IKAK: Saddam, les chiites et les sunnites

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IKAK: Saddam, les chiites et les sunnites
IKAK: Saddam, les chiites et les sunnites
Von Akram Belkaïd*, eingestellt am 20.02.2007
Akram Belkaïd, journaliste algérien en France, nous confie sa dernière chronique au Quotidien d?Oran à propos du«choc des images»
de la fin 2006, à savoir la pendaison de Saddam Hussein en Irak. Difficile de faire la part du machiavélisme cynique et de l?amateurisme
grossier dans la politique américaine sur place. Peut-être qu?Akram a tendance à «tirer l?herbe pour la faire pousser»
en conclusion de son article et qu?il y a plus d?improvisation qu?il ne le pense dans l?attitude US, peut-être pas, mais ce qui est sûr
c?est qu?il existe un risque de fitna, de division dans le monde arabe, que l?on aurait tort de sous-estimer?
La scène, nous dit une chronique soufie, a eu lieu à Bagdad au neuvième siècle. Junaïd, un maître de tariqâ
la dont le nom soufique était
«le prince du groupe»et que ses disciples -ceux de l?école junaidiste- appelaient «Paon des savants»
, s?est incliné un jour en place publique devant un gibet où pendait la dépouille d?un criminel. Ses élèves en furent étonnés et l?un
d?eux osa lui demander les raisons d?un hommage aussi surprenant que choquant.
«Je m?incline pour sa détermination, répondit le maître. Pour son but, cet homme a donné sa vie.»
N?allez pas croire que cette chronique est un hommage dédié à Saddam Hussein. Cet homme a fait le malheur de son peuple et de son
pays. Ce fut un dictateur impitoyable qui n?a toléré aucune contestation (ne parlons même pas de démocratie) et qui a -de manière
encore plus sanglante que ses pairs, roitelets et présidents à vie- participé à la dramatique régression arabe du vingtième siècle. Je
n?associerai donc pas ma voix à celles -et elles sont nombreuses- qui en font un héros, un Saladin des temps modernes, puni parce qu?il
aurait voulu le bonheur et la liberté pour l?Irak.
J?ai néanmoins repensé aux propos de Junaïd en lisant les comptes rendus détaillés de la mort de l?ex-raïs et en visionnant quelques
images -pas toutes- de son exécution. Ce qui était le plus frappant, ce fut, bien sûr, son calme face à l?agitation grossière de ses
bourreaux. Marcher ainsi à la rencontre de son Créateur, sans peur visible, sans craindre la valetaille qui éructait autour de lui, tout cela a
de quoi impressionner. Finalement, Saddam est allé jusqu?au bout de son rôle sur cette terre. Il n?a exprimé aucun regret pour ses actes
et on ne saura pas ce qui les a réellement motivés si ce n?est la certitude qu?il était déterminé à ne jamais rompre. L?homme a peutêtre même cru jusqu?au dernier moment que son destin n?était pas de finir au bout d?une corde dans une cave sordide.
Mais pourquoi Saddam a-t-il été exécuté de cette manière aussi expéditive qu?obscène? Vendredi 29 décembre, lorsque les
premières informations annonçant l?imminence de sa pendaison ont commencé à être diffusées par les agences, je n?y ai absolument
pas cru. «Ils ne peuvent pas faire ça aussi vite et surtout pas le jour de l?Aïd. Ça ne peut qu?aggraver la situation»
«ils»
, ai-je dit à une consoeur qui m?interrogeait là-dessus. Finalement
l?ont fait et se sont arrangés pour que le monde entier puisse voir le spectacle du supplice.
Pourquoi? «Propagande américaine»
, disent ceux qui affirment -avec raison- que c?est l?Amérique de Bush qui a fait exécuter Saddam et non pas cette parodie de justice
irakienne que de nombreuses organisations internationales ont dénoncée. Bush n?ayant aucune bonne nouvelle à claironner à propos de
la situation irakienne et Ben Laden courant toujours (plus personne ne parle du Mollah Omar), l?exécution de Saddam Hussein aurait
comblé un vide qui désespérait les communicants de la Maison-Blanche.
Cette explication est tentante mais insuffisante car la pendaison de l?ancien président irakien a comporté une mise en scène
confessionnelle qui n?était pas destinée à l?opinion publique américaine. En effet, parmi les personnes présentes, certaines ont scandé
le nom de Moqtada Sadr, le chef de l?Armée du Mahdi et religieux chiite que l?hebdomadaire Newsweek a désigné, il n?y a pas si
longtemps, comme l?homme le plus dangereux d?Irak tant sa milice est impliquée dans les massacres interreligieux.
Le message est évident: ceux qui ont tué Saddam sont des chiites, ils sont les nouveaux maîtres de l?Irak et cette mise à mort est un
signal à tous les sunnites qui seraient tentés de contester ce nouvel ordre des choses. Mais au vu des réactions mitigées dans le monde,
on peut se demander pourquoi les Américains ont fait une telle erreur d?appréciation. Saddam est désormais un martyr pour la grande
majorité des Arabes et, surtout, cette pendaison va aggraver la lutte fratricide entre sunnites et chiites irakiens (il n?y a guère plus que
Bush et Yasmina Khadra* pour nous affirmer que ce qui se passe en Irak n?est pas une guerre civile...).
Par ignorance ou suffisance, les Américains ont commis un nombre incalculable de bêtises depuis leur intervention en Irak (il y en a
une dont on parle peu et qui est la libéralisation totale de l?économie locale). Mais cette fois-ci, le geste me paraît délibéré et mûri. Je
ne pense pas que les Etats-Unis cherchent vraiment à stopper la guerre civile irakienne. S?ils le voulaient, ils auraient depuis longtemps
investi le quartier de Sadr City à Bagdad qui est le repaire des escadrons de la mort chiites. Ils auraient arrêté Moqtada Sadr et, surtout,
ils n?auraient pas donné leur feu vert à cette lamentable et morbide mascarade dont l?effet est d?attiser le ressentiment du monde
sunnite à l?encontre des chiites.
«Mort à l?Amérique, mort à Israël»
, ont comme d?habitude hurlé les manifestants qui ont dénoncé la mort de Saddam. Mais la
nouveauté, c?est que certains d?entre eux ont aussi crié «mort aux chiites»et parfois même «mort à l?Iran»
. C?est vers cela que les vrais maîtres de l?Irak entraînent la«rue arabe». Une nouvelle fitna
, une grande discorde entre chiites et sunnites. Un affrontement qui pourrait déborder sur les pays voisins de l?Irak et propager le chaos à
l?ensemble du Proche-Orient avec ce que cela peut signifier d?épuration ethnique et religieuse.
Pourquoi les Américains accepteraient-ils la guerre civile entre Irakiens après avoir «libéré» leur pays? Pour se mettre à l?abri et
compter les coups tout en forçant les pays sunnites de la région à se colleter avec l?Iran (en somme un remake revisité de la guerre de
1980 ou du double containmentdes années 1990).
En tous les cas, il va falloir beaucoup de discernement et de sang-froid pour ne pas tomber dans le piège et exhorter sunnites et chiites
irakiens à s?entendre.«La fitna sommeille dans chacun d?entre vous. Maudit soit celui qui la réveille»
, a dit notre Prophète. Puisse cette phrase être méditée par tous, à commencer par les sunnites qui, sous toutes les latitudes, ne rêvent
plus que de casser du chiite. Et qui éprouveront, sait-on jamais, une satisfaction revancharde bien stupide le jour où des bombes à
fragmentation pleuvront fatalement sur l?Iran.
Akram Belkaïd
* Ecrivain internationalement connu, Yasmina Khadra s?appelle de son vrai nom Mohamed Moulessehoul, qui a déjà publié sous ce nom
nouvelles et romans en Algérie. Officier dans l?armée algérienne, il a participé à la «guerre contre le terrorisme»
. Il a quitté l?institution en 2000, avec le grade de commandant, pour se consacrer à sa vocation: écrire.
Original Author:
Akram Belkaïd*
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