Deux cas d`utilisation de corail naturel comme

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Deux cas d`utilisation de corail naturel comme
DEUX CAS D’UTILISATION DE
CORAIL NATUREL COMME SUBSTITUT OSSEUX
RAZAFIMAHANDRY H. J.C.*, RANDRIANASOLO D.**, ANDRIAMANANA N.W.A.**, RANDRIARIMANGA R. H. B.***
RESUME
Justification : les pertes de substances osseuses notamment d’origine infectieuse posent des problèmes thérapeutiques majeurs dans les pays en développement. L’autogreffe augmente la morbidité postopératoire.
L’allogreffe n’est pas disponible par manque de banque d’os. Les substituts osseux sont très chers s’ils existent.
Objectif : évaluer l’efficacité du corail naturel en tant que substitut osseux dans les pertes de substances osseuses
d’origine infectieuse.
Méthodes : Nous rapportons les résultats clinique et radiologique de l’utilisation de ce matériel dans un cas
d’ostéite chronique du fémur et un cas de pseudarthrose infectée du tibia, avec une perte de substance après
assèchement et curetage du foyer.
Résultats : cliniquement, dans les deux cas, nous avons observé une bonne tolérance. Il n’y a eu ni sepsis ni problème de cicatrisation et aucun rejet n’a été noté. Un recul d’au moins de 15 mois a permis de noter radiologiquement une ostéo-intégration.
Conclusion : cette étude montre que le corail naturel a une bonne biocompatibilité. L’ostéo-intégration est
facilitée par un contact suffisant entre l’os et le substitut d’une part et la persistance d’une continuité osseuse
d’autre part. Un élargissement de l’indication et une étude portant sur une large série seront à envisager.
Mots clés : Corail naturel, greffes traditionnelles, substitut osseux, pertes de substances osseuses,
chirurgie.
SUMMARY
Natural coral used as bone-graft substitute. Report of tow cases
Rationale: Bone defects caused especially by infection entail important therapeutic problems in developing
countries. Autogenous grafts increase the postoperative pain and infection risk. Allogenous grafts are not yet
available in the absence of bone bank. Bone substitute would be very expensive if it is available.
Aim : To assess the efficacy of natural coral as bone substitute implanted in bone defects caused by infection.
Methods: We report in our study the clinical and radiological results following the use of this product as bone
substitute in a case of femur chronic osteitis and in a case of infected pseudoarthrosis of the tibia. Both of them
present bone defect after curettage and draining.
Results: Clinical study reveals that natural coral grafts are well tolerated. There is no sepsis or cicatrisation
problem. In those cases, the radiological follow-up done after 15 months show an osteointegration of the coral.
Conclusion : This study demonstrates that coral grafts are well tolerated. Osteointegration is above all facilitated
in one hand by sufficient contact between bone and substitute and in the other hand by the presence of
continuous bone. The use of coral graft in other fields and in large scale is conceivable.
Key-words : Natural coral, traditional graft, bone substitute, bone defects, surgery.
* Interne des Hôpitaux en Chirurgie Général - CHU Antananarivo
** Chirurgien des Hôpitaux.
*** Professeur Titulaire des Chaires d’Anatomie Organogenèse et Traumatologie à la Faculté de Médecine d’Antananarivo
Deux cas d’utilisation…
Médecine d’Afrique Noire 2001 - 48 (3)
INTRODUCTION
de Carbone, 35,61 ‰ de matières organiques (Méthode Walkey et Black), 03,51 ‰ d’Azote total (Méthode
Keldhal), 3,51 ‰ de Phosphore total (Attaque nitroperclorique), 32,62 méq/100 g de Calcium (Percolation/acétate d’ammonium), 0,56 méq/100 g de Magnésium et 0,34 méq/100 g de potassium.
Les techniques d’ostéosynthèse à foyer ouvert sont greffées d’une proportion non négligeable d’ostéites et de
pseudarthroses infectées dans les pays en développement.
Ces complications infectieuses occasionnent souvent
des pertes des substances osseuses très importantes
nécessitant une greffe osseuse ou un recours à un substitut osseux. L’autogreffe demande un deuxième site
opératoire, allongeant la durée de l’intervention. L’allogreffe est loin d’être disponible par absence de banque
d’os. Quant à un substitut osseux, il est encore loin
d’être accessible dans un pays comme le nôtre.
Les préparations de ce matériel avant l’intervention ont
été une stérilisation parfaite à l’autoclave et un façonnage pour l’adapter aux dimensions nécessaires.
2 - Méthodes
Essai clinique sur 2 patients présentant une perte de
substance osseuse d’origine infectieuse avec appréciation des critères cliniques et radiologiques proposés par
GUENEPIN [7] pour évaluer un substitut osseux.
THOS [1], IRIGARAY [2] et SCIADINI [3] ont publié de
bons résultats des études expérimentales, concernant
respectivement l’arthrodèse de la colonne vertébrale
chez le lapin et le comblement d’un défect osseux du
fémur chez le mouton et du radius chez le chien, utilisant le corail comme substitut osseux.
DE LA CAFFINIERE [4] et DE PERETTI [5], quant à l’utilisation chez l’homme, rapportent dans des publications
récentes la place de ce matériel dans le traitement des
fractures tassements du plateau tibial et des fractures du
calcanéum.
Ce qui nous a amené à proposer l’utilisation de corail
naturel dans les pertes de substances osseuse d’origine
infectieuse.
Paramètres cliniques : local (œdème, érythème, douleur,
cicatrisation), régional (intolérance cutanée et/ou articulaire) et recherche de rejet ou de sepsis.
Paramètres radiologiques: opacité du greffon et aspect
de ses bords.
RÉSULTATS
Observation n°1
Rat. C. âgé de 36 ans, est admis au CHU d’Antananarivo le 1er juillet 1998 pour pseudarthrose infectée du
tibia droit après un enclouage centro-médullaire à foyer
ouvert d’une fracture fermée au niveau du quart inférieur.
Notre objectif est d’évaluer ce matériel comme alternative aux greffes traditionnelles et autres substituts osseux.
MATERIELS ET METHODES
Le 10 juillet 1998, un curetage osseux, une immobilisation plâtrée suivis d’une antibiothérapie adaptée sont
entrepris pour assèchement après ablation de matériel.
Le 12 septembre 1998, un curetage de la fibrose qui
comble la perte de substance osseuse respectant la moitié postérieure de l’os et une ostéosynthèse par plaque
de Müller avec interposition de corail naturel en forme
de tige de 6 cm de long (Figure 1) sont réalisés. Les suites opératoires sont simples et le patient sort de l’Hôpital
le 30 septembre 1998.
1- Le substitut
Il s’agit d’échantillon provenant de récifs coralliens formés par des animaux marins appelés communément
«corail».
C’est un embranchement des Cnidiaires, superclasse des
Anthozoaires, classe des Hexacoralliaire, ordre des Actiniaires, sous-ordre des Madréporaires, famille des sclératinides et genre Acropora [6]. Le genre est très courant
dans l’Océan Indien.
Le patient est revu à 3 mois, à 6 mois et à 15 mois de
l ’ i n t e rvention. On note une bonne cicatrisation. Le
contrôle radiologique à 6 mois (Figure 2) montre un
L’analyse chimique de l’échantillon (RAJAONARIVONY,
Laboratoire de Pédologie) montre qu’il contient 8,06 ‰
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début de condensation du corail et de continuité de ses
b o rds avec la corticale interne du tibia. Le contrôle
radiologique à 15 mois (Figure 3) révèle une
condensation bien visible du corail et une continuité de
ses bords avec la corticale interne et les bords du tibia.
Figure 1 : Ostéosynthèse et interposition
de corail après un assèchement d’une pseudoarthrose infectée du tibia droit
Figure 3 : Radiographie à 15 mois :
condensation du corail et
continuité de ses bords avec le tibia
Observation n°2
Ran. N. âgé de 11 ans, est admis au CHU d’Antananarivo le 07 janvier 1999 pour ostéite chronique du fémur
gauche après un enclouage centro-médullaire à foyer
ouvert d’une fracture fermée au niveau du tiers moyen.
Le 27 janvier 1999, un désenclouage, un cure t a g e
osseux, une séquestrectomie (Figure 4), une immobilisation plâtrée et une antibiothérapie adaptée sont
effectués pour assèchement.
Figure 2 : Radiographie à 6 mois : début
de condensation du corail et continuité de
ses bords avec la corticale interne du tibia
Figure 4 : Ostéite chronique du fémur
gauche : aspect après séquestrectomie
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Le 1er mars 1999, un curetage de la fibrose comblant la
perte de substance osseuse respectant la moitié postér i e u re de l’os et une ostéosynthèse par plaque de
Schermann avec interposition de corail naturel en forme
de tige et de 6 cm de long (Figure 5) sont réalisées. Les
suites opératoires sont simples et l’enfant sort de l’Hôpital le 29 mars 1999.
Figure 5 : Ostéosynthèse et interposition du corail
DISCUSSIONS
1- Le substitut
1.1- Nature chimique
D’après SCIADINI [3] et DE LA CAFFINIERE [4], le corail
est constitué principalement de carbonate de calcium
(CaCO3). L’analyse chimique de notre échantillon, fait
d’une tentacule d’un polypier de corail trouve 38,06 ‰
de Carbone et 32,62 méq /100g de calcium.
1.2- Structure
Selon CHEN [12], il existe une corrélation positive entre
l’ostéo-formation et la porosité d’un substitut osseux.
L’auteur souligne que ces porosités et leurs interconnections sont plus importantes que la composition chimique du substitut.
Chez nos patients, le corail naturel, de forme cylindrique, est utilisé, choisi selon sa taille et les dimensions
des pertes de substances. Des résultats satisfaisants sont
notés. Toutefois, une transformation du corail pour
avoir des conformations géométriques adaptées et une
ultra-structure poreuse bien déterminée serait souhaitable pour améliorer ce produit.
Le patient est revu à 2 mois, à 6 mois et à 16 mois de
l ’ i n t e rvention. On note une bonne cicatrisation. Le
contrôle radiologique effectué à 16 mois montre une
condensation bien visible du greffon et une continuité
de ses bords avec l’os (Figure 6).
1.3- Association avec d’autres substances
L’utilisation de ce matériel, associé à des produits ostéoinducteurs tels que protéine osseuse d’origine bovine
[3] ou cellules médullaires [8], avec des bons résultats
rapportés, reste actuellement au stade expérimental.
Son utilisation chez l’homme, dans diverses disciplines, à
l’état naturel [4, 5] ou modifié par association avec de
l’hydroxyapatite [9, 10] a donné également des bons
résultats, bien que diversement appréciés.
Chez nos patients, il est utilisé à l’état naturel, avec un
accord préalable des parents ou du patient. Les résultats, bien que préliminaires, sont encourageants.
Figure 6 : Radiographie à 16 mois :
condensation du corail et continuité de ses
bords avec le fémur
2 - Résultats clinique et radiologique
Les paramètres cliniques et radiologiques permettent
d’apprécier la tolérance et les modifications du greffon
[7].
Concernant nos 2 patients, des suites simples sont observées, avec une bonne cicatrisation de la plaie opératoire. Il n’y a pas de phénomènes inflammatoires ni de
sepsis. Aucune ablation du greffon n’est effectuée. Ces
résultats cliniques sont appréciés régulièrement au
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moins sur une période de 15 mois, nous permettant de
conclure à une bonne tolérance du corail.
Quant à l’appréciation des résultats radiologiques, 3
types d’évolutions sont décrits dans la littérature [4, 5] :
- une ostéo-intégration avec transformation du greffon
de corail en tissu osseux avec 3 stades :
. stade I : absence d’union,
. stade II : intégration possible (le corail est parfaitement visible mais ses bords deviennent indistincts),
notée dans l’observation n°1 (Figure 3) après un
recul de 15 mois et,
. stade III : intégration certaine (disparition périphérique de la trame du corail et interpénétration
radiologique entre le corail et la structure osseuse),
observée dans l’observation n°2 (Figure 6) après
un recul de 16 mois.
- une résorption complète où le gre ffon disparaît
complètement. Selon FRICAIN [11], cette résorption
est le fait d’une détérioration irrégulière du corail, liée
à un détachement des cristaux sur la surface de l’implant par l’action des facteurs responsables de la
résorption (cellules et milieu biologiques).
- une séquestration, par activité ostéoclastique sur les
bords du greffon.
Nos 2 patients n’ont présenté ni résorption ni séquestration de l’implant.
des rebords et du plafond de l’orbite [9]. Dans la chirurgie orthopédique et traumatologique, ils sont employés
pour le relèvement d’une fracture tassement du plateau
tibial, les fractures du calcanéum, les triples arthrodèses
du pied et les fractures de l’extrémité inférieure du tibia
[4, 5, 10].
Dans notre étude, nous avons utilisé le corail naturel
pour la reconstruction des defects osseux d’origine
infectieuse. Nos résultats, après un recul moyen de 15,5
mois, sont appréciables, nous permettant de conclure à
une bonne ostéo-intégration.
3 - Dimensions de la perte de
substance osseuse
Selon DE LA CAFFINIERE [4], l’étendu des surfaces en
contact entre le greffon de corail et l’os receveur est en
corrélation avec l’ostéo-intégration. Ce qui est retrouvé
chez nos patients qui ont présenté une perte de substance avec conservation d’un contact osseux cortical
assez étendu, favorisant ainsi l’ostéo-intégration.
Au terme de cette étude, nous pouvons dire que le
corail malgache a une bonne biocompatibilité. Une
ostéo-intégration est observée dans les pertes de substances osseuses où les surfaces de contact entre l’os
receveur et le greffon sont suffisamment étendues et où
persiste une continuité osseuse.
Une étude portant sur plusieurs cas et sur différentes
indications est à envisager pour mieux évaluer cette
substance naturelle qui serait une alternative efficace à
une autogreffe et aux autres substituts osseux dans le
domaine de la chirurgie osseuse surtout pour les pays
en développement.
5 - Efficacité et biocompatibilité
IRIGARAY [2] confirme, dans une étude récente sur l’animal, la biocompatibilité et l’ossification du corail naturel,
évaluées par la méthode PIXE (particules induced X-ray
emission).
Quant à l’utilisation chez l’homme de ce substitut, DE
PERETTI [5] rapporte 5 cas d’écoulement aseptique intarissable sur 23 implantations de corail naturel. Il attribuerait ce fait à des impuretés de l’implant.
Dans notre étude, aucune complication de ce genre ni
infectieuse n’est rencontrée, traduisant une bonne tolérance du corail naturel malgache.
CONCLUSION
4 - Indications
Dans le domaine de la chirurgie maxillo-faciale, le corail
naturel et ses dérivés sont utilisés pour la reconstruction
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