L`ATELIEr PUBLIC dE PAySAgE - Ecole nationale supérieure d

Transcription

L`ATELIEr PUBLIC dE PAySAgE - Ecole nationale supérieure d
l’ATelier Public de Paysage
n°8
École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille
Bertrand Le Boudec, François-Xavier Mousquet et Yves Hubert, enseignants
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2014-2015
Infrastructure et paysage
Les enjeux paysagers du futur bief de partage du Canal Seine-Nord Europe
*
Un grand canal est en projet, il s’agit du canal Seine-Nord Europe, qui, comme son nom l’indique
doit, à partir de 2024, relier le bassin de la Seine, au grand réseau fluvial du Bénélux et de l’Allemagne. Questions
de paysage
Dessiner
itions de reprise de
Imaginer un canal vivant
L’identité d’un territoire
Retrouver la Tortille
Le devenir du canal du Nord
L’enjeu des déblais-remblais
Réinventer la mitoyenneté
La reprise de la greffe
Mobilité(s)
de nouvelles perspectives
Un canal créateur de nouveaux
espaces publics
Retrouver la vallée de la Tortille
L’ambition d’un canal vivant
Révéler le socle du paysage
Anticiper le futur paysage
Le devenir du canal du Nord
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12 semaines, 6 schémas directeurs
17 projets de territoire
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L’ouvrage est coûteux et complexe. Son lancement a plusieurs fois été différé, mais il est aujourd’hui
plus que jamais d’actualité, puisque l’ouverture de son chantier est programmée pour début 2018.
Pour en arriver là, des économies ont été nécessaires, portant notamment sur son bief de partage*
qui a fait l’objet d’une reconfiguration aboutissant à la suppression d’une écluse, et entrainant par
voie de conséquence, d’importantes répercussions en termes de terrassement. La mission SeineNord Europe de VNF a accepté de saisir cette occasion pour entreprendre en partenariat avec
l’Ensap’Lille, un nouvel Atelier public de paysage. L’opportunité est passionnante car l’aménagement d’un canal pose toute une série de questions majeures en termes de paysage :
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C’est une première ou pratiquement, puisqu’un seul canal a été réalisé en France au XXème siècle, le
canal du Nord, et dans des conditions plus que difficiles. Ce projet-ci date de près de cinquante ans. Long
de 107 km, il doit relier la vallée de l’Oise au canal de la Sensée. L’un de ses objectifs affiché est
de réduire l’expansion galopante du transport routier, grand consommateur d’énergie fossile et à
l’origine d’une majorité d’émissions de polluants. Or le transport par voie d’eau, on le sait, produit
quarante fois moins de pollution atmosphérique que la route. L’aménagement d’un canal
pose une série de questions
majeures en termes de paysage
Allaines
Un canal est une immense infrastructure conçue avec le paysage Pour le tracer, Il faut organiser un escalier d’eau, implanter des
écluses, éviter les terrains instables, s’écarter des itinéraires sinueux. Plus encore qu’une route, l’aménagement d’une voie d’eau
ne peut ignorer la géographie, la topographie, l’occupation des sols. Un canal est un paysage construit et sa conception associe une gamme d’échelles étonnamment large,
depuis la dimension du territoire par la connexion des voies navigables, en passant par la spécificité des
paysages de chaque bief, et jusqu’à l’échelle du détail dans le mode de constitution de l’étanchéité des
berges, le traitement des lisières du domaine public fluvial ou l’aménagement des sites de dépôt.
Un canal est un gigantesque ouvrage d’art unitaire. L’ensemble de ses parties forme un tout, et tout
aménagement de détail s’inscrit dans une logique d’ensemble. Au final, chacun de ses éléments ne
s’apprécie qu’en fonction de sa place et de sa hiérarchie au coeur d’un système.
Un canal est un outil de développement des échanges et des territoires. Son aménagement favorise
certains sites, mais à contrario, en isole d’autres. La relation liant un canal à son paysage invite à
prendre conscience qu’une infrastructure de transport peut devenir un formidable élément fédérateur
de projets de territoire. Aux côtés de ses besoins hydrauliques, et de ses exigences écologiques,
la mise en relation du projet avec les territoires est l’un de ses enjeux fondamentaux.
Au printemps 2015, dix-sept étudiants et neuf membres d’un comité de pilotage ont donc réfléchi
ensemble pendant douze semaines, sur toutes ces thématiques liant infrastructure et paysage, témoignant
à chaque étape et à chaque rencontre, de la richesse et de l’urgence d’aborder ces questions.
* Bief : section de canal comprise entre deux écluses. Bief de partage: bief situé au sommet du relief que franchit le canal
Le tracé du Canal Seine-Nord Europe
Le canal Seine Nord Europe
Quelques chiffres repères
(source VNF)
Le tracé du bief de partage reconfiguré
Le canal Seine Nord Europe
Quelques dates repères...
(source VNF)
Canal de la Sensée
PK
107
Ecluse n°6
Oisy-le-Verger
Longueur 107 km
Largeur de miroir 54 m
(Compiègne /Aubencheul-au-Bac)
(largeur du canal en surface)
L’emprise finale variera de 100 à 150 m
Aubencheul
-au-bac
Oignies
Cambrai
Ecluse n°5
Marquion
4.5 m
Hauteur libre 7m
Nombre d’écluses 6
Nombre de ponts canaux 3
Mouvement de terre 57 millions de m
Volume de remblais 30 millions de m3
Volume de déblais 25 millions de m
Déblais excédentaires
36 millions de m3
Emprise dépôt Emprise des retenues 3
Vallée de la Haute Somme
A2
Comment traiter
la mitoyenneté entre le CSNE
et le village d’Ytres, avec passage
en forte tranchée
(- 45m) ?
Péronne
600 ha
160 ha
Saint Quentin
Vallée de l’Omignon
entre 15 et 18 h
S
Projets d’aménagement annexes :
. 4 plateformes multimodales
Noyonnais, Nesle, Péronne, Cambrai-Marquion
STAR, THALY
Réduction du gaz carbonique 500 000 t par an
à l’horizon 2050
, EURO
à l’horizon 2050
Vallée de l’Ingon
Que faire du souterrain
de Ruyaulcourt ?
Etricourt
écluse n°3
Campagne
D43
. 5 sites de chargement de céréales
Moislains, Noyon, Graincourt, Lanquevoisin et Cléry-s-Somme
Quel devenir
pour les anciennes
emprises du canal
du Nord ?
Eléments appelés à disparaître :
. 12 habitations
. 70 hectares de boisements exploités
. 2400 hectares de terres cultivées
Début des travaux écluse n°2
Noyon
Noyon
2018
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l’Ois
Moislains
Pourrait-on imaginer
- à plus ou moins long terme –
un possibile usage du bassin de la
Louette comme espace récréatif,
dont une partie pourrait être
ouverte au public ?
Compte tenu
du pôle touristique
déjà existant autour de Péronne,
y a t’il sur ce secteur, un potentiel
de création d’itinéraires de découverte
autour de 4 sites majeurs du CSNE :
le Pont-canal sur la Somme,
le bassin de la Louette,
la connexion du canal du Nord,
et le belvédère du Mont
Saint Quentin ?
Durée de remplissage du canal 5 mois et demi
prélevés en période de hautes eaux dans l’Oise
équivalent à 1m3/ seconde. Compiègne PK
0
Vallée de l’Oise
N
0 1
km
5
10
20
km
km
Comment
organiser et gérer
les sites de dépôt ?
Quelles relations
de mitoyenneté établir
entre le bourg et le
CSNE ?
17
écluse n°1
Montmacq
17 millions m3
NB.Parmi les objectifs de performances environnementales
figure l’interdiction des prélévements à partir des ressources
en eau souterraines jugées trop fragiles sur toute l’aire d’étude.
V
de
allée
N Mise en service de l’ensemble 2024
Alimentation Comment organiser
et gérer les sites de dépôt
pour préserver la logique de
rivière de la vallée de
la Tortille?
Pourrait-on
imaginer mettre en place
un corridor biologique entre
le bois de Vaux, le bois
de l’Eau et le bois
des Sapins ?
Roye
. 2 quais de transbordement Thourotte, Ribécourt
lle
Comment
restaurer le lit de
la Tortille ?
Manancourt
Vallée de la Haute Somme
2003. Le CIADT retient le projet parmi 35 projets
d’infrastructures de transport français prioritaires, et confie
la maîtrise d’ouvrage des études d’avant-projet à VNF.
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bassin
de retenue
de la louette
92 ha,14 M m3
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Retenue de
la Louette
1
Quel avenir pour
les territoires enclavés
entre le canal du Nord
et le CSNE ?
Allaines
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Légende
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2
Comment traiter
la mitoyenneté entre le
village d’Allaines et la
digue du bassin
de retenue ?
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3
km
N
4
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1993. Le projet de CSNE est inscrit au Schéma directeur des
voies fluviales européennes à grand gabarit. C’est le premier
projet d’infrastructure en France soumis au débat public,
2002. le Ministère des Transports choisit et communique le fuseau de tracé. Equancourt
D172 (Pas-de-Calais)
D 58 (Somme)
1985-1993 Des solutions intermédiaires d’aménagement
du canal de Saint-Quentin ou du canal du Nord sont étudiées. Celles concernant le canal de Saint-Quentin sont
abandonnées en raison de leur plus grande longueur
(+40 %), de leur très fort impact sur les milieux urbains
et naturels,du nombre très important d’écluses et de la
nécessité d’interrompre le trafic pendant une très longue
durée. Celles relatives au canal du Nord sont abandonnées
notamment du fait de l’existence de deux biefs de partage,
et de l’impact majeur de l’interruption du trafic pendant
la période de travaux conduisant au risque de transfert
durable des marchandises sur d’autres modes.
1995. Le Ministère des Transports lance les études
préliminaires sous maîtrise d’ouvrage de VNF.
Ytres
Comment traiter
les relations de
mitoyenneté entre le
bourg et le CSNE ? D72
Nesle
Comment résoudre
la future dissociation du village
et de son cimetière que
provoque le tracé du CSNE ?
A1 TG
V
20 à 28 Mt
Comment traiter
la délicate question de
l’implantation des sites de dépôts
susceptibles de renforcer les
situations d’enclavement ou de
masquer des co-visibilités
entre villages ?
Neuville Bourjonval
Quelles solutions face
au risque d’enclavement du
village d’Ytres,d’ores et déjà
adossé à l’A2
Capacité des barges 4400 t
(185 m x 11.40 m)
Trafic escompté Ruyaulcourt
D7E
Ecluse n°4
d’Allaines
3
1 330 ha
Bois d’Havrincourt
Bief de
partage
Emprises des plates-formes multimodales 2 450 ha
Temps de transit 1975/85 Premières études préalables pour une nouvelle
voie à grand gabarit (3300 a 4500 t.)
Comment
résoudre le risque
d’enclavement du village
de Ruyaulcourt, déjà
cerné par l’A2 ?
dont le pont canal franchissant la Somme (1,3 km de long)
1913. Les travaux sont entrepris, mais interrompus et
endommagés par la 1ère, puis la 2ème guerre mondiale.
1965. Mise en service du canal du Nord. Son tonnage
(800 à 900 t) s’avère très vite inadapté à la demande
Montmacq, Noyon, Campagne
Allaines, Marquion, Oisy-le-Verger (chutes de 6.4 m à 30 m)
+ équipements riverains
Havrincourt
1878. Décision de construire le canal du Nord
pour soulager le trafic du canal de Saint Quentin.
Profondeur d’eau Emprise canal
Hermies
Canal Seine Nord Europe
Canal du Nord
Sites de dépot
Routes départementales
Autoroute
Pont routier
Zones habitat
Limites de la zone du bief de partage
2004. Les études d’APS sont confiées à des groupements
de bureau d’études européens. Elles permettent de sélectionner d’une part, un tracé de référence et, d’autre part,
les implantations d’équipements portuaires, des platesformes logistiques, affirmant la vocation économique d’un
projet global de transport et d’aménagement du territoire.
2006. Dépôt du dossier d’APS, puis dépôt du dossier
d’enquête préalable à la DUP.
2007. L’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique
est menée dans les 68 communes concernéees par la
bande de 500 m. La commission d’enquête remet un
avis favorable le 6 juillet.
2008. Décret du 11-09-08, déclarant le projet d’utilité
publique. Le CSNE est inscrit au Schéma national
d’infrastructures de transport français. Il devient l’un des 30 projets prioritaires du futur réseau
transeuropéen de transport (RTE-T)
2009. La loi Grenelle.1 promulguée à la suite du Grenelle
de l’Environnement prévoit de financer partiellement le
CSNE, via un contrat de partenariat public-privé. Le coût
total des travaux est estimé à 4,3 Md € (plates-formes
incluses). Un Observatoire de l’environnement du canal
Seine-Nord Europe, est mis en place avec pour objectif
de garantir l’insertion du projet dans son environnement
et dans les territoires sur le long terme.
2013. Suite au changement de majorité, un rapport du
Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection Générale des
Finances estime le coût réel à 7 Md €. Le Ministre délégué aux Transports,déclare que : “ le coût du canal a
été sous-évalué, les recettes surestimées, et le financement était tout simplement inatteignable” Il propose de
relancer le dossier en modifiant le tracé du canal et son
architecture, tout en présentant un nouveau dossier à
la Commission européenne afin qu’un tiers du projet
soit financé par l’Union européenne.
La modification essentielle du tracé du canal
concerne le bief de partage (entre Allaines et
Havrincourt). Notre sujet....
2
3
Le succès de ce canal
sera son approche globale
Joël Ricorday
‘‘Nous avons un travail important
à faire vis-à-vis de notre client,
c’est de rendre lisible le paysage.
Tout le monde parle de paysage,
mais personne dans le fond
ne sait de quoi on parle.’’ ‘‘Dans les années 80,
on parlait de ‘‘1% Paysage’’
C’était déjà un début de reconnaissance,
mais ce n’était encore qu’une manière
de compenser. Aujourd’hui le paysage
est une entrée majeure pour réfléchir
à l’aménagement d’une infrastructure.’’
Premières approches
‘‘Mieux connaître les milieux naturels
pour mieux les protéger.
S’orienter vers le tracé
de moindre impact. Claire Perard
Rappel des 4 objectifs environnementaux
du Canal Seine-Nord Europe :
- Préserver le milieu naturel et s’intégrer
dans la Trame Verte & Bleue
La question du paysage doit se poser
avant et avec le chantier, pas après
‘‘Il est intéressant de réfléchir aux outils
qui permettraient de faire un canal vivant’’
Maxime Corlay
‘‘Le canal peut-il devenir
une nouvelle colonne vertébrale
de ces paysages ?’’ Julien Desagre
Havrincourt
- Respecter la ressource en eau et atteindre
un bon potentiel écologique pour le Canal
- Concevoir un projet durable.
‘‘Quels sont nos besoins dans une
société post-carbone ?’’ Yves Hubert
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Can
Une fois ce canal réalisé, où sera le paysage ?
A quel paysage aurons nous à faire ?
Est-ce que ce sera un autre paysage ?
Est-ce que celui-ci sera caché ?
pe
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La vie de l’eau du canal
est une question majeure
‘‘Comment réutiliser les paysages
créés par le canal du nord ?’’
Un projet n’est pas un dessin,
c’est une hypothèse d’avenir
Bois
d’Havrincourt
Vue des hauteurs de Moislains
Une démarche de paysage
est souvent juste lorsqu’elle
s’intègre dans le temps
Orlando Bussonati
François-Xavier Mousquet
‘‘Où est l’homme ? Quelles sont les
préoccupations humaines de ce territoire ?’’
François Xavier Mousquet
Clothilde Moriat
‘‘La nécessaire horizontalité du canal offre
une grille de lecture de la géographie du site’’.
Thibaut Chantre
‘‘Assumer cette infrastructure comme un
nouvel élément du paysage’’. Mathilde Castiau
Requalifier les paysages dévastés
Intégrer l’infrastructure au sein du paysage
Recenser et protéger les écosystèmes menacés
Amplifier et protéger la mobilité faunistique
Atténuer l’impact visuel des remblais
Tous les outils à activer
sont déjà là dans le paysage.
c’est intéressant de chercher
dans l’observation du site
tous les éléments de projet...
Ruyaulcourt
‘‘Comment les villages
qui côtoient le canal
peuvent-ils trouver
dans ce chantier,
le levier d’une
nouvelle identité ?’’
L’approche est inquiète...
La grosse difficulté de cet atelier
est d’arriver à comprendre la réalité
des échelles qui seront mises en œuvre
2
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‘‘Attention à l’hypnose de l’objet technique’’
NeuvilleBourjonval
Site de la future retenue de la Louette
‘‘Nous sommes dans une vallée encadrée de
bassins versants. Le canal fonctionne avec
la rivière qui elle-même fonctionne avec le
sous-sol. Il faut s’obliger à admettre que cet
ancien système va survivre.’’ Yves Hubert
‘‘À toujours ouvrir les parapluies,
on ne voit plus jamais le soleil’’
(Le rêve de travailler avec des ingénieurs ingénieux)
François-Xavier Mousquet
Ytres
‘‘Pour faire un canal, il faut prendre
en charge un grand nombre d’échelles
Et quand le projet sera fini, il faut absolument
que ces différentes échelles apparaissent ’’
Jean-Marc Zuretti
Directeur de l’Ensap’Lille
Un canal crée un paysage
- Intégrer le projet dans le milieu humain
Jean Lafont
‘‘On peut trouver un système cohérent,
en analysant comment un système
‘‘canal-industriel’’ dessert le territoire,
alors qu’un ‘‘système rivière’’ le sert
au contraire, parce qu’il s’adresse à
l’habiter. Sinon, ce sera ici, le lieu de
la guerre économique entre les grandes
métropoles et la campagne.’’ Yves Hubert
‘‘Il nous faut apprendre ce qui permet
de ne point dépendre’’ Condorcet
La notion de perspective
est au cœur de ce sujet
Dire que l’on va donner
des priorités à certaines perspectives
requestionne la question des dépôts
Qu’est-ce que c’est
57 millions de m3
de mouvements de terre ?Juliette Ols
‘‘Chaque fois qu’un homme veut aller plus vite,
(autoroute, LGV, canal…) il ralentit forcément
les franchissements transversaux.’’ Yves Hubert
‘‘ Comment habiter le territoire du canal ?’’
Thibaut Chantre
‘‘On est obligatoirement pionnier. Si on n’est
pas en avance sur son temps, on n’est déjà
plus de son temps.’’ François-Xavier Mousquet
Greffe en écusson
Dans la construction du Réseau transeuropéen
de transport fluvial, la réalisation de la liaison
Seine-Nord, tant attendue pour réduire les transports routiers et favoriser le développement économique de plusieurs régions, rentre dans une
phase opérationnelle. Les impacts paysagers de cet aménagement
exceptionnel se mesurent non seulement en millions de mètres-cubes de terre, mais posent, une
fois encore, l’actualité de la question des relations qu’une grande infrastructure peut entretenir
avec le territoire. Telle était la situation à laquelle
les étudiants étaient confrontés tout un semestre
durant, dans un échange régulier et exigeant avec
les ingénieurs des Voies navigables de France.
Leur formation comporte ce passage obligé en
Atelier Public de Paysage pour appréhender la
réalité de la demande sociale, se confronter aux
enjeux économiques et rencontrer des interlocuteurs en situation : professionnels, élus locaux
ou responsables... capables de porter sur leurs
travaux et sur leurs projets un regard critique,
distancié, franc et constructif. Qu’ils soient ici vivement remerciés d’avoir contribué à la construction de leurs aptitudes.
En effet, les échanges avec la maîtrise d’ouvrage
et ses services ont pu tempérer ou souligner
l’idéalisme de quelques suggestions avancées
par les étudiants, quand d’autres propositions
sauront intéresser VNF pour soulever des enjeux
paysagers jusque-là non prévus ou mettre l’accent sur l’apport de la discipline du paysage dans
le processus de conception du projet. C’est bien
au travers de telles expériences pédagogiques
que l’ENSAP Lille veut guider ses étudiants vers
la maturité et l’autonomie dans leur futur métier
: dans le concret des territoires comme des
échanges qui en déterminent l’évolution.
Pour l’ENSAP Lille, je tiens à remercier les
membres de VNF pour leur disponibilité et l’accompagnement assuré, en particulier Madame
Claire Pérard, ingénieur au sein de l’équipe de
projet CSNE, et Monsieur Jean Lafont, Ingénieur
général des ponts et chaussées, qui a accepté
de présider la démarche, ainsi que les représentants des services et organismes associés qui
nous ont fait le plaisir d’accepter d’y participer bénévolement : Monsieur Joël Ricorday, paysagiste
à la DREAL de Picardie, Madame Mathilde CastiauHuot, paysagiste au CAUE de l’Oise et Monsieur
Maxime Corlay, paysagiste en charge de la cellule
paysage au sein du groupe Systra, spécialiste en
ingénierie et conseil dans le domaine des infrastructures de transport.
Je tiens enfin à saluer, pour leur engagement,
personnel et professionnel, les trois enseignants
chargés de cet Atelier public de paysage 2015,
Bertrand Le Boudec, François-Xavier Mousquet et Yves Hubert, ainsi que chacun des étudiants de ce huitième Atelier Public de Paysage :
Léa Badel, Clara Bompart, Orlando Bussonati,
Thibaut Chantre, Julien Desagre, Alan Douchet,
Cyril Guimard, Juliette Hochart, Audrey Josselin,
Clément Large, Aliénor Layet, Clothilde Moriat,
Maud Nunez, Juliette Ols, Ghislain Rabeil,Pierre
Vedovato et Julien Truglas.
4
5
Les enjeux paysagers
de la reconfiguration du bief de partage
Claire Perard
Ingénieur de projet hydraulique et environnement/ Voies Navigables de France/ Mission Seine-Nord Europe
Présentation faite à Béthune, le 5 mars 2015
Pour comprendre le projet de reconfiguration du bief de
partage, il faut d’abord rappeler les grandes lignes du projet
du Canal Seine-Nord Europe.
Ce projet Seine-Nord fait partie d’un programme plus large de liaison Seine-Escaut
qui comprend toutes les opérations de mise à grand gabarit de la Seine, du Havre
à la Marne, et qui se complète d’un certain nombre d’opérations dans le Nord-Pas
de Calais, comme la mise à grand gabarit d’écluses ou le relèvement de ponts.
Le premier objectif de ce canal Seine-Nord, et plus largement de la liaison
Seine-Escaut, est de fiabiliser l’offre de service, en valorisant le réseau existant
de façon à inciter au report modal.
Le deuxième est d’accroître le gabarit du réseau pour développer l’hinterland des
ports maritimes : l’hinterland est, vous le savez, le territoire continental d’un port
qui tout à la fois réceptionne et fournit les marchandises qu’il expédie. Développer
l’hinterland, c’est permettre concrètement que le prolongement logique d’un
transport de marchandises par voie maritime se poursuive par voie fluviale.
La troisième ambition est de favoriser la transition écologique et énergétique : le transport fluvial est plus économe que le fer ou la route en terme d’émissions de gaz à effet
de serre, mais l’objectif vise aussi à inscrire ce canal dans son territoire de façon à
l’intégrer dans l’ensemble des dynamiques écologiques existantes. Enfin, ce canal
a pour ambition de contribuer aux stratégies de développement des ports du Grand
Paris, de l’axe de la Seine jusqu’au port de Dunkerque, puisque lorsqu’il sera mis en service, les marchandises chargées à Dunkerque pourront directement être livrées à Paris.
on trouve d’abord la vallée de l’Oise, puis les collines du Noyonnais, le plateau
du Santerre, la vallée de la Haute-Somme, les collines du Vermandois, le Cambrèsis, et enfin le Val de Sensée. À l’exception des deux premières séquences,
ce parcours traverse un territoire plutôt rural, faiblement peuplé, que scandent
cinq villes de taille moyenne : Compiègne, Noyon, Nesle, Péronne, et Marquion.
Le bief de partage qui nous concerne est lui aussi peu dense en termes démographiques. Il est bordé au sud par la ville de Péronne (7700 habitants) et ne
compte que trois communes de plus de 1000 habitants (Moislains, Hermies et
Bourlon). Tous les autres villages ont moins de 1000 habitants, mais leur évolution
démographique est stable, sinon positive. Comme le canal du Nord, ce bief suit
l’ancien lit de la Tortille, avant de franchir la ligne de partage des eaux séparant le
bassin versant de la Somme, de celui du Val de Sensée. C’est un territoire ouvert,
mais qui compte quelques boisements assez importants pour la région, notamment vers Moislains, Etricourt-Manancourt, et plus loin Havrincourt.
Caractéristiques Dans la reconfiguration du projet, une des premières pistes
proposée est de réutiliser l’emprise du canal du Nord sur huit
techniques
kilomètres au niveau du bief de partage. Cette proposition
s’accompagne de la suppression de l’écluse d’Havrincourt et de la réduction
de moitié de la hauteur de chute d’eau de l’écluse d’Allaines. Chaque bief,
comme vous le savez, est borné par deux écluses permettant de franchir les
contraintes topographiques. L’objectif ici, a été d’essayer d’optimiser les positionnements de ces écluses pour réduire la quantité de déblais. Le tracé d’un
canal est extrêmement contraint. Contrairement à une autoroute ou une voie
Lieu-dit ‘‘la vallée à veaux’’
site de prendre connaissance des différents milieux naturels
de manière à mieux les protéger et réduire les impacts ou les
compenser. C’est une des missions confiées à l’Observatoire
de l’Environnement. Cette volonté d’impacter ‘‘au minimum’’
l’environnement traversé est menée par la doctrine de séquence ‘‘éviter, réduire, compenser’’. L’aménagement d’espaces associés au projet, tels les reboisements, les annexes
hydrauliques, les berges lagunées participent de l’intégration
du canal dans la trame verte. L’objectif qui guide le projet est
de l’aménager et de le gérer de façon à ce que sa qualité
d’eau soit suffisante et atteigne un bon potentiel écologique tel
que le définit la Directive Cadre sur l’Eau. Ce potentiel passe
par une bonne gestion de l’eau, ressource évidemment essentielle dans le fonctionnement de ces infrastructures.
Gestion
de l’eau
Aucun cours d’eau ne se trouve en amont
du CSNE et ne peut donc alimenter directement le bief de partage. Le prélèvement est
donc réalisé au niveau de l’Oise. Le principe d’alimentation
est réalisé par pompage pour compenser les pertes du canal.
Ces pertes sont liées à l’évaporation et à l’infiltration (même
si l’étanchéité est conçue pour être très performante, le risque
de pertes, même infimes ne peut pas être écarté). Ces prélèvements dans l’Oise seront suspendus en période d’étiage. Il
faudra alors utiliser la retenue d’eau de la Louette, à proximité
de Péronne. Dimensionnée aujourd’hui pour un volume de
14 millions de m3 d’eau ce qui permet une alimentation du
canal pendant six mois environ. Au-delà, on procède à des
restrictions de navigation. Le système est dimensionné
pour supporter une interruption de navigation environ tous
les 50 ans. Dans le contexte actuel de changement climatique
cette fréquence pourra être amenée à évoluer.
Une problématique importante à laquelle nous devons
répondre vient du fait que le canal du Nord a généré des
perturbations importantes sur l’équilibre hydraulique du secteur. Ce canal du Nord draine la nappe phréatique en période
Les premières maisons du village d’Ytres (390 hbts)
que peut générer l’implantation du canal. Traversant la
Picardie et le Nord-Pas-de-Calais, deux régions agricoles,
l’enjeu de limiter les impacts sur les terres et sur les activités
agricoles est important, déjà soumises à de nombreuses
contraintes. La profession agricole est très attentive aux
emprises liées à la section courante du projet mais aussi
liées aux terrains de dépôt ; Plusieurs réunions de concertation visant à définir les emplacements des remblais ont
permis de trouver des compromis.
Production
d’énergies
renouvelables
La production d’énergies renouvelables
sur les emprises du canal est envisagée.
Installer des éoliennes le long du canal
ou des panneaux photovoltaïques sur
les écluses est une hypothèse ; Les micro-centrales commencent également à se développer sur le réseau VNF,
sur certains barrages : il s’agit de micro-turbines pouvant
produire de l’énergie. D’autres systèmes appelés ‘‘systèmes d’énergie potentielle’’ permettent de produire de
l’énergie par transvasement d’eau entre un point haut et un
point bas. Toutes ces pistes restent ouvertes aujourd’hui.
Gestion
des dépôts
La question de la prise en compte du
paysage pour la localisation des dépôts
a été posée. Néanmoins, les contraintes
agricoles sont telles et les discussions si délicates que la
marge de manoeuvre est faible. Un groupe de travail est
mis en place avec les agriculteurs, les associations et
les collectivités pour partager les différents enjeux, parfois contradictoires, et faire des propositions collectives
et concertées sur la localisation et l’usage futur des dépôts. Les enjeux paysagers seront pris en compte dans
ces débats. En second lieu, nous pourrons jouer sur le
modelé des terrains des dépôts. En cas de volonté de
conserver une vue ouverte, le tout sera de modeler le terrain de dépôt pour garder la vue, et optimiser les modelés
sur les deux extrémités.
‘‘Le grand bois d’Ytres’’, un des bois épars de ce grand paysage ouvert
Jean Lafont
Ingénieur général
des ponts et chaussées
Président de l’Observatoire
de l’Environnement
du Canal Seine-Nord Europe
Greffe en fente
Quand Bertrand Le Boudec m’a invité à participer
au comité de pilotage de cet atelier public, c’est
avec plaisir que j’ai donné mon accord.
L’Observatoire de l’environnement du canal Seine-Nord Europe a considéré dès le début de ses
travaux que l’approche paysagère de l’ouvrage ne
constituait pas une dimension mineure, une fois
prises en compte les contraintes techniques, afin
de rendre le projet acceptable. C’était au contraire
une condition majeure pour réussir un canal vivant,
intégré dans son milieu naturel et appelé à créer de
nouveaux liens entre les habitants des territoires
traversés, en un mot à constituer une ressource,
malgré les coupures inhérentes à sa taille.
Le choix par l’Atelier Public de Paysage du bief
de partage était un choix pertinent, non seulement parce que la remise à l’étude de ce tronçon
ouvrait des marges de manoeuvres, mais aussi
parce qu’il permettait d’aborder une variété de
problématiques: comment traiter le problème
des dépôts ? comment inscrire le canal dans les
réseaux existants, ceux de l’eau, des espaces
naturels, des cheminements des êtres humains
et des bêtes, et cela aux différentes échelles du
territoire ? Comment intégrer le canal à proximité
des villages, pour offrir de nouvelles opportunités
et créer des espaces communs ? Tout cela sans
oublier le temps long.
Les travaux des étudiant-e-s présentés dans ce
journal témoignent d’une grande richesse. Je
ne peux que souhaiter qu’ils inspirent le maître
d’ouvrage et, au-delà, que ce type d’approche
se développe et accompagne naturellement tout
grand projet.
PK 79. Vue sur le site de la future grande tranchée du bief de partage, depuis Etricourt-Manancourt
Un paysage vallonné construit autour d’un système-rivière
Historique
Le projet de canal Seine Nord est né dans les années 60, peu
après la mise en service du Canal du Nord. La construction du
canal du Nord a débuté au début du XXeme siècle, mais le chantier a été long, très long. Interrompu et endommagé par la Grande Guerre,
ralenti, repris, puis à nouveau arrêté par la seconde guerre mondiale, il n’a
finalement été achevé qu’en 1964. Conçu pour un gabarit de 600 tonnes et doté
de 21 écluses, son trafic de marchandises a très vite été saturé. L’infrastructure, tout comme les besoins identifiés trois-quarts de siècle plus tôt, se sont
révélés être en profond décalage avec les nouvelles attentes. Au terme d’une
première série d’études menées entre 1975 et 1985, le projet d’une nouvelle
liaison Seine-Nord, compatible avec le réseau européen à grand gabarit (300 à
4500 tonnes) a été inscrit dans le Schéma directeur des voies navigables. Ce
projet a ensuite été inscrit en 1993, au Schéma Directeur Européen du réseau
fluvial et à cette occasion, il a été le premier projet d’infrastructure en France
soumis au débat public. Le Conseil européen des Ministres des Transports a
décidé en décembre 2003 de l’inscrire par un vote à l’unanimité comme projet
prioritaire européen et les études d’Avant-Projet Sommaire ont débuté en 2004.
En 2008 au terme d’une enquête publique, le projet a fait l’objet d’une DUP.
Son coût était alors estimé à 4,3 milliards d’euros (plates-formes multimodales
incluses), partiellement financés par un contrat de partenariat public-privé. Une
mise en concurrence a été lancée auprès de deux grands consortiums de travaux publics, mais en 2013, le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable et l’Inspection Générale des Finances ont estimé ce coût
nettement sous-évalué, ces recettes surestimées et ce financement impossible
à atteindre. Le nouveau Ministre délégué aux transports a alors proposé de
relancer ce canal, mais en en modifiant le tracé, en en revoyant l’architecture,
et en présentant un nouveau dossier de subvention auprès de la Commission européenne afin que l’Europe finance un tiers du projet. Une mission de
reconfiguration fut alors confiée au député du Nord, Rémi Pauvros qui remit ses
conclusions fin 2013. Plusieurs alternatives ont permis d’envisager de baisser
le coût initial du projet, et parmi ces propositions, l’élément principal qui vous
concerne directement dans le cadre de cet atelier public, est la reconfiguration
du bief de partage sur un peu plus de vingt kilomètres.
ferrée pour lesquelles des variations de pentes sont admissibles, l’horizontalité
de l’eau n’est pas négociable, et le niveau du bief doit forcément être constant
d’une écluse à l’autre. Il s’y ajoute des rayons de courbure minimaux à respecter. Par exemple,le rayon de giration d’un convoi à grand gabarit est d’environ
un kilomètre. La section courante du canal est de plus de 54 m de large. Cette
emprise est plus importante sur les secteurs à grands déblais ou remblais, et au
contraire plus réduite en terrain naturel, et pour les passages en agglomération,
où l’on essaye d’adopter des sections réduites et un profil de berge plus vertical.
Les territoires Les paysages que traverse le Canal Seine Nord Europe sont
traversés
constitués de plusieurs entités paysagères. Partant de Compiègne,
Le premier objectif est de préserver le milieu naturel existant et
Objectifs
environnementaux de s’intégrer dans la trame verte et bleue. Cet objectif néces-
Dimensions de Le passage des péniches à grand gabarit impose un recla voie navigable tangle de navigation de 38 m de large (le canal lui-même est,
forcément plus large compte tenu du profil des berges), La
profondeur d’eau est de 4,5 m (ce qui correspond à un tirant d’eau de 4 m, équivalent à la hauteur de la partie immergée du bateau en charge, plus le ‘‘clair sous
quille’’ qui est une marge de sécurité de 50 cm pour ‘’le pied de pilote’). Enfin un
tirant d’air de 7 m qui correspond à la hauteur libre de passage sous les ponts.
Les berges
Les profils sélectionnés sont des berges relativement douces,
dont la pente est de deux-pour-un, et des pentes plus marquées à trois-pour-un. La berge se situe à cinquante centimètres du niveau d’eau pour permettre le franchissement du canal par les
espèces animales et limiter la rupture avec l’environnement. Des berges adoucies
permettent notamment à la grande faune, de traverser le canal ou de s’en extraire
en cas de chute. Pour des raisons techniques cependant, les berges sont ponctuellement verticales. C’est notamment le cas à proximité d’infrastructures comme
les écluses, au niveau des avant-ports ou à proximité des agglomérations.
Les déblais
Un des éléments qui font de ce projet un véritable enjeu de
territoire, est le volume de déblais/remblais : l’ensemble des
mouvements de terre totalise 57 millions de m3, dont 36
3
millions de m de déblais excédentaires. Ici, sur le bief de partage, l’excédent
de matériaux sera en priorité utilisé pour combler les sections de tronçons non
réutilisés du canal du Nord. Le reste sera mis en dépôt.
de hautes eaux et en période de basses eaux, il alimente la
nappe. Le fait de combler le canal du nord va interrompre
ce phénomène.L’enjeu est donc de prévoir les impacts de
ces modifications. En période de hautes eaux, interrompre le
canal pose la question de l’augmentation du risque d’inondations sur des habitations, des caves, qui se sont construites
sur ce secteur. De ces constats-là est apparue la nécessité
évidente de reconstituer un lit au cours d’eau de la Tortille
entre Etricourt-Manancourt et Moislains. Ce lit va devoir être
reconstruit dans les emprises du canal du Nord. À terme, les
lignes de piézométrie vont se rediriger vers le sud et le nord,
comme c’était le cas à l’origine. En période de basses eaux,
l’arrêt de l’alimentation par la nappe du canal du Nord est susceptible d’avoir des impacts sur les captages d’alimentation
d’eau potable, des forages d’irrigation agricoles. Les mesures
de sécurisation agricoles devront alors être mises en oeuvre. Berges
adoucies
25 kilomètres de berges lagunées sont
prévues. Ces espaces situées à l’écart
du canal lui même, reliés par une série
de points de connexions réguliers protégés par un merlon qui
évite que le batillage ne vienne détruire la végétation en place.
(Sur un canal à grand gabarit, les ondes de choc produites
par le sillage des bateaux, peuvent entrainer de vraies dégradations sur les aménagements écologiques). À ces 25 kilomètres de berges lagunées s’ajoutent 13 hectares d’annexes
hydrauliques qui fonctionnent sur le même principe, mais avec
des surfaces plus importantes. Chacune de ces annexes est
prévue pour faire au moins un hectare.
Intégrer le projet En concevant un projet d’aménagement
au milieu humain du territoire intégrant les usages, le pay-
sage et le patrimoine, la prise en compte
dans l’état initial de tous ces enjeux permet de proposer un
aménagement répondant aux attentes qu’il peut y avoir sur
le territoire. Il faut saisir les opportunités de développement
Milieux
physiques
La construction du canal du Nord a eu un
impact considérable sur le fonctionnement hydrogéologique et hydraulique de la vallée de la
Tortille. Percer un tunnel en tranchée sous la ligne de partage
des eaux a de fait constitué un drain. Cette tranchée a rabattu
le niveau de la nappe sur toute cette section, et concentré les
eaux au lieu de leur permettre de s’écouler vers le nord ou le
sud, À cette occasion le canal du Nord a capté les sources de
la Tortille et de fait, ce petit cours d’eau n’existe plus sur son
secteur amont. Il ne reste que les traces de son lit ancien, avec
de temps en temps des écoulements très limités. En aval, un
débit continu est restitué au niveau de Moislains. Si la Tortille
n’est plus aussi présente, sa trace demeure. Une zone dont le
sol est encore humide, bien que remblayée en partie, rappelle
la présence d’un ancien marais. La ripisylve de la rivière est
encore visible, à la fois sur une photo aérienne, et en réalité. Si
elle n’est qu’un fossé de taille moyenne en centre-bourg à Moislains, elle passe sous l’école. La suppression de Canal du Nord,
qui la draine en grande partie, fait émerger l’enjeu d’inondation.
l’Observatoire de l’Environnement
du Canal Seine-Nord Europe
Biodiversité La vallée de la Somme constitue un corridor
Ce travail important repose sur l’analyse des membres
du comité de suivi général de l’observatoire, ainsi que
de l’expertise de trois commissions thématiques
(biodiversité, hydraulique et paysage) qui réunissent
un certain nombre d’experts indépendants, mais aussi
des représentants des services de l’État et des Agences
de l’Eau.
composé de différents réservoirs de biodiversité, soulignés par les ZNIEFF de type 1 et 2 et de zones Natura
2000. Cette vallée abrite de nombreuses espèces protégées.
Ce corridor est connecté aujourd’hui au canal du Nord. Si auparavant la vallée de la Tortille se présentait comme un réel corridor, le canal s’y est ensuite substitué. Par ses rives qui peuvent
être boisées, ou à différents stades de développement végétal,
le canal présente un potentiel de corridor. Une seule ZNIEFF
est véritablement traversée par le projet : la ZNIEFF du
bois d’Havrincourt. Une fois encore, les optimisations de
tracé ont permis de ne pas avoir d’emprise réelle sur le boisement mais uniquement sur 0,5 hectares en lisière. On traverse
la ZNIEFF, mais on traverse les surfaces agricoles sur l’emprise
du canal du Nord actuel. L’impact est donc relativement limité.
Créé en 2009, l’Observatoire de l’environnement
du canal Seine-Nord Europe a pour objectif de garantir
l’insertion du projet dans son environnement
et dans les territoires sur le long terme.
Dans un premier temps et avant le démarrage du
chantier, les travaux de l’Observatoire se concentrent
sur la validation de l’état de référence, c’est-à-dire la
définition des paramètres et indicateurs de référence
à partir desquels on pourra représenter fidèlement
les évolutions de l’environnement induites par le projet. Dans un second temps, ce travail doit se compléter par la construction d’un programme de suivi,
c’est-à-dire la définition de méthodes et des fréquences
de mesures dont devront faire l’objet chaque
paramètre ou indicateur de référence. Propos recueillis par Audrey Josselin et Bertrand Le Boudec
6
7
Ainsi le canal devient un ouvrage
d’art non figé, susceptible de
s’adapter, de connaître des modifications et d’évoluer dans le temps.
Six grandes entités paysagères
Bibliographie & sites consultés
. Michel Corajoud, Le paysage c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent,
Actes Sud/Ensp, 2010.
. Valérie Mauret -Cribellier, Entre fleuves et rivières : les canaux du centre de la
France,
éditions Lieux dits, Lyon, 2008.
. Fernand Braudel – l’Identité de la France. Editions Arthaud, 1986
. Hélène Izembart / Bertrand Le Boudec, Le canal de la Somme : un ouvrage d’art
comme invitation à découvrir le paysage, Conseil général de la Somme, 2005
. Pocheco canopée Reforestation, Aidez-nous à reboiser le Nord-Pas-de-Calais, :
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Pocheco-Canopee-reforestation
Vallée de la Tortille
Route des Flandres
La Tortille
Moislains
village-rue
Canal seine Nord-Europe
Canal du Nord
‘‘La vie de l’eau du canal
est une question majeure’’
Les talus comme structure végétale à grande échelle
La construction d’une infrastructure aussi importante génère une surface
importante de déblais et de talus. Le Canal Seine-Nord Europe génère
presque autant de surface de talus que de surface d’eau. Ainsi, il s’agit
de mener une réflexion à la fois sur l’intégration de l’infrastructure en ellemême mais aussi sur le paysage fabriqué par les dépôts occasionnés.
Ces dépôts peuvent-ils être utiles au projet de paysage ?
Ces délaissés peuvent-ils devenir de véritables sites d’installation de la
vie écologique ?
La vie des habitants dans le paysage du CSNE
Tout au long de ses 107 kilomètres, le Canal Seine Nord Europe
traverse six grandes entités paysagères. Partant de Compiègne
au sud, il découvre d’abord une zone d’urbanisation continue au
cours de laquelle, sur vingt kilomètres, se succèdent une dizaine
de communes entre bois et collines. Passé Noyon, le canal
quitte le noyonnais et entreprend la traversée du Santerre, étymologiquement le lieu de la ‘‘terre saine’’, territoire fertile au relief
pratiquement plat, découvrant de très larges horizons cultivés. À
partir du Nord de Nesle et jusqu’à Péronne, le canal longe à flanc
de versant la vallée de la haute-Somme. De là, il franchit la Somme
par un pont canal, et emprunte la vallée de la Tortille qui s’encadre
des Collines du Vermondois. Après avoir passé les monts d’Artois
à hauteur de Ruyaulcourt, le canal quitte le bassin parisien pour
celui de l’Escaut, et découvre alors le Cambrésis et le Val de
Sensée qui le conduisent jusqu’à Aubencheul-au-bac, point de
connexion du canal de la Sensée, et terme de son parcours.
Silo
Canal SNE
Imaginer un canal vivant, c’est mettre au coeur de la réflexion l’élément
aquatique comme support de vie dans le territoire. Une des préoccupations
concerne la qualité de l’eau du canal et de ses annexes. Pompée dans
l’Oise, l’équilibre de cette eau est essentiel pour développer une richesse
écologique autour de l’infrastructure. L’enjeu est de faire de l’infrastructure un milieu capable d’enclencher des dynamiques vivantes de petite et
grande échelle, tout en étant capable de gérer les questions de pollution
liées à l’activité agricole ou au transport fluvial. Associé au système rivière,
le système canal se dote d’outils pour mettre en réseau les éléments hydrauliques du paysage et ainsi créer de nombreuses interférences entre le milieu
terrestre et le milieu aquatique. Ces interférences se jouent notamment au
niveau des berges des canaux, et l’objectif est d’éviter la résistance aux
échanges que peut manifester l’exemple du canal du Nord.
Un canal vivant,
c’est à la fois la qualité de l’eau
et la qualité des paysages fabriqués.
C’est une infrastucture qui s’inscrit
dans une durée, grâce à la prise en
compte de la gestion dans les
composantes du projet de paysage.
Moislains
L’eau au coeur de la qualité vivante du paysage
UN PRÉREQUIS AU PROJET
Prendre en compte l’identité des territoires est un prérequis.
La convention européenne du paysage nous invite dans son
article 6-C, ‘‘à identifier les paysages, à analyser leurs caractéristiques et les dynamiques qui les modifient et à suivre leurs
transformations’’. Or comme le rappelle Fernand Braudel en
exergue de ‘‘L’identité de la France’’, il nous faut toujours garder
en mémoire : ‘‘Que la France se nomme diversité’’.
Canal du Nord
Route des Flandres
Ligne de front de 14-18
Canal seine Nord-Europe
Canal du Nord
‘‘Picardie terre fertile’’
Une fois ce canal réalisé,
80% des territoires traversés par le Canal Seine Nord Europe sont
cultivés. Les activités principales sont les céréales, les betteraves
où sera le paysage ?
légumes. L’ensemble produit un paysage d’openfields où
A quel paysage aurons nous à faire etunelesmajeure
partie des exploitations ont une superficie de plus
Est-ce que ce sera un autre paysage ?de 200 hectares. Cultivée depuis plus de deux mille ans, cette
région est historiquement peu boisée. Le Nord-Pas de Calais est
Est-ce que celui-ci sera caché ?
la région qui compte le moins de forêts en France, avec seule-
Le Canal Seine-Nord Europe interpelle une double échelle : l’échelle
nationale, voire européenne, mais aussi l’échelle du local et du quotidien.
L’infrastructure intéresse d’autres problématiques, comme celle de la
mitoyenneté. Un tel aménagement contraint les riverains à developper
une nouvelle relation à l’ouvrage ; comment apprennent-ils à vivre avec
le canal ? Afin que ce dernier ne soit pas perçu comme une ‘‘balafre’’
dans le paysage, il doit apporter de nouveaux usages, comme un réseau de liaison de liaisons douces. C’est par le biais de ces nouveaux
usages et donc de ces nouvelles pratiques que l’infrastructure pourra
infuser le territoire et se construire dans son épaisseur. Fouilles archéologiques réalisées lors du chantier du canal du Nord sur le site d’Hermies
Racloirs, pointes et lames de l’époque Moustérienne (entre -300 000 et - 30 000 av.JC.)
Voulez-vous mon point de vue ?
Il ne faut jamais perdre de vue l’idée fondamentale
qui veut qu’un paysage, n’existe que lorsqu’un regard
se porte sur un territoire ; un regard, et par conséquent la culture qui lui permet d’analyser ce qui est
regardé. Celui qui regarde le fait depuis son point
de vue, qui a deux valeurs, physique et culturelle.
L’intérêt de l’exercice, pour les étudiants comme
pour les Voies Navigables de France, aura été de
pratiquer, depuis les premières analyses paysagères jusqu’aux projets finaux, un aller retour permanent entre deux points de vues.
Du point de vue technique, on peut penser que
l’intervention paysagère consiste à insérer efficacement l’ouvrage dans le territoire traversé, en
accommodant les remblais et en proposant des
plantations pour faire que l’ouvrage se ‘‘fonde’’ le
plus possible dans le paysage !
Du point de vue du territoire, on peut penser que
l’idéal serait qu’il n’y ait pas de projet !
.
.
Mais le CSNE doit passer, et passer en force du
point de vue technique, l’horizontalité de l’eau n’est
pas négociable, pas plus que les rayons de courbures imposés par les péniches à grand gabarit.
Si l’on pense intégrer plutôt que insérer, on déplace
le point de vue. Ce n’est plus celui du seul ouvrage
qui est en jeu, pas plus que celui du seul territoire, ce
sont obligatoirement les deux à la fois. Les notions
que mobilise l’intégration sont la négociation, le dialogue à établir entre la nature de l’ouvrage et la nature
du territoire, et comment faire émerger des intérêts
communs. L’intégration demande d’adopter les deux
points de vue dans un aller-retour incessant, car le
projet de paysage ne peut pas émerger autrement.
Un canal crée un paysage
Bulletin de la
Société Préhistorique Française
1913
Greffe gaillard
Dégager les enjeux pour un canal vivant
Un projet d’envergure : du transport routier au transport de marchandises
Le projet de liaison Seine-Escaut s’inscrit dans une dynamique de gestion
durable du territoire avec une volonté de diminuer à la fois les émissions
polluantes ainsi que les coûts de transport. Ce report de trafic de la
route vers le fluvial va avoir un impact majeur sur les paysages et les dynamiques vivantes à grande échelle. À long terme, selon les prévisions,
ce sont 500 000 poids lourds en moins sur les routes en 2020, et près
de 2 millions de moins en 2050. Cette logique entraine des transformations majeures que les Voies navigables de France doivent prendre en
compte pour l’aménagement d’une telle infrastructure.
Paysagiste, enseignant à l’Ensap’Lille
Thibault Chantre, Aliénor Layet, Maud Nunez
Canal du Nord
Léa Badel, Alan Douchet, Cyril Guimard
L’identité d’un territoire
Point de vue
Questions de Paysage
Imaginer un canal vivant
François-Xavier Mousquet
ment 7.3 % de son territoire, contre une moyenne nationale de
plus de 21 %. Cette structure rurale se traduit également par une
faible démographie qui s’organise autour de quatre villes de taille
moyenne, Compiègne (73 000 hbt.), Noyon (13 000 hbt.), Pèronne
(7 700 hbt.), Nesle (2 500 hbt.), quelques bourgs de plus de 1000 hbt.
(Moislains, Ruyaulcourt), et un habitat pour l’essentiel composé
d’un maillage de petits villages-de moins de 500 hbt., éloignés
les uns des autres d’une moyenne de trois à cinq kilomètres.
Traces historiques. Bien qu’habité depuis plusieurs millénaires, ces paysages ont été
dramatiquement simplifiés par les guerres et surtout la première
guerre mondiale. Les cimetières militaires, l’architecture de la Première Reconstruction, le remembrement, l’urbanisme de la Loi Cornudet sont une des composantes majeures de ces paysages. Au
final les plus anciennes traces historiques visibles restent les voies
romaines (cinq d’entre elles croisent le tracé du canal), les vestiges
de fortifications médiévales (Noyon, Nesle, Péronne), le maillage
de villages-bosquets hérités de la pratique de l’assolement triennal
mis en place au Moyen Age, auxquels s’ajoutent quelques repères
magnifiques comme la silhouette de la cathédrale de Noyon.
Chaque projet s’efforce de résoudre à sa manière la
conciliation des points de vue, par un acte qui reconnaît leur légitimité et les valorise réciproquement.
Nous avons dans notre culture plusieurs références
d’ouvrages qui méritent vraiment leur appellation
d’ouvrage d’art. Ils sont beaux en eux-mêmes, autant
que dans leur rapport au site qui les porte. Certains
sont spectaculaires, d’autres plus subtils, mais tous
ont eu le souci de résoudre avec intelligence cette
intégration.
L’idéal d’une intégration réussie, ce n’est pas que
chacun ait fait le minimum de concessions possible,
mais que le projet du canal soit le bienvenu, que
ce soit mieux après, qu’avant sa réalisation, tant
pour les VNF que pour les territoires traversés.
Ce fut, au printemps 2015, le moteur de la démarche
de ce nouvel Atelier Public de Paysage.
‘‘Atelier Public de Paysage’’ = définition
L’Atelier Public de Paysage invite les étudiants paysagistes de l’Ensap’Lille, parvenis en fin de cursus, à
réfléchir pendant leur dernier semestre d’étude, sur
une question que leur pose un établissement ou une
collectivité territoriale dans le cadre d’une véritable
commande. Le propos n’est pas, bien sûr, de produire
à moindre frais des projets que ces organismes pourraient commander directement à des professionnels. Il
vise plutôt à tirer parti de la fraîcheur de“paysagistes
en herbe” pour ouvrir des perspectives, imaginer des
stratégies, tester des hypothèses autour de questions
encore ouvertes, mais susceptibles de préfigurer dans
un avenir plus ou moins proche, les bases d’une possible
consultation. Le but est donc clairement prospectif. Il vise
à exercer l’étudiant à la relation d’écoute, de dialogue et
de questionnements réciproques qui doit exister entre un
maître d’oeuvre et un maître d’ouvrage.
8
9
Juliette Ols, Audrey Josselin, Juliette Hochart
Les rivières fabriquent du paysage
Révéler la complexité du territoire
La Tortille est un ruisseau étroit, qui a en
grande partie disparu lors de l’aménagement
du canal du Nord. Il n’en reste aujourd’hui
qu’un fossé d’un ou deux mètres de large,
à peine perceptible dans le paysage.
Pourtant, lorsqu’on y prête attention,
on peut encore lire et comprendre la
manière dont ce cours d’eau a modelé
et structuré le paysage, de l’échelle de
la vallée, comme à celle du parcellaire.
L’implantation des villages, la structure
foncière, l’urbanisation sont autant de
signes du dialogue mutuel qui s’est
lentement instauré entre les hommes
et le cours d’eau. Les villages, répartis
tout les cinq kilomètres environ le long
de la Tortille, se sont densifiés en bordure
du lit majeur, et établis ‘‘en balcon’’de façon
à se protéger des inondations tout en
profitant de la richesse et de la proximité
des zones humides. Les fonds de vallées
ont été laissés aux pâturages et à une
maigre ripisylve, forêt linéaire qui fournit
du bois d’œuvre, du bois de chauffe, mais
aussi refuge et nourriture pour les animaux.
En 50 ans, 50% des zones humides ont
disparu en France. Les espaces de fond
de vallée constituent donc des enjeux
paysagers majeurs, et ils le sont d’autant
plus que dans les paysages d’openfields,
ils offrent des espaces et des milieux
complémentaires, absolument essentiels
à l’équilibre d’un territoire dominé par les
grandes terres agricoles mécanisées. Le
fond de vallée est un lieu privilégié de
biodiversité. L’eau est porteuse de vie
avec son cortège de plantes et d’animaux,
mais la réciproque est également vraie :
là où des arbres sont plantés, les cours
d’eau réapparaissent, les sources rejaillissent. Dans une région peu boisée,
retrouver la Tortille c’est renforcer les
liens entre les hommes et leur territoire,
et valoriser le potentiel fédérateur
du socle géographique. Dans
ce contexte la restauration de
la Tortille offre l’opportunité
de constituer la base d’une
infrastructure verte et bleue qui
pourrait relier l’ensemble des
cœurs de nature de la région.
‘‘
Le projet du canal Seine Nord Europe
reconfiguré offre l’opportunité de restaurer
physiquement et écologiquement la Tortille
entre Étricourt-Manancourt et Moislains.
Il s’agit en fait de recréer l’exutoire naturel
de la nappe de la craie par la reconstitution
des sources et du lit de la Tortille en amont
de Moislains. Plusieurs scenarii de tracé,
de profil en long et de gestion des débits
de crues ont été étudiés. Le scénario retenu
consiste à restaurer le lit de la Tortille dans
l’emprise du canal du Nord sur un linéaire
de 4 744 mètres (...) Le lit de la Tortille sera
restauré selon le principe du lit emboîté :
création d’un lit d’étiage méandrant au sein
d’un lit mineur inondable comportant mare,
bras mort… Dans la situation future, les
sources de la Tortille seront restituées au
cours d’eau directement par la résurgence
de la nappe, sans passage par le Canal
Seine-Nord, contrairement à la situation
actuelle où le cours d’eau est alimenté
artificiellement par une prise d’eau dans
le canal du Nord. La qualité de l’eau sera
très bonne puisqu’elle sera directement
issue des eaux souterraines. Actuellement,
la principale source de détérioration est les
matières en suspension issues du canal du
Nord. Ces sédiments fins se déposent dans le
lit de la Tortille et participent au colmatage
des habitats aquatiques.’’
(source VNF)
Le devenir du canal du Nord
Clothilde Moriat, Julien Desagre
Yves Hubert
Paysagiste,urbaniste,
enseignant à l’Ensap’Lille
Greffe en fente de couronne
Questions de Paysage
Retrouver la Tortille
Repères chronologiques
1878. Décision de construire le canal du Nord
reliant la vallée de l’Oise au canal DunkerqueEscaut pour soulager le canal de St Quentin,
devenu incapable d’assumer seul plus longtemps le trafic fluvial croissant entre la région
parisienne et les bassins houillers du Nord de
la France. Entrepris en 1913, les travaux ont
été interrompus et profondément endommagés par les deux guerres mondiales.
1965. Mise en service du canal du Nord.
L’ouvrage compte 19 écluses, 2 biefs de partage, pour une longueur totale de 95 km. Son
gabarit atypique ne permet que le passage
de deux péniches freycinets en flèche, ou de
bateaux spéciaux nommés, justement, «canal
du Nord». (92 m sur 5,90 m, mouillage 2,80 m,
hauteur libre 3,70 m). Son tonnage de 800
à 900 tonnes s’est révélé très vite inadapté à
la demande du transport fluvial moderne. Actuellement en service, le canal du Nord est
géré par les Voies Navigables de France.
Outre le temps de trajet ( 2 jours minimum)
il présente des problèmes d’approvisionnement d’eau et de fuites. Inadapté à la réalité
et aux enjeux actuels du transport fluvial.
Comment réutiliser les paysages créés
par le canal du nord ? Orlando Bussonati
Les questions posées par le Canal du Nord
Pourquoi refaire un canal alors qu’il y en a déjà un ?
Le maintien du canal du Nord est un choix des pouvoirs publics, afin de
préserver la pratique du transport fluvial pendant les cinq ans de chantier du
canal Seine Nord. À terme, les deux voies d’eau seront mitoyennes, mais le
canal du Nord perdra de son sens, d’autant que l’ouvrage est vieillissant,
qu’il souffre de fuites et pose de problèmes d’approvisionnement d’eau. Sur le bief de partage, le canal du Nord est en partie supprimé et remblayé.
Quelle substitution et quels usages peut-on envisager ? Quels sont les enjeux de réutilisation de ce territoire ? sachant que le terrain est particulier,
il pose la question de la destruction de l’ouvrage, de la fragmentation des
berges. Du fait des désordres en sous-sol, le terrain ne sera pas utilisable et
constructible dans l’immédiat. Quel usage faire du souterrain de Ruyaulcourt ?
Le canal Seine Nord pose donc la question de la requalification canal du
Nord. Quelle stratégie de reconversion adopter ? Que doit-on combler ?
Quelle réutilisation peut-il être envisagé de cet héritage culturel urbain et
économique ? Quels peuvent être ses nouveaux usages ?
Le Canal Seine-Nord Europe
un appel à réinventer l’acte de franchir
Une dame et son mari viennent de traverser le pont…
Cet acte répété plusieurs fois chaque jour, les
riverains du canal le connaissent. Maintes fois
recommencé, le franchissement devient banalité. L’inconscient traverse, alors que le conscient
n’en relève plus la particularité de l’exercice.
Aussi appelé ‘‘ouvrage d’art’’, d’ordinaire nous dirons qu’il se limite, le plus souvent, à un ouvrage
technique, standardisé et construit selon les normes
en vigueur. Quoi qu’il traverse et où qu’il traverse, il
se retrouve dupliqué au fil de l’eau, autant de fois
qu’il en a été jugé nécessaire.
Durant cet Atelier Public, différents étudiants se sont
penchés sur la question de l’ouvrage de franchissement, son intégration, la pertinence de l’accompagner avec le paysage… Attardons nous un instant
sur ce sujet hors-échelle par rapport à la commande
du maître d’ouvrage et qui n’a pu être qu’effleuré à
travers les approches nombreuses et variées. Attardons-nous sur le pont, son rôle, la lecture de l’itinéraire
sur lequel il s’inscrit, sa capacité de son appropriation
par les usagers. N’y aurait-il pas lieu de réinventer
l’acte de franchir, ou du moins son potentiel de réappropriation par les populations locales ?
• Le pont, est-il en cohérence avec la scénographie paysagère qu’il ‘‘emporte’’ d’une rive à l’autre.
Contraste programmé ou rupture ?
• La route communale, avec ses accotements non
stabilisés, se transforme subitement en un large
tablier asphalté pris entre bordure. Effet recherché
ou confrontation de la ruralité avec la technologie ?
• Le piéton, réduit à emprunter un petit trottoir
escarpé et encombré d’un imposant chasse-roue.
Plaisir du passage ou sécurité ?
• Un épais garde-corps métallique, surmonté de
grillages antichute, comme des œillères, efface
du champ visuel toutes perspectives vers le canal.
Regard croisé ou angoisse d’un franchissement ?
• Au delà de l’ouvrage, une glissière de sécurité empêche d’emprunter le chemin de halage.
Echange d’itinéraires ou embuscade ?
La Tortille en chiffres
L
lle
rti
o
aT
La Tortille prend sa source
sur la commune d’Etricourt-Manancourt,
à 89 m d’altitude, à proximité du lieudit Les Quatre Vents. Au terme d’un
parcours de 16 kilomètres, elle se jette
dans la Somme à Biaches, à l’ouest de
Péronne (altitude : 47 m).
Son bassin versant est de 100 km2
Son débit est de 0,5 m3 / seconde
Sa largeur varie entre un et trois mètres
Le tracé de la Tortille traverse le territoire
de six communes : Etricourt-Manancourt,
Moislains, Allaines, Cléry-sur-Somme,
Péronne et Biaches.
Problématiques paysagères
L’arrêt du drainage de la nappe
par le canal du nord / la restitution
des sources de la Tortille / la nécessité
de reconstituer un lit au cours d’eau
entre Etricourt et Moislains dans
les emprises du canal du Nord.
Ci-dessus : Carte d’Etat Major (1866)
Cartes postales de la Tortille à Moislains (s.d.)
Diverses vues de la Tortille au printemps 2015
De la vallée de la Tortille au ‘‘Val de Tortille’’
Le Grand Projet Vallée de Somme amorce
depuis cinq ans, une nouvelle dynamique
territoriale. L’idée est d’infuser la dynamique
de la vallée de la Somme, où se concentre
l’essentiel de l’habitat, des activités et des
loisirs du département, vers la ramification
des vallées affluentes. La Tortille en fait
partie. Ainsi perçu, ce ruisseau ne se résume
pas à cours d’eau plus que modeste,
il peut être vu comme un bassin hydraulique
et un bassin de vie.
L’idée du Val de Tortille est dans le processus
de construction du Canal Seine-Nord Europe,
une formidable opportunité pour inscrire le
futur canal dans le territoire qu’il traverse.
D’une simple ambition de coloration
écologique d’un projet d’infrastructure,
la Tortille peut devenir la chance d’être
le fil conducteur de tout le réaménagement
territorial d’une succession de villages.
La Tortille dessine à elle-seule un bassin
de vie. Porter attention à ce ruisseau,
c’est l’occasion de retrouver la complexité
du paysage pour instaurer de nouvelles
dynamiques territoriales, voire de nouvelles
pratiques.
Hypothèse
Le canal du Nord n’est pas juste
une tranchée à combler. Il est un événement spatial intermédiaire
qui peut être support d’enjeux urbains
ou industriels, d’usages, de corridors
écologique, de nouvelles productions...
Parfois gardé en eau, parfois comblé,
le canal du Nord est un délaissé
que l’on peut se réapproprier
et qui peut devenir
un espace public légitime.
Le devenir du canal du Nord interroge
l’avenir du futur Canal Seine-Nord
et représente un enjeu non négligeable
dans l’élaboration de ce grand projet
contemporain.
Ci-dessus :
.Tranchée et tunnel de Ruyaulcourt.
. Plan du projet de canal du Nord figurant les bassins
miniers devant approvisionner la région parisienne.
(Archives de la Subdivision navigation du canal de la Somme)
. Le parc Barbieux à Roubaix, exemple de reconversion
d’un ancien canal (Barillet-Deschamps, paysagiste 1886)
Questionner le pont pour qu’il devienne ‘‘art de
vivre’’ est fondamental. Considérons l’acte de franchir comme un prétexte pour intensifier l’échange
entre la vie terrestre et la vie fluviale. Développer le
plaisir de franchir, de passer du halage au pont, de
se poser au milieu du franchissement et de prendre
le temps du point de vue. Penser les abords de
l’ouvrage comme un ‘‘espace’’ donnant largement
la place à la convivialité des usages et la rencontre.
Si besoin est, réinventons l’ouvrage type et donnons
le degré d’adaptabilité nécessaire pour lui assurer
un ancrage au lieu, une cohérence à l’itinéraire traversé et l’intelligence d’une identité en lien avec
la typologie du paysage tantôt urbain, tantôt rural.
Développons l’idée du ‘‘Landmark social’’ qui permet
au pont d’être l’expression d’une silhouette qui
rassemble et nous ramène à une identité commune.
En d’autres mots, pourrions-nous souhaiter que
l’opportunité du projet canal Seine-Nord Europe
puisse faire émerger une façon contemporaine de
franchir et d’accompagner les paysages et de
qualifier les itinéraires du quotidien ? Comment
permettre à chacun de ces ‘‘espaces ponts’’, de
participer aux lieux et de concilier la rencontre du
territoire vivant avec la territorialité fluviale ? A voix
haute ou à voix basse, à leur manière, les étudiants
l’ont exprimé : réinventons le ‘‘plaisir du pont’’ où l’ouvrage et le paysage est au service de l’art de vivre.
Durant cet Atelier Public de Paysage, négocier l’acte
de franchir est apparu comme un des défis majeurs
pour l’appropriation de ce nouveau canal par les
populations.
10
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Clara Bompart, Clément Large, Orlando Bussonati
‘‘Qu’est-ce que c’est
57 millions de m3
de mouvements de terre ?
Préserver le socle
Pour les paysagistes, le socle est la donnée première, la base incontournable, l’élément
fondamental de tout projet. Avant toute chose, un paysagiste doit nécessairement
prendre en compte cette réalité première du terrain.
Quelle que soit l’échelle appréhendée, le socle parle de géographie, de topographie,
de mouvements de sol, de données altimétriques, de logiques hydrographiques,
d’ensoleillement. Mais il parle aussi de la terre, celle sur laquelle nous vivons, celle où
nous posons nos pieds, celle qui nous nourrit. La pédologie, est à la fois le support et
le produit du vivant. Elle influence naturellement l’occupation et les cultures (au sens
propre comme au figuré) ; sa richesse ou sa pauvreté façonnent l’identité des paysages
et lui confère son attractivité. Ici, dans ce contexte de projet de canal, cette prise en
compte est d’autant plus importante que l’ouvrage doit être majoritairement aménagé
sur des terres agricoles. Ce sol vivant, cet humus fertile, exige de nous respect et créativité
Juliette Ols
Les modifications spatiales sont inévitables, mais préserver un socle de qualité assurera
une cohérence générale à très long terme. La temporalité est essentielle : le temps de
cet atelier s’est étalé sur quatre mois, la mise en chantier du projet de canal seine Nord
aura demandé plusieurs décennies, les arbres de ces paysages comptent pour certains
plusieurs vies humaines, mais le socle lui, est intemporel. Gardons ce contact. C’est notre ‘‘prise de terre’’.
Réinventer la mitoyenneté
le long des voies d’eau
La question de la mitoyenneté passionne les paysagistes.
La mitoyenneté c’est l’espace de la rencontre, de la lisière,
de l’écotone, autrement dit, la zone de transition écologique
entre deux écosystèmes.
Or, dans le cas d’un canal, les questions de mitoyenneté ont
longtemps été traitées à l’égal de celles d’une voie de chemin
de fer. La règle était simple : en limite de propriété, en limite d’un
domaine public fluvial, il est par principe, interdit de prendre des
jours. Cela produisait le long des canaux, des successions de
pignons aveugles, des alignements de murs de garage, des
kilomètres de grillage ou d’interminables clôtures en fibrociment... Et pourtant, comme le disait le dessinateur Reiser,
‘‘Vivre à côté d’une nationale c’est l’enfer, une voie ferrée, on s’y habitue, mais un canal c’est un paysage’’. La présence de l’eau, le reflet
des ciels changeants, le lent passage des chalands, les promenades sur le chemin de halage le long des longs garde-à-vous
de peupliers, tout cela fabrique sans conteste des paysages.
‘‘ Vivre à côté d’une nationale,
c’est l’enfer.
Une voie ferrée, on s’y habitue.
mais un canal, c’est un paysage.’’
Reiser
Longtemps aussi, pour des raisons d’économie, les canaux
ont été tracés dans les périphéries des villes. Ils empruntaient,
les arrières, les coulisses, les parcours les moins ‘‘impactants’’
dirait-on aujourd’hui. Et de fait, dans l’imaginaire collectif, le
transport commercial était associé à l’idée de paysages périurbains, plus ou moins définis, plus ou moins en attente. Mais ces
types d’espaces finissent toujours un jour par devenir des villes
à part entière et, si pour des raisons de sécurité, on peut admettre qu’une voie ferrée ou une autoroute soient ‘‘étanches’’ à
leurs territoires, rien n’impose qu’il en soit ainsi pour un canal.
D’autant que l’on garde tous en tête des références magnifiques:
le canal du Midi bien sûr, qui traverse Toulouse encadré de
Pour certaines séquences, la situation créée est telle
que la recherche d’harmonie est vaine : Le territoire
en question ne devra rien au canal, d’autant que celui-ci ne peut rien pour lui. C’est le moment de ‘‘sauter
en marche’’, de s’écarter de la dimension ‘‘conception
de l’ouvrage’’ pour avoir les mains libres, et concentrer l’énergie sur cette autre complexité à construire.
Et laisser le canal à son rôle premier.
’’
Profil de passage en plateau
Profil en remblai
Que faire des déblais ?
La question est majeure vue la quantité de déblais et les spécificités de ces paysages,
Comment inscrire de tels mouvements de terre dans des territoires aussi ouverts, et si faiblement vallonnés ? L’enjeu est de taille, d’autant que nous avons sous les yeux, l’exemple
des terrassements du canal du Nord. Certes, c’était une autre époque, mais la logique a
été simplement de déposer les déblais en merlons de part et d’autre du canal et d’y laisser
se développer une végétation spontanée. Un siècle plus tard, le milieu est toujours pauvre
et les usages plus que restreints : il n’y pousse que des bouleaux grêles, des cornouillers
broussailleux et des mousses sur un sol pentu, où la craie est glissante à la première pluie. La surface de talus encadrant le canal totalisera plus de 1000 hectares !
Quels paysages allons nous fabriquer avec ces talus ? Une partie peut-elle être remise
en culture ? Est-ce l’occasion de faire pousser ici, une forêt linéaire, une de ces grandes
forêts qui font tant défaut à la région Nord-Pas de Calais ? Est ce là le lieu d’un
de ces ‘‘tiers-paysage’’ chers à Gilles Clément, qui dans un territoire d’agriculture
intensive pourrait lui apporter une forme d’équilibre, de contrepoids ? Comment éviter
que ces centaines d’hectares ne soient rapidement colonisés par les plantes invasives
? Ces zones de déblais et ces sites de dépôt peuvent-ils être pensés comme des lieux
de vie, voire des lieux de production ? Sachant que le mode de terrassement définit bien
souvent les possibilités d’usage, peut-on constituer ici des milieux vivants par un imaginaire topographique, dont on sait depuis Le Nôtre qu’il est une des spécificités de la
profession de paysagiste ? Enfin, comment faire surtout pour que ces nouvelles formes
de relief n’encombrent pas les paysages, qu’elles ne soient pas ‘‘incongrues’’, qu’elles
ne fragmentent ni ne heurtent les spécificités de ces grands territoires ruraux, mais au
contraire qu’elles s’inscrivent dans la continuité des grandes lignes de leurs horizons ? La surprise avec ces travaux, ce n’est pas tant la diversité
des projets, que la diversité des modes de penser
‘‘paysage’’ choisis pour agir, pour construire un projet.
Le plus souvent, Il s’agit d’’infléchir’’ le projet technique
canal, de le faire gagner en amplitude, de révéler les
proximités productives. Faire du canal un atout, un
élément structurant. C’est à faire main dans la main
avec l’ingénieur pour dépasser la focalisation de la
conception sur l’ouvrage, sa stricte emprise, sa stricte
économie, sa stricte fonctionnalité. Le pari est celui de
la complémentarité des échelles, et l’enjeu la réduction
des frustrations du territoire traversé par l’infrastructure
au long cours. Le risque de cette posture : le paysage
comme accompagnement de l’ouvrage. L’alerte en
serait ‘‘les moustaches de la Joconde ne présentent
aucun caractère plus intéressant que la première
version de cette peinture’’.
Lorsqu’on doit transporter des terres
d’un lieu dans un autre, on a coutume de
donner le nom de déblai au volume de terres
que l’on doit transporter, et le nom de remblai
à espace qu’elles doivent
occuper après le transport.
Gaspard MONGE
(1746-1818)
Les moustaches de la Joconde...
Certains retrouvent un fondamental : l’imaginaire
topographique, intimement lié à l’art des jardins. Il
est vrai que l’objet même de l’atelier y incitait: l’horizontalité et l’échelle du bief de partage, son système
hydraulique qui va chercher au plus profond dans
l’histoire du métiers de l’ingénieur et du paysagiste.
Comment ne pas évoquer deux contemporains
Pierre-Paul Riquet et André Le Nôtre. D’autres envisagent le paysage dans sa complexité contemporaine, le paysage comme milieu, un paysage qui ne
se contemple plus seulement mais est lieu de vie,
partie prenante du quotidien ou milieu naturel, siège
d’une biodiversité à régénérer.
Profil en tranchée
‘‘
Paysagiste-conseil
de la Dreal Picardie
Greffe salgues
Questions de Paysage
L’enjeu des déblais-remblais
Joël Ricorday
ses somptueux alignements de platanes, la promenade à l’écluse
Saint-Roch de Castelnaudary, la visite à Béziers du pont canal et
des neuf écluses de Fonserannes, le pont canal de Briare...Et ces
références ne sont pas toutes d’un autre âge. À vingt kilomètres de
Lille, à Courtrai en Belgique, le percement d’un canal à grand gabarit en limite d’une ville hautement patrimoniale vient de donner lieu
à une requalification urbaine remarquable, générant des espaces
publics originaux, et rappelant combien habiter au bord d’un canal
peut véritablement fabriquer l’identité d’un quartier de ville. Car là,
est peut être toute la question : il faut à la fois prendre en compte
l’identité des paysages existants et d’un autre côté, voir comment les
villes et les villages qui vont côtoyer le canal peuvent trouver dans
ce grand projet le levier d’une nouvelle identité ? Ce canal, qu’on le
veuille ou non, deviendra le nouveau grand repère territorial de ces
paysages, à l’image des voies romaines, de la route des Flandres ou
plus récemment de la tranchée réunissant l’A1 et les lignes de train
à grande vitesse. Il faut également admettre que tous ses ouvrages
d’art (ponts, ponts-canaux, écluses, retenues) seront les nouveaux
landmarks de ces paysages. Et il faut être tout aussi certain que
les paysages traversés vont eux aussi conserver leurs logiques et
leurs dynamiques. Alors dans cette idée d’écotone, on voudrait que
chaque franchissement urbain du canal soit traité comme un espace
public potentiel, un espace où l’on s’arrête, où l’on se rencontre...
Mais surtout, on voudrait convaincre qu’en terme de paysage, il n’y
a jamais de solution type, mais au contraire autant de cas de figure
que de paysages traversés, que certains villages seront ‘‘au-dessus’’, et d’autres seront ‘‘en dessous’’ de la voie d’eau, que certains
seront confrontés à de hautes digues et d’autres à de profondes
tranchées, que les délaissés peuvent être des opportunités et que
toutes ces situations constituent autant d’occasions de projet.
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à Moisla
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C
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à Noyo
1970
‘‘Comment les villages
qui vont côtoyer le canal
peuvent-ils trouver
dans ce grand projet
le levier d’une nouvelle identité ?
Doù le paysage sera-t-il vu ?
Il y aura des villages ‘‘au-dessus’’ du canal
(Ytres), et d’autres ‘‘au-dessous’’ (Moislains).
Il est important de voir le positionnement
altimétrique des villages par rapport au canal.’’
Yves Hubert
Tel ou tel élément du projet initial sont capter pour les
conjuguer au bénéfice du territoire, voilà bien la stratégie développée dans plusieurs projets : ici topographie
et hydrologie, là dépôts de matériaux et boisements…
Cela vaut, par exemple, pour le quadrilatère des plateaux Ytres/Neuville-Bourgeonval/ Ruyaulcourt/ Bertincourt cet ensemble de villages, formes urbaines
rurales de la dispersion historique et de la dissémination
contemporaine, en pleine crise économique et démographique. Le projet de paysage n’accompagnerait
plus le canal, s’en dissocierait même, pour poser une
nouvelle donne qui engage un projet de renouvellement
urbain de ce territoire oublié.
Il s’agit d’un ‘‘détournement’’ d’un bloc d’éléments
pour la création d’une autre entité, porteuse de sens,
à une autre échelle, dans un autre processus… prélude
d’un nouvel avenir pour le territoire. Ceci à la manière
des avant-gardes du XXéme siècle et des situationnistes :
le détournement comme réemploi dans une nouvelle
unité d’éléments (artistiques) préexistants. Les deux
lois fondamentales en sont le perte d’importance du
sens premier de chaque élément autonome détourné ;
et en même temps, l’organisation d’un autre ensemble
signifiant, qui confère à chaque élément sa nouvelle
portée. Ce ‘‘bloc détournable’’ réemployé s’enrichit de
la coexistence de son sens ancien et immédiat pour
constituer un ‘‘double fond’’ .
S’il y a détournement du sens de ces éléments, il y a
évidemment détournement et réemploi des moyens.
Ils deviennent (au-delà de la logique de compensation!) autant de leviers pour agir à cette autre
échelle, dans ces autres processus, ces temporalités autonomes, en les agrégeant à d’autres moyens
mobilisés par une gouvernance plus large. Une mise
en abime du détournement en quelque sorte. Nous
pourrions paraphraser Guy Debord ainsi :
‘‘L’activité paysagiste est un métier défini
que nous n’exerçons pas encore’’
12
13
La reprise de la greffe
De la fracture à la suture
Couture de paysages
Une balafre ! De prime abord, cela ressemble à
une immense balafre qui cingle le paysage sur 107
km. Une grande ligne droite ou presque qui passe,
coûte que coûte. Etait-ce vraiment utile ? Après tant
de cicatrices de guerre faites à cette région, fallait-il vraiment rajouter une tranchée supplémentaire…? D’autant
que les dimensions nous échappent presque : 7 écluses
dont une haute de 30 m, des remblais parfois tout
aussi hauts, 3 ponts canaux, 55 millions de m3 de
terre remuées, 2450 ha consommés pour aménager des
plates formes multimodales, 18 heures pour traverser
68 communes… autant de chiffres impressionnants
dont il est bien difficile de mesurer la réalité physique.
Reprenons donc depuis le début… ou presque. Un
projet amorcé, puis remis à plat faute de budget,
des commissions pertinentes créées, une comité
de suivi, l’Europe qui finance (en partie), un organisme d’état porteur du projet (Voies Navigables de
France), des communes jalonnant le territoire qui en
attendent beaucoup… Pourquoi tant de moyens et
de matière grise ? Pourquoi tant de travaux et tant
de paysages ‘‘touchés’’ si on ne croyait pas sincèrement à la faisabilité et l’intérêt de ce projet ? Certes
l’objectif est de relier la Seine aux grands canaux du
nord de l’Europe mais ne pouvait-on faire autrement ?
De fait, ce canal ne passera pas inaperçu et tout l’enjeu
de cet Atelier Public de Paysage est d’assumer cette
infrastructure comme un nouvel élément de paysage
porteur de nouvelles dynamiques, économique, sociale, et environnementale : ce canal doit être vivant
à tous les niveaux. Finalement, il a fallu s’immerger, se
rendre sur les lieux, comprendre son intérêt à l’échelle
européenne, mesurer peu à peu tous les enjeux.
Un canal opère une césure dans un paysage
Un canal est une route d’eau. Etymologiquement, c’est donc une via rupta,
autrement-dit, à la fois un chemin et une rupture. Le projet de canal à
grand gabarit n’y dérogera pas. Il va ‘‘couper’’ dans ces paysages de la
Picardie et de l’Artois produits par un maillage de siècles et de siècles
d’histoire. Combien de sentiers, de routes, de traces parcellaires vontils ainsi devoir être ‘‘sectionnés’’, sans oublier tous les bouleversements
d’usages, d’occupations des sols et de relations écologiques qui leurs
étaient inévitablement liés ?
Ce grand canal va profondément transformer les paysages existants. Mais
dans le même temps, il va en créer de nouveaux. Pour être pérenne, son
intégration demande donc à être étudiée bien au-delà de la seule emprise
du domaine public fluvial, en prenant en compte l’ensemble des dynamiques territoriales et paysagères susceptibles d’être impactées.
Ce canal va se ‘‘greffer’’ sur un paysage existant. Cela pose donc clairement la question des conditions de reprise de la greffe qui permettront
à la fois dans un premier temps, que la vie reprenne, et dans un second
temps, que ce canal apporte (on l’espère) une nouvelle forme de vie à
ces territoires.
Le paysage est un patchwork d’éléments, plus ou moins
assortis entre eux. Au final nous ne faisons qu’ajouter
une couture supplémentaire, que les futurs paysagistes tentent ici d’accorder avec les différentes
entités traversées par le canal en mettant en avant la
résilience de ces territoires. Il faut mettre en marche
cette résistance, celle qui dit que le canal va devenir
un objet du paysage à part entière. Et même que le
canal fait paysage ! Bien qu’il coupe des communes
de leur territoire, le canal ne doit pas être une entité
autonome. Il fonctionne pour et avec ce qui l’entoure
et doit devenir vecteur de développement territorial :
un lieu qui crée du lien social, aussi bien pour les populations autochtones qui doivent pouvoir profiter du
canal en tant qu’espace de loisir ou espace de développement économique (plates formes multimodales et
céréalières), qu’aux populations de passage (touristes
et bateliers).
Ce canal n’est donc plus tant le risque d’une blessure
ouverte que la possibilité d’une greffe reçue par un
territoire. L’ensemble des acteurs mis à contribution
(étudiants compris) ont alors pour mission de faire
prendre cette greffe et de lui donner l’épaisseur nécessaire pour lui permettre de prendre vie et créer
des échanges physiques et économiques avec les
territoires attenants.
signalisation fluviale
La question de la mobilité est un des enjeux majeurs du paysage. Les flux, les déplacements, les échanges, les continuités et discontinuités sont au
centre des préoccupations d’insertion de ce canal dans son territoire. Deux grands
points de vue méritent d’être pris en compte : l’un transversal, l’autre longitudinal.
La conception d’un canal invite à réfléchir à la question des relations qu’une infrastructure de transport peut entretenir avec les territoires qu’elle traverse.
‘‘Et si ce nouveau canal devenait
la grande infrastructure verte
qui structure les territoires ?
Et si ce nouveau canal
était conçu comme l’élément
reliant tous les écosystèmes
naturels et humains
des paysages qu’il doit traverser ?’’
Mobilités transversales
64 ponts doivent être réalisés le long des 107 kilomètres de ce canal, soit en moyenne,
un franchissement tous les 1500 mètres. De nombreuses liaisons territoriales
vont par conséquence être interrompues et à contrario, les flux vont se concentrer
et s’intensifier sur certains points de passage. Cette refonte des liaisons territoriales
va structurer durablement les dynamiques de développement des paysages.
et cela est d’autant plus important que les territoires que traverse ce canal sont
en pleine mutation. Ces paysages sont majoritairement agricoles, or la taille des
exploitations y est de plus en plus grande, le nombre d’agriculteurs, de plus en
plus restreint et la population y est aujourd’hui essentiellement composée de
rurbains*, autrement dit de personnes vivant à la campagne, mais travaillant dans
les villes. À tout cela s’ajoute une organisation territoriale elle-même en profonde
changement, puisque l’actuel maillage communal est essentiellement constitué de
petits villages de moins de 500 habitants qui logiquement devraient être amenés
dans les décennies prochaines à connaître d’importantes recompositions adminisYves Hubert tratives. A tout cela s’ajoute les réorganisations à l’échelle des communautés
de communes, des cantons, des départements ou des régions. Au final, c’est tout
un équilibre territorial qui est aujourd’hui en pleine recomposition et dans lequel la
coupure du canal Seine-Nord Europe sera l’une des clefs.
(* Lewis Mumford)
‘‘Chaque fois qu’un homme
veut aller plus vite,
que ce soit par une autoroute,
une ligne de train à grande
vitesse ou un canal,
il ralentit forcément les
franchissements transversaux.’’
Yves Hubert
Bassins de vie, pôles et mobilité au sein du futur bief de partage
Canal Seine-Nord
Rotterdam
Arras
Bassins de vie
la Ruhr
André Thouin
agronome,
(1747-1824)
Autoroute
Cambrai
Voies romaines
Eurométropole
Lilloise
Randonnées
cyclo-pedestres
Traversées
Voie ferrée
Dunkerque
Calais
Départementales
On a rien fait d’aussi ambitieux depuis les canaux
creusés sous Louis XIV (le canal de l’Eure inachevé et
le canal du midi) ! Mais enfin, ils ont raison d’y croire et
d’être impatients ! Ce canal est une opportunité à saisir.
Pour que cette ‘‘balafre’’ cicatrise, elle doit être recousue de manière appliquée et pertinente. Il faut trouver
la bonne épaisseur d’emprise, tant sur les fils (ponts)
tendus de part et d’autres que sur les ‘‘renflements
et plis’’ formés (remblais) qu’il faut anticiper pour
qu’ils se forment’’ aux bons endroits. Cette lente
cicatrisation sera à la fois mentale (changement de
paysage et modification des déplacements pour les
populations attenantes) et spatiale (recoudre des
voies de communications piétonne, cycliste, routière…).
Mobilité(s)
Ghislain Rabeil, Julien Truglas
Greffe en fente
Paysagiste au CAUE de l’Oise
Maxime Corlay
Bapaume
Agglomérations
Hôpitaux
Canal Seine Nord
Pôle commercial
Metropoles et agglomérations
Zones d’activité
Ecoles
Paris
Fleuves ou rivières
Péronne
Les conditions de la reprise de la greffe
Mobilités longitudinales
Le bord à canal et la voie de service qui longe le canal offrent l’opportunité de
développer un réseau de liaisons douces à deux grandes échelles différentes.
Une attention particulière doit évidemment en premier lieu, être portée sur
les sites susceptibles de se retrouver ‘’enclavés’’ par le tracé du nouveau
canal. Les réseaux, on le sait, structurent et contraignent les développements territoriaux. Il faut veiller à ce que ce canal n’isole pas des territoires,
ni ne crée de délaissés. La question se pose notamment aux abords des
villes et villages où les contraintes sont nombreuses.
Mais la question va plus loin. Un canal n’est ni une autoroute, ni une ligne
ferroviaire à grande vitesse. Rien n’impose qu’il soit conçu comme un
objet indépendant des territoires qu’il traverse. Des éléments de suture
peuvent être recherchés ou inventés à travers des aménagements et des
programmes de gestion des paysages. Fondés autant que possible sur
une concertation entre les gestionnaire de la voie d’eau et les acteurs du
territoire, ces programmes ne pourraient-il permettre sur le long terme,
d’associer l’ouvrage d’art aux dynamiques humaines et écologiques de
développement territoriales ?
Penser un nouveau paysage
Une greffe est un projet. Ce n’est pas un acte de soin chirurgical. La greffe
du canal ne peut donc pas se limiter à une logique de mesures compensatoires. Compenser c’est déjà admettre l’échec. C’est une logique de pensée
fondée sur la réparation. Un projet de paysage, c’est au contraire la recherche
d’un nouvel équilibre. Il s’agit ici, de renforcer le territoire sur le long terme, pour
les générations futures qui vont l’utiliser, le voir, s’y promener, et vivre avec ce
canal, comme un élément faisant partie à part entière de leur paysage.
Grands axes de navigation fluviale
À l’échelle du Nord de la France et de ses pays limitrophes, ce canal peut être
une formidable opportunité pour créer un maillon de piste cyclable de 107 km
de long, entre le nord de l’Europe et la région parisienne. Dans le prolongement
de l’exceptionnel réseau cyclable des Pays Bas et du sud de l’Angleterre, ce
maillon peut offrir au canal, un de ses apports de développements touristiques,
les plus intéressants et les plus faciles à mettre en oeuvre.
‘‘La question de la mobilité
est toujours au centre de
la vie… y compris
dans ces petits villages
qui vont être tangentés
par le futur canal.’’
Joël Ricorday
À l’échelle locale, ces chemins longeant le canal peuvent être une formidable
chance pour mettre en place l’armature d’un réseau de liaisons douces. Ce
réseau pourrait bien sûr avoir un usage récréatif, notamment autour des villes
de Compiègne, Noyon et Péronne où il pourrait permettre de relier les centres
urbains aux grands espaces de nature periphériques. Mais cet usage pourrait
être plus quotidien notamment à l’échelle des déplacements scolaires : les
écoles, collèges et lycées se répartissent aujourd’hui sur plusieurs communes,
et ces veloroutes voies vertes le long du canal, pourraient permettre d’offrir une
structure de desserte scolaire qui complète ou se substitue aux traditionnels
bus de ramassage scolaires dans un rayon de trois à cinq kilomètres. Lorsqu’on
sait que la structure communale dans la Somme se compose de villages qui
s’égrènent majoritairement le long des cours d’eau, le canal pourrait être potentiellement vu comme un élément fédérateur à l’échelle du Val de Tortille. A plus
ou moins long terme, il faut imaginer que ces pistes cyclables se prolongent
peu à peu dans toute l’épaisseur du territoire et que progressivement se mette
en place un réseau de liaisons douces qui se ramifie et infuse en profondeur
tout le territoire du canal.
Paysagiste dplg,
Responsable de la cellule
paysage de Systra
Greffe en fente
Mathilde Castiau-Huot
Le paysage,
comme outil de médiation pour
la construction des territoires
La prise en compte du paysage, dans un projet
d’infrastructure de transport, dépasse aujourd’hui
largement la simple conception ‘‘d’aménagements
paysagers’’. Cette relation entre paysage et infrastructure a évolué avec notre société et les
objectifs liés à ces équipements.
Cette prise en compte dépend principalement de
trois facteurs : la réglementation en vigueur, la
sensibilité des aménageurs (maîtres d’ouvrages
et maîtres d’œuvres), la prise de conscience des
habitants, des riverains du projet.
L’infrastructure transport sert d’abord à relier
les hommes et à transporter les marchandises.
Sa création transforme le territoire et par conséquent, fabrique de nouveaux paysages. Les
premières applications du végétal dans ces aménagements, ont servi avant tout à la pérennisation
des ouvrages eux-mêmes : les arbres plantés aux
bords des routes au XVIIIème siècle, servaient à
fixer le sol, assainir les zones humides et limiter
rapidement l’érosion.
Les infrastructures ont également permis aux
hommes de découvrir de nouveaux territoires.
Dans les années 1900, l’avènement de l’automobile et le développement du tourisme, créent les
conditions pour une appréciation des paysages
remarquables. En ce sens, l’action des associations comme le Club alpin et le Touring club ont
eu un rôle considérable dans la protection des
sites et des monuments.
Plus tard, dans les années 70, arrive l’émergence
des problématiques environnementales. La prise
en compte des paysages, avec l’apparition des
études d’impacts, a permis d’évaluer les perturbations engendrées par la création d’une nouvelle infrastructure. Mais le paysage reste traité
dans ses dimensions matérielles, visuelles : on y
décrit ses structures élémentaires, son organisation, ses panoramas. Les aménagements écologiques, quant à eux, servent à reconstituer et à
reconnecter des milieux fragmentés par l’infrastructure.
Les années 2000 sont marquées par les travaux
sur les procédures de débat public. Avec la
montée en puissance des organisations associatives, les aménagements pour la mobilité ont radicalement changé : l’infrastructure devient alors
un outil, un ‘‘catalyseur ’’ de projets territoriaux.
Aujourd’hui, les infrastructures sont des éléments
majeurs de notre territoire. Elles structurent l’organisation de l’espace mais aussi le fragmentent,
créant coupures et délaissés, notamment dans
les espaces périurbains. La prise de conscience
de ces ‘‘paysages ordinaires’’ fait de ces espaces le laboratoire des nouvelles réflexions sur
les paysages qui s’expriment par une volonté de
revalorisation et de reconnaissance.
La prise en compte des sensibilités environnementales, sociales, de la notion de cadre de vie,
ont amené à la nécessité d’une approche pluridisciplinaire qui vient se greffer aux objectifs de
mobilité. Elles obligent désormais à travailler de
manière transversale pour permettre un dialogue
entre l’élément technique et le territoire qu’il traverse. Le paysage est considéré désormais
comme un outil de médiation pour la construction
des territoires.
14
15
Six schémas directeurs / dix-sept projets
6 schémas directeurs /17 projets
Questions & enjeux de paysage
Le Canal Seine-Nord Europe marquera les paysages qu’il doit traverser.
Cette empreinte se lira par le vocabulaire de l’ouvrage d’art lui-même, son gabarit, sa rectitude, son chemin de halage, ses éléments annexes. Elle se traduira par la création de nouvelles formes de reliefs (déblais,
remblais, zones de dépôts). Elle se verra dans la suppression de certains éléments du paysage (boisements,
haies, chemins, bâtiments), et par des coupures ou des délaissés qui imposeront la requalification ou la
reconversion de certains sites. Elle se traduira enfin par la création d’ouvrages d’art : écluses, ponts,
ouvrages de rétablissement de voirie, équipements annexes. L’essentiel du parcours se fera en territoire
rural, mais ce canal contournera également un certain nombre de villes et de villages. Au final, aux côtés
des besoins hydrauliques de cet ouvrage, et les exigences écologiques affirmées, la mise en relation du
projet avec les territoires qu’il doit traverser sera fondamentale. De fait l’aménagement de ce canal pose
toute une série de questions majeures en termes de paysage :
. Comment
Comment envisager l’insertion dans un territoire d’un canal contemporain ? peut-il contribuer à l’identité des territoires qu’il va traverser ?
. Comment
imaginer la relation entre ce nouveau canal et les bourgs
et villages qu’il doit côtoyer, parfois même tangenter ?
. partage
Quelle stratégie adopter pour les sites de dépôt très importants sur le bief de
du fait de passages en tranchée profonde ? Où, et comment les situer ? Quelles peuvent être leurs logiques d’usages, de plantation, de gestion ?
Quelles opportunités offrent-ils ?
. lesLongue
infrastructure linéaire, un canal génère inévitablement des coupures dans
territoires qu’il traverse. Ces coupures auront une incidence sur l’organisation
actuelle du réseau d’échanges, sur la répartition des flux ainsi que sur la nature et la
diversité des usages. Quelles opportunités de valorisation du cadre de vie offrent-elles ?
.Quel
Quels sont les enjeux environnementaux de ce canal et de son territoire ? rapport peut-il entretenir avec les milieux naturels ? Comment construire et partager ces enjeux de paysage ? Ce Canal est-il une opportunité pour construire des synergies tout au long de son linéaire mais également pour établir des connections de part et d’autre des paysages traversés ?
. leur
Comment prendre en compte d’entrée la pérennité des aménagements qui vont être réalisés,
vieillissement, leurs coûts, leurs logiques de gestion, leurs capacité d’évolution ?
. àEnfin
et surtout, comment les aménagements paysagers peuvent ils contribuer
faire de ce canal véritablement “un milieu vivant” ?
L’Atelier Public de Paysage
2015
COMITÉ DE PILOTAGE
Jean Lafont
Ingénieur général des ponts et chaussées
Président de l’Observatoire de l’Environnement
du Canal Seine-Nord Europe
Claire Pérard
Ingénieur de projet hydraulique et environnement
Voies Navigables de France
Mission Seine-Nord Europe
Antoine Lefrancq
Ingénieur Environnement
Voies Navigables de France
Mission Seine Nord Europe
Joël Ricorday
Paysagiste dplg,
Enseignant à l’ENSP Marseille
Paysagiste-conseil auprès de la Dréal Picardie
Membre de la commission paysage de l’OE CSNE
Mathilde Castiau-Huot
Paysagiste dplg,
paysagiste-conseil au CAUE de l’Oise
Membre de la commission paysage de l’OE CSNE
Maxime Corlay
Paysagiste dplg,
Responsable du domaine paysage chez Systra
Conseil en ingénierie de transports publics
Animateur des réunions de l’OE CSNE
ENSEIGNANTS
Bertrand Le Boudec
François-Xavier Mousquet
Yves Hubert
ETUDIANTS
Juliette Ols, Audrey Josselin, Juliette Hochart
Clément Large, Clara Bompart, Orlando Bussonati
Thibault Chantre, Maud Nunez, Aliénor Layet
Ghislain Rabeil, Julien Truglas
Léa Badel, Cyril Guimard, Alan Douchet
Clothilde Moriat, Pierre Vedovato, Julien Desagre
Déroulé de l’étude 2015
13 février Réunion de coordination VNF-ENSAP’L Définition des attendus de l’Atelier Public
26 & 27 Premières visites de terrain,
février d’abord de l’ensemble du linéaire du canal,
puis visite spécifique du bief de partage
5 mars Conférence de Claire Pérard (VNF)
3 avril Présentation de la phase diagnostic
7 mai Présentation des 6 schémas directeurs
5 juin Présentation des 17 projets
16
17
I De
l’infrastruture
à
l’ouvrage
d’art
paysager
Juliette Hochart, Audrey Josselin, Juliette Ols
Schéma directeur
I. Le canal, conçu comme un outil de
développement économique du territoire
Le CSNE s’inscrit dans un paysage agricole ouvert.
Imaginer pouvoir l’insérer en cherchant à le cacher
serait un leurre. Nous proposons au contraire
d’assumer pleinement la force paysagère de ce grand
ouvrage d’art. L’enjeu principal est de faire de cette
infrastructure d’échelle internationale, un outil pour
recomposer et re-dynamiser la vie locale. Les pôles
d’activités implantés à proximité du canal et des
franchissements accompagneront le développement
urbain. Faire réémerger la Tortille permettra de traiter
les interstices à l’échelle des villages et ainsi d’ouvrir
les centres bourgs sur le canal.
II. Faire dialoguer les différents réseaux
hydrographiques
III. Le canal, conçu comme outil de création
d’espaces publics
Le Canal se présente comme un outil écologique
reliant les cœurs de nature des trois entités
paysagères que sont la Vallée de la Sensée,
le plateau agricole et la vallée de la Somme. La
Tortille, un affluent de cette dernière, a perdu sa
place et la centralité qu’elle créait dans la vallée,
suite à la mise en service du canal du Nord. La
mise en service du canal Seine Nord Europe
donne l’occasion de la faire ré-émerger. L’un des
objectifs de ce projet sera de reconstruire les
paysages liés à ce cours d’eau.
Le CSNE, en plus d’être un axe de communication,
est traité dans son épaisseur pour créer une
succession d’espaces publics. Chacun s’inscrit
dans une logique pédagogique, faisant du CSNE
un observatoire du paysage. Dans sa dimension
économique, le canal crée des circuits courts entre
les villages. Il offre également une opportunité
de développer une attractivité touristique liée à
l’aménagement des annexes hydrauliques.
IV. Le végétal : une mise en relation
du canal avec le territoire traversé
La dynamique, liée au remembrement des terres
agricoles, enclenchée par le projet, instaure un nouveau
dialogue entre les acteurs du territoire et favorise le
développement de nouvelles pratiques agricoles. Ces
dernières, associées au paysage bocager que le projet
propose de constituer, favoriseront les continuités
écologiques et enrichiront la flore et la faune locale.
Les alignements permettent de souligner le relief et
d’agir comme des repères dans le paysage, à l’instar
de la route des Flandres. Le projet propose de mettre
en valeur les intersections entre les routes romaines et
le CSNE par le biais du végétal et d’affirmer le canal
dans le paysage.
Les boisements sur lesquels nous nous appuyons sont
de quatre types dans le bassin de la Tortille :
Les boisements historiques, comme le bois
d’Havrincourt, ont très peu évolué. Ils forment des
masses repères à conforter grâce à la compensation
de quatre arbres plantés pour un arraché.
Les boisements « économiques », comme les
peupleraies et les vergers seront le support de
nouvelles pratiques agricoles, plus respectueuses
de l’environnement (agroforesterie, pratiques sylvopastorales).
Les remblais du Canal du Nord forment des boisements
peu pratiquables et des milieux plutôt pauvres. Le
projet propose de modeler ces dépôts pour dégager
des vues stratégiques et utiliser des techniques
modernes favorisnant la colonisation végétale.
La ripisylve est une entité paysagère liée à la Tortille.
La reconstituer permet de concilier les trois échelles
que sont celles du cours d’eau, du canal du Nord et
du CSNE, et de l’intégrer dans la dynamique du canal
vivant.
Structures végétales
Références
Développer un pôle attractif de loisirs
Au lieu-dit ‘‘le champ Poirier’’ , associer
l’écluse au village par la figure du verger
75 m
105 m
0
85 m
1500 m
75 m
Au lieu-dit ‘‘les petits prés’’ : encourager
l’entretien pastoral des milieux humides
1200 m
50 m
CSNE
Bassin de la Louette
105 m
Etudier la possibilité de rendre publique la
forêt de Firmin en lisière du port céréalier
75 m
70 m
150 m
Haies bocagères
725 m
La Tortille et sa ripisylve
92 m
75 m
150 m
Paysage agricole du plateau
85 m
150 m
Tortille
Etricourt-Manancourt
85 m
95 m
85 m
75 m
CSNE
S’inscrire dans un processus
de reboisement
Créer des réserves naturelles
Fins
Etricourt-Manancourt
Equancourt
Reconquérir
le Canal du Nord
pour redessiner le
nouveau lit
de la Tortille
Allaines
Aménager la centralité
des villages en valorisant
La Tortille
Conserver
des points de vue
remarquables à l’occasion
de la mise en oeuvre
des éléments techniques
du projet
Qualifier de nouveaux
espaces publics
en frange de village
Moislains
Développer
de nouvelles attractivités
Vergers et lac de la Louette
Haies bocagères
75 m
Conserver & DIVERSIFIER
la dynamique agricole du territoire
Nurlu
Allaines
Aizecourt-le-Haut
Restaurer
les paysages bocagers
de fond de la vallée
110 m
N
375 m
CSNE
marquer l’intersection
des voies anciennes et nouvelles
par la plantation d’essences
remarquables
60 m
La Butte du Tarteron, colonisée par le temps :
observatoire du territoire
100 m
Ytres
300 m
Moislains
Développer un marais
pédagogique
100 m
80 m
Renforcer l’usage
d’ énergies renouvelables
Neuville-Bourjonval
Purifier l’eau de la Tortille
Valoriser le paysage de
ripisylve et de marais
La Tortille et sa ripisylve dans
le canal du Nord
Berges lagunées et annexes hydrauliques
Ruyaulcourt
Souligner l’infrastructure par la
plantion de nouveaux alignements
350 m
Réaffirmer la Tortille comme élément structurant du centre-ville
Les haies, outil de diversification
des pratiques agricoles
Ouvrir sur le canal
Déplacer lez zones de remblais projetés
Agrandir le coeur de nature
Paysage bocager de la vallée
PÉRONNE
0
500 m
18
19
I un
canal
créateur
de
nouveaux
espaces
publics
Juliette Hochart, Audrey Josselin, Juliette Ols
Etricourt-Manancourt
Juliette Hochart
3 projets
Retrouver le lit historique de la Tortille pour
imaginer une nouvelle chaîne d’espaces publics
La butte de Longueviolle
+ 5 ans
Le village d’Etricourt-Manancourt est amené à devenir la nouvelle source de la
Tortille. Le projet propose de restaurer la rivière dans son lit historique et, par un
travail d’aménagement des déblais, de renforcer le relief existant pour dégager
des points de vue sur la vallée du Tarteron et séquencer le passage du CSNE et
de la Tortille. La résurgence de la Tortille et le travail sur les déblais permettent
également d’anticiper les changements paysagers induits par le CSNE : la possible
construction à terme du bassin de Tarteron, ou la disparition d’une partie des voies
de communication.
L’arrivée du CSNE est également une opportunité de diversification des usages :
les chemins d’accès au canal sont nombreux et permettent ainsi la multiplication
de boucles de promenade, qui rompent avec la monotonie du tracé linéaire de la
vélo-route, le long du canal. Une agriculture diversifiée de fond de vallée (pâturage,
vergers, et autres formes de polycultures) sera également privilégiée le long de cette
nouvelle Tortille.
La butte de Longueviolle
+ 20 ans
Le renouveau paysager d’Etricourt-Manancourt ainsi porté par le CSNE permettra
donc un renouveau d’usages et de pratiques, grâce à la reconstitution progressive
d’un paysage humide de fond de vallée.
Le parc du canal souligné par un double alignement de frênes
Habiter la pente
Canal Seine Nord Europe
0
Moislains
15 m
Juliette Ols
Mettre en valeur les réseaux hydrographiques, et proposer l’urbanisation du bord-à-canal
Comment poursuivre
le rayonnement de Moislains
après la construction du CSNE ?
Les remblais : un potentiel de
développement économique et
urbanistique pour le village
Allaines En Somme.... restaurer la Tortille
Avec 1200 habitants, Moislains est le plus grand village du bief de partage. Il rayonne sur ses
territoires alentours et il y a un besoin réel de travailler sa relation avec le CSNE pour répondre
aux problématiques que ce dernier pose en termes de remblais, de biodiversité, d’espaces
délaissés, d’agriculture remembrée.
Le projet propose de répondre aux questions suivantes :
. Comment continuer à faire rayonner Moislains après construction du CSNE sachant que de
multiples voiries d’accès en partie Est vont être fermées ?
. Comment intégrer le CSNE dans la dynamique locale en termes d’économie, de pratiques de
l’espace public ?
. Quel avenir donner aux remblais situés entre les deux canaux et provoquant une situation
nouvelle dans la partie Est du village ?
Moislains s’est implanté dans une géographie de fond de vallée, le long de la Tortille. Le Canal
du Nord a bouleversé le système hydrographique de la vallée et a limité l’expansion du village
dans sa partie Est. Avec l’arrivée du CSNE, le but n’est pas de créer une autre limite franche
du village mais de considérer l’espace libre entre ces deux canaux comme une opportunité
de développements économique et urbain. Les constructions peuvent s’établir sur plusieurs
décennies et pourront être considérées comme étant de différents types (activités, habitations)
en fonction de l’évolution démographique et économique et permettront de construire les
façades de bord à canal.
La reconversion du canal du Nord en promenade va permettre de faire rayonner le village à
l’échelle du tracé du CSNE et de faire découvrir les différents paysages créés par ce dernier.
En s’appropriant les aspects techniques du projet, le village de Moislains va être le centre de
nouvelles pratiques, de nouveaux usages à l’échelle locale et départementale. En impulsant de
nouvelles dynamiques à l’échelle locale, le CSNE est bien plus qu’un outil de développement
économique international.
Audrey Josselin
Sur ce bief de partage, le Canal va prendre place dans un paysage rural, marqué
par l’Histoire, le long d’une vallée de la Tortille bouleversée par la création du canal
du nord. Imaginer ce canal comme un ouvrage d’art paysager, peut en faire un outil
pour redonner une identité à cette vallée.
Le village d’Allaines est situé en aval de la rivière, proche du point de confluence
avec la Somme. Le site est d’autant plus important qu’il jouxte les étangs de la
Haute-Somme connus et fréquentés pour leurs richesses naturelles. L’enjeu ici,
est donc de redonner à la Somme cet affluent qu’est la Tortille, pour étendre ce
potentiel touristique. La gestion des trois échelles (monumentale, régionale et intime)
permet de faire du canal le support de l’identité de la vallée, et un point de vue
sur les richesses à la fois naturelles et paysagères qu’elle offre. Aménager le canal
à proximité de la Tortille et du canal du Nord permet de proposer une diversité
d’espaces humides, dont une rivière reprofilée, une ripisylve densifiée et des berges
lagunées, renforçant ainsi le lien entre vallée et infrastructure. Le projet n’est donc
plus seulement de chercher à cicatriser, mais de faire que chaque élément entre en
résonnance avec la vallée dominée par un marqueur du paysage assumé et mis en
scène. Associé à une annexe hydraulique dont l’échelle est sans rapport avec celle
du village d’Allaines, le canal a l’opportunité ainsi de devenir sur cette section, un
point attractif, donnant un nouvel attrait à ces paysages et à ce territoire.
Bassin de retenue de la Louette
Digue terrasse
Canal du Nord
la Tortille
N
0
80 m
0
250 m
20
21
II Retrouver la vallée de la Tortille, de villages en villages
.
Un projet fondé sur deux entités paysagères
Schéma directeur
Thibault Chantre, Maud Nunez, Aliénor Layet
Le Schéma Directeur propose de développer trois enjeux :
Donner de l’épaisseur à la Tortille pour développer des
zones humides et des annexes hydrauliques en relation
avec le Canal Seine-Nord. l’objectif est de permettre le
développement de nouveaux usages, notamment la
création de zones de loisirs en lien avec les villages.
Trouver les continuités végétales qui pourraient être le
moyen de réduire la césure du canal et mieux associer
les villages à leurs territoires.
Utiliser les dépôts, inhérents au creusement du canal,
pour développer une agriculture originale, liée au canal.
.
.
Au nord, l’amont de la vallée présente un paysage plus
sec qu’à l’aval. Ici nous proposons une intégration du
canal par la mise en place d’une agriculture propre au
canal et par le renforcement des boisements. Le bois
d’Havrincourt est prolongé dans les vallées sèches pour
rejoindre la vallée de la Tortille et sa ripisylve reformée et
épaissie. La mise en place de liaisons douces est proposée entre Ytres, Neuville-Bourjonval, Bertincourt, Ruyaulcourt et Hermies pour permettre la mise en place d’un
paysage de solidarité économique et administrative au
cœur du bassin de vie de l’agglomération de Péronne.
Au Sud, la vallée humide va tirer parti du croisement
Système
de solidarité urbaine
N
0
2km
des systèmes hydrauliques et permettre une réflexion
sur le végétal. C’est le lieu propice aux aménagements
d’annexes hydrauliques contribuant à l’objectif de création d’un ‘‘canal vivant’’.
Sur l’ensemble du bief de partage, la mise en place
d’un réseau de liaisons douces en lien avec le Canal
Seine Nord Europe, vient opérer un maillage du territoire
en connectant les villages de façon sécurisé pour les
piétons et les cyclistes. Il permet aux enfants de rejoindre
leurs écoles en vélo et connecte les villages à Péronne,
leur ville de référence.
Nous proposons des alignements tantôt
espacés pour permettre des vues sur le
territoire, tantôt resserrés en rideaux denses.
La reconstitution de ripisylves est un vecteur
de lien écologique entre les boisements
et les éléments déterminants du système
hydrographique du paysage rural. La
restauration ou la réinterprétation de certaines
structures végétales anciennes telles que
les courtils, les arbres cadastraux, ou les
haies parcellaires, constitue le support de
corridors écologiques et humains. L’actualité
retrouvée de ces formes anciennes vise à
pallier l’homogénéité du territoire engendré
par l’agriculture intensive et que risque
d’accentuer les remembrements liés la
construction du canal. Il s’agira de développer
ici, une forme d’agriculture et d’espaces
partagés en lien avec les usages récréatifs
qu’occasionnent le canal.
Ytres
L’agriculture représente un potentiel de projet
pour gérer certaines mitoyennetés. Le projet
propose la création de formes spatiales telles
que des cultures en restanques sur des dépôts,
des espaces de cultures partagées, des zones
de pâturages et de près commun pour la
constitution de parcs agricoles. Les vallées
sèches, sont soulignées par l’implantation
d’une végétation dense permettant de limiter
le ruissellement des eaux, l’érosion des sols,
de façon à créer des continuités écologiques
et souligner le socle géographique. Enfin les
dépôts sont mis en oeuvre dans la continuité
des reliefs existants, de façon à renforcer la
structure géographique des vallées.
Etricourt-Manancourt
Des enjeux représentés par 3 villages
Ruyaulcourt
Etricourt
Neuville-Bourjonval
Bassin de Louette
Vallée de Tarteron
Manancourt
Canal du Nord
Allaines
CSNE
Ytres
CSNE
CSNE
Moislains
A2
Péronne
Ytres
..
.
Habiter l’entre-deux en développant une statégie végétale
Inscrire les sites de dépôt dans les grandes lignes
topographiques du territoire
Renforcer les chemins, vecteurs de lien entre les villages.
..
.
Allaines
Etricourt-Manancourt
Organiser les dépôts dans la continuité du socle existant.
Cadrer les vues sur les espaces agricoles depuis le village.
Développer une zone humide
en cohérence avec le réseau de vallée,
la Tortille, le canal du nord et le CSNE pour intégrer les annexes
hydrauliques
Développer les structures végétales dans le fond de vallée
pour limiter l’érosion des sols.
.
Allaines
Zones humides
Chemins
de randonnée
Canal Seine Nord Europe
Agriculture en relation
avec le canal
Alignements
denses, resserrés
Annexe hydraulique
Alignements espacés
La Tortille
Végétation
soulignant les vallées
N
Harmoniser et conjuguer les différents systèmes hydrauliques
0
2km
22
23
II Aménager les mitoyennetés
Ytres
Ytres
Thibault Chantre, Maud Nunez, Aliénor Layet
3 projets
Ytres,habiter les lisières
Le village d’Ytres est peut-être un des villages où se
pose le plus clairement la question de la mitoyenneté.
Le Canal y passe à 120 m d’un village déjà frôlé au
nord, par l'autoroute A2. Comment traiter l'espace de
l'entre-deux, entre village et canal ? À cette question
s’ajoute celle des dépôts, qu’il est prévu de disposer
au nord-est du village, sur la rive est du canal, ce qui
risquerait d'amplifier l'effet d'enclavement. Enfin, le
passage du CSNE détruit 90 000 m2 du Grand bois
d'Ytres qu'il s'agit de compenser dans le projet. Toutes
ces problématiques peuvent être l'occasion de donner
une identité aux paysages du Canal Seine Nord Europe.
Le projet autour d'Ytres consiste en un travail sur la
topographie et le profilage des dépôts. Ces nivellements
permettent l'intégration de l'autoroute et la réimplantation
d'une agriculture en openfield. La stratégie végétale se
développe selon un jeu de lisière laissant percevoir - ou
non - le paysage. Elle répond aussi à la (re)-constitution
d'un maillage de liaisons douces à l'échelle du bassin
de vie permettant de rejoindre les écoles et collège de
Bertincourt et Ruyaulcourt sur d'anciennes infrastructures
de transport abandonnées (canal du nord et voie ferrée).
Aliénor Layet
Une plaine vivante au contact du canal
Concevoir le croisement du Canal et de l’autoroute comme un évenement à signaler
Habiter l’entre deux, accompagner l’ouvrage
Remettre en culture les sites de dépôts du Canal Seine-Nord Europe
Étricourt-Manancourt
Réconcilier le village avec son territoire
Ripisylve
de la Tortille
Ce projet propose de retrouver la cohérence géographique
du fond de vallée et d'insérer le CSNE dans la topographie
existante. La position ‘‘en balcon’’ du village d'EtricourtManancourt ménage des vues sur les vallées de la Tortille
et de Tarteron que le projet cherche à valoriser. Pour se
faire, la Tortille est en partie restaurée dans son lit naturel,
créant ainsi un paysage de ripysilve en fond de vallée.
Les dépôts sont insérés dans la topographie existante et
viennent souligner les versants de la vallée de Tarteron,
Par cet artifice, les formes du relief sont valorisées afin
de préfigurer l'arrivée du futur bassin. Parallèlement, le
projet développe un réseau de cheminements permettant
d'assurer des liaisons avec la Vélo'route développée le
Etricourt
Haie nourricière
en bordure de chemin
Rue Principale
Tortille
Tortille
Sur le site d’Allaines doivent être aménagés l’immense
retenue d’eau du bassin de la Louette, et le point de
connexion du Canal du Nord au canal Seine-Nord Europe.
L'implantation de ces éléments pose plusieurs questions:
des enjeux d'échelle d’infrastructures, de qualité des
liaisons urbaines locales, de remembrements agricoles et
de prise en compte des usages et pratiques locales.
Le projet propose de faire des dépôts un moyen d’insertion
du bassin et du Canal Seine-Nord au relief et au système de
vallées existantes. Les 92 hectares du bassin de la Louette
sont conçus comme un lieu de promenade et de pêche.
Il est proposé de créer des circuits autour du bassin et
qui se prolongent pour relier Allaines et les deux canaux
afin de réhabiliter certains chemins agricoles et étendre le
circuit de la véloroute mise en place le long de la vallée de
la Somme. Le maintien de l’activité agricole est un facteur
d’insertion du canal dans son territoire. Les deux tiers de
ces paysages sont ici cultivés depuis des millénaires et il
est essentiel de préserver autant que possible toutes les
50 m
Etricourt-Manancourt
long du canal. Les chemins routiers coupés par le passage
du canal sont réhabilités, afin de mettre en place des liens
avec le village d'Etricourt Manancourt.. En outre, les dépôts
réorganisés accueillent des prairies et des espaces de
pâturages permettant de diversifier les formes agricoles et
de créer une diversité écologique. Ainsi, l'interstice compris
entre les villages et le CSNE est recomposé autour des motifs
agricoles. Enfin, une hiérarchie des structures végétales est
instaurée. L'échelle du Canal Seine Nord Europe est soulignée
par des vergers, qui traduisent une réinterprétation de la figure
historique de l'alignement. Ils permettent de créer un second
plan dans le paysage de la vallée et amorce les boisements
situés sur les berges ouest du CSNE. Thibault Chantre
Prairies
Vélo-Route
Dépôt exploités dans la pente naturelle
Cheminement le long de la Tortille
Allaines, ‘‘Le Paradis-à-Vache’’
0
Canal SNE
Canal SNE
0
50 m
Maud Nunez
formes d’activité agricole. C’est notamment le cas de l'entredeux laissé entre le canal du Nord et le canal Seine-Nord que le
projet prévoit de rendre à l’agriculture.
Enfin, pour poursuivre les éléments identitaires du paysage, les
parcelles redessinées suite au chantier du Canal Seine Nord
seront délimitées par des arbres repères, et accompagnées
d’éléments caractéristiques du département de la Somme, tels
que les haies, les rideaux, ou les fossés plantés qui s’ajoutant
aux berges lagunées et annexes hydrauliques seront autant de
nouvelles réserves de biodiversité de ce territoire.
Roselière
Bassin
de la Louette
Noues
0
Zone humide
Arbres ‘‘cadastraux’’
CSNE
50 m
Canal du Nord
Allaines
Allaines
N
0
500 m
24
25
Léa Badel, Alan Douchet, Cyril Guimard
Assumer la
monumentalité
Annexes
hydrauliques
Continuités
écologiques
YTRES
CSNE
A2
Délaissés
agricoles
Bois
D172
Fond de
vallée
Villages
bosquets
D58
N
0
Accompagner l’insertion du canal dans le paysage
ETRICOURTMANANCOURT
500 m
Trois sites sont identifiés à l’interface de ces deux systèmes
Il s’agit des villages d’Ytres, Étricourt-Manancourt et Allaines, dont la situation à
proximité de la Tortille ou dans les fonds de vallée, résulte d’une logique héritée
d’un système-rivière, bouleversé par l’arrivée du canal du Nord.
7
Prenant appui sur le socle géographique et les systèmes composés par la vallée
de la Tortille et ses vallons affluents, ce scénario propose la mise en place d’une
stratégie d’aménagement. Cette stratégie vise à intégrer l’ouvrage technique du
canal dans le long terme et activer -ou réactiver- des dynamiques écologiques,
sociales et paysagères en lien avec les nouveaux paysages que ce nouveau
canal va générer. C’est à l’interférence entre le système-canal et le système-rivière,
et aux points de rencontre de ces deux entités que sont situés les enjeux de
l’intégration du CSNE. Abordant tour à tour la grande échelle et l’échelle locale,
l’activité humaine et l’activité écologique, la technique et le paysage, ces points
névralgiques du futur paysage en lien avec le CSNE deviennent des sites
cruciaux pour réussir l’insertion du canal dans son territoire.
D91
Schéma directeur
III L’ambition d’un canal vivant : fédérer, révéler, assumer
Un exemple d’enjeu situé
moislains
7
D101
• Au sud d’Etricourt-Manancourt, il s’agit de travailler sur la liaison entre
le village et le canal par la gestion des dépôts déposés en berges lagunées.
Ainsi associés au canal et à la Tortille, les bois du sud du village peuvent
devenir de véritables vecteurs de biodiversité.
• À Allaines, il s’agit d’aménager l’espace de l’entre-deux canaux de façon
à ce qu’il ne devienne pas un délaissé. Ici encore, l’aspect social peut être
un vecteur majeur pour développer l’ambition d’un canal vivant, car le site est
doté de plusieurs possibilités d’accroches : le bassin de Louette, la nouvelle
écluse, l’ancienne écluse, la Tortille…
• À Ytres, plusieurs enjeux sont mis en évidence : la monumentalité de
l’ouvrage à proximité du village, la gestion des talus, la séparation avec le
cimetière communal.
Un nouveau système d’espaces publics fondés sur les usages locaux permettra
de créer une accroche entre ces villages et le canal. L’arrivée d’une vélo-route le
long du canal permettra de relier ces villages entre-eux dans la longueur et de
venir les inscrire dans une échelle nationale et Européenne grâce à une mobilité
verte. Au delà de ces enjeux situés, notre diagnostic nous à aussi conduit vers
des enjeux thématiques qui se retrouveront tout au long du canal et de sa
projection. Il s’agit d’assumer la monumentalité de l’ouvrage, de l’intégrer plutôt
que de le cacher, et d’en faire un élément fédérateur du grand territoire. Une
gestion dans le temps est à prévoir et peut s’étaler au delà du temps de chantier
du CSNE. En effet, la conclusion de notre diagnostic conduit parfois à remettre
en cause des limites techniques définies pour l’implantation de l’ouvrage par
VNF et d’aller chercher au-délà pour lui donner une plus forte consistance et
une plus grande valeur paysagère. La rencontre avec les différents acteurs du
territoire et leur coopération au projet du CSNE seront porteuses d’une meilleure
intégration du futur canal. Au final, l’objectif de notre démarche est de donner
de l’ampleur au Canal Seine-Nord Europe grâce à l’opportunité qu’il offre de
combiner une fonction technique et économique ainsi qu’une fonction sociale et
écologique. Il se dote d’une multitude d’annexes qui vont permettre de réaliser
un projet fédérateur. La nouvelle infrastructure se présente ainsi comme une
véritable opportunité pour développer un territoire vivant, depuis l’échelle du
territoire européen jusqu’à l’échelle des différents villages.
CSNE
canal du
nord
ALLAINES
Utiliser le temps comme outil d’insertion
du Canal Seine-Nord dans ses paysages
PÉRONNE
26
27
III L’ambition d’un canal vivant : fédérer, révéler, assumer
Léa Badel, Alan Douchet, Cyril Guimard
3 projets
Ytres
Pratiquer le canal au quotidien
Coupe AA’ : 1/1000 ème
Reconnecter ce village dans le maillage des villages
L’ambition d’un canal vivant repose sur la cohabitation de deux logiques : le système
canal et le système rivière. Notre conviction est qu’une grande partie des enjeux
champ
d’insertion paysagère de ce futur canal se situent à la lisière de ces deux systèmes.
Ytres est un village de moins de cinq cents habitants. Situé un plein coeur d’un
paysage ouvert et agricole, il est déjà fragilisé par le passage de l’autoroute A2 au
nord, et risque de se retrouver enclavé par le chantier du CSNE qui menace de l’isoler
des villages voisins. Pour pallier cela, le projet propose d’aménager une promenade
le long du canal, prolongée par un alignement d’arbres passant par la rue PierreWatel et la rue-du-Moulin. Ce parcours offre un nouvel espace public de promenade
associant le village au canal, et cette promenade se prolonge en dehors du village par
un réseau plus vaste de chemins plantés, à la fois corridors écologiques et supports
de circulations douces pour la mobilité locale. Ce réseau de chemins reliant les
villages d’Ytres, Neuville-Bourjonval, Bertincourt et Ruyaulcourt, permet à ces communes
de se regrouper et de former un maillage territorial, mieux à même de faire face au
problématiques rurales. À terme, la mise en place d’un P.L.U.I. (Plan Local d’Urbanisme
Intercommunal) pourrait poursuivre le développement de ces relations et jouer un rôle
stratégique dans le développement futur de ce grand paysage rural. Alan Douchet
aujourd’hui
Dépôts boisés
Sol préparé grâce à un paillage
réalisé grâce au déboisement
des arbres existant
Dépôts du canal du nord
Canal du nord
Le Grand Marais
Champs de blé et de colza
Annexe hydraulique et
restauration du Grand Marais
Alignement de Robinia pseudoacacia zone humide étanche grâce à
un mélange dépôts-argile
planté à 15 m du canal
Chemin
de
halage
du
CSNE
Véloroute
mélange terre-pierre
dans 30 ans
ts
pô
dé
Emprise du canal du nord
réutilisation des bois en copeaux pour paillage
argile pour rendre l’annexe étanche
Le Canal Seine-Nord Europe
Canal Seine-Nord
0
10
20
30
40
50 m
pelouse
calcicole
auvegardée
CSNE
Espace de reserve
écologique
champ
Restaurer les entités fortes du paysage
Le projet propose de conduire l’ambition d’un canal vivant à une double échelle, à la fois
européenne et communale. Il se fonde sur la conviction que ce canal peut devenir un élément
fédérateur du territoire par sa dimension écologique et sociale. La singularité du village
d’Etricourt-Manancourt réside dans la présence d’un des rares boisements de ce paysage
d’openfield, et dans celle du marécage généré par un ancien méandre de la Tortille. Quatre
outils principaux sont sollicités. Les dépôts permettent de renforcer la topographie actuelle ou
d’intégrer les remblais du canal, afin qu’ils ne créent pas de césure dans le territoire. Deux
annexes hydrauliques sont réalisées : l’une est placée dans la vallée de Tarteron et pourrait
devenir à terme une base de loisir, l’autre permet une restauration du Grand Marais, élément
symbolique de la reconquête de la Tortille. Un travail est mené sur l’épaississement des lisières
des grands bois privés pour replanter 23 hectares de bois, accessibles au public et donner ainsi
l’impression d’un seul et même bois continu. Des multiples cheminements longeant ou traversant
les cours d’eau proposent une diversité d’ambiances. Enfin le projet s’inscrit dans le temps et
propose de développer une stratégie sur le long terme en suscitant auprès des différents acteurs
du territoire, des projets à une échelle plus réduite telles que des plantations d’arbustes le long
des routes principales, ou des noues paysagères entre les parcelles agricoles.
Léa Badel
Promenade le long de la lisière
retravaillée des bois
Promenade le long de l’eau qui
reprend le tracé de la Tortille
pelouse
calcicole
accéssible
Bois existants
Vers le bois des Sapins
et le bois de l’Eau
Travailler avec le temps...
Allaines, Dessiner les continuités naturelles entre entités humides
Pour développer l’ambition d’un canal vivant sur le site d’Allaines, l’un des enjeux
majeurs est de mettre en réseau les différents systèmes hydrauliques. Pour y parvenir,
le projet propose de modeler la nouvelle topographie imposée par les terrrassements
de façon à créer des retenues d’eau de ruissellement et ménager un maillage de fossés
permettant le developpement d’une faune et d’une flore de zones humides. Le circuit
ainsi mis en place établit des continuités écologiques entre les différentes entités de
ce paysage que sont le bassin de la Louette, le CSNE, le canal du Nord et la Tortille.
À terme, la végétation accompagnant ces zones humides offrira une transition entre
l’échelle locale du village et l’échelle monumentale de l’infrastructure navigable.
La problématique de l’entre-deux canaux est résolue d’une part, par le maintien d’une
agriculture enrichie par l’apport écologique des fossés-parcellaires, mais surtout par
l’aménagement d’une aire de loisirs à l’extremité de la presqu’île. En effet, plutôt que
d’imaginer une double gestion hydraulique et touristique (potentiellement conflictuelle)
du bassin de la Louette, le projet propose de créer une base de loisirs indépendante
sur ce site très enclavé. Le canal vivant construit ainsi son épaisseur dans le territoire.
Compris avec ses dimensions sociales, patrimoniales et écologiques, le Canal Seine
Nord Europe s’inscrit dans le paysage d’Allaines en proposant une alternative au ‘‘tube
à péniche’’ et témoigne par tous ces aspects de la dynamique du vivant qu’il peut
enclencher à différentes échelles.
Cyril Guimard
L’épaisseur
d’un canal vivant
Mettre en réseau les différentes structures hydrauliques
0
500
N
28
29
Schéma directeur
IV Révéler le socle du paysage
Clara Bompart, Clément Large, Orlando Bussonati
L’enjeu principal est d’utiliser les dépôts comme moteur de projet, afin qu’ils n’accentuent
pas la coupure produite par le canal, mais au contraire qu’ils servent à l’intégrer par une
amplification de la topographie existante.
Nous avons donc choisi de retourner plusieurs fois sur le site pour apprendre à
mieux connaître le canal du Nord et la logique d’évolution de ses déblais. En suivant
pendant une journée le canal, nous avons pu nous rendre compte que notre première
approche d’un canal séquencé sur toute sa longueur, où se succéderaient les enjeux
n’était pas forcément juste. Le canal est apparu comme une amplitude plus ou moins
importante au fur et à mesure de ses rencontres : villages, boisements, vallées, …
S’inspirer des leçons du canal du Nord...
Cette visite du canal a fait émerger des aspects importants à prendre en compte.
Le canal n’est pas un obstacle visuel. Ce qui fait obstacle, ce sont les éléments qui
l’accompagnent et le longent (les déblais, les boisements). Les différentes formes de
ces éléments permettent tout de même de proposer des cadrages sur le territoire.
La multiplication des outils de liaison permet de ne pas interférer dans le maillage
existant entre les villages. Ces franchissements sont autant de points d’entrée sur le
chemin de halage.
Des promenades sur les hauteurs, en lisière, offrent une nouvelle relation au canal, plus
distante. La nature des dépôts, en calcaire, n’a pas permis une réelle renaturation des remblais,
et laisse apparaître une végétation assez pauvre (mousses, bouleaux, cornouillers...).
Si certaines positions des dépôts semblent judicieuses, d’autres au contraire ont un
effet de coupure du canal et de son territoire. Il semble nécessaire de proposer une
alternative aux dépôts exclusivement le long du tracé, en envisageant de rechercher
des zones de dépôts un peu plus éloignées ou plus étendues.
En effet, les dépôts calcaires ne pourront jamais accueillir une végétation fournie et
variée sans un travail préalable, sur l’angle des talus, sur la reconstitution d’un sol et sur
le choix du type de végétation. Ces trois critères sont déterminants pour assurer une
viabilité et durabilité des talus du canal.
La reconstitution du sol, étape fondamentale pour permettre l’installation d’une
végétation variée est un processus long. La première étape est de laisser les plantes
pionnières s’installer, accompagnée de semis expansifs et de réaliser une fauche ainsi
qu’un broyage tous les trois à cinq ans. Le produit est laissé sur place : cette étape
de décomposition naturelle permet la constitution d’un sol et d’une litière. Répétée
plusieurs fois, en fonction des plantations prévues et de l’épaisseur du sol attendue les
talus deviendront foisonnant de végétation. Les usages pourront ainsi varier : pâturage,
boisement exploités, voire même remise en culture.
... pour dessiner un schéma directeur.
Dans un premier secteur, le canal prend une position autonome, positionné en tranchée.
Il prend la forme d’un corridor écologique à Ytres en lien avec les boisements comme
celui d’Havrincourt. Les dépôts ne se positionnent pas le long de la tranchée, mais
viennent épouser la forme de la vallée afin de préserver les co-visibilités entre villages
ainsi que les différents points de vue.
Sur le reste du parcours le canal prend plus ou moins d’amplitude. Il constitue des
points relais avec son territoire. Par exemple, à Etricourt-Manancourt et Moislains,
l’urbanisation vient épouser le canal dans une relation directe par des aménagements,
des parcours sportifs ou récréatifs. Les boisements viennent lier les deux villages en
prenant de l’amplitude. Les dépôts viennent une fois de plus épouser le territoire sur les
plateaux avec une gestion de renaturalisation.
Le projet paysager du canal devra donc
amplifier la structure topographique de la vallée
pour garantir des connexions entre l’infrastructure
et le milieu qu’elle traverse.
Par cette logique, le canal Seine-nord Europe peut devenir support de
nouvelles formes d’urbanité, de cohérences environnementales et de
nouveaux espaces de loisirs
grâce aux différents cheminements.
Trois critères pour tenir les talus : l’angle, le sol, les plantations
Quatre étapes pour repeupler
Relations directes
Ouvertures
Temps 0 // Végétation spontanée,
terre calcaire, biodiversité nulle
Temps 1 // Semis expansifs,
terre calcaire, biodiversité nulle
Temps 2 (5 ans) // Taille à raz et
broyage sur place des jeunes
pousses et arbustes
Co-visibilités
Temps 3 // Constitution d’un nouveau
sol pouvant accueillir des plantations
forestières ou cultures
Temps 4 // Gestion forestière ou culture
Zones de déblais
N
0
10 Km
Ponts
Extensions urbaines
30
31
IV Révéler le socle du paysage
Clara Bompart, Clément Large, Orlando Bussonati
3 projets
Ytres,une opportunité d’évolution vers une ‘‘forteresse verte’’
L’élaboration d’un projet de paysage sur le site d’Ytres parait indispensable.
Le franchissement du bief de partage, impose en ce lieu, un passage en
tranchée du canal qui va générer d’énormes quantités de déblais et qui placera
le village d’Ytres, déjà cerné par l’autoroute A2, au bord d’une tranchée de près
de 40 mètres. Paradoxalement, cette situation délicate peut être une chance
pour Ytres. Par cet immense chantier, le village peut retrouver un équilibre,
une nouvelle cohésion urbaine en offrant une véritable valeur ajoutée aux talus.
Pour cela, nous proposons que les habitants et les nouveaux aménagements
regardent vers le canal. Cela passe concrètement par un remodelage du profil
des talus. La création d’une pente adoucie entre le village et le canal, permet
une utilisation modulable des fonctions et une pluralité d’usages (habitat, agroforesterie, pépinière, pâture, agriculture, voire même des solutions de bâti). Le
profilage des dépôts permet de réduire les nuisances sonores des riverains et
de créer des séquences et des rythmes dans les parcours proposés. Le projet
s’accompagne d’une stratégie de plantation, qui tend à créer une forêt linéaire
en bordure de canal, avec un jeu de densité et de nappes de végétaux assurant
une couture avec la trame de bocage existante. Ces nouveaux aménagements
vont se parcourrir par plusieurs types de chemins créant un véritable maillage
d’espace public, traversant les talus d’Ytres à différents niveaux : sur les crêtes,
dans la forêt linéaire, sur le soutènement en calcaire permettant de profiter des
la vue, et en contre bas sur les chemins de halage pour les villageois qui, de
temps à autres, prendront le temps de s’aventurer jusqu’au fond de la tranchée.
Le promontoire d’Ytres, occupation provisoire des parcelles
Ytres
124m
98 m
87 m
Clément Large
Profil d’ouverture, cheminements et pluralité d’usages
Etricourt-Manancourt
Redonner une amplitude au canal pour l’insérer dans son socle
Etricourt-Manancourt
Bocage
Tortille
Randonnée
piéton et cycliste
Enrichissement
en trois temps
CSNE
Arbres et
arbustes
L’attention au contexte donne sa légitimité à l’aménagement du Canal Seine Nord.
Trois entités paysagères structurent aujourd’hui la ville de Moislains : La Tortille
qui structure l’habitat et les déplacements en fond de vallée, une frange boisée
parallèle qui isole une partie du village et enfin le canal du nord, établi en surplomb
et qui tourne le dos au village de Moislains. La proposition est ici d’aménager
trois séquences qui correspondraient à ces trois entités bien identifiées, liées au
contexte d’activité économique d’entrée de ville, au développement urbain lié à la
topographie et au canal, et au territoire agricole où se mêlent les cheminements et
le cours de la Tortille. Ces différentes parties sont structurées par un réseau viaire
existant pour lequel l’aménagement du CSNE impose un travail de retissage et
de remembrement.
La proposition envisagée pour la première séquence est de développer l’entredeux en associant l’entrée de ville et l’intégration du silo comme landmark à
un espace paysager. La proximité des silos invite à conserver, sur la seconde
séquence, un espace ouvert à long terme pour encourager le développement
économique du canal. La proximité de la ville permet de tisser l’entre-deux par
un espace paysager qui sert de point relais et de détente sur le parcours sous la
forme d’une friche entretenue à l’exemple du Landschaftspark de Duisbourg ou
du Natürpark Sudgelande de Berlin. La troisième séquence profite de la position
haute du canal en utilisant les déblais en excès situés en amont pour asseoir le
profil du canal en aval. On a donc un espace plus piétonnier et cycliste qui passe
progressivement d’un aménagement urbain en amont à un aménagement plus
rural, lié à la randonnée. Les dépôts situés sur l’emprise du canal sont alors gérés
de façon à y rétablir à long terme l’activité agricole.
Orlando Bussonati
Champs
Moislains, Tisser l’entre-deux
Prés du Poste
+ 20 ans
Bocage
Chemin public
La Tortille
Ripisylve
CSNE
Zone de dépôt à enrichir en
vue d’une activités agricole
Ripisylve + 5 ans
Prairie sur déblais
Champs existant
Chemin public
La Tortille
La Tortille
Ripisylve
Champs existant
Rue Principale
En termes de paysage, l’une des principales actions à opérer sur le site d’EtricourtManancourt, est de correctement positionner les dépôts de part et d’autre du CSNE
de façon à dénaturer le moins possible la topographie existante. L’objectif consiste
à implanter les déblais de façon à épouser et renforcer les reliefs existants et surtout
éviter qu’ils ne créent des bourrelets incongrus en fond de vallée. Dans cette même
logique, le projet propose de restaurer la Tortille dans son lit naturel, et renforcer ainsi
par des ripisylves les différents plans de végétation entre le village et son canal. Ces
deux propositions visent à redonner la rivière aux riverains et réconcilier le village avec
sa géographie. Par cette démarche, le CSNE s’insére en douceur et s’accompagne
d’un maillage de chemins et de parcours qui s’adresse tout autant aux cyclistes de
la vélo-route, qu’aux villageois. L’intégration des dépôts passe également par la mise
en place d’une dynamique végétale sur le long terme. Plusieurs techniques sont
développées en fonction des résultats attendus. Les dépôts boisés nécessitant un
résultat rapide, sont par exemple plantés d’essences à croissance accélérée (frêne,
noisetier, pin, peuplier). Sur les autres sites de dépôt est opéré une naturalisation
par re-création d’une litière (fauche successive et broyage sur place). Le principal
objectif est donc bien d’accompagner la structure du paysage existant et de mettre
en place les conditions d’un nouvel équilibre.
Clara Bompart
Ruralité et renaturation
Parc paysager en terrasses
Vues préservées sur le vallon
Conservation des vues sur le paysage et diversification des usages
Moislains
32
33
V
Anticiper le Ghislain
futurRabeil,
paysage
Julien Truglas
Schéma directeur
Hermies
I. Anticiper le futur paysage pour assurer la reprise de la greffe
Le schéma directeur est une étape essentielle du projet de paysage. C’est une phase de transition
entre le diagnostic et le projet. Ce moment permet de prolonger les questionnements entrepris
de les affiner, puis de les transformer peu à peu, en pistes de projet ou en éléments de doctrine
susceptibles de structurer le développement des dessins des phases ultérieures.
Les conclusions de notre diagnostic ont montré qu’il était essentiel d’anticiper ce que pourrait être
le paysage après l’implantation du canal à grand gabarit. De là, s’imposaient deux grandes pistes
d’aménagement reposant sur le travail de gestion des patrimoines naturels et humains présents.
Ruyaulcourt
La prise en compte de ces éléments patrimoniaux nous parait être la condition indispensable
à l’insertion de l’infrastructure à travers ses paysages. Cette articulation est le fondement d’une
reprise de la greffe, l’assurance d’une pérennité possible pour l’ouvrage.
Equipements Promenade
de loisirs
du tour du lac
Sentier
équestre
II. Le choix de deux sites clés
Deux sites exprimant bien ces notions de patrimoine
humain et naturel. Il s’agit d’une part de la ligne de crête
du bief comprenant les communes d’Ytres, Ruyaulcourt,
Havrincourt et Hermies, et d’autre part du versant sud du
bief de partage qui s’étend vers la Haute Somme, paysages
émblématiques de ce territoire.
Maintien de digue (34m)
Itinéraire
par génie végétal
touristique fluviale
Berges lagunées
Maraichage Port de plaisance
Vers le
GR 145
Vers la promenade
Grand Projet
Vallée de Somme
Bertincourt
Forêt
d’Havrincourt
III. Les interventions envisagées
Allaines
Bassin de retenue
de la Louette
Vers
Bapaume
Centre
équestre
Chemin de halage
Moislains - Péronne:
8km - 30 min à vélo
Chemin de randonnée
Le canal entre ville et campagne
Vers Péronne
Comblement partiel
Berges lagunées
du canal Nord :
Milieu naturel à
chaîne d’étangs
restaurer : haies
Clairière
bocagères, bosquets...
Reboisement de
40 hectares
Passage grande faune
Bois de
Retenu de l’eau dans
la pente
l’Eau
Nécropole
Nationale
Bois des Sapins
Vers le
GR 145
Grand
Marais
Bois de Vaux
Vallée Marquet
Sur le site de la ligne de crête, le schéma directeur propose
de répondre aux problèmes d’enclavement provoqué par
l’arrivée du Canal Seine-Nord Europe en adoptant une
gestion des talus, un reboisement et un renforcement des
continuité écologiques susceptibles d’être perturbées. Des
chemins de randonnée sont mis en place autour du canal
et ses chemins de halage. Ils se complètent de chemins
d’histoire reliant les villages et les cimetières militaires,
témoignant des traces de la Grande Guerre, mais aussi
d’une longue tradition d’invasions, comme en témoignent
par exemple le réseau des ‘‘muches’’ autour d’Hermies.
Le second site de projet se rattache à la coexistence entre
le patrimoine urbain et naturel en vue d’un développement
de l’agglomération de Péronne. Le schéma propose de
créer des continuités écologiques entre les bois existants,
des extensions hydrauliques afin de renforcer les qualités
halieutiques du canal. En lien avec les zones urbaines et le
contexte touristique de la vallée de la Somme, des chemins
de randonnée sont proposés le long du canal, et plus loin
dans le territoire.
Neuville-Bourjonval
Ytres
Grands axes et canal :
des couloirs de transformation
du paysage
Étricourt-Manancourt
Gestion du
patrimoine
Le schéma directeur propose ainsi d’intégrer la greffe dans
le paysage par un projet de modelage et de gestion des
talus, des voies de communications humaines et naturelles
qui assure le développement cohérent et mutuel du canal et
du grand paysage à venir.
Cheminement équestre
Equipements
sportifs
Moislains
Moislains
Création de haies bocagères
favorisant le passage de la
grande faune
Création de GR
sur un territoire
historique lié à la
Grande Guerre
Modelage du talus
pour favoriser le passage
d’animaux
Création
de prairie
calcicoles sur
les pentes
Annexes
hydrauliques
réserves écologiques
Un patrimoine naturel à valoriser
Un paysage de craie
Création de passages pour
animaux et randonneurs
Peupliers brise-vents
Hermies
Ruyaulcourt
Boisement des talus avec un
programme de gestion forestière
Les bois à l’avenir permettront d’intégrer
modèle d’agro-foresterie. Création de vergers
Gestion des
lieux de vie
N
0
500 m
22
3423
35
Anticiper le futur paysage
Ghislain Rabeil, Julien Truglas
La reprise de la greffe sur la commune de
Ruyaulcourt
Ghislain Rabeil
Le projet du Canal Seine-Nord Europe traverse le territoire de
la commune de Ruyaulcourt en empruntant en partie le tracé
du canal du nord. Le franchissement des collines de l’Artois,
impose ici, une passage en tranchée spectaculaire qui va
s’accompagner de la nécessité de trouver une place dans
le paysage, à d’énormes quantités de déblais qu’il va falloir
situer, modeler et gérer dans les limites de la bande de DUP.
L’autoroute A2 crée déjà une césure dans le paysage au sud
de Ruyaulcourt. L’ajout de la tranchée du Canal Seine Nord
et de ses remblais risque de renforcer cet enclavement du
village et restreindre plus encore les liaisons qu’il entretient
avec les communes voisines.
Travaillant sur le long terme, ce projet propose de restaurer
sur cinquante ans les différents flux historiques, humains
et naturels contraints par le chantier du canal. Pour cela,
il propose d’intégrer les dépôts en harmonie avec les
structures géomorphologiques et géographiques du site.
Dans un second temps, il prévoit une étape de reboisement
et de gestion pour restaurer et renforcer les passages de la
faune entre les différents bois de chasse. Enfin, il prescrit
de soigneusement reconnecter les chemins et les sentiers
ruraux sectionnés par le tracé du canal de façon à en faire le
support de parcours de randonnées, invitant à découvrir les
différents patrimoines naturels et historiques de ce paysage.
Naturation des talus 0/10 ans
Naturation des talus 15/25 ans
Naturation des talus à plus de 50 ans
Chronologie de restauration des paysages
3. L’enclavement devient un
site emprunté par les animaux,
un itinéraire pour les usagers
quotidiens ou les randonneurs
2. Les boisements éparses
forment progressivement
une forêt pionnière
La reprise de la greffe
sur la commune de
Ruyaulcourt
1. Les dépôts deviennent des
mouvements de sols intégrés
et associés à la géographie
40 hectares de
reboisement
Des liaisons
écologiques en créant
des habitats
à partir du canal
Un maillage
de communes
développant des
lisières forestières
et agricoles
Clairière
Des chemins
en surplomb,
le long de l’eau
Chaîne des lacs
1 kilomètre
de berges
lagunées
Du chemin aux lieux Julien Truglas
Lors de la phase diagnostic, nous avions identifié de forts enjeux écologiques et touristiques entre les
communes de Moislains et d’Etricourt-Manancourt, du fait de la présence sur cette section du canal,
d’un des rares massifs forestier qu’il soit amené à traverser. L’ensemble est constitué par trois petits bois:
le bois des Sapins, le bois des Vaux et le bois Saint Pierre-Vaast, mais les cartes anciennes consultées
montrent que ces masses boisées ont évolué : pendant la première guerre mondiale, le bois Saint-PierreVaast a été amputé d’une trouée d’environs 200 hectares, et entre les deux guerres, le creusement du
canal du Nord a d’une part détourné le lit de la Tortille du fond de vallée au lieu dit le Grand Marais, et
d’autre part séparé le bois des Vaux, (espace boisé classé), du bois des Sapins, (répertorié en ZNIEFF).
Ces boisements morcelés constituent aujourd’hui des espaces de nature reconnus pour la qualité de
leurs milieux, et des zones de relai importantes pour la grande faune.
En seconde phase, notre schéma directeur s’était donné pour objectif la gestion des lieux de vie liés
au canal, avec une doctrine d’aménagement fondée sur la prise en compte de l’héritage des lieux et
l’anticipation de leurs développements. Dans la continuité de cette démarche, la stratégie de ce projet
se fonde sur le potentiel des chemins comme lieux de vie. Il propose d’ouvrir des chemins en lisière
forestière, accompagnant la mise en place de liaisons écologiques de part et d’autre du canal. L’objectif
est de développer des sites favorables à la biodiversité, puis d’enclencher le développement d’une
politique de reboisement qui réponde aux manques reconnus à l’échelle régionale. La seconde idée
est d’aménager une liaison Nord-Sud en requalifiant les emprises du canal Nord en chaîne des lacs qui
permette, là encore, de développer un maillage de chemins entre les communes contribuant à renforcer
leurs relations. À terme, ces chemins sont conçus pour peu à peu, infuser le territoire et proposer des
chemins de traverse qui ouvrent des continuités depuis les bois ou les berges du canal.
Bois communal
Cheminer sur les lisières
Belvédère
Des liaisons
avec la véloroute
passant par
les Grands Marais
Du chemin aux lieux
JNC international Le parc ade la Deûle
Deux projets
V
Verger public
N
0
250 m
36
37
hermies
Schéma directeur
VI Le devenir du canal du Nord
Clothilde Moriat, Pierre Vedovato, Julien Desagre
Suite au diagnostic établi en phase précédente,
ce schéma directeur propose d’impulser une
dynamique d’intégration du nouveau canal
Seine-Nord en s’appuyant sur la reconversion
du canal du Nord. Pour cela, le projet se place
dans une stratégie de reconquête des emprises
du canal du Nord, de restauration de la Tortille,
d’exploitation des délaissés et de valorisation
des annexes hydrauliques.
cette ‘‘épaisseur’’ (le canal du Nord, la Tortille, le Canal
Seine-Nord Europe et ses annexes hydrauliques)
puis il repère la manière dont cette épaisseur pourrait
contribuer au développement des différentes entités
paysagères que traverse le canal. Le projet montre
les potentialités de corridor écologique continu qu’il
offre avec ses successions de bois, de bosquets ou
d’alignements existants. Il met également en évidence
l’importance d’associer une véloroute à la nouvelle voie
d’eau : à l’échelle de l’Europe, cette véloroute permet
de relier le réseau cyclable du sud de Paris avec celui
du Nord, et de relier directement Paris à Rotterdam
en vélo. À l’échelle locale les liaisons douces incitent
à développer des pratiques et usages favorisant une
dynamique d’espaces publics entre -et au sein même des différents villages qui jalonnent le canal Seine-Nord.
Le Canal Seine-Nord constitue un trait d’union
entre la vallée de la Somme et la vallée de
la Sensée. Notre projet s’attache à définir
l’’épaisseur’’ de ce nouveau canal à travers les
différentes séquences paysagères qu’il traverse.
Il identifie d’abord les éléments qui fabriquent
Séquence agricole
Séquence topographique
Ouvertures visuelles
Séquence biodiversité
Séquence urbaine et
économique
Séquence hydraulique
et de loisirs
Point repère / attractif
Sentier randonnée / vélo
Talus
CSNE
Canal du Nord
La Tortille
Annexe hydraulique
Atténuer l’impact de l’ouvrage tous en préservant les vues sur le paysage agricole
Paysage ondulant
Préserver
ytres
Lier
ruyaulcourt
Agriculture
Raisonnée
véloroute
randonnées
bertincourt
La partie nord du bief présente une séquence de paysage agricole
ouvert, où le canal Seine-Nord Europe constitue une réelle rupture
pour les mobilités Est/Ouest. Le village d’Ytres va se retrouver
en situation de belvédère sur le canal, et risque d’être enclavé.
Une gestion des déblais plus fluide permettrait d’accompagner
l’ouvrage et travailler la question du seuil et des franchissements
par des ouvertures visuelles et physiques sur le territoire. Ce
chantier peut être l’occasion de réduire l’impact visuel et sonore de
l’A2, de gérer le ruissellement induit par la forte pente et d’intégrer la
véloroute. Il peut permettre enfin d’adopter une gestion écologique
du tunnel desaffecté de Ruyaulcourt pour y développer un milieu
humide et protégé, amenant une diversité faunistique singulière
s’inscrivant dans la continuité écologique du Canal Seine-Nord.
Chemin
Pente adoucie pour
limiter l’impact sur le
paysage
Plaine agricole
Promenade belvédère
au dessus de la tranchée
Ytres
bois d’havrincourt
Espace urbain
1
e
t
ou
a2
r
o
ut
a
Vélo voie
GR
Autoroute
A2
équancourt
Valoriser les entre-deux pour une meilleure relation entre Moislains et le Canal Seine-Nord Europe
Le village de Moislains pose la question de la relation que peut
entretenir le canal Seine Nord Europe et les espaces urbains.
Le tracé du canal le long de ce long village-rue, fabrique un
entre-deux, qui peut être le vecteur d’une nouvelle centralité et
d’un nouveau rapport à la voie d’eau notamment du fait de la
reconversion des emprises du canal du Nord et de la restauration
de la Tortille. Pour tenter de diversifier les usages et rendre cet
entre-deux plus attractif, la Tortille est réaménagée dans le centre
du village. L’ancien canal du Nord accueille la promenade cyclopiétonne et s’accompagne d’espaces de jeux et de détente. Cet
entre-deux intégrera et valorisera également les silos et quais
céréaliers repères fondamentaux pour l’économie du territoire et
témoins de la bonne santé économique du canal Seine Nord. Ainsi
Moislains se tourne vers son nouveau canal en développant de
nouveaux usages et une relation plus apaisée à son économie et
Adoucissement des pentes
à ses paysages.
Végétalisation
des berges de la
Tortille
Moislain
La Tortille
Restauration de la tortille
dans le canal du Nord.
Promenade de la Tortille.
Promenade piétonne
/ vélo
Quais céréaliers
LOISIRS
Dépots
Plantation des chemins.
Tortille
Corridor
Bouchavesnes
randonnées
vélo voie
étricourtmanancourt
Accessibilité
Rendre lisible les différentes typologies hydrauliques par la pratique des espaces
lagunage
fins
Restauration
moislains
Canal du Nord CSNE
pêche
neuvilleBourjonval
Ytres
Remblais isolation
phonique, et mise
à distance
CSNE
ruyaulcourt
LOISIRS
plaisance
allaines
péronne
rancourt
Bassin de Louette
bois des vaux
nurlu
Spectacle du canal
Sports collectifs
Sur la section sud du bief de partage, l’eau est fortement
présente. Sur ce site doivent se juxtaposer le canal du Nord, la
Tortille, le canal Seine Nord, les 92 hectares du bassin de retenue
de la Louette, ainsi que des annexes hydrauliques. L’emprise
du projet de canal Seine Nord englobe tout cet ensemble et
l’enjeu principal de cette séquence sera de donner des clés
de lecture sur la complexité, les corrélations, les hiérarchies,
et les complémentarités de tous ces systèmes hydrauliques.
La création du grand bassin de la Louette à proximité de
Péronne invite à imaginer l’implantation de sites de plaisance
et d’activités de loisir. La nouvelle écluse du canal Seine-Nord
Europe est conçue comme un nouveau repère du paysage.
Les anciennes écluses du canal du Nord, ses écluses et son
silo sont réhabilités et trouvent de nouveaux usages pour les
habitants d’Allaines ou les usagers occasionnels.
Réserve naturelle
Centre nautique
Port de plaisance
bois saintpierre vaast
bois des
sapins
Promenade belvédère
autour du lac
Vélo voie
GR
CSNE
Centre
équestre
allaines
Chemin
Canal du Nord La Tortille
bouchavesnes-bergen
moislains
2
bois
de gurlu
bois
sèvres
allaines
N
0
70 Km
3
38
39
Trois Projets
VI Le devenir du canal du Nord
Clothilde Moriat, Julien Desagre, Pierre Vedovato
Ytres, un franchissement permettant un dialogue dans l’épaisseur
Deux grandes questions ont guidé ce projet pour l’aménagement
du site d’Ytres : Comment mettre en relation un village rural et
une infrastructure fluviale d’échelle internationale ? Et comment
traiter l’espace de l’entre-deux, autrement dit le territoire situé
entre le village et le canal ? Pour répondre à ces deux questions,
le projet propose d’affirmer la proximité du canal par un travail à
la fois sur la topographie et sur la gestion des déblais/remblais.
Le projet s’attache à préserver les grandes lignes des paysages
du plateau agricole d’Ytres, ouvert et parcouru de larges
ondulations. Il aménage l’espace de l’entre-deux par un système
de terrasses structurées dans la continuité du découpage
parcellaire agricole. Il met en relation le canal et le village, à
la fois par une succession d’ouvertures progressives, une série
de cheminements qui rejoignent la limite haute du canal, et
donnent sur des pontons surplombant le paysage de l’eau et
des champs. La gestion des déblais/remblais se fait par une
économie de moyen en modifiant au minimum les emplacements
préconisés, et en privilegiant un travail de fragmentation des
masses permettant de cadrer des vues, de village à village,
ou d’établir des relations de continuité avec les cheminements
implantés le long de la crête du canal. La grammaire végétale
du territoire est renforcée, notamment par l’emploi des ‘‘rideaux’’
figures traditionnelles des paysages picards, et une partie des
déblais est placée le long de l’autoroute et du bois d’Ytres pour
y être plantés de façon à renforcer les continuités écologiques
existantes.
Pierre Vedovato
Moislains
De la rupture à la couture, un nouveau canal
La linéarité est un des éléments structurant de l’urbanisme
de Moislains. Aujourd’hui, le Canal du Nord longe ce long
village-rue sur plus de trois kilomètres. Demain, le canal
Seine-Nord le remplacera et formera une nouvelle limite,
entre le village et la partie Est de son territoire, créant
de fait plusieurs hectares d’entre-deux susceptibles de
devenir des sites de dépôts. Le projet choisit donc de poser
la question du devenir de ces entre-deux, avec la conviction
que le long de cette linéarité, les différents rapports au
village de Moislains peuvent conduire à adopter tout autant
de manières d’agir.
Le projet propose quatre séquences distinctes
pour réconcilier Moislains à son canal.
La première séquence créée des corridors écologiques
vers les bois au nord. Les dépôts sont utilisés pour
combler le Canal du Nord jusqu’au sommet des talus et
libérer des vues. Ces remblais sont plantés et le nouveau
canal s’accompagne de berges lagunées, tandis que des
cheminements diversifient les itinéraires de promenades.
La seconde séquence, en lien direct avec le village, propose
d’anticiper l’expansion urbaine de Moislains en choisissant
d’inviter à habiter le long du canal. En retrait des parcelles bâties,
des vergers communautaires diversifient les usages du lieu.
Sur le terrain en contrebas, les vues libèrées vers la route, du
nord à l’est sont préservées. Les terres agricoles sont maintenues
et seront éventuellement étendues. Enfin, la dernière séquence
met en valeur le patrimoine économique et industriel local en le
signalant dans le paysage par des interventions colorimétriques
sur les silos.
Julien Desagre
Allaines, Composer avec la complexité hydrographique
Dans le cadre du projet de canal Seine-Nord, le site
d’Allaines peut devenir un pôle attractif qui renforcerait
l’attrait touristique des environs de Péronne. La région est
déjà connue pour son circuit du Souvenir et ses espaces
de nature de la Haute Somme. Elle devrait l’être plus
encore, lorsque sera achevé le chantier du futur grand
pont-canal. Véritable porte d’entrée de la haute Somme,
Allaines concentre un réseau hydrographique dense, où se
confrontent différentes échelles et où le paysage joue un rôle
fédérateur. Le projet entend composer avec cette complexité
hydrographique pour intégrer au mieux le canal Seine-Nord.
Le nouveau canal est signalé par des poches de boisement
assurant une continuité écologique entre les deux vallées.
Le bassin de retenue de la Louette, en partie accessible
au public, est conçu comme un lieu de découverte de nature
offrant des activités de loisirs. Le canal Seine-Nord devient ainsi
un véritable espace public, vecteur de centralité et de nouvelles
dynamiques urbaines.
Le territoire d’entre-deux enclavé entre le canal Seine Nord
et le canal du nord conserve sa vocation agricole et donne
l’occasion d’augmenter les surfaces de zones humides. La
Tortille, cours d’eau historique, est valorisée pour s’inscrire dans
l’épaisseur du territoire naturel. Pour compléter, un maillage de
haies bocagères opère un travail de suture du territoire tout
en soulignant les différentes formes du relief. Enfin le projet
s’attache à valoriser chaque typologie d’eau en affirmant
leur identité tout en les intégrant dans un même grand projet
d’insertion paysagère.
Clothilde Moriat
2840
32
29
33
41
‘‘
On ne parle pas très bien d’un canal,
quand on est sur le canal lui-même.
On a le sentiment d’appartenir à un monde indépendant.
Or un canal ne doit pas être un monde indépendant.
Il doit être le vecteur de développement des territoires alentours.
La crainte qu’on puisse avoir
- et c’est parfois plus qu’une crainte, c’est presque déjà une certitudec’est qu’on en fasse un objet joli,“sympa”,
avec de beaux aménagements de promenades de part et d’autre,
et qu’on laisse en arrière plan
le territoire dans son état de développement fragile.
Il faut absolument que le canal se resolidarise
comme un objet appartenant à l’ensemble de la vallée.
C’est ça l’enjeu, et c’est ça sans doute un peu la difficulté.
Le canal ne doit pas être autonome.
Le canal appartient aux départements.
On ne peut pas extirper un élément d’un paysage d’ensemble
pour se le ‘‘goinfrer’’.
C’est un trésor le canal, mais un trésor sur lequel il ne faut pas se focaliser.
Il faut lui laisser jouer son rôle. Il doit diffuser.
Il doit avoir une influence profonde sur les tissus
de part et d’autre de lui-même.
Il ne peut pas être isolé comme un objet qu’on viendrait chouchouter,
sur lequel on ferait des investissements particuliers.
Il faut l’aménager bien entendu, mais il faut garder à l’idée
que tous les grands territoires qui l’entourent ont besoin de ce canal.
Michel Corajoud
’’
France Culture. Extrait d’un entretien avec Sylvie Andreu
Emission “Vivre sa Ville”. décembre 2000
Canal du Nord
franchissant la tranchée
d’Hermies (Pas-de-Calais)
Atelier Public de Paysage . 2015
À Joël Ricorday
Sans hésiter, Joël Ricorday avait accepté de participer à
cet atelier public. Il y voyait une carte à jouer, la possibilité
d’un débat, l’occasion peut-être de défendre une fois encore la cause du paysage. Spontanément donc, il avait
dit ‘‘oui’’. Dans la foulée, Joël avait souhaité voir le site, et ensemble,
nous étions partis sur les chemins vicinaux, toute une
journée à ‘‘tricoter’’ le long du tracé du canal, un oeil sur
la carte, un autre sur ces horizons silencieux. De loin en
loin, on arrêtait la voiture pour essayer de situer précisément
la future emprise du canal et comprendre les questions
qu’il pose... Et puis on repartait avec un haussement de
sourcil échangé, qui à lui seul suffisait à dire l’ampleur du
chantier et l’ampleur des questions. Souvent, Joël semblait hésiter, les yeux un peu ailleurs,
comme à la recherche de ce sens qui nous échappe, de cette
synthèse qu’il nous faut toujours trouver, de cet enjeu que l’on
doit à chaque fois définir. Il cherchait le mot, la formule, mais
surtout le sens de la question, le fond du problème. Cette
impression d’être ailleurs qu’il pouvait donner au premier
abord, était sa manière à lui de faire le point, de chercher
l’essentiel. C’était la même chose lors des jurys : tout sauf
naïf, il avancait avec circonspection entre les réalités mouvantes et les frontières floues. On le voyait dans l’inconfort.
On le sentait mal à l’aise... Alors on lui donnait la parole. Les prises de parole de Joël étaient précieuses, attendues,
trop rares, est-on tenté de dire avec le recul. Comme
un photographe, il nous montrait l’intérêt d’un angle différent. Par ses doutes et ses questions, il nous invitait à
recadrer, à déplacer ou à élargir vers de nouvelles perspectives, nous donnant souvent envie d’aller plus loin. ‘‘Si
l’on veut insérer le canal dans le paysage, il ne faut pas se
laisser hypnotiser par l’objet technique... il faut forcément
avoir une approche globale...Ce canal, c’est véritablement
un projet de territoire. Il y a des gens qui habitent ici.’’
Joël était enseignant. Il a longtemps coordonné la pédagogie de la 4ème année à l’ENSP de Marseille. Les thèmes
des colloques ou des ateliers qu’il organisait rejoignaient
souvent les notres : ‘‘la mobilité’’, ‘‘l’eau motrice de continuités’’, ‘‘l’agriculture enjeu de constructions métropolitaines’’
et jusqu’à ce chantier d’aménagement paysager de la cour
centrale de l’hôpital Sainte Marguerite à Marseille, au
moment même où nos étudiants lillois réfléchissaient aux
nouvelles formes d’hospitalité paysagères que pourrait
imaginer le CHRU de Lille.
Nous nous connaissions peu, mais nous avions
l’intuition que nous aurions pu devenir amis. Avec
plaisir, nous nous étions découverts une passion com
mune pour les mots de son compatriote marseillais, André
Suarès (Le voyage du condottière, Marsiho) et on l’écoutait
citer avec un sourire gourmand, les livres de Jean Rolin,
dont il égrenait les titres comme autant de connivences
partagées : Zones, Traverses, Ormuz, L’explosion de la
durite, Terminal Frigo, Campagnes, Chemins d’eau... Sans
peine, on devinait que Joël partageait avec ces écrivains
discrets, un goût pour une forme d’acuité lucide, mêlée
d’un art du décalage ironique et de rêveries poétiques.
Dans les premiers jours de juillet, nous avions pris le
temps de déjeuner ensemble. C’était le début de
l’été. Nous nous étions laissé tenter par une terrasse ensoleillée et un vin très frais. Avant de se quitter, nous avions
évoqué nos projets de vacances encore flous.
Ce fut très court. Par un mot lapidaire nous avons
appris, le 15 juillet, que Joël venait d’être tué dans un accident de voiture. La brutalité de la nouvelle nous a tous laissés interdits. Et puis, peu à peu,
très tristes. Tour à tour, Claire, Jean, Mathilde, Maxime,
Yves, François-Xavier et chacun des étudiants de cet atelier
ont tenu à dire combien sa parole avait pu être précieuse
au cours de ces quatre mois partagés. Merci Joël. BLB
Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille
2 rue Verte, 59650 Villeneuve d’Ascq E-mail: [email protected]