américaine 6. Il s’est procuré le recueil des pièces écrites pour la télévision par
1
2
3
4
5
6
Radio-Cinéma, 29 décembre 1957.
Jean d’Arcy parle, propos recueillis par F. Cazenave, INA-La Documentation
française, 1984, p. 39.
Aussi bien Labiche et Beaumarchais que Gogol, Synge, O’Neil…
M. Moussy, entretien paru dans le Bulletin du Comité d’histoire de la télévision.
Nº 13, janvier 1986, p. 20.
Cf. M. Bluwal, 1974 : 141-142, 186-187. Un aller. Paris : Stock.
Marty, interprété par Ernest Borgnine, est le premier film de Delbert Mann.
Produit à Hollywood en 1955, c’est un remake fidèle de la dramatique en
direct que D. Mann avait lui-même dirigée en 1953 pour la chaîne NBC,
avec Rod Steiger dans le rôle principal ; le film de 1955 est artistiquement
très inférieur à la dramatique de 1953.
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Chayefsky et il les fait lire à Moussy 1. Celui-ci reconnaît immédiatement dans ces textes des thèmes et un traitement dramatique qui lui
semblent remarquablement appropriés aux potentialités expressives de
la télévision 2.
Marty est l’histoire d’un boucher de trente-six ans qui vit seul avec sa
mère dans le quartier italien de New York. Se sachant peu séduisant, il
s’est résigné à rester célibataire. Cependant, exaspéré par l’insistance de
sa mère et de son entourage pour qu’il se marie, il va un samedi soir au
dancing et fait la connaissance d’une institutrice qui vit la même expérience que lui. Malgré son appréhension, les réticences de sa famille et
les réflexions désobligeantes de ses amis, il décide de saisir sa chance.
Dans une postface à l’édition américaine de ses textes dramatiques
écrits pour la télévision 3, Chayefsky a remarquablement explicité les
raisons pour lesquelles une telle histoire convient au petit écran. Son
point de vue rejoint l’intuition de Bazin selon laquelle le « style » télévisuel est d’abord affaire de sujet et de texte :
« Marty représente à sa façon le genre de sujet qui passe le mieux
à la télévision. Il traite du monde terre à terre, ordinaire, et non
théâtral. Les principaux personnages sont typiques plutôt
qu’exceptionnels ; les situations sont aisément reconnaissables
par les spectateurs ; et les rapports entre individus aussi banals
que les individus eux-mêmes. L’essence de ce spectacle réside
dans sa réalité littérale. Je me suis efforcé d’écrire mon dialogue
comme si je l’avais enregistré au magnétophone. J’ai essayé
d’imaginer les scènes comme si une caméra avait été braquée sur
quelques personnages à l’improviste et les avait surpris à un
moment de leur existence inaltéré par le regard d’autrui. » 4
Chayefsky ne parle pas de réalité brute, mais de « réalité littérale » (« literal reality »). L’expression a le mérite de laisser entendre que, dans
l’œuvre dramatique telle qu’il la conçoit, l’exigence attachée au choix du
sujet est indissociable de l’exigence liée au texte dialogué. (Le modèle
implicite pourrait en être les conversations saisies sur le vif de la célèbre
1
2
3
4
M. Moussy, Bulletin du Comité d’histoire de la télévision, p. 20. Première édition
des textes de Chayefsky : Television Plays, New York, Simon and Schuster,
1955.
« Propos sur la télévision », par A. Bazin et M. Moussy, Cahiers du cinéma.
Nº 90, décembre 1958, p. 21.
The Collected Works of Paddy Chayefsky : The Television Plays, Applause Books,
New York, 1995.
P. Chayefsky, « L’écrivain de télévision », Cahiers du cinéma. Nº 90, décembre
1958, p. 29-30. Cet article, dont la source n’est pas mentionnée, est un
montage d’extraits de plusieurs textes tirés de The Television Plays.
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émission Candid Camera 1 qui débute à la télévision en 1948). La présentation que fait Chayefsky de ce nouveau genre dramatique est d’autant
plus éclairante que, tout en reconnaissant sa dette envers le théâtre
réaliste américain et le cinéma néo-réalisme italien, il prend en compte
la spécificité du spectacle télévisuel par rapport au spectacle théâtral ou
au spectacle cinématographique et qu’il en tire toutes les conséquences
sur le plan de la conception comme sur celui de l’écriture :
« Ce genre de littéralité méticuleuse est quelque chose qu’on ne
peut obtenir dans aucun autre mode d’expression. À la scène la
réalité est une chose hautement synthétisée. L’approche la plus
poussée qu’on ait obtenu de la réalité à la scène, je l’ai vue dans
La mort d’un commis voyageur, mais même cette pièce extraordinaire
faisait entrer en ligne de compte un suicide et un incident au
cours duquel le fils découvre son père dans une chambre d’hôtel
en compagnie d’une femme autre que sa mère. Ce sont là des
éléments dramatiques excellents, mais ils ne se produisent pas
quotidiennement dans la vie de la classe moyenne inférieure. En
écrivant une pièce, il est nécessaire d’imaginer des moments de
théâtre excitants. Vous pouvez écrire sur des gens de tous les
jours, mais le spectateur les voit dans des circonstances exceptionnelles et non typiques.
À un moindre degré, cela est également vrai du cinéma, spécialement des films américains. Voleur de bicylettes, le chef-d’œuvre
italien, s’attache à décrire une journée ordinaire d’un chômeur
d’aussi près que le permet le cinéma ; mais même ce film exigeait
un certain degré d’urgence dans l’incident choisi. La plupart des
films, même les meilleurs, sont basés sur quelque incident extraordinaire et sur un personnage exceptionnel.
À la télévision, pourtant, on peut faire les mêmes analyses d’un
caractère ou d’un milieu social avec les personnages les plus
familiers et dans les situations les plus ordinaires. J’ai voulu écrire
avec Marty la plus banale des histoires d’amour. » 2
Même si les émissions de la série Si c’était vous ne sont pas des histoires
d’amour, elles correspondent assez exactement à la conception de
Chayefsky. Marcel Moussy, comme l’auteur américain, loin de s’en tenir
à une analyse de caractère, prend soin de décrire avec beaucoup de
précision l’environnement des protagonistes, et en premier lieu leur
milieu familial, tout en mettant l’accent sur les déterminations sociales
et culturelles, le plus souvent liées aux différences de classe, qui pèsent
sur eux.
1
2
Importée de la radio et initialement intitulée Candid Microphone, l’émission
prend le titre définitif de Candid Camera en 1949.
P. Chayefsky, « L’écrivain de télévision », ibid.
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Dans un premier temps, Bluwal et Moussy avaient envisagé d’aborder
des problèmes comme la pénurie de logements, la prostitution, la
concentration industrielle, l’adaptation aux techniques nouvelles, le
syndicalisme… ; mais ils comptaient surtout sur le courrier des
téléspectateurs pour leur suggérer, à la suite des premières émissions,
d’autres sujets. La série ne comportera finalement que quatre émissions,
diffusées entre octobre 1957 et juin 1958. La première émission, Délinquance juvénile (octobre 1957) est le récit de la découverte progressive par
un père, M. Montel, cadre dans une usine, du comportement délinquant
de son fils. L’action se déroule sur une journée au cours de laquelle
nous accompagnons M. Montel dans son enquête. Ponctuée de nombreux flashbacks, elle fait intervenir diverses personnes de l’entourage de
l’adolescent qui, par leurs témoignages successifs et leurs comportements, permettent de mettre en évidence la responsabilité des adultes
dans ce conflit de générations. La deuxième émission, Le logement (novembre 1957), nous fait partager le drame d’un jeune couple marié
depuis trois ans et obligé, en raison de la crise du logement, de vivre
provisoirement chez les parents. L’accent est mis sur le retentissement
de cette situation sur la vie du couple dont les rapports se dégradent de
plus en plus (on reconnaît dans ce problème de la cohabitation entre
parents et enfants mariés l’un des thèmes secondaires de Marty). La
troisième émission, Étudiant en médecine (mars 1958), décrit les difficultés
d’un étudiant, d’origine modeste, dont les études et le projet de mariage
avec une étudiante d’origine bourgeoise vont être compromis lorsque le
père du jeune homme se retrouve au chômage. La quatrième émission,
Jeune fille de province (juin 1958) raconte le retour dans son village d’une
jeune fille montée à Paris un an plus tôt ; retour douloureux puisque
l’héroïne, enceinte et seule, se heurte à l’incompréhension de sa mère et
du mari de sa sœur. Plusieurs thèmes ici s’entrecroisent : l’attirance vers
la capitale, la crise du logement et de l’emploi en région parisienne, les
insuffisances de la formation professionnelle, le problème de l’avortement, l’influence néfaste de la presse du cœur…
On voit que toutes ces fictions, qui montrent des personnages familiers
dans des situations ordinaires (même s’il s’agit de moments de crise),
sont non seulement des « drames intimes » comme le préconisait
Chayefsky – « “intimes” signifiant des études minutieusement détaillées
des petits moments de l’existence » 1 – mais aussi, comme le voulait
d’Arcy, des dramatiques d’actualité. Ainsi, le conflit de générations
qu’illustre Délinquance juvénile fait directement écho aux nouvelles
exigences de la jeunesse de la fin des années 1950 ainsi qu’aux inquiétudes liées au phénomène de ce qu’on n’appelle pas encore les « blousons noirs » et qui va bientôt défrayer la chronique. Dans la seconde
partie de l’émission, qui suit la diffusion de la dramatique, Jean Thévenot fait d’ailleurs explicitement le rapprochement entre ces deux
1
Cahiers du cinéma. Nº 90, décembre 1958, p. 28.
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aspects : il cite d’abord « une statistique du Ministère de la justice qui nous
apprend que la délinquance juvénile qui était en régression depuis 1949 tend au
contraire à connaître une certaine recrudescence depuis 1955 » (les vols de scooters,
notamment, sont en augmentation), puis il mentionne une autre statistique concernant les « besoins » des jeunes, leur « fureur de vivre » :
« Les mineurs, en France, pour 1957, nous dit-il, auront acheté pour 8 millions
de disques microsillons ; ils seront aussi ceux qui auront payé un quart des recettes
de cinéma, et 1 million de scooters auront été vendus cette année à des moins de
21 ans ». De même, Le logement aborde l’un des problèmes cruciaux de la
France d’après-guerre. Le sujet, qui avait donné lieu en 1955 à un
remarquable documentaire de Jean Dewever (La crise du logement, Prix
Louis-Lumière, 1956), est si brûlant que la Télévision diffusera, quelques mois après l’émission de Moussy et Bluwal, à une heure de grande
écoute, une série d’entretiens avec le ministre de la construction, Pierre
Sudreau, destinés à provoquer une prise de conscience et à convaincre
les Français du bien-fondé de la nouvelle politique d’urbanisme (création de villes nouvelles en région parisienne) et d’aménagement du territoire. Le fait que Si c’était vous ait su aborder ces différents sujets est
d’autant plus remarquable que, comme le souligne le critique Roland
Dailly, « c’est uniquement par ce biais qu’ont été évoquées avec sérieux,
à la télévision, deux plaies de la France présente, l’état du logement (un
bon demi-siècle de retard sur l’ensemble des pays du nord et du nordouest européens) et (bien qu’avec, inévitablement, la plus grande discrétion) les avortements » 1.
2. Le personnage et le spectateur
Cependant, la qualité de la série, son caractère exemplaire, tiennent
essentiellement au mode de traitement des sujets. C’est ce qui, après le
choix du sujet, frappe Bazin lors de la première émission : le problème
de la délinquance juvénile n’est pas seulement abordé avec « franchise »
et « intelligence », l’émission témoigne, sur le plan de l’écriture, d’un
talent qui n’a rien à envier à celui des auteurs les plus réputés du cinéma
français : « Les dialogues de Moussy notamment valaient sûrement ceux
de Charles Spaak dans Avant le déluge 2. Nous n’avons jamais eu l’impression d’une œuvre de circonstance, d’une pièce à thèse écrite pour
illustrer une démonstration. Cela avait la pénétration et le style d’une
œuvre authentique. » 3
Au cours d’un entretien publié dans les Cahiers du cinéma, Bazin redira à
Moussy son étonnement que ce dernier ait réussi, quels que soient les
1
2
3
Radio-Cinéma, 5 octobre 1958.
Film d’André Cayatte, 1954.
Radio-Cinéma, 13 octobre 1957.
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sujets abordés, à les envisager à chaque fois sous leurs différents
aspects, sans être pour autant démonstratif et, surtout, en préservant
l’autonomie des personnages. La réaction de Moussy à l’observation de
Bazin nous éclaire sur sa démarche d’auteur : d’une part, lui répond-il,
« une sympathie profonde pour les personnages fait qu’on peut
momentanément s’oublier à travers eux », de sorte que « leur liberté
donne à la structure dramatique cette impression de non-orientation
préméditée » ; d’autre part, ajoute Moussy, « en répartissant à travers un
certain nombre de personnages les positions à défendre, on se trouve
automatiquement faire une espèce de tour d’horizon de la question » 1.
Cette manière de concevoir le personnage et d’en définir la fonction
(qui n’est pas sans rappeler celle du cinéaste Jean Renoir), doit retenir
l’attention : l’élaboration du personnage sera souvent, en effet, une
pierre d’achoppement pour les fictions qui ambitionneront de rendre
compte de la complexité d’une situation réelle tout en adoptant une
démarche plus ou moins didactique ; ce sera tout l’intérêt des deux
séries les plus novatrices des années 1960, Qu’en pensez-vous ? et Jeux de
société, que d’apporter à leur tour à ce problème des solutions inédites.
La réussite de Moussy ne saurait, toutefois, s’expliquer uniquement par
la finesse de son approche des situations et des personnages. Si la série
a marqué les esprits, comme l’a souligné Bluwal, c’est aussi que, d’un
point de vue formel, la construction des scénarios répondait à deux exigences essentielles. La première exigence était « que le sujet social réel
ne fût pas le seul apparent » mais se croise « avec un ou plusieurs sujets
secondaires, sociaux ou non » 2. La journaliste Janick Arbois, dans sa
critique de la troisième émission, Étudiant en médecine, explicite l’importance de ce parti pris :
« Fidèles à une méthode qui leur a déjà réussi, Moussy et Bluwal
se défendent de cerner un problème unique. Ils s’efforcent de ne
pas séparer arbitrairement, pour les besoins d’une éventuelle
démonstration, des situations qui sont inextricablement liées
dans la vie. Ce n’est pas un mais plusieurs problèmes que leurs
personnages posent parce que la complexité de la vie le veut (…)
Que devient un jeune étudiant privé du soutien matériel de sa
famille ? Que devient un homme de cinquante-trois ans qui
cherche du travail ? Comment réagit une jeune fille à qui tout a
toujours été facile et qui doit brusquement choisir sa vie ? » 3
La seconde exigence à laquelle devaient satisfaire les scénarios était que
chaque histoire ait une fin ouverte : « Si certains éléments de la solution
des crises étaient présents (…), rien ne permettait d’entrevoir au cours
1
2
3
A. Bazin et M. Moussy, « Propos sur la télévision », Cahiers du cinéma. Nº 90,
décembre 1958.
M. Bluwal, Un aller, op. cit., p. 189.
Radio-Cinéma, 30 mars 1958.
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de l’émission comment les choses allaient se régler » 1. On ne saurait
surestimer l’importance du principe de la fin ouverte dans la mesure où
celle-ci, au-delà de sa dimension proprement dramatique, ne met pas
seulement en cause le positionnement ordinaire du spectateur de fiction, mais vise expressément, en l’espèce, à redéfinir sa place comme
spectateur de télévision.
Dans la dernière scène de Délinquance juvénile, Monsieur Montel, qui est
sans nouvelle de son fils Jean-Claude, reçoit un appel d’un commissaire
de police : l’adolescent fugueur vient d’être hospitalisé à la suite d’un
accident de scooter (un scooter volé) ainsi que la jeune fille qui l’accompagnait. Le père raccroche le téléphone et sort précipitamment de chez
lui en claquant la porte. Suit un fondu au noir, puis l’image d’un bureau
vide où l’on voit aussitôt entrer le producteur de l’émission, Jean
Thévenot qui, tout en allant s’asseoir, s’adresse à nous en ces termes :
« Qu’adviendra-t-il de Jean-Claude et de la petite Chantou ? Que va devenir
aussi la famille Montel ? Comment leur vie va-t-elle évoluer ? Voilà certainement les questions que vous vous posez en ce moment parce que vous avez
cru à cette fiction dramatique comme aux autres pièces que vous propose la
télévision. Or cette pièce-ci ce n’était pas de la fiction, ce n’était pas non plus
la reconstitution d’une histoire vécue comme en fait souvent le cinéma, mais
plutôt l’évocation de réalités de tous les jours communes à des milliers de
familles, et c’est ce qui nous autorise à vous poser cette question : et si
c’était vous ? »
Quelle est la portée exacte de cette intervention qui vient brutalement
ramener le téléspectateur à la réalité (« cette fiction… n’était pas de la
fiction ») et, plus précisément, à sa réalité (cette fiction, c’était… votre
réalité) ? Remarquons d’abord qu’elle fait partie intégrante de l’émission : elle lui est organiquement liée à la fois par le montage (le fondu
au noir, ici, sépare et relie, il a valeur de ponctuation), et par la mise en
scène (le cadre vide, qui laisse présager une entrée de champ, fait office
de transition, presque de raccord) ; il est donc logique que le générique
de fin ne vienne qu’après cette toute dernière séquence de l’émission.
Quant aux propos mêmes de Jean Thévenot, ils répondent à une
double visée : d’abord, souligner – et en même temps justifier – l’effet
produit par la brusque interruption du récit dont elle prend le relais
(« Qu’adviendra-t-il… ? ») ; ensuite, exposer le sens de cette nouvelle
série d’émissions en en précisant l’objectif annoncé par son titre.
Dans les émissions suivantes, ce long discours final n’aura plus lieu
d’être et l’interruption soudaine du récit enchaînera immédiatement sur
le premier carton du générique de fin. Dans la dernière scène de
l’épisode Le logement, on voit le jeune couple qui a quitté le domicile des
parents, et qui est désormais sans logement, marcher en silence dans la
1
M. Bluwal, ibid.
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nuit vers un avenir incertain. La caméra qui les accompagne en travelling arrière s’arrête subitement et les laisse sortir du cadre. Aussitôt
apparaît la mention écrite « Si c’était vous… », suivie du générique.
Bluwal décrit ainsi l’effet recherché :
« Dans la nuit de Paris, Arlette Thomas et Claude Nicot, après
leur première scène de ménage, n’avaient plus rien à se dire, et il
marchaient côte à côte, muets, dans la rue. Le plan, en travelling
suivi, était interminable. Et il s’arrêtait sec sur le générique.
Aucun plan dans la nuit jusqu’à disparition du couple, qui aurait
pu servir, par le biais esthétique bien connu du “diminuendo”
musical, de conclusion. Pas de solution. » 1
Mais s’agit-il exactement d’une fin ouverte, qui nous inviterait à émettre
des hypothèses sur les développements possibles des événements que
nous venons de vivre, et sur le destin des personnages auxquels nous
sommes supposés nous être identifiés ? N’a-t-on pas plutôt affaire à un
récit tout simplement suspendu ? à une fin manquante ? Bluwal le suggère : une fin ouverte conventionnelle, laissant les personnages s’éloigner dans la nuit, ne pourrait que rassurer le spectateur. La brusque suspension du récit, au contraire, ne vise pas tant à quitter les personnages
au moment où ils s’engagent sur un chemin indécis, qu’à abandonner le
spectateur à lui-même. De sorte que celui-ci ne se contente pas de s’inquiéter du sort des personnages (que vont-ils devenir ?), mais s’interroge sur le sien propre, comme d’ailleurs Thévenot l’y invite sans
détour :
« Il est fatal qu’il y ait parmi vous des M. Montel, des Mme Montel, des
Jean-Claude, des petites Chantou et tous les autres qui viennent de vivre chez
vous une heure de leur vie et de leurs problèmes, et que vous avez d’ailleurs,
je le suppose, ou j’en suis même sûr, accueillis comme des familiers. C’est fatal, et je vais vous dire pourquoi… [Il sort une note manuscrite de sa
poche et cite des statistiques sur la délinquance des jeunes] Et je
vous en prie, ne me dites pas que ces chiffres ne vous concernent pas. Mathématiquement, ils concernent obligatoirement plusieurs d’entre vous qui le
savent ou qui ne le savent pas (…) »
Les questions initiales – « Qu’adviendra-t-il de Jean-Claude et de la petite
Chantou ? Que va devenir aussi la famille Montel ? Comment leur vie va-t-elle
évoluer ? » –, se trouvent déplacées, ré-interprétées et retournées sans
ménagement au téléspectateur.
Ce renversement de perspective a une conséquence importante : c’est la
notion même d’identification qui se trouve mise en question. « Vous avez
cru à cette fiction », dit Thévenot, vous vous êtes identifiés à la situation et
aux personnages, mais cette fiction n’est pas une fiction comme les
autres : il ne s’agit pas de s’identifier (de se mettre à la place des person1
M. Bluwal, Un aller, op.cit., p. 189-190.
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MEI « Médiation et information », nº 16, 2002
nages), mais – comme le voulait Chayefsky – de se reconnaître. D’où cette
mise au point, pour terminer, qui invite à ne pas se méprendre sur le
sens du titre de l’émission :
« Nous vous invitons à penser. Nous vous invitons à faire un retour sur
vous-mêmes et à vous poser cette question : est-ce que nous ne sommes pas des
Montel ? (…) Je crois que vraiment vous devez en toute honnêteté vous poser
la question (…) Une émission telle que celle d’aujourd’hui avait pour but,
en plus du spectacle qu’elle vous a offert, d’attirer votre attention, disons le
mot, de vous donner mauvaise conscience (…) Dans cette question qui vous
a été posée, on n’a pas voulu dire : si c’était vous les Montel, que
feriez-vous à leur place ? On a voulu vous demander : êtes-vous
bien sûrs que ce n’est pas vous les Montel ? » 1
L’assertion selon laquelle « cette fiction n’était pas de la fiction » prend
ainsi un singulier relief. Elle ne signifie pas que les auteurs se soient inspirés, comme on a coutume de dire, d’une « histoire vraie », ni qu’ils
aient simplement voulu nous parler d’un problème réel en nous mettant
sous les yeux une vérité générale, statistique (comme le tentera la série
Qu’en pensez-vous ?), ni non plus qu’ils aient cherché à mêler reportage et
fiction (ce que fera Jeux de société). Si cette fiction n’est pas de la fiction,
c’est parce que l’ambition des auteurs, loin de seulement viser le
téléspectateur comme spectateur (susceptible d’apprécier le spectacle qui
lui était offert, fût-il le spectacle de la réalité), a été de chercher à
l’atteindre en personne : chez lui, dans son intimité, au cœur de sa réalité
– c’est-à-dire de son inconscience. Les auteurs n’ont pas voulu « faire
prendre conscience » (pour donner bonne conscience), ils ont voulu au
contraire donner mauvaise conscience. D’où la structure de l’émission :
l’interruption abrupte du récit, en même temps qu’elle prive le spectateur de la fin de l’histoire, coupe court à la tentation pédagogique. Si le
présentateur prend le relais, c’est pour affirmer une position éthique :
« Nous vous invitons à penser ».
Après la diffusion de chacune des fictions de la série, parfois plusieurs
jours plus tard, une émission-débat, intitulée Après réflexion et animée
par Jean Thévenot, donne la parole à quelques invités, experts, journalistes ou téléspectateurs, pour qu’ils apportent leur témoignage et
éventuellement proposent des réponses aux questions soulevées. Ce
complément est a priori justifié puisque, comme le note Bazin, ces fictions sont des spectacles qui « ne “prouvent” rien par eux-mêmes sans
le concours des prolongements que leur donne notre conscience et
notre réflexion » 2. Cependant, constate Janick Arbois, le débat, au
regard de la fiction et quel que soit son intérêt intrinsèque, ne peut
qu’être déceptif : « Son rôle semble être de défaire, de découdre pour
ainsi dire, le remarquable travail des auteurs afin d’en examiner les
1
2
Je souligne.
A. Bazin, Radio-Cinéma, 15 décembre 1957.
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Un art de la réalité
G. Delavaud
innombrables et très complexes pièces une à une. Ils nous offrent un
tout admirablement concret, vivant, soigneusement engrené, et nous
nous livrons sur cet ouvrage à une série d’abstractions. Puis, quand c’est
fait, nous constatons qu’il a résisté et nous applaudissons une fois
encore » 1 ; – preuve a contrario qu’une œuvre télévisuelle véritable ne
saurait détenir son pouvoir de conviction que d’elle-même.
Avec Si c’était vous, remarquait Bazin, on a pour la première fois une idée
de ce que peuvent être « des œuvres conçues et réalisées en fonction de
l’optique télévision » 2. Car le « style télévision » n’est pas seulement
affaire de texte et de sujet, il est aussi affaire d’« optique » ; l’interpellation directe du spectateur, ne serait-ce que par le titre de l’émission,
relève d’une telle optique – qui n’est ni celle du théâtre, ni celle du
cinéma. Dans sa préface à l’édition des textes des trois premières
émissions, André Frank exprime cette idée avec force :
« Ceux qui ont eu l’occasion (…) de suivre les Si c’était vous (I, II,
III) ont été, je pense, étonnés de voir enfin le jeu des acteurs
coïncider avec l’expression des problèmes du moment, de constater qu’ils abandonnaient, en quelque sorte, la fiction pour
“coller” avec les drames et les exigences d’aujourd’hui (…) Nous
voilà en présence d’une technique du spectacle qui, par nature,
vient dans notre cadre familial, s’insère parmi les objets de nos
souvenirs, de nos émotions, peut-être de nos drames, qui, obligatoirement, nous prend à témoin et, par force, semble déjà nous
dire : Si c’était vous…(…) Les personnages deviennent soudain
des “nous” multipliés à l’infini. » 3
En nous disant : « Si c’était vous », Moussy, Bluwal, Thévenot ne
feraient donc que formuler explicitement, ce que la télévision comme telle
nous dit tous les jours implicitement, naturellement, obligatoirement.
« Si c’était vous » : telle serait la formule de l’œuvre télévisuelle.
3. Naissance de la « télévision-vérité »
Si c’était vous va trouver, dans les années 1960, un prolongement remarquable dans deux séries de dramatiques filmées : Qu’en pensez-vous ?
(1962-1963) de Jacques Krier et Jean-Claude Bergeret, et Jeux de société
(1963-1968) de Danielle Hunebelle 4.
1
2
3
4
J. Arbois, Radio-Cinéma, 29 juin 1958.
Radio-Cinéma, 13 octobre 1957.
A. Frank, préface à M. Moussy, Si c’était vous, Seuil, 1958, p. 5-6. Je souligne.
Dans son ouvrage La Télévision du quotidien, F. Jost montre la place
qu’occupent Si c’était vous (« premier reality show ? »), Qu’en pensez-vous ? et
Jeux de société dans l’histoire d’une télévision qui ambitionne de parler « au
…
85
MEI « Médiation et information », nº 16, 2002
J. Krier et J.-C. Bergeret partagent les préoccupations de Moussy et
Bluwal. De 1957 à 1960, ils réalisent une série documentaire, À la découverte des Français, qui bouleverse les conventions du genre, et dont
J. Arbois exprime l’enjeu en ces termes :
« Sur quel monde s’ouvre la télévision que nous connaissons ?
(…) Le monde ne peut tout de même pas se limiter à quelques
centaines de vedettes qui s’évertuent avec tant de persévérance à
nous divertir. Il y a l’actualité ? Elle aussi affectionne les vedettes,
les grands personnages, les événements extraordinaires. Mais
sont-ils, à eux seuls, le monde que la télévision est censée nous
faire découvrir ? Les Parisiens savent-ils, grâce à la télévision, ce
que pensent et comment vivent les gens du Nord et les ruraux de
la Beauce ? Les commerçants savent-ils ce qu’est la vie quotidienne d’un mineur ou d’un berger de montagne ? Les provinciaux (à qui l’on ne montre de Paris, comme aux touristes, que la
Tour Eiffel et les Champs-Elysées), savent-ils qu’on peut vivre
dans un quartier de Paris comme dans une petite ville à l’intérieur
de la grande ? La télévision, jusqu’à présent, à de rares exceptions
près, n’avait jamais réussi à nous montrer aux uns et aux autres
notre vrai visage, notre visage de tous les jours. » 1
Filmer « l’homme ordinaire » 2, telle est, pour Krier et Bergeret, la
vocation propre de la télévision. En nous introduisant à chaque émission dans un milieu déterminé (une famille, une profession, un quartier), leur série À la découverte des Français, conçue avec le concours du
sociologue Paul-Henry Chombard de Lauwe, innove sur deux plans :
d’une part, chaque documentaire, pourtant fortement scénarisé,
renonce à la voix de commentaire pour laisser la parole aux personnes
filmées ; d’autre part, après la diffusion de chaque film, les personnes
filmées sont confrontées, en studio, à l’image que le film a donné
d’eux : « Pour la première fois dans l’histoire de la télévision, annonçait
J.-C. Bergeret, les personnages d’un film vont sortir de l’écran ; ils viendront dire en direct ce qu’ils pensent du tableau qu’on a tracé d’eux. » 3
« Pour la première fois »… Sans doute faut-il reconnaître dans ce
besoin d’un redoublement réflexif, d’un regard second interne à
l’émission, non seulement la nouveauté d’un dispositif, mais aussi la
…
1
2
3
nom du réel » (pp. 121-135). Les concepts qu’il propose pour penser le
rapport de la télévision à la vérité lui permettent de clarifier et préciser les
enjeux du mélange réalité-fiction : d’en souligner les vices et aussi les
vertus. Cf. La Télévision du quotidien. Entre réalité et fiction, INA & De Boeck
Université, 2001, coll. « Médias Recherche ».
Radio-Cinéma, 30 novembre 1958.
J.-C. Bergeret, Radio-Cinéma, 7 avril 1957.
Ibid.
86
Un art de la réalité
G. Delavaud
marque d’une certaine spécificité télévisuelle. Que la télévision se situe
sur le terrain du documentaire ou au contraire sur celui de la fiction,
comme c’est le cas avec Qu’en pensez-vous ? et Jeux de société, tout se passe
en effet comme si son affinité avec le réel allait de pair avec l’exigence
d’un retour documentaire sur ses propres images – comme si l’approche
télévisuelle du réel impliquait une dimension réflexive.
Dans Un matin à Glisolles, première fiction de la série Qu’en pensez-vous ?,
J. Krier met en scène l’histoire d’amour contrariée de deux adolescents
de 17 ans qui s’aiment à l’insu de leurs parents ; ceux-ci, pour briser une
relation qu’ils jugent prématurée, tentent de les éloigner l’un de l’autre,
mais les deux jeunes décident de fuir ensemble le domicile familial. Le
film commence par une succession de visages de garçons et de filles
qu’on interroge sur ce qu’ils pensent de l’amour et des premières relations amoureuses. Après ce prologue en forme de reportage, nous
entrons dans la fiction et faisons connaissance avec les deux protagonistes, interprétés par des comédiens débutants. À la fin du film, au
moment où les parents inquiets sont sur le point de retrouver leurs
enfants fugueurs, le récit est brusquement interrompu par un fondu au
noir. Suit une dernière séquence qui nous met face à un groupe de garçons et de filles assis dans une salle au fond de laquelle se dresse un
projecteur de film 16 mm et son projectionniste ; on reconnaît, au premier rang, les deux comédiens du film, ainsi que les jeunes qui ont été
interviewés dans le prologue et qui sont maintenant interrogés sur ce
que vont devenir les deux personnages du film, puis, plus largement,
sur le problème des relations entre parents et adolescents. Le film se
termine, comme il a commencé, par un montage d’interviews où
chaque jeune donne son avis et prend position.
Ce premier film semble, à première vue, reprendre à son compte le
projet de Si c’était vous. Il aborde un thème social d’actualité et en donne
une représentation réaliste, tout en évitant soigneusement les pièges de
la fiction à thèse : aucun jugement n’est porté sur les personnages et la
fin du récit, qui sollicite la participation du spectateur, reste ouverte.
Pourtant, comme leurs titres respectifs l’indiquent, les deux séries
n’interpellent pas le spectateur de la même manière. Si c’était vous vise
explicitement à produire un effet de reconnaissance ; Qu’en pensez-vous ?
annonce, au contraire, une stratégie fondée sur la distance critique,
l’appel au jugement et à l’affirmation d’une opinion : quelle que soit
l’intensité dramatique des situations exposées, il est demandé au spectateur de garder la tête froide. D’où, entre les deux séries, une différence essentielle dans la conception des personnages. La réussite de Si
c’était vous tenait en grande partie à une caractérisation forte et nuancée
des personnages : la personnalité de l’héroïne de Jeune fille de province,
mais aussi celles de son père, de sa mère, de sa sœur, de son beau-frère
et des autres personnages secondaires sont très précisément définies
(on a, par exemple, des informations sur le passé des parents de la jeune
fille ; on sait sur quels non-dits et sur quels compromis repose leur
relation de couple). Dans Qu’en pensez-vous ?, au contraire, les person87
MEI « Médiation et information », nº 16, 2002
nages sont faiblement caractérisés. On ne sait presque rien des deux
adolescents d’Un matin à Glisolles, de leur passé, de leur vie sociale, des
rapports de chacun avec ses parents ; de même, on ignore la nature
exacte de la relation de couple des parents. André S. Labarthe l’avait
noté à propos du deuxième film de la série :
« Tandis que Moussy et Bluwal visaient principalement à traiter
un cas social particulier, et, à travers lui, à mettre en évidence
– sinon en cause – les structures de la société française contemporaine, Bergeret et Krier s’efforcent de conserver à leurs
enquêtes toute leur pureté statistique (…) Là où Moussy et Bluwal
travaillaient à une illustration plausible d’un drame véridique,
Bergeret procède par addition systématique des éléments révélés
par l’enquête (…) Chacun des personnages doit donc être
considéré comme la synthèse d’un certain nombre de personnages particuliers, une sorte de portrait-robot où ne sont retenus
que les traits les plus fréquents, donc les plus banals des individualités qu’ils résument. » 1
Labarthe parle d’« enquête ». Un matin à Glisolles est sans ambiguïté une
fiction, et de plus très écrite. Mais il est vrai que le film a une visée
documentaire et que, dans la phase préparatoire, J. Krier a « enquêté » ;
il s’est notamment assuré la collaboration du président de l’association
L’École des parents, André Isambert, qui est crédité au générique
comme « conseiller technique » : « Nous avons fouillé avec lui, dit
Krier, l’énorme documentation rassemblée par L’École des parents,
véritable confessionnal. Il y a là mille sujets ! (…) Nous avons été frappés par le nombre de fugues d’adolescents » 2. Pour le réalisateur d’Un
matin à Glisolles, la fugue de ses deux personnages doit valoir pour toutes
les fugues.
C’est pourquoi, même si certaines questions soulevées par le film sont
reprises dans la dernière séquence, il faut voir dans l’interpellation du
titre de la série – Qu’en pensez-vous ? – une consigne adressée au téléspectateur qui s’apprête à regarder le film, plutôt qu’une invitation à en débattre
après coup. Car les deux séquences d’interviews qui encadrent le récit
ne sont pas la simulation d’un débat qui suivrait la projection : articulées
et liées au récit, elles font intrinsèquement partie du film et sont la
confirmation que la fiction que nous venons de suivre ne nous a à
aucun moment éloigné du réel.
À l’issue de cette première expérience, Krier et Bergeret ont estimé
possible de radicaliser leur démarche à deux conditions : la première, de
renoncer au dialogue – ou au monologue – écrit, ce qui implique que les
1
2
Cahiers du cinéma. Nº 145, juillet 1963, p. 64. À propos du film Le Grain de
sable, réalisé par J.-C. Bergeret.
Télé-Revue. Nº 372, 18 février 1962.
88
Un art de la réalité
G. Delavaud
interprètes improvisent leur texte sur la base d’un scénario conçu
comme un canevas ; la deuxième, de se passer de comédiens et de
confier tous les rôles à des acteurs non professionnels.
En fait, ce n’est pas dans les deux autres films de la série, mais dans un
téléfilm réalisé en 1967, Un mariage à la campagne, ainsi que dans sa collaboration à Jeux de société, que J. Krier accomplira ce programme. L’action
d’Un mariage à la campagne se situe en Auvergne. Un jeune couple de
paysans, peu après leur mariage, décide d’abandonner la ferme familiale
pour aller vivre et travailler en ville ; les problèmes de tous ordres obligent le couple à revenir à la terre, où ils se trouvent confrontés à de
nouvelles épreuves. Si les deux rôles principaux sont tenus par des
comédiens, tous les rôles secondaires sont confiés à des non professionnels recrutés sur les lieux du tournage. Le naturel de
l’interprétation, la vérité des décors campagnards et urbains, l’image
16 mm noir et blanc, la caméra tenue à la main sont autant d’éléments
qui évoquent le « style reportage ». Pour prévenir toute ambiguïté, la
diffusion de l’émission est précédée par une annonce de la speakerine
en forme d’avertissement :
« Jacques Krier et son équipe ont voulu vous raconter une histoire, rien
qu’une histoire. Cette émission, nous tenons à le préciser, n’a aucun rapport
avec un documentaire ou un quelconque cinéma-vérité. Non, c’est de la
télévision-fiction. Pourtant, cette histoire aurait pu arriver, par exemple,
à ce monsieur [photo d’un homme en plan rapproché] qui est agriculteur
dans la Creuse, à celui-ci [photo d’un autre homme] qui élève des bœufs dans
l’Aubrac, ou bien encore à cet autre [photo d’un troisième] qui est ouvrier
dans une grande usine de Clermont-Ferrand. À côté des comédiens, Frédérique Meininger et Jacques Portet, Jacques Krier a réuni beaucoup de personnes semblables à vous, des téléspectateurs de la ville et de la campagne. Et il
leur a demandé de participer à l’action inventée que vous allez voir. Donc
nous allons les accompagner dans les cours des fermes, dans les trains, dans
les autocars, dans les rues de la ville et dans les chemins de la montagne.
Tous se sont mis de bon cœur à jouer à cette sorte de nouveau jeu de miroir
entre vous et nous. Nous les remercions. » 1
On reconnaît dans l’expression « une histoire, rien qu’une histoire » à la
fois une consigne de lecture – il ne faut pas prendre cette fiction pour
un documentaire – et le souci, ici encore, de prévenir tout soupçon de
film à thèse : le film se propose non de démontrer, mais de montrer une
action, des personnages, des comportements dans lesquels beaucoup de
téléspectateurs vont pouvoir se reconnaître. Cependant, à travers le discours de la speakerine, ce n’est pas seulement le réalisateur qui parle
mais l’institution elle-même. Si les seconds rôles sont interprétés par
« des téléspectateurs de la ville et de la campagne », c’est qu’on considère qu’en 1967 la France, devenue téléspectatrice, peut désormais se
1
Les mots soulignés sont accentués par la speakerine.
89
MEI « Médiation et information », nº 16, 2002
regarder dans le miroir de la télévision – et que la Télévision, en
quelque sorte, appartient aux téléspectateurs.
Toutefois, l’affirmation que le film de J. Krier est de la « télévisionfiction », et non du cinéma-vérité, vise à lever une autre ambiguïté : celle
qu’induit l’emploi du terme « télévision-vérité » récemment forgé par les
critiques pour qualifier les dramatiques d’un nouveau type, mêlant
reportage et fiction, que propose régulièrement, depuis 1963, la série
Jeux de société (et à laquelle Krier collabore). L’avertissement de la
présentatrice d’Un mariage à la campagne laisse entendre que le « jeu de
miroir » auquel se sont prêtés les acteurs non professionnels recrutés
par le réalisateur sur les lieux du tournage n’est précisément qu’un jeu :
les personnes qu’on y voit n’y apparaissent qu’au titre de personnages
– ce qui n’est pas exactement le cas dans Jeux de société où fiction et
réalité se nouent d’une manière tout à fait inédite.
La productrice de Jeux de société, Danielle Hunebelle, est, dans les années
1960, une journaliste connue et respectée. Grand reporter, elle écrit
dans Réalités, Le Monde ou L’Express et collabore occasionnellement à
l’émission Cinq colonnes à la une 1. À la suite d’un reportage sur « Les
coulisses de la jeune peinture », paru dans Le Monde, Max-Pol Fouchet
lui propose de réaliser une émission sur le même sujet pour sa série
Terre des Arts. Ignorant tout de la télévision, elle loue un téléviseur et
regarde assidûment les programmes pendant deux semaines. Elle est
consternée de constater que les émissions dramatiques ne sont
qu’adaptations ou reconstitutions historiques, et que presque toutes, y
compris les œuvres originales, sont tournées dans des décors de studios.
Elle en conclut que la télévision a besoin de sortir des « ornières » de la
littérature, du théâtre filmé et du cinéma : « La télévision n’est pas faite
pour illustrer Maupassant ; théâtre et cinéma y suffiront » 2. Quelques
années plus tard, elle résume ainsi sa démarche :
« Peut-être parce que j’ai une longue expérience du journalisme
et du grand reportage, cette façon de réaliser des dramatiques à
l’ancienne mode pour la télévision qui est un instrument nouveau, ne
m’a pas paru satisfaisante, et j’ai cherché à adapter spécifiquement à ce nouvel instrument une nouvelle forme de dramatique,
inspirée par la télévision, et conçue uniquement en fonction
d’elle. » 3
Aux yeux d’une journaliste souhaitant faire œuvre de fiction tout en
refusant absolument d’imiter le cinéma, qu’est-ce qui, dans le spectacle
1
2
3
Certains de ses reportages auront un retentissement international, comme
la première interview télévisée du Général Giap, vainqueur de Diên Biên
Phu, diffusée par Cinq colonne à la une en 1964.
Télé-Revue, 22 décembre 1963.
Fonds Danielle Hunebelle, document D. H. 30/5, Inathèque de France.
90
Un art de la réalité
G. Delavaud
ordinaire de la télévision, peut être source d’inspiration ? C’est Jacques
Krier qui lui souffle la réponse : l’interview.
De 1963 à 1968, D. Hunebelle va produire dix films pour l’émission
Jeux de société, dont trois sont réalisés par J. Krier. Quel que soit le thème
central de chaque fiction (les relations entre patrons et ouvriers dans le
textile, le système d’enseignement, la justice, l’immigration, la déontologie journalistique…) et le style des différents réalisateurs, toutes ont en
commun d’inclure – pour un cinquième, en moyenne, de leur durée –
des séquences d’interviews de personnes anonymes qui, tout à la fois,
viennent commenter, discuter et relancer l’action.
Le recours au procédé de l’interview ne trouve sa justification qu’au
regard du cadre général d’une démarche fondée sur un ensemble de
règles qu’on pourrait résumer ainsi :
1) chaque film se propose, à travers la mise en scène une expérience
humaine singulière, située dans un milieu professionnel ou dans un
groupe social déterminé, de décrire un aspect de la société contemporaine ;
2) le sujet de chaque film est directement inspiré de la réalité (ce peut
être, par exemple, la reconstitution d’un fait divers « à travers ceux
qui l’ont vécu ou qui auraient pu le vivre »)
3) le scénario est écrit sur la base d’une enquête préalable auprès de
personnes concernées par le thème abordé ;
4) tous les rôles, principaux et secondaires, sont exclusivement interprétés par des acteurs non-professionnels ; « les participants tiennent
à l’écran le même rôle qu’ils ont dans la vie » : le rôle du professeur
est interprété par un professeur, celui du notaire par un notaire, celui
du paysan par un paysan, etc. ;
5) le tournage a obligatoirement lieu en décors naturels ;
6) le scénario ne comporte aucun dialogue écrit ;
7) l’interview est utilisée comme « ressort dramatique ».
Ce qui caractérise la démarche de D. Hunebelle, ce n’est pas le refus du
dialogue écrit et des acteurs professionnels, déjà envisagé par Krier et
Bergeret et expérimenté par certains cinéastes de la Nouvelle Vague,
mais le recours à l’enquête de terrain : d’une part, comme condition
préalable à l’écriture du scénario et à la construction des personnages
(deux à trois cents personnes rencontrées, parfois, dans cette phase de
préparation) ; d’autre part, comme moyen de recueillir les matériaux
documentaires (les interviews) nécessaires à la composition du film.
Le premier film de la série, Le Prof’ de philo (1963), écrit par D. Hunebelle et réalisé par J. Krier, raconte l’histoire d’un professeur de philosophie parisien qui arrive dans la petite ville de province où il vient
d’être nommé. Son comportement heurte le conformisme de la popu91
MEI « Médiation et information », nº 16, 2002
lation locale (il ne va pas à l’église, il emmène ses élèves au cinéma voir
un film avec Brigitte Bardot, il leur fait lire Kierkegaard…). La relation
privilégiée qu’il entretient avec une de ses élèves, jugée scandaleuse,
fournit le prétexte de son renvoi.
Le rôle du professeur est interprété par l’écrivain et philosophe JeanPierre Faye qui, quelques années plus tôt, avait effectivement enseigné
la philosophie dans un lycée de province 1. Les autres personnages sont
incarnés par des habitants de la ville (il s’agit de Cholet, mais le nom
n’est pas prononcé) qui jouent leur propre rôle. Suivant le principe de la
série, l’action à laquelle on assiste est, à intervalles plus ou moins réguliers, commentée et discutée par des fragments d’interviews, montés le
plus souvent en courte séquences autonomes.
L’une des habiletés du dispositif est que tous les interviewés n’ont pas
le même statut. Certains parlent, si l’on peut dire, en connaissance de
cause : ce sont les seconds rôles (directeur du lycée, lycéens…) directement impliqués dans l’action et qui improvisent leurs réponses dans les
limites imposées par le scénario. D’autres sont étrangers à l’action : ce
sont des habitants de la ville (enseignants, commerçants, notables…)
qui ne savent de l’intrigue que ce que D. Hunebelle leur en a dit dans
l’unique but de les faire réagir (« À la place de tel personnage, que
feriez-vous ? »), avant de recueillir leur sentiment sur la situation représentée (le comportement attribué à son professeur de fiction) et, plus
largement, sur le problème général soulevé par le film (les relations humaines dans une petite communauté urbaine). Le comportement des
protagonistes fait ainsi l’objet d’un double commentaire : par un premier cercle d’intervenants qui font partie de la fiction, et par un second
cercle qui ne connaissent la fiction que par ouï-dire – par les questions
de la productrice et aussi par ce que la presse locale a pu en rapporter.
Les propos recueillis auprès de cette seconde catégorie d’interviewés
ont une importance décisive. Sitôt émis, ils sont, en tant que vox populi,
immédiatement reversés au compte de la fiction : ils en infléchissent le
déroulement et, éventuellement, en déterminent le dénouement. C’est
ainsi que le professeur de philosophie, sous la pression de l’opinion (les
personnes interrogées), va se trouver à la fin du film « contraint » de
quitter la ville.
La tentative de D. Hunebelle et de J. Krier pour inventer une fiction
spécifiquement télévisuelle s’appuie principalement sur l’extrême attention qu’ils portent à ces deux phases du processus de réalisation que
sont, d’une part, le casting (jusqu’à quatre-vingts personnes interviewées
pour un même film, choisies autant pour leur type physique et leur
expressivité naturelle que pour leur représentativité sociale), d’autre
1
J.-P. Faye, membre du collectif Tel Quel, est alors peu connu. Il obtiendra
l’année suivante, en 1964, le prix Renaudot pour son roman L’Écluse.
92
Un art de la réalité
G. Delavaud
part, le montage des interviews et leur intégration dans la fiction. Dans
tous les films de la série, cette intégration s’effectue à trois niveaux :
1) Au niveau diégétique. Entrant dans le jeu de l’interviewer, les personnes interviewées consentent à s’avancer sur le terrain de la fiction
et réagissent au comportement des personnages qu’on leur décrit
comme s’il s’agissait de personnes réelles. Ce faisant, d’une part, elles
révèlent inévitablement les croyances et les valeurs au nom
desquelles elles interprètent ou jugent les situations qui leur sont exposées, mais d’autre part, elles fournissent par là même au spectateur un cadre de références qu’il peut, ou non, faire sien pour étayer
son propre point de vue sur ce qu’on lui montre.
2) Au niveau narratif. Loin de jouer seulement un rôle de commentaire
ou de contrepoint, au risque de donner le sentiment d’une suspension momentanée du récit, les fragments d’interviews ont aussi une
fonction dynamique : au lieu de simplement s’ajouter aux éléments
narratifs qu’ils sont supposés commenter, ils peuvent s’y substituer
(de telle répartie d’un interviewé on déduit que tel événement a eu
lieu) ; par les ellipses qu’ils autorisent, les interviews peuvent ainsi
précipiter le cours du récit.
3) Au niveau esthétique. Le rôle du montage est ici déterminant puisqu’il lui revient, d’abord, d’insérer les fragments d’interviews dans le déroulement fictionnel sans en rompre la continuité ni
l’unité (d’où des inserts parfois très courts, réduits à une seule
réplique), ensuite, d’articuler plans à statut documentaire et plans à
statut fictionnel de sorte qu’ils se répondent les uns aux autres, se
nourrissent les uns des autres, sans que leur irréductible hétérogénéité n’en soit pour autant atténuée (l’incorporation n’est pas assimilation). C’est à cette double condition – qui préserve la tension entre
réalité et fiction – que le montage parvient à construire le film
comme un tout organique : dans les termes de D. Hunebelle, « la
dramatique devient document » en même temps que le document
« atteint exceptionnellement à l’art » 1.
En prolongeant la recherche entreprise par Si c’était vous et Qu’en pensezvous ?, et surtout en en poussant la logique à ses dernières conséquences, Jeux de société apporte une solution originale à deux problèmes
constitutifs de la communication télévisuelle : la relation au spectateur
et le rapport entre réalité et fiction.
La question un peu brutale posée par les deux premières émissions (« Si
c’était vous… », « Qu’en pensez-vous ? ») est, dans Jeux de société, prise
en charge par la fiction dans son développement même : les questions
variées posées aux interviewés ne sont que des déclinaisons de cette
interpellation du téléspectateur, tandis que l’intégration de personnes
1
Fonds Danielle Hunebelle, document D. H. 28/2, Inathèque de France.
93
MEI « Médiation et information », nº 16, 2002
ordinaires (« réelles ») dans la trame fictionnelle permet de reformuler
implicitement le problème de la relation au spectateur (comment
prendre en compte sa présence ? quelle place lui assigner ?) en termes
de représentation. Quant à l’opposition incertaine et fragile entre réalité et
fiction, on doit reconnaître que l’expression « télévision-vérité », utilisée
par les critiques pour qualifier les films de la série, n’est pas de nature à
dissiper les équivoques 1. Alors que le cinéma-vérité, à partir de 1960,
renouvelle l’approche documentaire grâce à une appréhension plus
directe du réel (l’appellation « cinéma direct » va bientôt se substituer à
« cinéma-vérité »), la démarche de J. Krier et de D. Hunebelle, le premier venant du documentaire, la seconde du reportage, se caractérise au
contraire par la conviction que la recherche de la dite vérité impose un
détour par la fiction. Et c’est précisément parce que Krier et Hunebelle ont
su conjuguer réalité et fiction dans une fiction que les observateurs de
l’époque – considérant avec raison que l’ambiguïté réalité-fiction est le
« privilège » de la télévision 2 – ont pu voir dans leurs téléfilms le
modèle d’une « télévision de l’avenir » 3.
1
2
3
Sur la réception critique de la série, voir F. Jost, La Télévision du quotidien, op.
cit., pp. 125-129.
A. Brincourt, à propos du dernier film de la série réalisé par J. Krier, Le
Figaro, 9 mars 1968.
Cf. Ph. Ragueneau, « Demain la deuxième chaîne », Le Monde, 14 mars
1964, ou J. Siclier, « Bilan de la saison de télévision », Le Monde, 30 juillet
1965.
94

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