L`ATELIEr PUBLIC dE PAySAgE - Ecole nationale supérieure d
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L`ATELIEr PUBLIC dE PAySAgE - Ecole nationale supérieure d
l’ATelier Public de Paysage n°8 École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Lille Bertrand Le Boudec, François-Xavier Mousquet et Yves Hubert, enseignants m3 déb lais dia log ues )? e de bili té(s bi m de Mo t an tio n d’ un ca na ver la T Retrou iv ortille té s ne ye n m ito s le nt er ve l’a ions reff mill é 36 rd la g de de jeu tit No ise l’en en in u id ld epr Ré na la r s e sag n, u ca té ? enti et id ent pem elop dév ble pati com dre t ren du men r r tio ges ni Com ve gine nité, de Ima n Pere le lv 2014-2015 Infrastructure et paysage Les enjeux paysagers du futur bief de partage du Canal Seine-Nord Europe * Un grand canal est en projet, il s’agit du canal Seine-Nord Europe, qui, comme son nom l’indique doit, à partir de 2024, relier le bassin de la Seine, au grand réseau fluvial du Bénélux et de l’Allemagne. Questions de paysage Dessiner itions de reprise de Imaginer un canal vivant L’identité d’un territoire Retrouver la Tortille Le devenir du canal du Nord L’enjeu des déblais-remblais Réinventer la mitoyenneté La reprise de la greffe Mobilité(s) de nouvelles perspectives Un canal créateur de nouveaux espaces publics Retrouver la vallée de la Tortille L’ambition d’un canal vivant Révéler le socle du paysage Anticiper le futur paysage Le devenir du canal du Nord ner les c ond 12 semaines, 6 schémas directeurs 17 projets de territoire Imagi . . . . . . L’ouvrage est coûteux et complexe. Son lancement a plusieurs fois été différé, mais il est aujourd’hui plus que jamais d’actualité, puisque l’ouverture de son chantier est programmée pour début 2018. Pour en arriver là, des économies ont été nécessaires, portant notamment sur son bief de partage* qui a fait l’objet d’une reconfiguration aboutissant à la suppression d’une écluse, et entrainant par voie de conséquence, d’importantes répercussions en termes de terrassement. La mission SeineNord Europe de VNF a accepté de saisir cette occasion pour entreprendre en partenariat avec l’Ensap’Lille, un nouvel Atelier public de paysage. L’opportunité est passionnante car l’aménagement d’un canal pose toute une série de questions majeures en termes de paysage : effe la gr .. .. .. .. C’est une première ou pratiquement, puisqu’un seul canal a été réalisé en France au XXème siècle, le canal du Nord, et dans des conditions plus que difficiles. Ce projet-ci date de près de cinquante ans. Long de 107 km, il doit relier la vallée de l’Oise au canal de la Sensée. L’un de ses objectifs affiché est de réduire l’expansion galopante du transport routier, grand consommateur d’énergie fossile et à l’origine d’une majorité d’émissions de polluants. Or le transport par voie d’eau, on le sait, produit quarante fois moins de pollution atmosphérique que la route. L’aménagement d’un canal pose une série de questions majeures en termes de paysage Allaines Un canal est une immense infrastructure conçue avec le paysage Pour le tracer, Il faut organiser un escalier d’eau, implanter des écluses, éviter les terrains instables, s’écarter des itinéraires sinueux. Plus encore qu’une route, l’aménagement d’une voie d’eau ne peut ignorer la géographie, la topographie, l’occupation des sols. Un canal est un paysage construit et sa conception associe une gamme d’échelles étonnamment large, depuis la dimension du territoire par la connexion des voies navigables, en passant par la spécificité des paysages de chaque bief, et jusqu’à l’échelle du détail dans le mode de constitution de l’étanchéité des berges, le traitement des lisières du domaine public fluvial ou l’aménagement des sites de dépôt. Un canal est un gigantesque ouvrage d’art unitaire. L’ensemble de ses parties forme un tout, et tout aménagement de détail s’inscrit dans une logique d’ensemble. Au final, chacun de ses éléments ne s’apprécie qu’en fonction de sa place et de sa hiérarchie au coeur d’un système. Un canal est un outil de développement des échanges et des territoires. Son aménagement favorise certains sites, mais à contrario, en isole d’autres. La relation liant un canal à son paysage invite à prendre conscience qu’une infrastructure de transport peut devenir un formidable élément fédérateur de projets de territoire. Aux côtés de ses besoins hydrauliques, et de ses exigences écologiques, la mise en relation du projet avec les territoires est l’un de ses enjeux fondamentaux. Au printemps 2015, dix-sept étudiants et neuf membres d’un comité de pilotage ont donc réfléchi ensemble pendant douze semaines, sur toutes ces thématiques liant infrastructure et paysage, témoignant à chaque étape et à chaque rencontre, de la richesse et de l’urgence d’aborder ces questions. * Bief : section de canal comprise entre deux écluses. Bief de partage: bief situé au sommet du relief que franchit le canal Le tracé du Canal Seine-Nord Europe Le canal Seine Nord Europe Quelques chiffres repères (source VNF) Le tracé du bief de partage reconfiguré Le canal Seine Nord Europe Quelques dates repères... (source VNF) Canal de la Sensée PK 107 Ecluse n°6 Oisy-le-Verger Longueur 107 km Largeur de miroir 54 m (Compiègne /Aubencheul-au-Bac) (largeur du canal en surface) L’emprise finale variera de 100 à 150 m Aubencheul -au-bac Oignies Cambrai Ecluse n°5 Marquion 4.5 m Hauteur libre 7m Nombre d’écluses 6 Nombre de ponts canaux 3 Mouvement de terre 57 millions de m Volume de remblais 30 millions de m3 Volume de déblais 25 millions de m Déblais excédentaires 36 millions de m3 Emprise dépôt Emprise des retenues 3 Vallée de la Haute Somme A2 Comment traiter la mitoyenneté entre le CSNE et le village d’Ytres, avec passage en forte tranchée (- 45m) ? Péronne 600 ha 160 ha Saint Quentin Vallée de l’Omignon entre 15 et 18 h S Projets d’aménagement annexes : . 4 plateformes multimodales Noyonnais, Nesle, Péronne, Cambrai-Marquion STAR, THALY Réduction du gaz carbonique 500 000 t par an à l’horizon 2050 , EURO à l’horizon 2050 Vallée de l’Ingon Que faire du souterrain de Ruyaulcourt ? Etricourt écluse n°3 Campagne D43 . 5 sites de chargement de céréales Moislains, Noyon, Graincourt, Lanquevoisin et Cléry-s-Somme Quel devenir pour les anciennes emprises du canal du Nord ? Eléments appelés à disparaître : . 12 habitations . 70 hectares de boisements exploités . 2400 hectares de terres cultivées Début des travaux écluse n°2 Noyon Noyon 2018 e l’Ois Moislains Pourrait-on imaginer - à plus ou moins long terme – un possibile usage du bassin de la Louette comme espace récréatif, dont une partie pourrait être ouverte au public ? Compte tenu du pôle touristique déjà existant autour de Péronne, y a t’il sur ce secteur, un potentiel de création d’itinéraires de découverte autour de 4 sites majeurs du CSNE : le Pont-canal sur la Somme, le bassin de la Louette, la connexion du canal du Nord, et le belvédère du Mont Saint Quentin ? Durée de remplissage du canal 5 mois et demi prélevés en période de hautes eaux dans l’Oise équivalent à 1m3/ seconde. Compiègne PK 0 Vallée de l’Oise N 0 1 km 5 10 20 km km Comment organiser et gérer les sites de dépôt ? Quelles relations de mitoyenneté établir entre le bourg et le CSNE ? 17 écluse n°1 Montmacq 17 millions m3 NB.Parmi les objectifs de performances environnementales figure l’interdiction des prélévements à partir des ressources en eau souterraines jugées trop fragiles sur toute l’aire d’étude. V de allée N Mise en service de l’ensemble 2024 Alimentation Comment organiser et gérer les sites de dépôt pour préserver la logique de rivière de la vallée de la Tortille? Pourrait-on imaginer mettre en place un corridor biologique entre le bois de Vaux, le bois de l’Eau et le bois des Sapins ? Roye . 2 quais de transbordement Thourotte, Ribécourt lle Comment restaurer le lit de la Tortille ? Manancourt Vallée de la Haute Somme 2003. Le CIADT retient le projet parmi 35 projets d’infrastructures de transport français prioritaires, et confie la maîtrise d’ouvrage des études d’avant-projet à VNF. orti la T bassin de retenue de la louette 92 ha,14 M m3 l Retenue de la Louette 1 Quel avenir pour les territoires enclavés entre le canal du Nord et le CSNE ? Allaines la 0 Légende lle rti o aT 2 Comment traiter la mitoyenneté entre le village d’Allaines et la digue du bassin de retenue ? le rtil To 3 km N 4 5 1993. Le projet de CSNE est inscrit au Schéma directeur des voies fluviales européennes à grand gabarit. C’est le premier projet d’infrastructure en France soumis au débat public, 2002. le Ministère des Transports choisit et communique le fuseau de tracé. Equancourt D172 (Pas-de-Calais) D 58 (Somme) 1985-1993 Des solutions intermédiaires d’aménagement du canal de Saint-Quentin ou du canal du Nord sont étudiées. Celles concernant le canal de Saint-Quentin sont abandonnées en raison de leur plus grande longueur (+40 %), de leur très fort impact sur les milieux urbains et naturels,du nombre très important d’écluses et de la nécessité d’interrompre le trafic pendant une très longue durée. Celles relatives au canal du Nord sont abandonnées notamment du fait de l’existence de deux biefs de partage, et de l’impact majeur de l’interruption du trafic pendant la période de travaux conduisant au risque de transfert durable des marchandises sur d’autres modes. 1995. Le Ministère des Transports lance les études préliminaires sous maîtrise d’ouvrage de VNF. Ytres Comment traiter les relations de mitoyenneté entre le bourg et le CSNE ? D72 Nesle Comment résoudre la future dissociation du village et de son cimetière que provoque le tracé du CSNE ? A1 TG V 20 à 28 Mt Comment traiter la délicate question de l’implantation des sites de dépôts susceptibles de renforcer les situations d’enclavement ou de masquer des co-visibilités entre villages ? Neuville Bourjonval Quelles solutions face au risque d’enclavement du village d’Ytres,d’ores et déjà adossé à l’A2 Capacité des barges 4400 t (185 m x 11.40 m) Trafic escompté Ruyaulcourt D7E Ecluse n°4 d’Allaines 3 1 330 ha Bois d’Havrincourt Bief de partage Emprises des plates-formes multimodales 2 450 ha Temps de transit 1975/85 Premières études préalables pour une nouvelle voie à grand gabarit (3300 a 4500 t.) Comment résoudre le risque d’enclavement du village de Ruyaulcourt, déjà cerné par l’A2 ? dont le pont canal franchissant la Somme (1,3 km de long) 1913. Les travaux sont entrepris, mais interrompus et endommagés par la 1ère, puis la 2ème guerre mondiale. 1965. Mise en service du canal du Nord. Son tonnage (800 à 900 t) s’avère très vite inadapté à la demande Montmacq, Noyon, Campagne Allaines, Marquion, Oisy-le-Verger (chutes de 6.4 m à 30 m) + équipements riverains Havrincourt 1878. Décision de construire le canal du Nord pour soulager le trafic du canal de Saint Quentin. Profondeur d’eau Emprise canal Hermies Canal Seine Nord Europe Canal du Nord Sites de dépot Routes départementales Autoroute Pont routier Zones habitat Limites de la zone du bief de partage 2004. Les études d’APS sont confiées à des groupements de bureau d’études européens. Elles permettent de sélectionner d’une part, un tracé de référence et, d’autre part, les implantations d’équipements portuaires, des platesformes logistiques, affirmant la vocation économique d’un projet global de transport et d’aménagement du territoire. 2006. Dépôt du dossier d’APS, puis dépôt du dossier d’enquête préalable à la DUP. 2007. L’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique est menée dans les 68 communes concernéees par la bande de 500 m. La commission d’enquête remet un avis favorable le 6 juillet. 2008. Décret du 11-09-08, déclarant le projet d’utilité publique. Le CSNE est inscrit au Schéma national d’infrastructures de transport français. Il devient l’un des 30 projets prioritaires du futur réseau transeuropéen de transport (RTE-T) 2009. La loi Grenelle.1 promulguée à la suite du Grenelle de l’Environnement prévoit de financer partiellement le CSNE, via un contrat de partenariat public-privé. Le coût total des travaux est estimé à 4,3 Md € (plates-formes incluses). Un Observatoire de l’environnement du canal Seine-Nord Europe, est mis en place avec pour objectif de garantir l’insertion du projet dans son environnement et dans les territoires sur le long terme. 2013. Suite au changement de majorité, un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’Inspection Générale des Finances estime le coût réel à 7 Md €. Le Ministre délégué aux Transports,déclare que : “ le coût du canal a été sous-évalué, les recettes surestimées, et le financement était tout simplement inatteignable” Il propose de relancer le dossier en modifiant le tracé du canal et son architecture, tout en présentant un nouveau dossier à la Commission européenne afin qu’un tiers du projet soit financé par l’Union européenne. La modification essentielle du tracé du canal concerne le bief de partage (entre Allaines et Havrincourt). Notre sujet.... 2 3 Le succès de ce canal sera son approche globale Joël Ricorday ‘‘Nous avons un travail important à faire vis-à-vis de notre client, c’est de rendre lisible le paysage. Tout le monde parle de paysage, mais personne dans le fond ne sait de quoi on parle.’’ ‘‘Dans les années 80, on parlait de ‘‘1% Paysage’’ C’était déjà un début de reconnaissance, mais ce n’était encore qu’une manière de compenser. Aujourd’hui le paysage est une entrée majeure pour réfléchir à l’aménagement d’une infrastructure.’’ Premières approches ‘‘Mieux connaître les milieux naturels pour mieux les protéger. S’orienter vers le tracé de moindre impact. Claire Perard Rappel des 4 objectifs environnementaux du Canal Seine-Nord Europe : - Préserver le milieu naturel et s’intégrer dans la Trame Verte & Bleue La question du paysage doit se poser avant et avec le chantier, pas après ‘‘Il est intéressant de réfléchir aux outils qui permettraient de faire un canal vivant’’ Maxime Corlay ‘‘Le canal peut-il devenir une nouvelle colonne vertébrale de ces paysages ?’’ Julien Desagre Havrincourt - Respecter la ressource en eau et atteindre un bon potentiel écologique pour le Canal - Concevoir un projet durable. ‘‘Quels sont nos besoins dans une société post-carbone ?’’ Yves Hubert d Nor - ine l Se a Can Une fois ce canal réalisé, où sera le paysage ? A quel paysage aurons nous à faire ? Est-ce que ce sera un autre paysage ? Est-ce que celui-ci sera caché ? pe o Eur La vie de l’eau du canal est une question majeure ‘‘Comment réutiliser les paysages créés par le canal du nord ?’’ Un projet n’est pas un dessin, c’est une hypothèse d’avenir Bois d’Havrincourt Vue des hauteurs de Moislains Une démarche de paysage est souvent juste lorsqu’elle s’intègre dans le temps Orlando Bussonati François-Xavier Mousquet ‘‘Où est l’homme ? Quelles sont les préoccupations humaines de ce territoire ?’’ François Xavier Mousquet Clothilde Moriat ‘‘La nécessaire horizontalité du canal offre une grille de lecture de la géographie du site’’. Thibaut Chantre ‘‘Assumer cette infrastructure comme un nouvel élément du paysage’’. Mathilde Castiau Requalifier les paysages dévastés Intégrer l’infrastructure au sein du paysage Recenser et protéger les écosystèmes menacés Amplifier et protéger la mobilité faunistique Atténuer l’impact visuel des remblais Tous les outils à activer sont déjà là dans le paysage. c’est intéressant de chercher dans l’observation du site tous les éléments de projet... Ruyaulcourt ‘‘Comment les villages qui côtoient le canal peuvent-ils trouver dans ce chantier, le levier d’une nouvelle identité ?’’ L’approche est inquiète... La grosse difficulté de cet atelier est d’arriver à comprendre la réalité des échelles qui seront mises en œuvre 2 te A u oro Aut ‘‘Attention à l’hypnose de l’objet technique’’ NeuvilleBourjonval Site de la future retenue de la Louette ‘‘Nous sommes dans une vallée encadrée de bassins versants. Le canal fonctionne avec la rivière qui elle-même fonctionne avec le sous-sol. Il faut s’obliger à admettre que cet ancien système va survivre.’’ Yves Hubert ‘‘À toujours ouvrir les parapluies, on ne voit plus jamais le soleil’’ (Le rêve de travailler avec des ingénieurs ingénieux) François-Xavier Mousquet Ytres ‘‘Pour faire un canal, il faut prendre en charge un grand nombre d’échelles Et quand le projet sera fini, il faut absolument que ces différentes échelles apparaissent ’’ Jean-Marc Zuretti Directeur de l’Ensap’Lille Un canal crée un paysage - Intégrer le projet dans le milieu humain Jean Lafont ‘‘On peut trouver un système cohérent, en analysant comment un système ‘‘canal-industriel’’ dessert le territoire, alors qu’un ‘‘système rivière’’ le sert au contraire, parce qu’il s’adresse à l’habiter. Sinon, ce sera ici, le lieu de la guerre économique entre les grandes métropoles et la campagne.’’ Yves Hubert ‘‘Il nous faut apprendre ce qui permet de ne point dépendre’’ Condorcet La notion de perspective est au cœur de ce sujet Dire que l’on va donner des priorités à certaines perspectives requestionne la question des dépôts Qu’est-ce que c’est 57 millions de m3 de mouvements de terre ?Juliette Ols ‘‘Chaque fois qu’un homme veut aller plus vite, (autoroute, LGV, canal…) il ralentit forcément les franchissements transversaux.’’ Yves Hubert ‘‘ Comment habiter le territoire du canal ?’’ Thibaut Chantre ‘‘On est obligatoirement pionnier. Si on n’est pas en avance sur son temps, on n’est déjà plus de son temps.’’ François-Xavier Mousquet Greffe en écusson Dans la construction du Réseau transeuropéen de transport fluvial, la réalisation de la liaison Seine-Nord, tant attendue pour réduire les transports routiers et favoriser le développement économique de plusieurs régions, rentre dans une phase opérationnelle. Les impacts paysagers de cet aménagement exceptionnel se mesurent non seulement en millions de mètres-cubes de terre, mais posent, une fois encore, l’actualité de la question des relations qu’une grande infrastructure peut entretenir avec le territoire. Telle était la situation à laquelle les étudiants étaient confrontés tout un semestre durant, dans un échange régulier et exigeant avec les ingénieurs des Voies navigables de France. Leur formation comporte ce passage obligé en Atelier Public de Paysage pour appréhender la réalité de la demande sociale, se confronter aux enjeux économiques et rencontrer des interlocuteurs en situation : professionnels, élus locaux ou responsables... capables de porter sur leurs travaux et sur leurs projets un regard critique, distancié, franc et constructif. Qu’ils soient ici vivement remerciés d’avoir contribué à la construction de leurs aptitudes. En effet, les échanges avec la maîtrise d’ouvrage et ses services ont pu tempérer ou souligner l’idéalisme de quelques suggestions avancées par les étudiants, quand d’autres propositions sauront intéresser VNF pour soulever des enjeux paysagers jusque-là non prévus ou mettre l’accent sur l’apport de la discipline du paysage dans le processus de conception du projet. C’est bien au travers de telles expériences pédagogiques que l’ENSAP Lille veut guider ses étudiants vers la maturité et l’autonomie dans leur futur métier : dans le concret des territoires comme des échanges qui en déterminent l’évolution. Pour l’ENSAP Lille, je tiens à remercier les membres de VNF pour leur disponibilité et l’accompagnement assuré, en particulier Madame Claire Pérard, ingénieur au sein de l’équipe de projet CSNE, et Monsieur Jean Lafont, Ingénieur général des ponts et chaussées, qui a accepté de présider la démarche, ainsi que les représentants des services et organismes associés qui nous ont fait le plaisir d’accepter d’y participer bénévolement : Monsieur Joël Ricorday, paysagiste à la DREAL de Picardie, Madame Mathilde CastiauHuot, paysagiste au CAUE de l’Oise et Monsieur Maxime Corlay, paysagiste en charge de la cellule paysage au sein du groupe Systra, spécialiste en ingénierie et conseil dans le domaine des infrastructures de transport. Je tiens enfin à saluer, pour leur engagement, personnel et professionnel, les trois enseignants chargés de cet Atelier public de paysage 2015, Bertrand Le Boudec, François-Xavier Mousquet et Yves Hubert, ainsi que chacun des étudiants de ce huitième Atelier Public de Paysage : Léa Badel, Clara Bompart, Orlando Bussonati, Thibaut Chantre, Julien Desagre, Alan Douchet, Cyril Guimard, Juliette Hochart, Audrey Josselin, Clément Large, Aliénor Layet, Clothilde Moriat, Maud Nunez, Juliette Ols, Ghislain Rabeil,Pierre Vedovato et Julien Truglas. 4 5 Les enjeux paysagers de la reconfiguration du bief de partage Claire Perard Ingénieur de projet hydraulique et environnement/ Voies Navigables de France/ Mission Seine-Nord Europe Présentation faite à Béthune, le 5 mars 2015 Pour comprendre le projet de reconfiguration du bief de partage, il faut d’abord rappeler les grandes lignes du projet du Canal Seine-Nord Europe. Ce projet Seine-Nord fait partie d’un programme plus large de liaison Seine-Escaut qui comprend toutes les opérations de mise à grand gabarit de la Seine, du Havre à la Marne, et qui se complète d’un certain nombre d’opérations dans le Nord-Pas de Calais, comme la mise à grand gabarit d’écluses ou le relèvement de ponts. Le premier objectif de ce canal Seine-Nord, et plus largement de la liaison Seine-Escaut, est de fiabiliser l’offre de service, en valorisant le réseau existant de façon à inciter au report modal. Le deuxième est d’accroître le gabarit du réseau pour développer l’hinterland des ports maritimes : l’hinterland est, vous le savez, le territoire continental d’un port qui tout à la fois réceptionne et fournit les marchandises qu’il expédie. Développer l’hinterland, c’est permettre concrètement que le prolongement logique d’un transport de marchandises par voie maritime se poursuive par voie fluviale. La troisième ambition est de favoriser la transition écologique et énergétique : le transport fluvial est plus économe que le fer ou la route en terme d’émissions de gaz à effet de serre, mais l’objectif vise aussi à inscrire ce canal dans son territoire de façon à l’intégrer dans l’ensemble des dynamiques écologiques existantes. Enfin, ce canal a pour ambition de contribuer aux stratégies de développement des ports du Grand Paris, de l’axe de la Seine jusqu’au port de Dunkerque, puisque lorsqu’il sera mis en service, les marchandises chargées à Dunkerque pourront directement être livrées à Paris. on trouve d’abord la vallée de l’Oise, puis les collines du Noyonnais, le plateau du Santerre, la vallée de la Haute-Somme, les collines du Vermandois, le Cambrèsis, et enfin le Val de Sensée. À l’exception des deux premières séquences, ce parcours traverse un territoire plutôt rural, faiblement peuplé, que scandent cinq villes de taille moyenne : Compiègne, Noyon, Nesle, Péronne, et Marquion. Le bief de partage qui nous concerne est lui aussi peu dense en termes démographiques. Il est bordé au sud par la ville de Péronne (7700 habitants) et ne compte que trois communes de plus de 1000 habitants (Moislains, Hermies et Bourlon). Tous les autres villages ont moins de 1000 habitants, mais leur évolution démographique est stable, sinon positive. Comme le canal du Nord, ce bief suit l’ancien lit de la Tortille, avant de franchir la ligne de partage des eaux séparant le bassin versant de la Somme, de celui du Val de Sensée. C’est un territoire ouvert, mais qui compte quelques boisements assez importants pour la région, notamment vers Moislains, Etricourt-Manancourt, et plus loin Havrincourt. Caractéristiques Dans la reconfiguration du projet, une des premières pistes proposée est de réutiliser l’emprise du canal du Nord sur huit techniques kilomètres au niveau du bief de partage. Cette proposition s’accompagne de la suppression de l’écluse d’Havrincourt et de la réduction de moitié de la hauteur de chute d’eau de l’écluse d’Allaines. Chaque bief, comme vous le savez, est borné par deux écluses permettant de franchir les contraintes topographiques. L’objectif ici, a été d’essayer d’optimiser les positionnements de ces écluses pour réduire la quantité de déblais. Le tracé d’un canal est extrêmement contraint. Contrairement à une autoroute ou une voie Lieu-dit ‘‘la vallée à veaux’’ site de prendre connaissance des différents milieux naturels de manière à mieux les protéger et réduire les impacts ou les compenser. C’est une des missions confiées à l’Observatoire de l’Environnement. Cette volonté d’impacter ‘‘au minimum’’ l’environnement traversé est menée par la doctrine de séquence ‘‘éviter, réduire, compenser’’. L’aménagement d’espaces associés au projet, tels les reboisements, les annexes hydrauliques, les berges lagunées participent de l’intégration du canal dans la trame verte. L’objectif qui guide le projet est de l’aménager et de le gérer de façon à ce que sa qualité d’eau soit suffisante et atteigne un bon potentiel écologique tel que le définit la Directive Cadre sur l’Eau. Ce potentiel passe par une bonne gestion de l’eau, ressource évidemment essentielle dans le fonctionnement de ces infrastructures. Gestion de l’eau Aucun cours d’eau ne se trouve en amont du CSNE et ne peut donc alimenter directement le bief de partage. Le prélèvement est donc réalisé au niveau de l’Oise. Le principe d’alimentation est réalisé par pompage pour compenser les pertes du canal. Ces pertes sont liées à l’évaporation et à l’infiltration (même si l’étanchéité est conçue pour être très performante, le risque de pertes, même infimes ne peut pas être écarté). Ces prélèvements dans l’Oise seront suspendus en période d’étiage. Il faudra alors utiliser la retenue d’eau de la Louette, à proximité de Péronne. Dimensionnée aujourd’hui pour un volume de 14 millions de m3 d’eau ce qui permet une alimentation du canal pendant six mois environ. Au-delà, on procède à des restrictions de navigation. Le système est dimensionné pour supporter une interruption de navigation environ tous les 50 ans. Dans le contexte actuel de changement climatique cette fréquence pourra être amenée à évoluer. Une problématique importante à laquelle nous devons répondre vient du fait que le canal du Nord a généré des perturbations importantes sur l’équilibre hydraulique du secteur. Ce canal du Nord draine la nappe phréatique en période Les premières maisons du village d’Ytres (390 hbts) que peut générer l’implantation du canal. Traversant la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais, deux régions agricoles, l’enjeu de limiter les impacts sur les terres et sur les activités agricoles est important, déjà soumises à de nombreuses contraintes. La profession agricole est très attentive aux emprises liées à la section courante du projet mais aussi liées aux terrains de dépôt ; Plusieurs réunions de concertation visant à définir les emplacements des remblais ont permis de trouver des compromis. Production d’énergies renouvelables La production d’énergies renouvelables sur les emprises du canal est envisagée. Installer des éoliennes le long du canal ou des panneaux photovoltaïques sur les écluses est une hypothèse ; Les micro-centrales commencent également à se développer sur le réseau VNF, sur certains barrages : il s’agit de micro-turbines pouvant produire de l’énergie. D’autres systèmes appelés ‘‘systèmes d’énergie potentielle’’ permettent de produire de l’énergie par transvasement d’eau entre un point haut et un point bas. Toutes ces pistes restent ouvertes aujourd’hui. Gestion des dépôts La question de la prise en compte du paysage pour la localisation des dépôts a été posée. Néanmoins, les contraintes agricoles sont telles et les discussions si délicates que la marge de manoeuvre est faible. Un groupe de travail est mis en place avec les agriculteurs, les associations et les collectivités pour partager les différents enjeux, parfois contradictoires, et faire des propositions collectives et concertées sur la localisation et l’usage futur des dépôts. Les enjeux paysagers seront pris en compte dans ces débats. En second lieu, nous pourrons jouer sur le modelé des terrains des dépôts. En cas de volonté de conserver une vue ouverte, le tout sera de modeler le terrain de dépôt pour garder la vue, et optimiser les modelés sur les deux extrémités. ‘‘Le grand bois d’Ytres’’, un des bois épars de ce grand paysage ouvert Jean Lafont Ingénieur général des ponts et chaussées Président de l’Observatoire de l’Environnement du Canal Seine-Nord Europe Greffe en fente Quand Bertrand Le Boudec m’a invité à participer au comité de pilotage de cet atelier public, c’est avec plaisir que j’ai donné mon accord. L’Observatoire de l’environnement du canal Seine-Nord Europe a considéré dès le début de ses travaux que l’approche paysagère de l’ouvrage ne constituait pas une dimension mineure, une fois prises en compte les contraintes techniques, afin de rendre le projet acceptable. C’était au contraire une condition majeure pour réussir un canal vivant, intégré dans son milieu naturel et appelé à créer de nouveaux liens entre les habitants des territoires traversés, en un mot à constituer une ressource, malgré les coupures inhérentes à sa taille. Le choix par l’Atelier Public de Paysage du bief de partage était un choix pertinent, non seulement parce que la remise à l’étude de ce tronçon ouvrait des marges de manoeuvres, mais aussi parce qu’il permettait d’aborder une variété de problématiques: comment traiter le problème des dépôts ? comment inscrire le canal dans les réseaux existants, ceux de l’eau, des espaces naturels, des cheminements des êtres humains et des bêtes, et cela aux différentes échelles du territoire ? Comment intégrer le canal à proximité des villages, pour offrir de nouvelles opportunités et créer des espaces communs ? Tout cela sans oublier le temps long. Les travaux des étudiant-e-s présentés dans ce journal témoignent d’une grande richesse. Je ne peux que souhaiter qu’ils inspirent le maître d’ouvrage et, au-delà, que ce type d’approche se développe et accompagne naturellement tout grand projet. PK 79. Vue sur le site de la future grande tranchée du bief de partage, depuis Etricourt-Manancourt Un paysage vallonné construit autour d’un système-rivière Historique Le projet de canal Seine Nord est né dans les années 60, peu après la mise en service du Canal du Nord. La construction du canal du Nord a débuté au début du XXeme siècle, mais le chantier a été long, très long. Interrompu et endommagé par la Grande Guerre, ralenti, repris, puis à nouveau arrêté par la seconde guerre mondiale, il n’a finalement été achevé qu’en 1964. Conçu pour un gabarit de 600 tonnes et doté de 21 écluses, son trafic de marchandises a très vite été saturé. L’infrastructure, tout comme les besoins identifiés trois-quarts de siècle plus tôt, se sont révélés être en profond décalage avec les nouvelles attentes. Au terme d’une première série d’études menées entre 1975 et 1985, le projet d’une nouvelle liaison Seine-Nord, compatible avec le réseau européen à grand gabarit (300 à 4500 tonnes) a été inscrit dans le Schéma directeur des voies navigables. Ce projet a ensuite été inscrit en 1993, au Schéma Directeur Européen du réseau fluvial et à cette occasion, il a été le premier projet d’infrastructure en France soumis au débat public. Le Conseil européen des Ministres des Transports a décidé en décembre 2003 de l’inscrire par un vote à l’unanimité comme projet prioritaire européen et les études d’Avant-Projet Sommaire ont débuté en 2004. En 2008 au terme d’une enquête publique, le projet a fait l’objet d’une DUP. Son coût était alors estimé à 4,3 milliards d’euros (plates-formes multimodales incluses), partiellement financés par un contrat de partenariat public-privé. Une mise en concurrence a été lancée auprès de deux grands consortiums de travaux publics, mais en 2013, le Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable et l’Inspection Générale des Finances ont estimé ce coût nettement sous-évalué, ces recettes surestimées et ce financement impossible à atteindre. Le nouveau Ministre délégué aux transports a alors proposé de relancer ce canal, mais en en modifiant le tracé, en en revoyant l’architecture, et en présentant un nouveau dossier de subvention auprès de la Commission européenne afin que l’Europe finance un tiers du projet. Une mission de reconfiguration fut alors confiée au député du Nord, Rémi Pauvros qui remit ses conclusions fin 2013. Plusieurs alternatives ont permis d’envisager de baisser le coût initial du projet, et parmi ces propositions, l’élément principal qui vous concerne directement dans le cadre de cet atelier public, est la reconfiguration du bief de partage sur un peu plus de vingt kilomètres. ferrée pour lesquelles des variations de pentes sont admissibles, l’horizontalité de l’eau n’est pas négociable, et le niveau du bief doit forcément être constant d’une écluse à l’autre. Il s’y ajoute des rayons de courbure minimaux à respecter. Par exemple,le rayon de giration d’un convoi à grand gabarit est d’environ un kilomètre. La section courante du canal est de plus de 54 m de large. Cette emprise est plus importante sur les secteurs à grands déblais ou remblais, et au contraire plus réduite en terrain naturel, et pour les passages en agglomération, où l’on essaye d’adopter des sections réduites et un profil de berge plus vertical. Les territoires Les paysages que traverse le Canal Seine Nord Europe sont traversés constitués de plusieurs entités paysagères. Partant de Compiègne, Le premier objectif est de préserver le milieu naturel existant et Objectifs environnementaux de s’intégrer dans la trame verte et bleue. Cet objectif néces- Dimensions de Le passage des péniches à grand gabarit impose un recla voie navigable tangle de navigation de 38 m de large (le canal lui-même est, forcément plus large compte tenu du profil des berges), La profondeur d’eau est de 4,5 m (ce qui correspond à un tirant d’eau de 4 m, équivalent à la hauteur de la partie immergée du bateau en charge, plus le ‘‘clair sous quille’’ qui est une marge de sécurité de 50 cm pour ‘’le pied de pilote’). Enfin un tirant d’air de 7 m qui correspond à la hauteur libre de passage sous les ponts. Les berges Les profils sélectionnés sont des berges relativement douces, dont la pente est de deux-pour-un, et des pentes plus marquées à trois-pour-un. La berge se situe à cinquante centimètres du niveau d’eau pour permettre le franchissement du canal par les espèces animales et limiter la rupture avec l’environnement. Des berges adoucies permettent notamment à la grande faune, de traverser le canal ou de s’en extraire en cas de chute. Pour des raisons techniques cependant, les berges sont ponctuellement verticales. C’est notamment le cas à proximité d’infrastructures comme les écluses, au niveau des avant-ports ou à proximité des agglomérations. Les déblais Un des éléments qui font de ce projet un véritable enjeu de territoire, est le volume de déblais/remblais : l’ensemble des mouvements de terre totalise 57 millions de m3, dont 36 3 millions de m de déblais excédentaires. Ici, sur le bief de partage, l’excédent de matériaux sera en priorité utilisé pour combler les sections de tronçons non réutilisés du canal du Nord. Le reste sera mis en dépôt. de hautes eaux et en période de basses eaux, il alimente la nappe. Le fait de combler le canal du nord va interrompre ce phénomène.L’enjeu est donc de prévoir les impacts de ces modifications. En période de hautes eaux, interrompre le canal pose la question de l’augmentation du risque d’inondations sur des habitations, des caves, qui se sont construites sur ce secteur. De ces constats-là est apparue la nécessité évidente de reconstituer un lit au cours d’eau de la Tortille entre Etricourt-Manancourt et Moislains. Ce lit va devoir être reconstruit dans les emprises du canal du Nord. À terme, les lignes de piézométrie vont se rediriger vers le sud et le nord, comme c’était le cas à l’origine. En période de basses eaux, l’arrêt de l’alimentation par la nappe du canal du Nord est susceptible d’avoir des impacts sur les captages d’alimentation d’eau potable, des forages d’irrigation agricoles. Les mesures de sécurisation agricoles devront alors être mises en oeuvre. Berges adoucies 25 kilomètres de berges lagunées sont prévues. Ces espaces situées à l’écart du canal lui même, reliés par une série de points de connexions réguliers protégés par un merlon qui évite que le batillage ne vienne détruire la végétation en place. (Sur un canal à grand gabarit, les ondes de choc produites par le sillage des bateaux, peuvent entrainer de vraies dégradations sur les aménagements écologiques). À ces 25 kilomètres de berges lagunées s’ajoutent 13 hectares d’annexes hydrauliques qui fonctionnent sur le même principe, mais avec des surfaces plus importantes. Chacune de ces annexes est prévue pour faire au moins un hectare. Intégrer le projet En concevant un projet d’aménagement au milieu humain du territoire intégrant les usages, le pay- sage et le patrimoine, la prise en compte dans l’état initial de tous ces enjeux permet de proposer un aménagement répondant aux attentes qu’il peut y avoir sur le territoire. Il faut saisir les opportunités de développement Milieux physiques La construction du canal du Nord a eu un impact considérable sur le fonctionnement hydrogéologique et hydraulique de la vallée de la Tortille. Percer un tunnel en tranchée sous la ligne de partage des eaux a de fait constitué un drain. Cette tranchée a rabattu le niveau de la nappe sur toute cette section, et concentré les eaux au lieu de leur permettre de s’écouler vers le nord ou le sud, À cette occasion le canal du Nord a capté les sources de la Tortille et de fait, ce petit cours d’eau n’existe plus sur son secteur amont. Il ne reste que les traces de son lit ancien, avec de temps en temps des écoulements très limités. En aval, un débit continu est restitué au niveau de Moislains. Si la Tortille n’est plus aussi présente, sa trace demeure. Une zone dont le sol est encore humide, bien que remblayée en partie, rappelle la présence d’un ancien marais. La ripisylve de la rivière est encore visible, à la fois sur une photo aérienne, et en réalité. Si elle n’est qu’un fossé de taille moyenne en centre-bourg à Moislains, elle passe sous l’école. La suppression de Canal du Nord, qui la draine en grande partie, fait émerger l’enjeu d’inondation. l’Observatoire de l’Environnement du Canal Seine-Nord Europe Biodiversité La vallée de la Somme constitue un corridor Ce travail important repose sur l’analyse des membres du comité de suivi général de l’observatoire, ainsi que de l’expertise de trois commissions thématiques (biodiversité, hydraulique et paysage) qui réunissent un certain nombre d’experts indépendants, mais aussi des représentants des services de l’État et des Agences de l’Eau. composé de différents réservoirs de biodiversité, soulignés par les ZNIEFF de type 1 et 2 et de zones Natura 2000. Cette vallée abrite de nombreuses espèces protégées. Ce corridor est connecté aujourd’hui au canal du Nord. Si auparavant la vallée de la Tortille se présentait comme un réel corridor, le canal s’y est ensuite substitué. Par ses rives qui peuvent être boisées, ou à différents stades de développement végétal, le canal présente un potentiel de corridor. Une seule ZNIEFF est véritablement traversée par le projet : la ZNIEFF du bois d’Havrincourt. Une fois encore, les optimisations de tracé ont permis de ne pas avoir d’emprise réelle sur le boisement mais uniquement sur 0,5 hectares en lisière. On traverse la ZNIEFF, mais on traverse les surfaces agricoles sur l’emprise du canal du Nord actuel. L’impact est donc relativement limité. Créé en 2009, l’Observatoire de l’environnement du canal Seine-Nord Europe a pour objectif de garantir l’insertion du projet dans son environnement et dans les territoires sur le long terme. Dans un premier temps et avant le démarrage du chantier, les travaux de l’Observatoire se concentrent sur la validation de l’état de référence, c’est-à-dire la définition des paramètres et indicateurs de référence à partir desquels on pourra représenter fidèlement les évolutions de l’environnement induites par le projet. Dans un second temps, ce travail doit se compléter par la construction d’un programme de suivi, c’est-à-dire la définition de méthodes et des fréquences de mesures dont devront faire l’objet chaque paramètre ou indicateur de référence. Propos recueillis par Audrey Josselin et Bertrand Le Boudec 6 7 Ainsi le canal devient un ouvrage d’art non figé, susceptible de s’adapter, de connaître des modifications et d’évoluer dans le temps. Six grandes entités paysagères Bibliographie & sites consultés . Michel Corajoud, Le paysage c’est l’endroit où le ciel et la terre se touchent, Actes Sud/Ensp, 2010. . Valérie Mauret -Cribellier, Entre fleuves et rivières : les canaux du centre de la France, éditions Lieux dits, Lyon, 2008. . Fernand Braudel – l’Identité de la France. Editions Arthaud, 1986 . Hélène Izembart / Bertrand Le Boudec, Le canal de la Somme : un ouvrage d’art comme invitation à découvrir le paysage, Conseil général de la Somme, 2005 . Pocheco canopée Reforestation, Aidez-nous à reboiser le Nord-Pas-de-Calais, : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Pocheco-Canopee-reforestation Vallée de la Tortille Route des Flandres La Tortille Moislains village-rue Canal seine Nord-Europe Canal du Nord ‘‘La vie de l’eau du canal est une question majeure’’ Les talus comme structure végétale à grande échelle La construction d’une infrastructure aussi importante génère une surface importante de déblais et de talus. Le Canal Seine-Nord Europe génère presque autant de surface de talus que de surface d’eau. Ainsi, il s’agit de mener une réflexion à la fois sur l’intégration de l’infrastructure en ellemême mais aussi sur le paysage fabriqué par les dépôts occasionnés. Ces dépôts peuvent-ils être utiles au projet de paysage ? Ces délaissés peuvent-ils devenir de véritables sites d’installation de la vie écologique ? La vie des habitants dans le paysage du CSNE Tout au long de ses 107 kilomètres, le Canal Seine Nord Europe traverse six grandes entités paysagères. Partant de Compiègne au sud, il découvre d’abord une zone d’urbanisation continue au cours de laquelle, sur vingt kilomètres, se succèdent une dizaine de communes entre bois et collines. Passé Noyon, le canal quitte le noyonnais et entreprend la traversée du Santerre, étymologiquement le lieu de la ‘‘terre saine’’, territoire fertile au relief pratiquement plat, découvrant de très larges horizons cultivés. À partir du Nord de Nesle et jusqu’à Péronne, le canal longe à flanc de versant la vallée de la haute-Somme. De là, il franchit la Somme par un pont canal, et emprunte la vallée de la Tortille qui s’encadre des Collines du Vermondois. Après avoir passé les monts d’Artois à hauteur de Ruyaulcourt, le canal quitte le bassin parisien pour celui de l’Escaut, et découvre alors le Cambrésis et le Val de Sensée qui le conduisent jusqu’à Aubencheul-au-bac, point de connexion du canal de la Sensée, et terme de son parcours. Silo Canal SNE Imaginer un canal vivant, c’est mettre au coeur de la réflexion l’élément aquatique comme support de vie dans le territoire. Une des préoccupations concerne la qualité de l’eau du canal et de ses annexes. Pompée dans l’Oise, l’équilibre de cette eau est essentiel pour développer une richesse écologique autour de l’infrastructure. L’enjeu est de faire de l’infrastructure un milieu capable d’enclencher des dynamiques vivantes de petite et grande échelle, tout en étant capable de gérer les questions de pollution liées à l’activité agricole ou au transport fluvial. Associé au système rivière, le système canal se dote d’outils pour mettre en réseau les éléments hydrauliques du paysage et ainsi créer de nombreuses interférences entre le milieu terrestre et le milieu aquatique. Ces interférences se jouent notamment au niveau des berges des canaux, et l’objectif est d’éviter la résistance aux échanges que peut manifester l’exemple du canal du Nord. Un canal vivant, c’est à la fois la qualité de l’eau et la qualité des paysages fabriqués. C’est une infrastucture qui s’inscrit dans une durée, grâce à la prise en compte de la gestion dans les composantes du projet de paysage. Moislains L’eau au coeur de la qualité vivante du paysage UN PRÉREQUIS AU PROJET Prendre en compte l’identité des territoires est un prérequis. La convention européenne du paysage nous invite dans son article 6-C, ‘‘à identifier les paysages, à analyser leurs caractéristiques et les dynamiques qui les modifient et à suivre leurs transformations’’. Or comme le rappelle Fernand Braudel en exergue de ‘‘L’identité de la France’’, il nous faut toujours garder en mémoire : ‘‘Que la France se nomme diversité’’. Canal du Nord Route des Flandres Ligne de front de 14-18 Canal seine Nord-Europe Canal du Nord ‘‘Picardie terre fertile’’ Une fois ce canal réalisé, 80% des territoires traversés par le Canal Seine Nord Europe sont cultivés. Les activités principales sont les céréales, les betteraves où sera le paysage ? légumes. L’ensemble produit un paysage d’openfields où A quel paysage aurons nous à faire etunelesmajeure partie des exploitations ont une superficie de plus Est-ce que ce sera un autre paysage ?de 200 hectares. Cultivée depuis plus de deux mille ans, cette région est historiquement peu boisée. Le Nord-Pas de Calais est Est-ce que celui-ci sera caché ? la région qui compte le moins de forêts en France, avec seule- Le Canal Seine-Nord Europe interpelle une double échelle : l’échelle nationale, voire européenne, mais aussi l’échelle du local et du quotidien. L’infrastructure intéresse d’autres problématiques, comme celle de la mitoyenneté. Un tel aménagement contraint les riverains à developper une nouvelle relation à l’ouvrage ; comment apprennent-ils à vivre avec le canal ? Afin que ce dernier ne soit pas perçu comme une ‘‘balafre’’ dans le paysage, il doit apporter de nouveaux usages, comme un réseau de liaison de liaisons douces. C’est par le biais de ces nouveaux usages et donc de ces nouvelles pratiques que l’infrastructure pourra infuser le territoire et se construire dans son épaisseur. Fouilles archéologiques réalisées lors du chantier du canal du Nord sur le site d’Hermies Racloirs, pointes et lames de l’époque Moustérienne (entre -300 000 et - 30 000 av.JC.) Voulez-vous mon point de vue ? Il ne faut jamais perdre de vue l’idée fondamentale qui veut qu’un paysage, n’existe que lorsqu’un regard se porte sur un territoire ; un regard, et par conséquent la culture qui lui permet d’analyser ce qui est regardé. Celui qui regarde le fait depuis son point de vue, qui a deux valeurs, physique et culturelle. L’intérêt de l’exercice, pour les étudiants comme pour les Voies Navigables de France, aura été de pratiquer, depuis les premières analyses paysagères jusqu’aux projets finaux, un aller retour permanent entre deux points de vues. Du point de vue technique, on peut penser que l’intervention paysagère consiste à insérer efficacement l’ouvrage dans le territoire traversé, en accommodant les remblais et en proposant des plantations pour faire que l’ouvrage se ‘‘fonde’’ le plus possible dans le paysage ! Du point de vue du territoire, on peut penser que l’idéal serait qu’il n’y ait pas de projet ! . . Mais le CSNE doit passer, et passer en force du point de vue technique, l’horizontalité de l’eau n’est pas négociable, pas plus que les rayons de courbures imposés par les péniches à grand gabarit. Si l’on pense intégrer plutôt que insérer, on déplace le point de vue. Ce n’est plus celui du seul ouvrage qui est en jeu, pas plus que celui du seul territoire, ce sont obligatoirement les deux à la fois. Les notions que mobilise l’intégration sont la négociation, le dialogue à établir entre la nature de l’ouvrage et la nature du territoire, et comment faire émerger des intérêts communs. L’intégration demande d’adopter les deux points de vue dans un aller-retour incessant, car le projet de paysage ne peut pas émerger autrement. Un canal crée un paysage Bulletin de la Société Préhistorique Française 1913 Greffe gaillard Dégager les enjeux pour un canal vivant Un projet d’envergure : du transport routier au transport de marchandises Le projet de liaison Seine-Escaut s’inscrit dans une dynamique de gestion durable du territoire avec une volonté de diminuer à la fois les émissions polluantes ainsi que les coûts de transport. Ce report de trafic de la route vers le fluvial va avoir un impact majeur sur les paysages et les dynamiques vivantes à grande échelle. À long terme, selon les prévisions, ce sont 500 000 poids lourds en moins sur les routes en 2020, et près de 2 millions de moins en 2050. Cette logique entraine des transformations majeures que les Voies navigables de France doivent prendre en compte pour l’aménagement d’une telle infrastructure. Paysagiste, enseignant à l’Ensap’Lille Thibault Chantre, Aliénor Layet, Maud Nunez Canal du Nord Léa Badel, Alan Douchet, Cyril Guimard L’identité d’un territoire Point de vue Questions de Paysage Imaginer un canal vivant François-Xavier Mousquet ment 7.3 % de son territoire, contre une moyenne nationale de plus de 21 %. Cette structure rurale se traduit également par une faible démographie qui s’organise autour de quatre villes de taille moyenne, Compiègne (73 000 hbt.), Noyon (13 000 hbt.), Pèronne (7 700 hbt.), Nesle (2 500 hbt.), quelques bourgs de plus de 1000 hbt. (Moislains, Ruyaulcourt), et un habitat pour l’essentiel composé d’un maillage de petits villages-de moins de 500 hbt., éloignés les uns des autres d’une moyenne de trois à cinq kilomètres. Traces historiques. Bien qu’habité depuis plusieurs millénaires, ces paysages ont été dramatiquement simplifiés par les guerres et surtout la première guerre mondiale. Les cimetières militaires, l’architecture de la Première Reconstruction, le remembrement, l’urbanisme de la Loi Cornudet sont une des composantes majeures de ces paysages. Au final les plus anciennes traces historiques visibles restent les voies romaines (cinq d’entre elles croisent le tracé du canal), les vestiges de fortifications médiévales (Noyon, Nesle, Péronne), le maillage de villages-bosquets hérités de la pratique de l’assolement triennal mis en place au Moyen Age, auxquels s’ajoutent quelques repères magnifiques comme la silhouette de la cathédrale de Noyon. Chaque projet s’efforce de résoudre à sa manière la conciliation des points de vue, par un acte qui reconnaît leur légitimité et les valorise réciproquement. Nous avons dans notre culture plusieurs références d’ouvrages qui méritent vraiment leur appellation d’ouvrage d’art. Ils sont beaux en eux-mêmes, autant que dans leur rapport au site qui les porte. Certains sont spectaculaires, d’autres plus subtils, mais tous ont eu le souci de résoudre avec intelligence cette intégration. L’idéal d’une intégration réussie, ce n’est pas que chacun ait fait le minimum de concessions possible, mais que le projet du canal soit le bienvenu, que ce soit mieux après, qu’avant sa réalisation, tant pour les VNF que pour les territoires traversés. Ce fut, au printemps 2015, le moteur de la démarche de ce nouvel Atelier Public de Paysage. ‘‘Atelier Public de Paysage’’ = définition L’Atelier Public de Paysage invite les étudiants paysagistes de l’Ensap’Lille, parvenis en fin de cursus, à réfléchir pendant leur dernier semestre d’étude, sur une question que leur pose un établissement ou une collectivité territoriale dans le cadre d’une véritable commande. Le propos n’est pas, bien sûr, de produire à moindre frais des projets que ces organismes pourraient commander directement à des professionnels. Il vise plutôt à tirer parti de la fraîcheur de“paysagistes en herbe” pour ouvrir des perspectives, imaginer des stratégies, tester des hypothèses autour de questions encore ouvertes, mais susceptibles de préfigurer dans un avenir plus ou moins proche, les bases d’une possible consultation. Le but est donc clairement prospectif. Il vise à exercer l’étudiant à la relation d’écoute, de dialogue et de questionnements réciproques qui doit exister entre un maître d’oeuvre et un maître d’ouvrage. 8 9 Juliette Ols, Audrey Josselin, Juliette Hochart Les rivières fabriquent du paysage Révéler la complexité du territoire La Tortille est un ruisseau étroit, qui a en grande partie disparu lors de l’aménagement du canal du Nord. Il n’en reste aujourd’hui qu’un fossé d’un ou deux mètres de large, à peine perceptible dans le paysage. Pourtant, lorsqu’on y prête attention, on peut encore lire et comprendre la manière dont ce cours d’eau a modelé et structuré le paysage, de l’échelle de la vallée, comme à celle du parcellaire. L’implantation des villages, la structure foncière, l’urbanisation sont autant de signes du dialogue mutuel qui s’est lentement instauré entre les hommes et le cours d’eau. Les villages, répartis tout les cinq kilomètres environ le long de la Tortille, se sont densifiés en bordure du lit majeur, et établis ‘‘en balcon’’de façon à se protéger des inondations tout en profitant de la richesse et de la proximité des zones humides. Les fonds de vallées ont été laissés aux pâturages et à une maigre ripisylve, forêt linéaire qui fournit du bois d’œuvre, du bois de chauffe, mais aussi refuge et nourriture pour les animaux. En 50 ans, 50% des zones humides ont disparu en France. Les espaces de fond de vallée constituent donc des enjeux paysagers majeurs, et ils le sont d’autant plus que dans les paysages d’openfields, ils offrent des espaces et des milieux complémentaires, absolument essentiels à l’équilibre d’un territoire dominé par les grandes terres agricoles mécanisées. Le fond de vallée est un lieu privilégié de biodiversité. L’eau est porteuse de vie avec son cortège de plantes et d’animaux, mais la réciproque est également vraie : là où des arbres sont plantés, les cours d’eau réapparaissent, les sources rejaillissent. Dans une région peu boisée, retrouver la Tortille c’est renforcer les liens entre les hommes et leur territoire, et valoriser le potentiel fédérateur du socle géographique. Dans ce contexte la restauration de la Tortille offre l’opportunité de constituer la base d’une infrastructure verte et bleue qui pourrait relier l’ensemble des cœurs de nature de la région. ‘‘ Le projet du canal Seine Nord Europe reconfiguré offre l’opportunité de restaurer physiquement et écologiquement la Tortille entre Étricourt-Manancourt et Moislains. Il s’agit en fait de recréer l’exutoire naturel de la nappe de la craie par la reconstitution des sources et du lit de la Tortille en amont de Moislains. Plusieurs scenarii de tracé, de profil en long et de gestion des débits de crues ont été étudiés. Le scénario retenu consiste à restaurer le lit de la Tortille dans l’emprise du canal du Nord sur un linéaire de 4 744 mètres (...) Le lit de la Tortille sera restauré selon le principe du lit emboîté : création d’un lit d’étiage méandrant au sein d’un lit mineur inondable comportant mare, bras mort… Dans la situation future, les sources de la Tortille seront restituées au cours d’eau directement par la résurgence de la nappe, sans passage par le Canal Seine-Nord, contrairement à la situation actuelle où le cours d’eau est alimenté artificiellement par une prise d’eau dans le canal du Nord. La qualité de l’eau sera très bonne puisqu’elle sera directement issue des eaux souterraines. Actuellement, la principale source de détérioration est les matières en suspension issues du canal du Nord. Ces sédiments fins se déposent dans le lit de la Tortille et participent au colmatage des habitats aquatiques.’’ (source VNF) Le devenir du canal du Nord Clothilde Moriat, Julien Desagre Yves Hubert Paysagiste,urbaniste, enseignant à l’Ensap’Lille Greffe en fente de couronne Questions de Paysage Retrouver la Tortille Repères chronologiques 1878. Décision de construire le canal du Nord reliant la vallée de l’Oise au canal DunkerqueEscaut pour soulager le canal de St Quentin, devenu incapable d’assumer seul plus longtemps le trafic fluvial croissant entre la région parisienne et les bassins houillers du Nord de la France. Entrepris en 1913, les travaux ont été interrompus et profondément endommagés par les deux guerres mondiales. 1965. Mise en service du canal du Nord. L’ouvrage compte 19 écluses, 2 biefs de partage, pour une longueur totale de 95 km. Son gabarit atypique ne permet que le passage de deux péniches freycinets en flèche, ou de bateaux spéciaux nommés, justement, «canal du Nord». (92 m sur 5,90 m, mouillage 2,80 m, hauteur libre 3,70 m). Son tonnage de 800 à 900 tonnes s’est révélé très vite inadapté à la demande du transport fluvial moderne. Actuellement en service, le canal du Nord est géré par les Voies Navigables de France. Outre le temps de trajet ( 2 jours minimum) il présente des problèmes d’approvisionnement d’eau et de fuites. Inadapté à la réalité et aux enjeux actuels du transport fluvial. Comment réutiliser les paysages créés par le canal du nord ? Orlando Bussonati Les questions posées par le Canal du Nord Pourquoi refaire un canal alors qu’il y en a déjà un ? Le maintien du canal du Nord est un choix des pouvoirs publics, afin de préserver la pratique du transport fluvial pendant les cinq ans de chantier du canal Seine Nord. À terme, les deux voies d’eau seront mitoyennes, mais le canal du Nord perdra de son sens, d’autant que l’ouvrage est vieillissant, qu’il souffre de fuites et pose de problèmes d’approvisionnement d’eau. Sur le bief de partage, le canal du Nord est en partie supprimé et remblayé. Quelle substitution et quels usages peut-on envisager ? Quels sont les enjeux de réutilisation de ce territoire ? sachant que le terrain est particulier, il pose la question de la destruction de l’ouvrage, de la fragmentation des berges. Du fait des désordres en sous-sol, le terrain ne sera pas utilisable et constructible dans l’immédiat. Quel usage faire du souterrain de Ruyaulcourt ? Le canal Seine Nord pose donc la question de la requalification canal du Nord. Quelle stratégie de reconversion adopter ? Que doit-on combler ? Quelle réutilisation peut-il être envisagé de cet héritage culturel urbain et économique ? Quels peuvent être ses nouveaux usages ? Le Canal Seine-Nord Europe un appel à réinventer l’acte de franchir Une dame et son mari viennent de traverser le pont… Cet acte répété plusieurs fois chaque jour, les riverains du canal le connaissent. Maintes fois recommencé, le franchissement devient banalité. L’inconscient traverse, alors que le conscient n’en relève plus la particularité de l’exercice. Aussi appelé ‘‘ouvrage d’art’’, d’ordinaire nous dirons qu’il se limite, le plus souvent, à un ouvrage technique, standardisé et construit selon les normes en vigueur. Quoi qu’il traverse et où qu’il traverse, il se retrouve dupliqué au fil de l’eau, autant de fois qu’il en a été jugé nécessaire. Durant cet Atelier Public, différents étudiants se sont penchés sur la question de l’ouvrage de franchissement, son intégration, la pertinence de l’accompagner avec le paysage… Attardons nous un instant sur ce sujet hors-échelle par rapport à la commande du maître d’ouvrage et qui n’a pu être qu’effleuré à travers les approches nombreuses et variées. Attardons-nous sur le pont, son rôle, la lecture de l’itinéraire sur lequel il s’inscrit, sa capacité de son appropriation par les usagers. N’y aurait-il pas lieu de réinventer l’acte de franchir, ou du moins son potentiel de réappropriation par les populations locales ? • Le pont, est-il en cohérence avec la scénographie paysagère qu’il ‘‘emporte’’ d’une rive à l’autre. Contraste programmé ou rupture ? • La route communale, avec ses accotements non stabilisés, se transforme subitement en un large tablier asphalté pris entre bordure. Effet recherché ou confrontation de la ruralité avec la technologie ? • Le piéton, réduit à emprunter un petit trottoir escarpé et encombré d’un imposant chasse-roue. Plaisir du passage ou sécurité ? • Un épais garde-corps métallique, surmonté de grillages antichute, comme des œillères, efface du champ visuel toutes perspectives vers le canal. Regard croisé ou angoisse d’un franchissement ? • Au delà de l’ouvrage, une glissière de sécurité empêche d’emprunter le chemin de halage. Echange d’itinéraires ou embuscade ? La Tortille en chiffres L lle rti o aT La Tortille prend sa source sur la commune d’Etricourt-Manancourt, à 89 m d’altitude, à proximité du lieudit Les Quatre Vents. Au terme d’un parcours de 16 kilomètres, elle se jette dans la Somme à Biaches, à l’ouest de Péronne (altitude : 47 m). Son bassin versant est de 100 km2 Son débit est de 0,5 m3 / seconde Sa largeur varie entre un et trois mètres Le tracé de la Tortille traverse le territoire de six communes : Etricourt-Manancourt, Moislains, Allaines, Cléry-sur-Somme, Péronne et Biaches. Problématiques paysagères L’arrêt du drainage de la nappe par le canal du nord / la restitution des sources de la Tortille / la nécessité de reconstituer un lit au cours d’eau entre Etricourt et Moislains dans les emprises du canal du Nord. Ci-dessus : Carte d’Etat Major (1866) Cartes postales de la Tortille à Moislains (s.d.) Diverses vues de la Tortille au printemps 2015 De la vallée de la Tortille au ‘‘Val de Tortille’’ Le Grand Projet Vallée de Somme amorce depuis cinq ans, une nouvelle dynamique territoriale. L’idée est d’infuser la dynamique de la vallée de la Somme, où se concentre l’essentiel de l’habitat, des activités et des loisirs du département, vers la ramification des vallées affluentes. La Tortille en fait partie. Ainsi perçu, ce ruisseau ne se résume pas à cours d’eau plus que modeste, il peut être vu comme un bassin hydraulique et un bassin de vie. L’idée du Val de Tortille est dans le processus de construction du Canal Seine-Nord Europe, une formidable opportunité pour inscrire le futur canal dans le territoire qu’il traverse. D’une simple ambition de coloration écologique d’un projet d’infrastructure, la Tortille peut devenir la chance d’être le fil conducteur de tout le réaménagement territorial d’une succession de villages. La Tortille dessine à elle-seule un bassin de vie. Porter attention à ce ruisseau, c’est l’occasion de retrouver la complexité du paysage pour instaurer de nouvelles dynamiques territoriales, voire de nouvelles pratiques. Hypothèse Le canal du Nord n’est pas juste une tranchée à combler. Il est un événement spatial intermédiaire qui peut être support d’enjeux urbains ou industriels, d’usages, de corridors écologique, de nouvelles productions... Parfois gardé en eau, parfois comblé, le canal du Nord est un délaissé que l’on peut se réapproprier et qui peut devenir un espace public légitime. Le devenir du canal du Nord interroge l’avenir du futur Canal Seine-Nord et représente un enjeu non négligeable dans l’élaboration de ce grand projet contemporain. Ci-dessus : .Tranchée et tunnel de Ruyaulcourt. . Plan du projet de canal du Nord figurant les bassins miniers devant approvisionner la région parisienne. (Archives de la Subdivision navigation du canal de la Somme) . Le parc Barbieux à Roubaix, exemple de reconversion d’un ancien canal (Barillet-Deschamps, paysagiste 1886) Questionner le pont pour qu’il devienne ‘‘art de vivre’’ est fondamental. Considérons l’acte de franchir comme un prétexte pour intensifier l’échange entre la vie terrestre et la vie fluviale. Développer le plaisir de franchir, de passer du halage au pont, de se poser au milieu du franchissement et de prendre le temps du point de vue. Penser les abords de l’ouvrage comme un ‘‘espace’’ donnant largement la place à la convivialité des usages et la rencontre. Si besoin est, réinventons l’ouvrage type et donnons le degré d’adaptabilité nécessaire pour lui assurer un ancrage au lieu, une cohérence à l’itinéraire traversé et l’intelligence d’une identité en lien avec la typologie du paysage tantôt urbain, tantôt rural. Développons l’idée du ‘‘Landmark social’’ qui permet au pont d’être l’expression d’une silhouette qui rassemble et nous ramène à une identité commune. En d’autres mots, pourrions-nous souhaiter que l’opportunité du projet canal Seine-Nord Europe puisse faire émerger une façon contemporaine de franchir et d’accompagner les paysages et de qualifier les itinéraires du quotidien ? Comment permettre à chacun de ces ‘‘espaces ponts’’, de participer aux lieux et de concilier la rencontre du territoire vivant avec la territorialité fluviale ? A voix haute ou à voix basse, à leur manière, les étudiants l’ont exprimé : réinventons le ‘‘plaisir du pont’’ où l’ouvrage et le paysage est au service de l’art de vivre. Durant cet Atelier Public de Paysage, négocier l’acte de franchir est apparu comme un des défis majeurs pour l’appropriation de ce nouveau canal par les populations. 10 11 Clara Bompart, Clément Large, Orlando Bussonati ‘‘Qu’est-ce que c’est 57 millions de m3 de mouvements de terre ? Préserver le socle Pour les paysagistes, le socle est la donnée première, la base incontournable, l’élément fondamental de tout projet. Avant toute chose, un paysagiste doit nécessairement prendre en compte cette réalité première du terrain. Quelle que soit l’échelle appréhendée, le socle parle de géographie, de topographie, de mouvements de sol, de données altimétriques, de logiques hydrographiques, d’ensoleillement. Mais il parle aussi de la terre, celle sur laquelle nous vivons, celle où nous posons nos pieds, celle qui nous nourrit. La pédologie, est à la fois le support et le produit du vivant. Elle influence naturellement l’occupation et les cultures (au sens propre comme au figuré) ; sa richesse ou sa pauvreté façonnent l’identité des paysages et lui confère son attractivité. Ici, dans ce contexte de projet de canal, cette prise en compte est d’autant plus importante que l’ouvrage doit être majoritairement aménagé sur des terres agricoles. Ce sol vivant, cet humus fertile, exige de nous respect et créativité Juliette Ols Les modifications spatiales sont inévitables, mais préserver un socle de qualité assurera une cohérence générale à très long terme. La temporalité est essentielle : le temps de cet atelier s’est étalé sur quatre mois, la mise en chantier du projet de canal seine Nord aura demandé plusieurs décennies, les arbres de ces paysages comptent pour certains plusieurs vies humaines, mais le socle lui, est intemporel. Gardons ce contact. C’est notre ‘‘prise de terre’’. Réinventer la mitoyenneté le long des voies d’eau La question de la mitoyenneté passionne les paysagistes. La mitoyenneté c’est l’espace de la rencontre, de la lisière, de l’écotone, autrement dit, la zone de transition écologique entre deux écosystèmes. Or, dans le cas d’un canal, les questions de mitoyenneté ont longtemps été traitées à l’égal de celles d’une voie de chemin de fer. La règle était simple : en limite de propriété, en limite d’un domaine public fluvial, il est par principe, interdit de prendre des jours. Cela produisait le long des canaux, des successions de pignons aveugles, des alignements de murs de garage, des kilomètres de grillage ou d’interminables clôtures en fibrociment... Et pourtant, comme le disait le dessinateur Reiser, ‘‘Vivre à côté d’une nationale c’est l’enfer, une voie ferrée, on s’y habitue, mais un canal c’est un paysage’’. La présence de l’eau, le reflet des ciels changeants, le lent passage des chalands, les promenades sur le chemin de halage le long des longs garde-à-vous de peupliers, tout cela fabrique sans conteste des paysages. ‘‘ Vivre à côté d’une nationale, c’est l’enfer. Une voie ferrée, on s’y habitue. mais un canal, c’est un paysage.’’ Reiser Longtemps aussi, pour des raisons d’économie, les canaux ont été tracés dans les périphéries des villes. Ils empruntaient, les arrières, les coulisses, les parcours les moins ‘‘impactants’’ dirait-on aujourd’hui. Et de fait, dans l’imaginaire collectif, le transport commercial était associé à l’idée de paysages périurbains, plus ou moins définis, plus ou moins en attente. Mais ces types d’espaces finissent toujours un jour par devenir des villes à part entière et, si pour des raisons de sécurité, on peut admettre qu’une voie ferrée ou une autoroute soient ‘‘étanches’’ à leurs territoires, rien n’impose qu’il en soit ainsi pour un canal. D’autant que l’on garde tous en tête des références magnifiques: le canal du Midi bien sûr, qui traverse Toulouse encadré de Pour certaines séquences, la situation créée est telle que la recherche d’harmonie est vaine : Le territoire en question ne devra rien au canal, d’autant que celui-ci ne peut rien pour lui. C’est le moment de ‘‘sauter en marche’’, de s’écarter de la dimension ‘‘conception de l’ouvrage’’ pour avoir les mains libres, et concentrer l’énergie sur cette autre complexité à construire. Et laisser le canal à son rôle premier. ’’ Profil de passage en plateau Profil en remblai Que faire des déblais ? La question est majeure vue la quantité de déblais et les spécificités de ces paysages, Comment inscrire de tels mouvements de terre dans des territoires aussi ouverts, et si faiblement vallonnés ? L’enjeu est de taille, d’autant que nous avons sous les yeux, l’exemple des terrassements du canal du Nord. Certes, c’était une autre époque, mais la logique a été simplement de déposer les déblais en merlons de part et d’autre du canal et d’y laisser se développer une végétation spontanée. Un siècle plus tard, le milieu est toujours pauvre et les usages plus que restreints : il n’y pousse que des bouleaux grêles, des cornouillers broussailleux et des mousses sur un sol pentu, où la craie est glissante à la première pluie. La surface de talus encadrant le canal totalisera plus de 1000 hectares ! Quels paysages allons nous fabriquer avec ces talus ? Une partie peut-elle être remise en culture ? Est-ce l’occasion de faire pousser ici, une forêt linéaire, une de ces grandes forêts qui font tant défaut à la région Nord-Pas de Calais ? Est ce là le lieu d’un de ces ‘‘tiers-paysage’’ chers à Gilles Clément, qui dans un territoire d’agriculture intensive pourrait lui apporter une forme d’équilibre, de contrepoids ? Comment éviter que ces centaines d’hectares ne soient rapidement colonisés par les plantes invasives ? Ces zones de déblais et ces sites de dépôt peuvent-ils être pensés comme des lieux de vie, voire des lieux de production ? Sachant que le mode de terrassement définit bien souvent les possibilités d’usage, peut-on constituer ici des milieux vivants par un imaginaire topographique, dont on sait depuis Le Nôtre qu’il est une des spécificités de la profession de paysagiste ? Enfin, comment faire surtout pour que ces nouvelles formes de relief n’encombrent pas les paysages, qu’elles ne soient pas ‘‘incongrues’’, qu’elles ne fragmentent ni ne heurtent les spécificités de ces grands territoires ruraux, mais au contraire qu’elles s’inscrivent dans la continuité des grandes lignes de leurs horizons ? La surprise avec ces travaux, ce n’est pas tant la diversité des projets, que la diversité des modes de penser ‘‘paysage’’ choisis pour agir, pour construire un projet. Le plus souvent, Il s’agit d’’infléchir’’ le projet technique canal, de le faire gagner en amplitude, de révéler les proximités productives. Faire du canal un atout, un élément structurant. C’est à faire main dans la main avec l’ingénieur pour dépasser la focalisation de la conception sur l’ouvrage, sa stricte emprise, sa stricte économie, sa stricte fonctionnalité. Le pari est celui de la complémentarité des échelles, et l’enjeu la réduction des frustrations du territoire traversé par l’infrastructure au long cours. Le risque de cette posture : le paysage comme accompagnement de l’ouvrage. L’alerte en serait ‘‘les moustaches de la Joconde ne présentent aucun caractère plus intéressant que la première version de cette peinture’’. Lorsqu’on doit transporter des terres d’un lieu dans un autre, on a coutume de donner le nom de déblai au volume de terres que l’on doit transporter, et le nom de remblai à espace qu’elles doivent occuper après le transport. Gaspard MONGE (1746-1818) Les moustaches de la Joconde... Certains retrouvent un fondamental : l’imaginaire topographique, intimement lié à l’art des jardins. Il est vrai que l’objet même de l’atelier y incitait: l’horizontalité et l’échelle du bief de partage, son système hydraulique qui va chercher au plus profond dans l’histoire du métiers de l’ingénieur et du paysagiste. Comment ne pas évoquer deux contemporains Pierre-Paul Riquet et André Le Nôtre. D’autres envisagent le paysage dans sa complexité contemporaine, le paysage comme milieu, un paysage qui ne se contemple plus seulement mais est lieu de vie, partie prenante du quotidien ou milieu naturel, siège d’une biodiversité à régénérer. Profil en tranchée ‘‘ Paysagiste-conseil de la Dreal Picardie Greffe salgues Questions de Paysage L’enjeu des déblais-remblais Joël Ricorday ses somptueux alignements de platanes, la promenade à l’écluse Saint-Roch de Castelnaudary, la visite à Béziers du pont canal et des neuf écluses de Fonserannes, le pont canal de Briare...Et ces références ne sont pas toutes d’un autre âge. À vingt kilomètres de Lille, à Courtrai en Belgique, le percement d’un canal à grand gabarit en limite d’une ville hautement patrimoniale vient de donner lieu à une requalification urbaine remarquable, générant des espaces publics originaux, et rappelant combien habiter au bord d’un canal peut véritablement fabriquer l’identité d’un quartier de ville. Car là, est peut être toute la question : il faut à la fois prendre en compte l’identité des paysages existants et d’un autre côté, voir comment les villes et les villages qui vont côtoyer le canal peuvent trouver dans ce grand projet le levier d’une nouvelle identité ? Ce canal, qu’on le veuille ou non, deviendra le nouveau grand repère territorial de ces paysages, à l’image des voies romaines, de la route des Flandres ou plus récemment de la tranchée réunissant l’A1 et les lignes de train à grande vitesse. Il faut également admettre que tous ses ouvrages d’art (ponts, ponts-canaux, écluses, retenues) seront les nouveaux landmarks de ces paysages. Et il faut être tout aussi certain que les paysages traversés vont eux aussi conserver leurs logiques et leurs dynamiques. Alors dans cette idée d’écotone, on voudrait que chaque franchissement urbain du canal soit traité comme un espace public potentiel, un espace où l’on s’arrête, où l’on se rencontre... Mais surtout, on voudrait convaincre qu’en terme de paysage, il n’y a jamais de solution type, mais au contraire autant de cas de figure que de paysages traversés, que certains villages seront ‘‘au-dessus’’, et d’autres seront ‘‘en dessous’’ de la voie d’eau, que certains seront confrontés à de hautes digues et d’autres à de profondes tranchées, que les délaissés peuvent être des opportunités et que toutes ces situations constituent autant d’occasions de projet. rd l du No u cana stale d o p e rt a ins et c à Moisla u nord d l a n a C n vers à Noyo 1970 ‘‘Comment les villages qui vont côtoyer le canal peuvent-ils trouver dans ce grand projet le levier d’une nouvelle identité ? Doù le paysage sera-t-il vu ? Il y aura des villages ‘‘au-dessus’’ du canal (Ytres), et d’autres ‘‘au-dessous’’ (Moislains). Il est important de voir le positionnement altimétrique des villages par rapport au canal.’’ Yves Hubert Tel ou tel élément du projet initial sont capter pour les conjuguer au bénéfice du territoire, voilà bien la stratégie développée dans plusieurs projets : ici topographie et hydrologie, là dépôts de matériaux et boisements… Cela vaut, par exemple, pour le quadrilatère des plateaux Ytres/Neuville-Bourgeonval/ Ruyaulcourt/ Bertincourt cet ensemble de villages, formes urbaines rurales de la dispersion historique et de la dissémination contemporaine, en pleine crise économique et démographique. Le projet de paysage n’accompagnerait plus le canal, s’en dissocierait même, pour poser une nouvelle donne qui engage un projet de renouvellement urbain de ce territoire oublié. Il s’agit d’un ‘‘détournement’’ d’un bloc d’éléments pour la création d’une autre entité, porteuse de sens, à une autre échelle, dans un autre processus… prélude d’un nouvel avenir pour le territoire. Ceci à la manière des avant-gardes du XXéme siècle et des situationnistes : le détournement comme réemploi dans une nouvelle unité d’éléments (artistiques) préexistants. Les deux lois fondamentales en sont le perte d’importance du sens premier de chaque élément autonome détourné ; et en même temps, l’organisation d’un autre ensemble signifiant, qui confère à chaque élément sa nouvelle portée. Ce ‘‘bloc détournable’’ réemployé s’enrichit de la coexistence de son sens ancien et immédiat pour constituer un ‘‘double fond’’ . S’il y a détournement du sens de ces éléments, il y a évidemment détournement et réemploi des moyens. Ils deviennent (au-delà de la logique de compensation!) autant de leviers pour agir à cette autre échelle, dans ces autres processus, ces temporalités autonomes, en les agrégeant à d’autres moyens mobilisés par une gouvernance plus large. Une mise en abime du détournement en quelque sorte. Nous pourrions paraphraser Guy Debord ainsi : ‘‘L’activité paysagiste est un métier défini que nous n’exerçons pas encore’’ 12 13 La reprise de la greffe De la fracture à la suture Couture de paysages Une balafre ! De prime abord, cela ressemble à une immense balafre qui cingle le paysage sur 107 km. Une grande ligne droite ou presque qui passe, coûte que coûte. Etait-ce vraiment utile ? Après tant de cicatrices de guerre faites à cette région, fallait-il vraiment rajouter une tranchée supplémentaire…? D’autant que les dimensions nous échappent presque : 7 écluses dont une haute de 30 m, des remblais parfois tout aussi hauts, 3 ponts canaux, 55 millions de m3 de terre remuées, 2450 ha consommés pour aménager des plates formes multimodales, 18 heures pour traverser 68 communes… autant de chiffres impressionnants dont il est bien difficile de mesurer la réalité physique. Reprenons donc depuis le début… ou presque. Un projet amorcé, puis remis à plat faute de budget, des commissions pertinentes créées, une comité de suivi, l’Europe qui finance (en partie), un organisme d’état porteur du projet (Voies Navigables de France), des communes jalonnant le territoire qui en attendent beaucoup… Pourquoi tant de moyens et de matière grise ? Pourquoi tant de travaux et tant de paysages ‘‘touchés’’ si on ne croyait pas sincèrement à la faisabilité et l’intérêt de ce projet ? Certes l’objectif est de relier la Seine aux grands canaux du nord de l’Europe mais ne pouvait-on faire autrement ? De fait, ce canal ne passera pas inaperçu et tout l’enjeu de cet Atelier Public de Paysage est d’assumer cette infrastructure comme un nouvel élément de paysage porteur de nouvelles dynamiques, économique, sociale, et environnementale : ce canal doit être vivant à tous les niveaux. Finalement, il a fallu s’immerger, se rendre sur les lieux, comprendre son intérêt à l’échelle européenne, mesurer peu à peu tous les enjeux. Un canal opère une césure dans un paysage Un canal est une route d’eau. Etymologiquement, c’est donc une via rupta, autrement-dit, à la fois un chemin et une rupture. Le projet de canal à grand gabarit n’y dérogera pas. Il va ‘‘couper’’ dans ces paysages de la Picardie et de l’Artois produits par un maillage de siècles et de siècles d’histoire. Combien de sentiers, de routes, de traces parcellaires vontils ainsi devoir être ‘‘sectionnés’’, sans oublier tous les bouleversements d’usages, d’occupations des sols et de relations écologiques qui leurs étaient inévitablement liés ? Ce grand canal va profondément transformer les paysages existants. Mais dans le même temps, il va en créer de nouveaux. Pour être pérenne, son intégration demande donc à être étudiée bien au-delà de la seule emprise du domaine public fluvial, en prenant en compte l’ensemble des dynamiques territoriales et paysagères susceptibles d’être impactées. Ce canal va se ‘‘greffer’’ sur un paysage existant. Cela pose donc clairement la question des conditions de reprise de la greffe qui permettront à la fois dans un premier temps, que la vie reprenne, et dans un second temps, que ce canal apporte (on l’espère) une nouvelle forme de vie à ces territoires. Le paysage est un patchwork d’éléments, plus ou moins assortis entre eux. Au final nous ne faisons qu’ajouter une couture supplémentaire, que les futurs paysagistes tentent ici d’accorder avec les différentes entités traversées par le canal en mettant en avant la résilience de ces territoires. Il faut mettre en marche cette résistance, celle qui dit que le canal va devenir un objet du paysage à part entière. Et même que le canal fait paysage ! Bien qu’il coupe des communes de leur territoire, le canal ne doit pas être une entité autonome. Il fonctionne pour et avec ce qui l’entoure et doit devenir vecteur de développement territorial : un lieu qui crée du lien social, aussi bien pour les populations autochtones qui doivent pouvoir profiter du canal en tant qu’espace de loisir ou espace de développement économique (plates formes multimodales et céréalières), qu’aux populations de passage (touristes et bateliers). Ce canal n’est donc plus tant le risque d’une blessure ouverte que la possibilité d’une greffe reçue par un territoire. L’ensemble des acteurs mis à contribution (étudiants compris) ont alors pour mission de faire prendre cette greffe et de lui donner l’épaisseur nécessaire pour lui permettre de prendre vie et créer des échanges physiques et économiques avec les territoires attenants. signalisation fluviale La question de la mobilité est un des enjeux majeurs du paysage. Les flux, les déplacements, les échanges, les continuités et discontinuités sont au centre des préoccupations d’insertion de ce canal dans son territoire. Deux grands points de vue méritent d’être pris en compte : l’un transversal, l’autre longitudinal. La conception d’un canal invite à réfléchir à la question des relations qu’une infrastructure de transport peut entretenir avec les territoires qu’elle traverse. ‘‘Et si ce nouveau canal devenait la grande infrastructure verte qui structure les territoires ? Et si ce nouveau canal était conçu comme l’élément reliant tous les écosystèmes naturels et humains des paysages qu’il doit traverser ?’’ Mobilités transversales 64 ponts doivent être réalisés le long des 107 kilomètres de ce canal, soit en moyenne, un franchissement tous les 1500 mètres. De nombreuses liaisons territoriales vont par conséquence être interrompues et à contrario, les flux vont se concentrer et s’intensifier sur certains points de passage. Cette refonte des liaisons territoriales va structurer durablement les dynamiques de développement des paysages. et cela est d’autant plus important que les territoires que traverse ce canal sont en pleine mutation. Ces paysages sont majoritairement agricoles, or la taille des exploitations y est de plus en plus grande, le nombre d’agriculteurs, de plus en plus restreint et la population y est aujourd’hui essentiellement composée de rurbains*, autrement dit de personnes vivant à la campagne, mais travaillant dans les villes. À tout cela s’ajoute une organisation territoriale elle-même en profonde changement, puisque l’actuel maillage communal est essentiellement constitué de petits villages de moins de 500 habitants qui logiquement devraient être amenés dans les décennies prochaines à connaître d’importantes recompositions adminisYves Hubert tratives. A tout cela s’ajoute les réorganisations à l’échelle des communautés de communes, des cantons, des départements ou des régions. Au final, c’est tout un équilibre territorial qui est aujourd’hui en pleine recomposition et dans lequel la coupure du canal Seine-Nord Europe sera l’une des clefs. (* Lewis Mumford) ‘‘Chaque fois qu’un homme veut aller plus vite, que ce soit par une autoroute, une ligne de train à grande vitesse ou un canal, il ralentit forcément les franchissements transversaux.’’ Yves Hubert Bassins de vie, pôles et mobilité au sein du futur bief de partage Canal Seine-Nord Rotterdam Arras Bassins de vie la Ruhr André Thouin agronome, (1747-1824) Autoroute Cambrai Voies romaines Eurométropole Lilloise Randonnées cyclo-pedestres Traversées Voie ferrée Dunkerque Calais Départementales On a rien fait d’aussi ambitieux depuis les canaux creusés sous Louis XIV (le canal de l’Eure inachevé et le canal du midi) ! Mais enfin, ils ont raison d’y croire et d’être impatients ! Ce canal est une opportunité à saisir. Pour que cette ‘‘balafre’’ cicatrise, elle doit être recousue de manière appliquée et pertinente. Il faut trouver la bonne épaisseur d’emprise, tant sur les fils (ponts) tendus de part et d’autres que sur les ‘‘renflements et plis’’ formés (remblais) qu’il faut anticiper pour qu’ils se forment’’ aux bons endroits. Cette lente cicatrisation sera à la fois mentale (changement de paysage et modification des déplacements pour les populations attenantes) et spatiale (recoudre des voies de communications piétonne, cycliste, routière…). Mobilité(s) Ghislain Rabeil, Julien Truglas Greffe en fente Paysagiste au CAUE de l’Oise Maxime Corlay Bapaume Agglomérations Hôpitaux Canal Seine Nord Pôle commercial Metropoles et agglomérations Zones d’activité Ecoles Paris Fleuves ou rivières Péronne Les conditions de la reprise de la greffe Mobilités longitudinales Le bord à canal et la voie de service qui longe le canal offrent l’opportunité de développer un réseau de liaisons douces à deux grandes échelles différentes. Une attention particulière doit évidemment en premier lieu, être portée sur les sites susceptibles de se retrouver ‘’enclavés’’ par le tracé du nouveau canal. Les réseaux, on le sait, structurent et contraignent les développements territoriaux. Il faut veiller à ce que ce canal n’isole pas des territoires, ni ne crée de délaissés. La question se pose notamment aux abords des villes et villages où les contraintes sont nombreuses. Mais la question va plus loin. Un canal n’est ni une autoroute, ni une ligne ferroviaire à grande vitesse. Rien n’impose qu’il soit conçu comme un objet indépendant des territoires qu’il traverse. Des éléments de suture peuvent être recherchés ou inventés à travers des aménagements et des programmes de gestion des paysages. Fondés autant que possible sur une concertation entre les gestionnaire de la voie d’eau et les acteurs du territoire, ces programmes ne pourraient-il permettre sur le long terme, d’associer l’ouvrage d’art aux dynamiques humaines et écologiques de développement territoriales ? Penser un nouveau paysage Une greffe est un projet. Ce n’est pas un acte de soin chirurgical. La greffe du canal ne peut donc pas se limiter à une logique de mesures compensatoires. Compenser c’est déjà admettre l’échec. C’est une logique de pensée fondée sur la réparation. Un projet de paysage, c’est au contraire la recherche d’un nouvel équilibre. Il s’agit ici, de renforcer le territoire sur le long terme, pour les générations futures qui vont l’utiliser, le voir, s’y promener, et vivre avec ce canal, comme un élément faisant partie à part entière de leur paysage. Grands axes de navigation fluviale À l’échelle du Nord de la France et de ses pays limitrophes, ce canal peut être une formidable opportunité pour créer un maillon de piste cyclable de 107 km de long, entre le nord de l’Europe et la région parisienne. Dans le prolongement de l’exceptionnel réseau cyclable des Pays Bas et du sud de l’Angleterre, ce maillon peut offrir au canal, un de ses apports de développements touristiques, les plus intéressants et les plus faciles à mettre en oeuvre. ‘‘La question de la mobilité est toujours au centre de la vie… y compris dans ces petits villages qui vont être tangentés par le futur canal.’’ Joël Ricorday À l’échelle locale, ces chemins longeant le canal peuvent être une formidable chance pour mettre en place l’armature d’un réseau de liaisons douces. Ce réseau pourrait bien sûr avoir un usage récréatif, notamment autour des villes de Compiègne, Noyon et Péronne où il pourrait permettre de relier les centres urbains aux grands espaces de nature periphériques. Mais cet usage pourrait être plus quotidien notamment à l’échelle des déplacements scolaires : les écoles, collèges et lycées se répartissent aujourd’hui sur plusieurs communes, et ces veloroutes voies vertes le long du canal, pourraient permettre d’offrir une structure de desserte scolaire qui complète ou se substitue aux traditionnels bus de ramassage scolaires dans un rayon de trois à cinq kilomètres. Lorsqu’on sait que la structure communale dans la Somme se compose de villages qui s’égrènent majoritairement le long des cours d’eau, le canal pourrait être potentiellement vu comme un élément fédérateur à l’échelle du Val de Tortille. A plus ou moins long terme, il faut imaginer que ces pistes cyclables se prolongent peu à peu dans toute l’épaisseur du territoire et que progressivement se mette en place un réseau de liaisons douces qui se ramifie et infuse en profondeur tout le territoire du canal. Paysagiste dplg, Responsable de la cellule paysage de Systra Greffe en fente Mathilde Castiau-Huot Le paysage, comme outil de médiation pour la construction des territoires La prise en compte du paysage, dans un projet d’infrastructure de transport, dépasse aujourd’hui largement la simple conception ‘‘d’aménagements paysagers’’. Cette relation entre paysage et infrastructure a évolué avec notre société et les objectifs liés à ces équipements. Cette prise en compte dépend principalement de trois facteurs : la réglementation en vigueur, la sensibilité des aménageurs (maîtres d’ouvrages et maîtres d’œuvres), la prise de conscience des habitants, des riverains du projet. L’infrastructure transport sert d’abord à relier les hommes et à transporter les marchandises. Sa création transforme le territoire et par conséquent, fabrique de nouveaux paysages. Les premières applications du végétal dans ces aménagements, ont servi avant tout à la pérennisation des ouvrages eux-mêmes : les arbres plantés aux bords des routes au XVIIIème siècle, servaient à fixer le sol, assainir les zones humides et limiter rapidement l’érosion. Les infrastructures ont également permis aux hommes de découvrir de nouveaux territoires. Dans les années 1900, l’avènement de l’automobile et le développement du tourisme, créent les conditions pour une appréciation des paysages remarquables. En ce sens, l’action des associations comme le Club alpin et le Touring club ont eu un rôle considérable dans la protection des sites et des monuments. Plus tard, dans les années 70, arrive l’émergence des problématiques environnementales. La prise en compte des paysages, avec l’apparition des études d’impacts, a permis d’évaluer les perturbations engendrées par la création d’une nouvelle infrastructure. Mais le paysage reste traité dans ses dimensions matérielles, visuelles : on y décrit ses structures élémentaires, son organisation, ses panoramas. Les aménagements écologiques, quant à eux, servent à reconstituer et à reconnecter des milieux fragmentés par l’infrastructure. Les années 2000 sont marquées par les travaux sur les procédures de débat public. Avec la montée en puissance des organisations associatives, les aménagements pour la mobilité ont radicalement changé : l’infrastructure devient alors un outil, un ‘‘catalyseur ’’ de projets territoriaux. Aujourd’hui, les infrastructures sont des éléments majeurs de notre territoire. Elles structurent l’organisation de l’espace mais aussi le fragmentent, créant coupures et délaissés, notamment dans les espaces périurbains. La prise de conscience de ces ‘‘paysages ordinaires’’ fait de ces espaces le laboratoire des nouvelles réflexions sur les paysages qui s’expriment par une volonté de revalorisation et de reconnaissance. La prise en compte des sensibilités environnementales, sociales, de la notion de cadre de vie, ont amené à la nécessité d’une approche pluridisciplinaire qui vient se greffer aux objectifs de mobilité. Elles obligent désormais à travailler de manière transversale pour permettre un dialogue entre l’élément technique et le territoire qu’il traverse. Le paysage est considéré désormais comme un outil de médiation pour la construction des territoires. 14 15 Six schémas directeurs / dix-sept projets 6 schémas directeurs /17 projets Questions & enjeux de paysage Le Canal Seine-Nord Europe marquera les paysages qu’il doit traverser. Cette empreinte se lira par le vocabulaire de l’ouvrage d’art lui-même, son gabarit, sa rectitude, son chemin de halage, ses éléments annexes. Elle se traduira par la création de nouvelles formes de reliefs (déblais, remblais, zones de dépôts). Elle se verra dans la suppression de certains éléments du paysage (boisements, haies, chemins, bâtiments), et par des coupures ou des délaissés qui imposeront la requalification ou la reconversion de certains sites. Elle se traduira enfin par la création d’ouvrages d’art : écluses, ponts, ouvrages de rétablissement de voirie, équipements annexes. L’essentiel du parcours se fera en territoire rural, mais ce canal contournera également un certain nombre de villes et de villages. Au final, aux côtés des besoins hydrauliques de cet ouvrage, et les exigences écologiques affirmées, la mise en relation du projet avec les territoires qu’il doit traverser sera fondamentale. De fait l’aménagement de ce canal pose toute une série de questions majeures en termes de paysage : . Comment Comment envisager l’insertion dans un territoire d’un canal contemporain ? peut-il contribuer à l’identité des territoires qu’il va traverser ? . Comment imaginer la relation entre ce nouveau canal et les bourgs et villages qu’il doit côtoyer, parfois même tangenter ? . partage Quelle stratégie adopter pour les sites de dépôt très importants sur le bief de du fait de passages en tranchée profonde ? Où, et comment les situer ? Quelles peuvent être leurs logiques d’usages, de plantation, de gestion ? Quelles opportunités offrent-ils ? . lesLongue infrastructure linéaire, un canal génère inévitablement des coupures dans territoires qu’il traverse. Ces coupures auront une incidence sur l’organisation actuelle du réseau d’échanges, sur la répartition des flux ainsi que sur la nature et la diversité des usages. Quelles opportunités de valorisation du cadre de vie offrent-elles ? .Quel Quels sont les enjeux environnementaux de ce canal et de son territoire ? rapport peut-il entretenir avec les milieux naturels ? Comment construire et partager ces enjeux de paysage ? Ce Canal est-il une opportunité pour construire des synergies tout au long de son linéaire mais également pour établir des connections de part et d’autre des paysages traversés ? . leur Comment prendre en compte d’entrée la pérennité des aménagements qui vont être réalisés, vieillissement, leurs coûts, leurs logiques de gestion, leurs capacité d’évolution ? . àEnfin et surtout, comment les aménagements paysagers peuvent ils contribuer faire de ce canal véritablement “un milieu vivant” ? L’Atelier Public de Paysage 2015 COMITÉ DE PILOTAGE Jean Lafont Ingénieur général des ponts et chaussées Président de l’Observatoire de l’Environnement du Canal Seine-Nord Europe Claire Pérard Ingénieur de projet hydraulique et environnement Voies Navigables de France Mission Seine-Nord Europe Antoine Lefrancq Ingénieur Environnement Voies Navigables de France Mission Seine Nord Europe Joël Ricorday Paysagiste dplg, Enseignant à l’ENSP Marseille Paysagiste-conseil auprès de la Dréal Picardie Membre de la commission paysage de l’OE CSNE Mathilde Castiau-Huot Paysagiste dplg, paysagiste-conseil au CAUE de l’Oise Membre de la commission paysage de l’OE CSNE Maxime Corlay Paysagiste dplg, Responsable du domaine paysage chez Systra Conseil en ingénierie de transports publics Animateur des réunions de l’OE CSNE ENSEIGNANTS Bertrand Le Boudec François-Xavier Mousquet Yves Hubert ETUDIANTS Juliette Ols, Audrey Josselin, Juliette Hochart Clément Large, Clara Bompart, Orlando Bussonati Thibault Chantre, Maud Nunez, Aliénor Layet Ghislain Rabeil, Julien Truglas Léa Badel, Cyril Guimard, Alan Douchet Clothilde Moriat, Pierre Vedovato, Julien Desagre Déroulé de l’étude 2015 13 février Réunion de coordination VNF-ENSAP’L Définition des attendus de l’Atelier Public 26 & 27 Premières visites de terrain, février d’abord de l’ensemble du linéaire du canal, puis visite spécifique du bief de partage 5 mars Conférence de Claire Pérard (VNF) 3 avril Présentation de la phase diagnostic 7 mai Présentation des 6 schémas directeurs 5 juin Présentation des 17 projets 16 17 I De l’infrastruture à l’ouvrage d’art paysager Juliette Hochart, Audrey Josselin, Juliette Ols Schéma directeur I. Le canal, conçu comme un outil de développement économique du territoire Le CSNE s’inscrit dans un paysage agricole ouvert. Imaginer pouvoir l’insérer en cherchant à le cacher serait un leurre. Nous proposons au contraire d’assumer pleinement la force paysagère de ce grand ouvrage d’art. L’enjeu principal est de faire de cette infrastructure d’échelle internationale, un outil pour recomposer et re-dynamiser la vie locale. Les pôles d’activités implantés à proximité du canal et des franchissements accompagneront le développement urbain. Faire réémerger la Tortille permettra de traiter les interstices à l’échelle des villages et ainsi d’ouvrir les centres bourgs sur le canal. II. Faire dialoguer les différents réseaux hydrographiques III. Le canal, conçu comme outil de création d’espaces publics Le Canal se présente comme un outil écologique reliant les cœurs de nature des trois entités paysagères que sont la Vallée de la Sensée, le plateau agricole et la vallée de la Somme. La Tortille, un affluent de cette dernière, a perdu sa place et la centralité qu’elle créait dans la vallée, suite à la mise en service du canal du Nord. La mise en service du canal Seine Nord Europe donne l’occasion de la faire ré-émerger. L’un des objectifs de ce projet sera de reconstruire les paysages liés à ce cours d’eau. Le CSNE, en plus d’être un axe de communication, est traité dans son épaisseur pour créer une succession d’espaces publics. Chacun s’inscrit dans une logique pédagogique, faisant du CSNE un observatoire du paysage. Dans sa dimension économique, le canal crée des circuits courts entre les villages. Il offre également une opportunité de développer une attractivité touristique liée à l’aménagement des annexes hydrauliques. IV. Le végétal : une mise en relation du canal avec le territoire traversé La dynamique, liée au remembrement des terres agricoles, enclenchée par le projet, instaure un nouveau dialogue entre les acteurs du territoire et favorise le développement de nouvelles pratiques agricoles. Ces dernières, associées au paysage bocager que le projet propose de constituer, favoriseront les continuités écologiques et enrichiront la flore et la faune locale. Les alignements permettent de souligner le relief et d’agir comme des repères dans le paysage, à l’instar de la route des Flandres. Le projet propose de mettre en valeur les intersections entre les routes romaines et le CSNE par le biais du végétal et d’affirmer le canal dans le paysage. Les boisements sur lesquels nous nous appuyons sont de quatre types dans le bassin de la Tortille : Les boisements historiques, comme le bois d’Havrincourt, ont très peu évolué. Ils forment des masses repères à conforter grâce à la compensation de quatre arbres plantés pour un arraché. Les boisements « économiques », comme les peupleraies et les vergers seront le support de nouvelles pratiques agricoles, plus respectueuses de l’environnement (agroforesterie, pratiques sylvopastorales). Les remblais du Canal du Nord forment des boisements peu pratiquables et des milieux plutôt pauvres. Le projet propose de modeler ces dépôts pour dégager des vues stratégiques et utiliser des techniques modernes favorisnant la colonisation végétale. La ripisylve est une entité paysagère liée à la Tortille. La reconstituer permet de concilier les trois échelles que sont celles du cours d’eau, du canal du Nord et du CSNE, et de l’intégrer dans la dynamique du canal vivant. Structures végétales Références Développer un pôle attractif de loisirs Au lieu-dit ‘‘le champ Poirier’’ , associer l’écluse au village par la figure du verger 75 m 105 m 0 85 m 1500 m 75 m Au lieu-dit ‘‘les petits prés’’ : encourager l’entretien pastoral des milieux humides 1200 m 50 m CSNE Bassin de la Louette 105 m Etudier la possibilité de rendre publique la forêt de Firmin en lisière du port céréalier 75 m 70 m 150 m Haies bocagères 725 m La Tortille et sa ripisylve 92 m 75 m 150 m Paysage agricole du plateau 85 m 150 m Tortille Etricourt-Manancourt 85 m 95 m 85 m 75 m CSNE S’inscrire dans un processus de reboisement Créer des réserves naturelles Fins Etricourt-Manancourt Equancourt Reconquérir le Canal du Nord pour redessiner le nouveau lit de la Tortille Allaines Aménager la centralité des villages en valorisant La Tortille Conserver des points de vue remarquables à l’occasion de la mise en oeuvre des éléments techniques du projet Qualifier de nouveaux espaces publics en frange de village Moislains Développer de nouvelles attractivités Vergers et lac de la Louette Haies bocagères 75 m Conserver & DIVERSIFIER la dynamique agricole du territoire Nurlu Allaines Aizecourt-le-Haut Restaurer les paysages bocagers de fond de la vallée 110 m N 375 m CSNE marquer l’intersection des voies anciennes et nouvelles par la plantation d’essences remarquables 60 m La Butte du Tarteron, colonisée par le temps : observatoire du territoire 100 m Ytres 300 m Moislains Développer un marais pédagogique 100 m 80 m Renforcer l’usage d’ énergies renouvelables Neuville-Bourjonval Purifier l’eau de la Tortille Valoriser le paysage de ripisylve et de marais La Tortille et sa ripisylve dans le canal du Nord Berges lagunées et annexes hydrauliques Ruyaulcourt Souligner l’infrastructure par la plantion de nouveaux alignements 350 m Réaffirmer la Tortille comme élément structurant du centre-ville Les haies, outil de diversification des pratiques agricoles Ouvrir sur le canal Déplacer lez zones de remblais projetés Agrandir le coeur de nature Paysage bocager de la vallée PÉRONNE 0 500 m 18 19 I un canal créateur de nouveaux espaces publics Juliette Hochart, Audrey Josselin, Juliette Ols Etricourt-Manancourt Juliette Hochart 3 projets Retrouver le lit historique de la Tortille pour imaginer une nouvelle chaîne d’espaces publics La butte de Longueviolle + 5 ans Le village d’Etricourt-Manancourt est amené à devenir la nouvelle source de la Tortille. Le projet propose de restaurer la rivière dans son lit historique et, par un travail d’aménagement des déblais, de renforcer le relief existant pour dégager des points de vue sur la vallée du Tarteron et séquencer le passage du CSNE et de la Tortille. La résurgence de la Tortille et le travail sur les déblais permettent également d’anticiper les changements paysagers induits par le CSNE : la possible construction à terme du bassin de Tarteron, ou la disparition d’une partie des voies de communication. L’arrivée du CSNE est également une opportunité de diversification des usages : les chemins d’accès au canal sont nombreux et permettent ainsi la multiplication de boucles de promenade, qui rompent avec la monotonie du tracé linéaire de la vélo-route, le long du canal. Une agriculture diversifiée de fond de vallée (pâturage, vergers, et autres formes de polycultures) sera également privilégiée le long de cette nouvelle Tortille. La butte de Longueviolle + 20 ans Le renouveau paysager d’Etricourt-Manancourt ainsi porté par le CSNE permettra donc un renouveau d’usages et de pratiques, grâce à la reconstitution progressive d’un paysage humide de fond de vallée. Le parc du canal souligné par un double alignement de frênes Habiter la pente Canal Seine Nord Europe 0 Moislains 15 m Juliette Ols Mettre en valeur les réseaux hydrographiques, et proposer l’urbanisation du bord-à-canal Comment poursuivre le rayonnement de Moislains après la construction du CSNE ? Les remblais : un potentiel de développement économique et urbanistique pour le village Allaines En Somme.... restaurer la Tortille Avec 1200 habitants, Moislains est le plus grand village du bief de partage. Il rayonne sur ses territoires alentours et il y a un besoin réel de travailler sa relation avec le CSNE pour répondre aux problématiques que ce dernier pose en termes de remblais, de biodiversité, d’espaces délaissés, d’agriculture remembrée. Le projet propose de répondre aux questions suivantes : . Comment continuer à faire rayonner Moislains après construction du CSNE sachant que de multiples voiries d’accès en partie Est vont être fermées ? . Comment intégrer le CSNE dans la dynamique locale en termes d’économie, de pratiques de l’espace public ? . Quel avenir donner aux remblais situés entre les deux canaux et provoquant une situation nouvelle dans la partie Est du village ? Moislains s’est implanté dans une géographie de fond de vallée, le long de la Tortille. Le Canal du Nord a bouleversé le système hydrographique de la vallée et a limité l’expansion du village dans sa partie Est. Avec l’arrivée du CSNE, le but n’est pas de créer une autre limite franche du village mais de considérer l’espace libre entre ces deux canaux comme une opportunité de développements économique et urbain. Les constructions peuvent s’établir sur plusieurs décennies et pourront être considérées comme étant de différents types (activités, habitations) en fonction de l’évolution démographique et économique et permettront de construire les façades de bord à canal. La reconversion du canal du Nord en promenade va permettre de faire rayonner le village à l’échelle du tracé du CSNE et de faire découvrir les différents paysages créés par ce dernier. En s’appropriant les aspects techniques du projet, le village de Moislains va être le centre de nouvelles pratiques, de nouveaux usages à l’échelle locale et départementale. En impulsant de nouvelles dynamiques à l’échelle locale, le CSNE est bien plus qu’un outil de développement économique international. Audrey Josselin Sur ce bief de partage, le Canal va prendre place dans un paysage rural, marqué par l’Histoire, le long d’une vallée de la Tortille bouleversée par la création du canal du nord. Imaginer ce canal comme un ouvrage d’art paysager, peut en faire un outil pour redonner une identité à cette vallée. Le village d’Allaines est situé en aval de la rivière, proche du point de confluence avec la Somme. Le site est d’autant plus important qu’il jouxte les étangs de la Haute-Somme connus et fréquentés pour leurs richesses naturelles. L’enjeu ici, est donc de redonner à la Somme cet affluent qu’est la Tortille, pour étendre ce potentiel touristique. La gestion des trois échelles (monumentale, régionale et intime) permet de faire du canal le support de l’identité de la vallée, et un point de vue sur les richesses à la fois naturelles et paysagères qu’elle offre. Aménager le canal à proximité de la Tortille et du canal du Nord permet de proposer une diversité d’espaces humides, dont une rivière reprofilée, une ripisylve densifiée et des berges lagunées, renforçant ainsi le lien entre vallée et infrastructure. Le projet n’est donc plus seulement de chercher à cicatriser, mais de faire que chaque élément entre en résonnance avec la vallée dominée par un marqueur du paysage assumé et mis en scène. Associé à une annexe hydraulique dont l’échelle est sans rapport avec celle du village d’Allaines, le canal a l’opportunité ainsi de devenir sur cette section, un point attractif, donnant un nouvel attrait à ces paysages et à ce territoire. Bassin de retenue de la Louette Digue terrasse Canal du Nord la Tortille N 0 80 m 0 250 m 20 21 II Retrouver la vallée de la Tortille, de villages en villages . Un projet fondé sur deux entités paysagères Schéma directeur Thibault Chantre, Maud Nunez, Aliénor Layet Le Schéma Directeur propose de développer trois enjeux : Donner de l’épaisseur à la Tortille pour développer des zones humides et des annexes hydrauliques en relation avec le Canal Seine-Nord. l’objectif est de permettre le développement de nouveaux usages, notamment la création de zones de loisirs en lien avec les villages. Trouver les continuités végétales qui pourraient être le moyen de réduire la césure du canal et mieux associer les villages à leurs territoires. Utiliser les dépôts, inhérents au creusement du canal, pour développer une agriculture originale, liée au canal. . . Au nord, l’amont de la vallée présente un paysage plus sec qu’à l’aval. Ici nous proposons une intégration du canal par la mise en place d’une agriculture propre au canal et par le renforcement des boisements. Le bois d’Havrincourt est prolongé dans les vallées sèches pour rejoindre la vallée de la Tortille et sa ripisylve reformée et épaissie. La mise en place de liaisons douces est proposée entre Ytres, Neuville-Bourjonval, Bertincourt, Ruyaulcourt et Hermies pour permettre la mise en place d’un paysage de solidarité économique et administrative au cœur du bassin de vie de l’agglomération de Péronne. Au Sud, la vallée humide va tirer parti du croisement Système de solidarité urbaine N 0 2km des systèmes hydrauliques et permettre une réflexion sur le végétal. C’est le lieu propice aux aménagements d’annexes hydrauliques contribuant à l’objectif de création d’un ‘‘canal vivant’’. Sur l’ensemble du bief de partage, la mise en place d’un réseau de liaisons douces en lien avec le Canal Seine Nord Europe, vient opérer un maillage du territoire en connectant les villages de façon sécurisé pour les piétons et les cyclistes. Il permet aux enfants de rejoindre leurs écoles en vélo et connecte les villages à Péronne, leur ville de référence. Nous proposons des alignements tantôt espacés pour permettre des vues sur le territoire, tantôt resserrés en rideaux denses. La reconstitution de ripisylves est un vecteur de lien écologique entre les boisements et les éléments déterminants du système hydrographique du paysage rural. La restauration ou la réinterprétation de certaines structures végétales anciennes telles que les courtils, les arbres cadastraux, ou les haies parcellaires, constitue le support de corridors écologiques et humains. L’actualité retrouvée de ces formes anciennes vise à pallier l’homogénéité du territoire engendré par l’agriculture intensive et que risque d’accentuer les remembrements liés la construction du canal. Il s’agira de développer ici, une forme d’agriculture et d’espaces partagés en lien avec les usages récréatifs qu’occasionnent le canal. Ytres L’agriculture représente un potentiel de projet pour gérer certaines mitoyennetés. Le projet propose la création de formes spatiales telles que des cultures en restanques sur des dépôts, des espaces de cultures partagées, des zones de pâturages et de près commun pour la constitution de parcs agricoles. Les vallées sèches, sont soulignées par l’implantation d’une végétation dense permettant de limiter le ruissellement des eaux, l’érosion des sols, de façon à créer des continuités écologiques et souligner le socle géographique. Enfin les dépôts sont mis en oeuvre dans la continuité des reliefs existants, de façon à renforcer la structure géographique des vallées. Etricourt-Manancourt Des enjeux représentés par 3 villages Ruyaulcourt Etricourt Neuville-Bourjonval Bassin de Louette Vallée de Tarteron Manancourt Canal du Nord Allaines CSNE Ytres CSNE CSNE Moislains A2 Péronne Ytres .. . Habiter l’entre-deux en développant une statégie végétale Inscrire les sites de dépôt dans les grandes lignes topographiques du territoire Renforcer les chemins, vecteurs de lien entre les villages. .. . Allaines Etricourt-Manancourt Organiser les dépôts dans la continuité du socle existant. Cadrer les vues sur les espaces agricoles depuis le village. Développer une zone humide en cohérence avec le réseau de vallée, la Tortille, le canal du nord et le CSNE pour intégrer les annexes hydrauliques Développer les structures végétales dans le fond de vallée pour limiter l’érosion des sols. . Allaines Zones humides Chemins de randonnée Canal Seine Nord Europe Agriculture en relation avec le canal Alignements denses, resserrés Annexe hydraulique Alignements espacés La Tortille Végétation soulignant les vallées N Harmoniser et conjuguer les différents systèmes hydrauliques 0 2km 22 23 II Aménager les mitoyennetés Ytres Ytres Thibault Chantre, Maud Nunez, Aliénor Layet 3 projets Ytres,habiter les lisières Le village d’Ytres est peut-être un des villages où se pose le plus clairement la question de la mitoyenneté. Le Canal y passe à 120 m d’un village déjà frôlé au nord, par l'autoroute A2. Comment traiter l'espace de l'entre-deux, entre village et canal ? À cette question s’ajoute celle des dépôts, qu’il est prévu de disposer au nord-est du village, sur la rive est du canal, ce qui risquerait d'amplifier l'effet d'enclavement. Enfin, le passage du CSNE détruit 90 000 m2 du Grand bois d'Ytres qu'il s'agit de compenser dans le projet. Toutes ces problématiques peuvent être l'occasion de donner une identité aux paysages du Canal Seine Nord Europe. Le projet autour d'Ytres consiste en un travail sur la topographie et le profilage des dépôts. Ces nivellements permettent l'intégration de l'autoroute et la réimplantation d'une agriculture en openfield. La stratégie végétale se développe selon un jeu de lisière laissant percevoir - ou non - le paysage. Elle répond aussi à la (re)-constitution d'un maillage de liaisons douces à l'échelle du bassin de vie permettant de rejoindre les écoles et collège de Bertincourt et Ruyaulcourt sur d'anciennes infrastructures de transport abandonnées (canal du nord et voie ferrée). Aliénor Layet Une plaine vivante au contact du canal Concevoir le croisement du Canal et de l’autoroute comme un évenement à signaler Habiter l’entre deux, accompagner l’ouvrage Remettre en culture les sites de dépôts du Canal Seine-Nord Europe Étricourt-Manancourt Réconcilier le village avec son territoire Ripisylve de la Tortille Ce projet propose de retrouver la cohérence géographique du fond de vallée et d'insérer le CSNE dans la topographie existante. La position ‘‘en balcon’’ du village d'EtricourtManancourt ménage des vues sur les vallées de la Tortille et de Tarteron que le projet cherche à valoriser. Pour se faire, la Tortille est en partie restaurée dans son lit naturel, créant ainsi un paysage de ripysilve en fond de vallée. Les dépôts sont insérés dans la topographie existante et viennent souligner les versants de la vallée de Tarteron, Par cet artifice, les formes du relief sont valorisées afin de préfigurer l'arrivée du futur bassin. Parallèlement, le projet développe un réseau de cheminements permettant d'assurer des liaisons avec la Vélo'route développée le Etricourt Haie nourricière en bordure de chemin Rue Principale Tortille Tortille Sur le site d’Allaines doivent être aménagés l’immense retenue d’eau du bassin de la Louette, et le point de connexion du Canal du Nord au canal Seine-Nord Europe. L'implantation de ces éléments pose plusieurs questions: des enjeux d'échelle d’infrastructures, de qualité des liaisons urbaines locales, de remembrements agricoles et de prise en compte des usages et pratiques locales. Le projet propose de faire des dépôts un moyen d’insertion du bassin et du Canal Seine-Nord au relief et au système de vallées existantes. Les 92 hectares du bassin de la Louette sont conçus comme un lieu de promenade et de pêche. Il est proposé de créer des circuits autour du bassin et qui se prolongent pour relier Allaines et les deux canaux afin de réhabiliter certains chemins agricoles et étendre le circuit de la véloroute mise en place le long de la vallée de la Somme. Le maintien de l’activité agricole est un facteur d’insertion du canal dans son territoire. Les deux tiers de ces paysages sont ici cultivés depuis des millénaires et il est essentiel de préserver autant que possible toutes les 50 m Etricourt-Manancourt long du canal. Les chemins routiers coupés par le passage du canal sont réhabilités, afin de mettre en place des liens avec le village d'Etricourt Manancourt.. En outre, les dépôts réorganisés accueillent des prairies et des espaces de pâturages permettant de diversifier les formes agricoles et de créer une diversité écologique. Ainsi, l'interstice compris entre les villages et le CSNE est recomposé autour des motifs agricoles. Enfin, une hiérarchie des structures végétales est instaurée. L'échelle du Canal Seine Nord Europe est soulignée par des vergers, qui traduisent une réinterprétation de la figure historique de l'alignement. Ils permettent de créer un second plan dans le paysage de la vallée et amorce les boisements situés sur les berges ouest du CSNE. Thibault Chantre Prairies Vélo-Route Dépôt exploités dans la pente naturelle Cheminement le long de la Tortille Allaines, ‘‘Le Paradis-à-Vache’’ 0 Canal SNE Canal SNE 0 50 m Maud Nunez formes d’activité agricole. C’est notamment le cas de l'entredeux laissé entre le canal du Nord et le canal Seine-Nord que le projet prévoit de rendre à l’agriculture. Enfin, pour poursuivre les éléments identitaires du paysage, les parcelles redessinées suite au chantier du Canal Seine Nord seront délimitées par des arbres repères, et accompagnées d’éléments caractéristiques du département de la Somme, tels que les haies, les rideaux, ou les fossés plantés qui s’ajoutant aux berges lagunées et annexes hydrauliques seront autant de nouvelles réserves de biodiversité de ce territoire. Roselière Bassin de la Louette Noues 0 Zone humide Arbres ‘‘cadastraux’’ CSNE 50 m Canal du Nord Allaines Allaines N 0 500 m 24 25 Léa Badel, Alan Douchet, Cyril Guimard Assumer la monumentalité Annexes hydrauliques Continuités écologiques YTRES CSNE A2 Délaissés agricoles Bois D172 Fond de vallée Villages bosquets D58 N 0 Accompagner l’insertion du canal dans le paysage ETRICOURTMANANCOURT 500 m Trois sites sont identifiés à l’interface de ces deux systèmes Il s’agit des villages d’Ytres, Étricourt-Manancourt et Allaines, dont la situation à proximité de la Tortille ou dans les fonds de vallée, résulte d’une logique héritée d’un système-rivière, bouleversé par l’arrivée du canal du Nord. 7 Prenant appui sur le socle géographique et les systèmes composés par la vallée de la Tortille et ses vallons affluents, ce scénario propose la mise en place d’une stratégie d’aménagement. Cette stratégie vise à intégrer l’ouvrage technique du canal dans le long terme et activer -ou réactiver- des dynamiques écologiques, sociales et paysagères en lien avec les nouveaux paysages que ce nouveau canal va générer. C’est à l’interférence entre le système-canal et le système-rivière, et aux points de rencontre de ces deux entités que sont situés les enjeux de l’intégration du CSNE. Abordant tour à tour la grande échelle et l’échelle locale, l’activité humaine et l’activité écologique, la technique et le paysage, ces points névralgiques du futur paysage en lien avec le CSNE deviennent des sites cruciaux pour réussir l’insertion du canal dans son territoire. D91 Schéma directeur III L’ambition d’un canal vivant : fédérer, révéler, assumer Un exemple d’enjeu situé moislains 7 D101 • Au sud d’Etricourt-Manancourt, il s’agit de travailler sur la liaison entre le village et le canal par la gestion des dépôts déposés en berges lagunées. Ainsi associés au canal et à la Tortille, les bois du sud du village peuvent devenir de véritables vecteurs de biodiversité. • À Allaines, il s’agit d’aménager l’espace de l’entre-deux canaux de façon à ce qu’il ne devienne pas un délaissé. Ici encore, l’aspect social peut être un vecteur majeur pour développer l’ambition d’un canal vivant, car le site est doté de plusieurs possibilités d’accroches : le bassin de Louette, la nouvelle écluse, l’ancienne écluse, la Tortille… • À Ytres, plusieurs enjeux sont mis en évidence : la monumentalité de l’ouvrage à proximité du village, la gestion des talus, la séparation avec le cimetière communal. Un nouveau système d’espaces publics fondés sur les usages locaux permettra de créer une accroche entre ces villages et le canal. L’arrivée d’une vélo-route le long du canal permettra de relier ces villages entre-eux dans la longueur et de venir les inscrire dans une échelle nationale et Européenne grâce à une mobilité verte. Au delà de ces enjeux situés, notre diagnostic nous à aussi conduit vers des enjeux thématiques qui se retrouveront tout au long du canal et de sa projection. Il s’agit d’assumer la monumentalité de l’ouvrage, de l’intégrer plutôt que de le cacher, et d’en faire un élément fédérateur du grand territoire. Une gestion dans le temps est à prévoir et peut s’étaler au delà du temps de chantier du CSNE. En effet, la conclusion de notre diagnostic conduit parfois à remettre en cause des limites techniques définies pour l’implantation de l’ouvrage par VNF et d’aller chercher au-délà pour lui donner une plus forte consistance et une plus grande valeur paysagère. La rencontre avec les différents acteurs du territoire et leur coopération au projet du CSNE seront porteuses d’une meilleure intégration du futur canal. Au final, l’objectif de notre démarche est de donner de l’ampleur au Canal Seine-Nord Europe grâce à l’opportunité qu’il offre de combiner une fonction technique et économique ainsi qu’une fonction sociale et écologique. Il se dote d’une multitude d’annexes qui vont permettre de réaliser un projet fédérateur. La nouvelle infrastructure se présente ainsi comme une véritable opportunité pour développer un territoire vivant, depuis l’échelle du territoire européen jusqu’à l’échelle des différents villages. CSNE canal du nord ALLAINES Utiliser le temps comme outil d’insertion du Canal Seine-Nord dans ses paysages PÉRONNE 26 27 III L’ambition d’un canal vivant : fédérer, révéler, assumer Léa Badel, Alan Douchet, Cyril Guimard 3 projets Ytres Pratiquer le canal au quotidien Coupe AA’ : 1/1000 ème Reconnecter ce village dans le maillage des villages L’ambition d’un canal vivant repose sur la cohabitation de deux logiques : le système canal et le système rivière. Notre conviction est qu’une grande partie des enjeux champ d’insertion paysagère de ce futur canal se situent à la lisière de ces deux systèmes. Ytres est un village de moins de cinq cents habitants. Situé un plein coeur d’un paysage ouvert et agricole, il est déjà fragilisé par le passage de l’autoroute A2 au nord, et risque de se retrouver enclavé par le chantier du CSNE qui menace de l’isoler des villages voisins. Pour pallier cela, le projet propose d’aménager une promenade le long du canal, prolongée par un alignement d’arbres passant par la rue PierreWatel et la rue-du-Moulin. Ce parcours offre un nouvel espace public de promenade associant le village au canal, et cette promenade se prolonge en dehors du village par un réseau plus vaste de chemins plantés, à la fois corridors écologiques et supports de circulations douces pour la mobilité locale. Ce réseau de chemins reliant les villages d’Ytres, Neuville-Bourjonval, Bertincourt et Ruyaulcourt, permet à ces communes de se regrouper et de former un maillage territorial, mieux à même de faire face au problématiques rurales. À terme, la mise en place d’un P.L.U.I. (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) pourrait poursuivre le développement de ces relations et jouer un rôle stratégique dans le développement futur de ce grand paysage rural. Alan Douchet aujourd’hui Dépôts boisés Sol préparé grâce à un paillage réalisé grâce au déboisement des arbres existant Dépôts du canal du nord Canal du nord Le Grand Marais Champs de blé et de colza Annexe hydraulique et restauration du Grand Marais Alignement de Robinia pseudoacacia zone humide étanche grâce à un mélange dépôts-argile planté à 15 m du canal Chemin de halage du CSNE Véloroute mélange terre-pierre dans 30 ans ts pô dé Emprise du canal du nord réutilisation des bois en copeaux pour paillage argile pour rendre l’annexe étanche Le Canal Seine-Nord Europe Canal Seine-Nord 0 10 20 30 40 50 m pelouse calcicole auvegardée CSNE Espace de reserve écologique champ Restaurer les entités fortes du paysage Le projet propose de conduire l’ambition d’un canal vivant à une double échelle, à la fois européenne et communale. Il se fonde sur la conviction que ce canal peut devenir un élément fédérateur du territoire par sa dimension écologique et sociale. La singularité du village d’Etricourt-Manancourt réside dans la présence d’un des rares boisements de ce paysage d’openfield, et dans celle du marécage généré par un ancien méandre de la Tortille. Quatre outils principaux sont sollicités. Les dépôts permettent de renforcer la topographie actuelle ou d’intégrer les remblais du canal, afin qu’ils ne créent pas de césure dans le territoire. Deux annexes hydrauliques sont réalisées : l’une est placée dans la vallée de Tarteron et pourrait devenir à terme une base de loisir, l’autre permet une restauration du Grand Marais, élément symbolique de la reconquête de la Tortille. Un travail est mené sur l’épaississement des lisières des grands bois privés pour replanter 23 hectares de bois, accessibles au public et donner ainsi l’impression d’un seul et même bois continu. Des multiples cheminements longeant ou traversant les cours d’eau proposent une diversité d’ambiances. Enfin le projet s’inscrit dans le temps et propose de développer une stratégie sur le long terme en suscitant auprès des différents acteurs du territoire, des projets à une échelle plus réduite telles que des plantations d’arbustes le long des routes principales, ou des noues paysagères entre les parcelles agricoles. Léa Badel Promenade le long de la lisière retravaillée des bois Promenade le long de l’eau qui reprend le tracé de la Tortille pelouse calcicole accéssible Bois existants Vers le bois des Sapins et le bois de l’Eau Travailler avec le temps... Allaines, Dessiner les continuités naturelles entre entités humides Pour développer l’ambition d’un canal vivant sur le site d’Allaines, l’un des enjeux majeurs est de mettre en réseau les différents systèmes hydrauliques. Pour y parvenir, le projet propose de modeler la nouvelle topographie imposée par les terrrassements de façon à créer des retenues d’eau de ruissellement et ménager un maillage de fossés permettant le developpement d’une faune et d’une flore de zones humides. Le circuit ainsi mis en place établit des continuités écologiques entre les différentes entités de ce paysage que sont le bassin de la Louette, le CSNE, le canal du Nord et la Tortille. À terme, la végétation accompagnant ces zones humides offrira une transition entre l’échelle locale du village et l’échelle monumentale de l’infrastructure navigable. La problématique de l’entre-deux canaux est résolue d’une part, par le maintien d’une agriculture enrichie par l’apport écologique des fossés-parcellaires, mais surtout par l’aménagement d’une aire de loisirs à l’extremité de la presqu’île. En effet, plutôt que d’imaginer une double gestion hydraulique et touristique (potentiellement conflictuelle) du bassin de la Louette, le projet propose de créer une base de loisirs indépendante sur ce site très enclavé. Le canal vivant construit ainsi son épaisseur dans le territoire. Compris avec ses dimensions sociales, patrimoniales et écologiques, le Canal Seine Nord Europe s’inscrit dans le paysage d’Allaines en proposant une alternative au ‘‘tube à péniche’’ et témoigne par tous ces aspects de la dynamique du vivant qu’il peut enclencher à différentes échelles. Cyril Guimard L’épaisseur d’un canal vivant Mettre en réseau les différentes structures hydrauliques 0 500 N 28 29 Schéma directeur IV Révéler le socle du paysage Clara Bompart, Clément Large, Orlando Bussonati L’enjeu principal est d’utiliser les dépôts comme moteur de projet, afin qu’ils n’accentuent pas la coupure produite par le canal, mais au contraire qu’ils servent à l’intégrer par une amplification de la topographie existante. Nous avons donc choisi de retourner plusieurs fois sur le site pour apprendre à mieux connaître le canal du Nord et la logique d’évolution de ses déblais. En suivant pendant une journée le canal, nous avons pu nous rendre compte que notre première approche d’un canal séquencé sur toute sa longueur, où se succéderaient les enjeux n’était pas forcément juste. Le canal est apparu comme une amplitude plus ou moins importante au fur et à mesure de ses rencontres : villages, boisements, vallées, … S’inspirer des leçons du canal du Nord... Cette visite du canal a fait émerger des aspects importants à prendre en compte. Le canal n’est pas un obstacle visuel. Ce qui fait obstacle, ce sont les éléments qui l’accompagnent et le longent (les déblais, les boisements). Les différentes formes de ces éléments permettent tout de même de proposer des cadrages sur le territoire. La multiplication des outils de liaison permet de ne pas interférer dans le maillage existant entre les villages. Ces franchissements sont autant de points d’entrée sur le chemin de halage. Des promenades sur les hauteurs, en lisière, offrent une nouvelle relation au canal, plus distante. La nature des dépôts, en calcaire, n’a pas permis une réelle renaturation des remblais, et laisse apparaître une végétation assez pauvre (mousses, bouleaux, cornouillers...). Si certaines positions des dépôts semblent judicieuses, d’autres au contraire ont un effet de coupure du canal et de son territoire. Il semble nécessaire de proposer une alternative aux dépôts exclusivement le long du tracé, en envisageant de rechercher des zones de dépôts un peu plus éloignées ou plus étendues. En effet, les dépôts calcaires ne pourront jamais accueillir une végétation fournie et variée sans un travail préalable, sur l’angle des talus, sur la reconstitution d’un sol et sur le choix du type de végétation. Ces trois critères sont déterminants pour assurer une viabilité et durabilité des talus du canal. La reconstitution du sol, étape fondamentale pour permettre l’installation d’une végétation variée est un processus long. La première étape est de laisser les plantes pionnières s’installer, accompagnée de semis expansifs et de réaliser une fauche ainsi qu’un broyage tous les trois à cinq ans. Le produit est laissé sur place : cette étape de décomposition naturelle permet la constitution d’un sol et d’une litière. Répétée plusieurs fois, en fonction des plantations prévues et de l’épaisseur du sol attendue les talus deviendront foisonnant de végétation. Les usages pourront ainsi varier : pâturage, boisement exploités, voire même remise en culture. ... pour dessiner un schéma directeur. Dans un premier secteur, le canal prend une position autonome, positionné en tranchée. Il prend la forme d’un corridor écologique à Ytres en lien avec les boisements comme celui d’Havrincourt. Les dépôts ne se positionnent pas le long de la tranchée, mais viennent épouser la forme de la vallée afin de préserver les co-visibilités entre villages ainsi que les différents points de vue. Sur le reste du parcours le canal prend plus ou moins d’amplitude. Il constitue des points relais avec son territoire. Par exemple, à Etricourt-Manancourt et Moislains, l’urbanisation vient épouser le canal dans une relation directe par des aménagements, des parcours sportifs ou récréatifs. Les boisements viennent lier les deux villages en prenant de l’amplitude. Les dépôts viennent une fois de plus épouser le territoire sur les plateaux avec une gestion de renaturalisation. Le projet paysager du canal devra donc amplifier la structure topographique de la vallée pour garantir des connexions entre l’infrastructure et le milieu qu’elle traverse. Par cette logique, le canal Seine-nord Europe peut devenir support de nouvelles formes d’urbanité, de cohérences environnementales et de nouveaux espaces de loisirs grâce aux différents cheminements. Trois critères pour tenir les talus : l’angle, le sol, les plantations Quatre étapes pour repeupler Relations directes Ouvertures Temps 0 // Végétation spontanée, terre calcaire, biodiversité nulle Temps 1 // Semis expansifs, terre calcaire, biodiversité nulle Temps 2 (5 ans) // Taille à raz et broyage sur place des jeunes pousses et arbustes Co-visibilités Temps 3 // Constitution d’un nouveau sol pouvant accueillir des plantations forestières ou cultures Temps 4 // Gestion forestière ou culture Zones de déblais N 0 10 Km Ponts Extensions urbaines 30 31 IV Révéler le socle du paysage Clara Bompart, Clément Large, Orlando Bussonati 3 projets Ytres,une opportunité d’évolution vers une ‘‘forteresse verte’’ L’élaboration d’un projet de paysage sur le site d’Ytres parait indispensable. Le franchissement du bief de partage, impose en ce lieu, un passage en tranchée du canal qui va générer d’énormes quantités de déblais et qui placera le village d’Ytres, déjà cerné par l’autoroute A2, au bord d’une tranchée de près de 40 mètres. Paradoxalement, cette situation délicate peut être une chance pour Ytres. Par cet immense chantier, le village peut retrouver un équilibre, une nouvelle cohésion urbaine en offrant une véritable valeur ajoutée aux talus. Pour cela, nous proposons que les habitants et les nouveaux aménagements regardent vers le canal. Cela passe concrètement par un remodelage du profil des talus. La création d’une pente adoucie entre le village et le canal, permet une utilisation modulable des fonctions et une pluralité d’usages (habitat, agroforesterie, pépinière, pâture, agriculture, voire même des solutions de bâti). Le profilage des dépôts permet de réduire les nuisances sonores des riverains et de créer des séquences et des rythmes dans les parcours proposés. Le projet s’accompagne d’une stratégie de plantation, qui tend à créer une forêt linéaire en bordure de canal, avec un jeu de densité et de nappes de végétaux assurant une couture avec la trame de bocage existante. Ces nouveaux aménagements vont se parcourrir par plusieurs types de chemins créant un véritable maillage d’espace public, traversant les talus d’Ytres à différents niveaux : sur les crêtes, dans la forêt linéaire, sur le soutènement en calcaire permettant de profiter des la vue, et en contre bas sur les chemins de halage pour les villageois qui, de temps à autres, prendront le temps de s’aventurer jusqu’au fond de la tranchée. Le promontoire d’Ytres, occupation provisoire des parcelles Ytres 124m 98 m 87 m Clément Large Profil d’ouverture, cheminements et pluralité d’usages Etricourt-Manancourt Redonner une amplitude au canal pour l’insérer dans son socle Etricourt-Manancourt Bocage Tortille Randonnée piéton et cycliste Enrichissement en trois temps CSNE Arbres et arbustes L’attention au contexte donne sa légitimité à l’aménagement du Canal Seine Nord. Trois entités paysagères structurent aujourd’hui la ville de Moislains : La Tortille qui structure l’habitat et les déplacements en fond de vallée, une frange boisée parallèle qui isole une partie du village et enfin le canal du nord, établi en surplomb et qui tourne le dos au village de Moislains. La proposition est ici d’aménager trois séquences qui correspondraient à ces trois entités bien identifiées, liées au contexte d’activité économique d’entrée de ville, au développement urbain lié à la topographie et au canal, et au territoire agricole où se mêlent les cheminements et le cours de la Tortille. Ces différentes parties sont structurées par un réseau viaire existant pour lequel l’aménagement du CSNE impose un travail de retissage et de remembrement. La proposition envisagée pour la première séquence est de développer l’entredeux en associant l’entrée de ville et l’intégration du silo comme landmark à un espace paysager. La proximité des silos invite à conserver, sur la seconde séquence, un espace ouvert à long terme pour encourager le développement économique du canal. La proximité de la ville permet de tisser l’entre-deux par un espace paysager qui sert de point relais et de détente sur le parcours sous la forme d’une friche entretenue à l’exemple du Landschaftspark de Duisbourg ou du Natürpark Sudgelande de Berlin. La troisième séquence profite de la position haute du canal en utilisant les déblais en excès situés en amont pour asseoir le profil du canal en aval. On a donc un espace plus piétonnier et cycliste qui passe progressivement d’un aménagement urbain en amont à un aménagement plus rural, lié à la randonnée. Les dépôts situés sur l’emprise du canal sont alors gérés de façon à y rétablir à long terme l’activité agricole. Orlando Bussonati Champs Moislains, Tisser l’entre-deux Prés du Poste + 20 ans Bocage Chemin public La Tortille Ripisylve CSNE Zone de dépôt à enrichir en vue d’une activités agricole Ripisylve + 5 ans Prairie sur déblais Champs existant Chemin public La Tortille La Tortille Ripisylve Champs existant Rue Principale En termes de paysage, l’une des principales actions à opérer sur le site d’EtricourtManancourt, est de correctement positionner les dépôts de part et d’autre du CSNE de façon à dénaturer le moins possible la topographie existante. L’objectif consiste à implanter les déblais de façon à épouser et renforcer les reliefs existants et surtout éviter qu’ils ne créent des bourrelets incongrus en fond de vallée. Dans cette même logique, le projet propose de restaurer la Tortille dans son lit naturel, et renforcer ainsi par des ripisylves les différents plans de végétation entre le village et son canal. Ces deux propositions visent à redonner la rivière aux riverains et réconcilier le village avec sa géographie. Par cette démarche, le CSNE s’insére en douceur et s’accompagne d’un maillage de chemins et de parcours qui s’adresse tout autant aux cyclistes de la vélo-route, qu’aux villageois. L’intégration des dépôts passe également par la mise en place d’une dynamique végétale sur le long terme. Plusieurs techniques sont développées en fonction des résultats attendus. Les dépôts boisés nécessitant un résultat rapide, sont par exemple plantés d’essences à croissance accélérée (frêne, noisetier, pin, peuplier). Sur les autres sites de dépôt est opéré une naturalisation par re-création d’une litière (fauche successive et broyage sur place). Le principal objectif est donc bien d’accompagner la structure du paysage existant et de mettre en place les conditions d’un nouvel équilibre. Clara Bompart Ruralité et renaturation Parc paysager en terrasses Vues préservées sur le vallon Conservation des vues sur le paysage et diversification des usages Moislains 32 33 V Anticiper le Ghislain futurRabeil, paysage Julien Truglas Schéma directeur Hermies I. Anticiper le futur paysage pour assurer la reprise de la greffe Le schéma directeur est une étape essentielle du projet de paysage. C’est une phase de transition entre le diagnostic et le projet. Ce moment permet de prolonger les questionnements entrepris de les affiner, puis de les transformer peu à peu, en pistes de projet ou en éléments de doctrine susceptibles de structurer le développement des dessins des phases ultérieures. Les conclusions de notre diagnostic ont montré qu’il était essentiel d’anticiper ce que pourrait être le paysage après l’implantation du canal à grand gabarit. De là, s’imposaient deux grandes pistes d’aménagement reposant sur le travail de gestion des patrimoines naturels et humains présents. Ruyaulcourt La prise en compte de ces éléments patrimoniaux nous parait être la condition indispensable à l’insertion de l’infrastructure à travers ses paysages. Cette articulation est le fondement d’une reprise de la greffe, l’assurance d’une pérennité possible pour l’ouvrage. Equipements Promenade de loisirs du tour du lac Sentier équestre II. Le choix de deux sites clés Deux sites exprimant bien ces notions de patrimoine humain et naturel. Il s’agit d’une part de la ligne de crête du bief comprenant les communes d’Ytres, Ruyaulcourt, Havrincourt et Hermies, et d’autre part du versant sud du bief de partage qui s’étend vers la Haute Somme, paysages émblématiques de ce territoire. Maintien de digue (34m) Itinéraire par génie végétal touristique fluviale Berges lagunées Maraichage Port de plaisance Vers le GR 145 Vers la promenade Grand Projet Vallée de Somme Bertincourt Forêt d’Havrincourt III. Les interventions envisagées Allaines Bassin de retenue de la Louette Vers Bapaume Centre équestre Chemin de halage Moislains - Péronne: 8km - 30 min à vélo Chemin de randonnée Le canal entre ville et campagne Vers Péronne Comblement partiel Berges lagunées du canal Nord : Milieu naturel à chaîne d’étangs restaurer : haies Clairière bocagères, bosquets... Reboisement de 40 hectares Passage grande faune Bois de Retenu de l’eau dans la pente l’Eau Nécropole Nationale Bois des Sapins Vers le GR 145 Grand Marais Bois de Vaux Vallée Marquet Sur le site de la ligne de crête, le schéma directeur propose de répondre aux problèmes d’enclavement provoqué par l’arrivée du Canal Seine-Nord Europe en adoptant une gestion des talus, un reboisement et un renforcement des continuité écologiques susceptibles d’être perturbées. Des chemins de randonnée sont mis en place autour du canal et ses chemins de halage. Ils se complètent de chemins d’histoire reliant les villages et les cimetières militaires, témoignant des traces de la Grande Guerre, mais aussi d’une longue tradition d’invasions, comme en témoignent par exemple le réseau des ‘‘muches’’ autour d’Hermies. Le second site de projet se rattache à la coexistence entre le patrimoine urbain et naturel en vue d’un développement de l’agglomération de Péronne. Le schéma propose de créer des continuités écologiques entre les bois existants, des extensions hydrauliques afin de renforcer les qualités halieutiques du canal. En lien avec les zones urbaines et le contexte touristique de la vallée de la Somme, des chemins de randonnée sont proposés le long du canal, et plus loin dans le territoire. Neuville-Bourjonval Ytres Grands axes et canal : des couloirs de transformation du paysage Étricourt-Manancourt Gestion du patrimoine Le schéma directeur propose ainsi d’intégrer la greffe dans le paysage par un projet de modelage et de gestion des talus, des voies de communications humaines et naturelles qui assure le développement cohérent et mutuel du canal et du grand paysage à venir. Cheminement équestre Equipements sportifs Moislains Moislains Création de haies bocagères favorisant le passage de la grande faune Création de GR sur un territoire historique lié à la Grande Guerre Modelage du talus pour favoriser le passage d’animaux Création de prairie calcicoles sur les pentes Annexes hydrauliques réserves écologiques Un patrimoine naturel à valoriser Un paysage de craie Création de passages pour animaux et randonneurs Peupliers brise-vents Hermies Ruyaulcourt Boisement des talus avec un programme de gestion forestière Les bois à l’avenir permettront d’intégrer modèle d’agro-foresterie. Création de vergers Gestion des lieux de vie N 0 500 m 22 3423 35 Anticiper le futur paysage Ghislain Rabeil, Julien Truglas La reprise de la greffe sur la commune de Ruyaulcourt Ghislain Rabeil Le projet du Canal Seine-Nord Europe traverse le territoire de la commune de Ruyaulcourt en empruntant en partie le tracé du canal du nord. Le franchissement des collines de l’Artois, impose ici, une passage en tranchée spectaculaire qui va s’accompagner de la nécessité de trouver une place dans le paysage, à d’énormes quantités de déblais qu’il va falloir situer, modeler et gérer dans les limites de la bande de DUP. L’autoroute A2 crée déjà une césure dans le paysage au sud de Ruyaulcourt. L’ajout de la tranchée du Canal Seine Nord et de ses remblais risque de renforcer cet enclavement du village et restreindre plus encore les liaisons qu’il entretient avec les communes voisines. Travaillant sur le long terme, ce projet propose de restaurer sur cinquante ans les différents flux historiques, humains et naturels contraints par le chantier du canal. Pour cela, il propose d’intégrer les dépôts en harmonie avec les structures géomorphologiques et géographiques du site. Dans un second temps, il prévoit une étape de reboisement et de gestion pour restaurer et renforcer les passages de la faune entre les différents bois de chasse. Enfin, il prescrit de soigneusement reconnecter les chemins et les sentiers ruraux sectionnés par le tracé du canal de façon à en faire le support de parcours de randonnées, invitant à découvrir les différents patrimoines naturels et historiques de ce paysage. Naturation des talus 0/10 ans Naturation des talus 15/25 ans Naturation des talus à plus de 50 ans Chronologie de restauration des paysages 3. L’enclavement devient un site emprunté par les animaux, un itinéraire pour les usagers quotidiens ou les randonneurs 2. Les boisements éparses forment progressivement une forêt pionnière La reprise de la greffe sur la commune de Ruyaulcourt 1. Les dépôts deviennent des mouvements de sols intégrés et associés à la géographie 40 hectares de reboisement Des liaisons écologiques en créant des habitats à partir du canal Un maillage de communes développant des lisières forestières et agricoles Clairière Des chemins en surplomb, le long de l’eau Chaîne des lacs 1 kilomètre de berges lagunées Du chemin aux lieux Julien Truglas Lors de la phase diagnostic, nous avions identifié de forts enjeux écologiques et touristiques entre les communes de Moislains et d’Etricourt-Manancourt, du fait de la présence sur cette section du canal, d’un des rares massifs forestier qu’il soit amené à traverser. L’ensemble est constitué par trois petits bois: le bois des Sapins, le bois des Vaux et le bois Saint Pierre-Vaast, mais les cartes anciennes consultées montrent que ces masses boisées ont évolué : pendant la première guerre mondiale, le bois Saint-PierreVaast a été amputé d’une trouée d’environs 200 hectares, et entre les deux guerres, le creusement du canal du Nord a d’une part détourné le lit de la Tortille du fond de vallée au lieu dit le Grand Marais, et d’autre part séparé le bois des Vaux, (espace boisé classé), du bois des Sapins, (répertorié en ZNIEFF). Ces boisements morcelés constituent aujourd’hui des espaces de nature reconnus pour la qualité de leurs milieux, et des zones de relai importantes pour la grande faune. En seconde phase, notre schéma directeur s’était donné pour objectif la gestion des lieux de vie liés au canal, avec une doctrine d’aménagement fondée sur la prise en compte de l’héritage des lieux et l’anticipation de leurs développements. Dans la continuité de cette démarche, la stratégie de ce projet se fonde sur le potentiel des chemins comme lieux de vie. Il propose d’ouvrir des chemins en lisière forestière, accompagnant la mise en place de liaisons écologiques de part et d’autre du canal. L’objectif est de développer des sites favorables à la biodiversité, puis d’enclencher le développement d’une politique de reboisement qui réponde aux manques reconnus à l’échelle régionale. La seconde idée est d’aménager une liaison Nord-Sud en requalifiant les emprises du canal Nord en chaîne des lacs qui permette, là encore, de développer un maillage de chemins entre les communes contribuant à renforcer leurs relations. À terme, ces chemins sont conçus pour peu à peu, infuser le territoire et proposer des chemins de traverse qui ouvrent des continuités depuis les bois ou les berges du canal. Bois communal Cheminer sur les lisières Belvédère Des liaisons avec la véloroute passant par les Grands Marais Du chemin aux lieux JNC international Le parc ade la Deûle Deux projets V Verger public N 0 250 m 36 37 hermies Schéma directeur VI Le devenir du canal du Nord Clothilde Moriat, Pierre Vedovato, Julien Desagre Suite au diagnostic établi en phase précédente, ce schéma directeur propose d’impulser une dynamique d’intégration du nouveau canal Seine-Nord en s’appuyant sur la reconversion du canal du Nord. Pour cela, le projet se place dans une stratégie de reconquête des emprises du canal du Nord, de restauration de la Tortille, d’exploitation des délaissés et de valorisation des annexes hydrauliques. cette ‘‘épaisseur’’ (le canal du Nord, la Tortille, le Canal Seine-Nord Europe et ses annexes hydrauliques) puis il repère la manière dont cette épaisseur pourrait contribuer au développement des différentes entités paysagères que traverse le canal. Le projet montre les potentialités de corridor écologique continu qu’il offre avec ses successions de bois, de bosquets ou d’alignements existants. Il met également en évidence l’importance d’associer une véloroute à la nouvelle voie d’eau : à l’échelle de l’Europe, cette véloroute permet de relier le réseau cyclable du sud de Paris avec celui du Nord, et de relier directement Paris à Rotterdam en vélo. À l’échelle locale les liaisons douces incitent à développer des pratiques et usages favorisant une dynamique d’espaces publics entre -et au sein même des différents villages qui jalonnent le canal Seine-Nord. Le Canal Seine-Nord constitue un trait d’union entre la vallée de la Somme et la vallée de la Sensée. Notre projet s’attache à définir l’’épaisseur’’ de ce nouveau canal à travers les différentes séquences paysagères qu’il traverse. Il identifie d’abord les éléments qui fabriquent Séquence agricole Séquence topographique Ouvertures visuelles Séquence biodiversité Séquence urbaine et économique Séquence hydraulique et de loisirs Point repère / attractif Sentier randonnée / vélo Talus CSNE Canal du Nord La Tortille Annexe hydraulique Atténuer l’impact de l’ouvrage tous en préservant les vues sur le paysage agricole Paysage ondulant Préserver ytres Lier ruyaulcourt Agriculture Raisonnée véloroute randonnées bertincourt La partie nord du bief présente une séquence de paysage agricole ouvert, où le canal Seine-Nord Europe constitue une réelle rupture pour les mobilités Est/Ouest. Le village d’Ytres va se retrouver en situation de belvédère sur le canal, et risque d’être enclavé. Une gestion des déblais plus fluide permettrait d’accompagner l’ouvrage et travailler la question du seuil et des franchissements par des ouvertures visuelles et physiques sur le territoire. Ce chantier peut être l’occasion de réduire l’impact visuel et sonore de l’A2, de gérer le ruissellement induit par la forte pente et d’intégrer la véloroute. Il peut permettre enfin d’adopter une gestion écologique du tunnel desaffecté de Ruyaulcourt pour y développer un milieu humide et protégé, amenant une diversité faunistique singulière s’inscrivant dans la continuité écologique du Canal Seine-Nord. Chemin Pente adoucie pour limiter l’impact sur le paysage Plaine agricole Promenade belvédère au dessus de la tranchée Ytres bois d’havrincourt Espace urbain 1 e t ou a2 r o ut a Vélo voie GR Autoroute A2 équancourt Valoriser les entre-deux pour une meilleure relation entre Moislains et le Canal Seine-Nord Europe Le village de Moislains pose la question de la relation que peut entretenir le canal Seine Nord Europe et les espaces urbains. Le tracé du canal le long de ce long village-rue, fabrique un entre-deux, qui peut être le vecteur d’une nouvelle centralité et d’un nouveau rapport à la voie d’eau notamment du fait de la reconversion des emprises du canal du Nord et de la restauration de la Tortille. Pour tenter de diversifier les usages et rendre cet entre-deux plus attractif, la Tortille est réaménagée dans le centre du village. L’ancien canal du Nord accueille la promenade cyclopiétonne et s’accompagne d’espaces de jeux et de détente. Cet entre-deux intégrera et valorisera également les silos et quais céréaliers repères fondamentaux pour l’économie du territoire et témoins de la bonne santé économique du canal Seine Nord. Ainsi Moislains se tourne vers son nouveau canal en développant de nouveaux usages et une relation plus apaisée à son économie et Adoucissement des pentes à ses paysages. Végétalisation des berges de la Tortille Moislain La Tortille Restauration de la tortille dans le canal du Nord. Promenade de la Tortille. Promenade piétonne / vélo Quais céréaliers LOISIRS Dépots Plantation des chemins. Tortille Corridor Bouchavesnes randonnées vélo voie étricourtmanancourt Accessibilité Rendre lisible les différentes typologies hydrauliques par la pratique des espaces lagunage fins Restauration moislains Canal du Nord CSNE pêche neuvilleBourjonval Ytres Remblais isolation phonique, et mise à distance CSNE ruyaulcourt LOISIRS plaisance allaines péronne rancourt Bassin de Louette bois des vaux nurlu Spectacle du canal Sports collectifs Sur la section sud du bief de partage, l’eau est fortement présente. Sur ce site doivent se juxtaposer le canal du Nord, la Tortille, le canal Seine Nord, les 92 hectares du bassin de retenue de la Louette, ainsi que des annexes hydrauliques. L’emprise du projet de canal Seine Nord englobe tout cet ensemble et l’enjeu principal de cette séquence sera de donner des clés de lecture sur la complexité, les corrélations, les hiérarchies, et les complémentarités de tous ces systèmes hydrauliques. La création du grand bassin de la Louette à proximité de Péronne invite à imaginer l’implantation de sites de plaisance et d’activités de loisir. La nouvelle écluse du canal Seine-Nord Europe est conçue comme un nouveau repère du paysage. Les anciennes écluses du canal du Nord, ses écluses et son silo sont réhabilités et trouvent de nouveaux usages pour les habitants d’Allaines ou les usagers occasionnels. Réserve naturelle Centre nautique Port de plaisance bois saintpierre vaast bois des sapins Promenade belvédère autour du lac Vélo voie GR CSNE Centre équestre allaines Chemin Canal du Nord La Tortille bouchavesnes-bergen moislains 2 bois de gurlu bois sèvres allaines N 0 70 Km 3 38 39 Trois Projets VI Le devenir du canal du Nord Clothilde Moriat, Julien Desagre, Pierre Vedovato Ytres, un franchissement permettant un dialogue dans l’épaisseur Deux grandes questions ont guidé ce projet pour l’aménagement du site d’Ytres : Comment mettre en relation un village rural et une infrastructure fluviale d’échelle internationale ? Et comment traiter l’espace de l’entre-deux, autrement dit le territoire situé entre le village et le canal ? Pour répondre à ces deux questions, le projet propose d’affirmer la proximité du canal par un travail à la fois sur la topographie et sur la gestion des déblais/remblais. Le projet s’attache à préserver les grandes lignes des paysages du plateau agricole d’Ytres, ouvert et parcouru de larges ondulations. Il aménage l’espace de l’entre-deux par un système de terrasses structurées dans la continuité du découpage parcellaire agricole. Il met en relation le canal et le village, à la fois par une succession d’ouvertures progressives, une série de cheminements qui rejoignent la limite haute du canal, et donnent sur des pontons surplombant le paysage de l’eau et des champs. La gestion des déblais/remblais se fait par une économie de moyen en modifiant au minimum les emplacements préconisés, et en privilegiant un travail de fragmentation des masses permettant de cadrer des vues, de village à village, ou d’établir des relations de continuité avec les cheminements implantés le long de la crête du canal. La grammaire végétale du territoire est renforcée, notamment par l’emploi des ‘‘rideaux’’ figures traditionnelles des paysages picards, et une partie des déblais est placée le long de l’autoroute et du bois d’Ytres pour y être plantés de façon à renforcer les continuités écologiques existantes. Pierre Vedovato Moislains De la rupture à la couture, un nouveau canal La linéarité est un des éléments structurant de l’urbanisme de Moislains. Aujourd’hui, le Canal du Nord longe ce long village-rue sur plus de trois kilomètres. Demain, le canal Seine-Nord le remplacera et formera une nouvelle limite, entre le village et la partie Est de son territoire, créant de fait plusieurs hectares d’entre-deux susceptibles de devenir des sites de dépôts. Le projet choisit donc de poser la question du devenir de ces entre-deux, avec la conviction que le long de cette linéarité, les différents rapports au village de Moislains peuvent conduire à adopter tout autant de manières d’agir. Le projet propose quatre séquences distinctes pour réconcilier Moislains à son canal. La première séquence créée des corridors écologiques vers les bois au nord. Les dépôts sont utilisés pour combler le Canal du Nord jusqu’au sommet des talus et libérer des vues. Ces remblais sont plantés et le nouveau canal s’accompagne de berges lagunées, tandis que des cheminements diversifient les itinéraires de promenades. La seconde séquence, en lien direct avec le village, propose d’anticiper l’expansion urbaine de Moislains en choisissant d’inviter à habiter le long du canal. En retrait des parcelles bâties, des vergers communautaires diversifient les usages du lieu. Sur le terrain en contrebas, les vues libèrées vers la route, du nord à l’est sont préservées. Les terres agricoles sont maintenues et seront éventuellement étendues. Enfin, la dernière séquence met en valeur le patrimoine économique et industriel local en le signalant dans le paysage par des interventions colorimétriques sur les silos. Julien Desagre Allaines, Composer avec la complexité hydrographique Dans le cadre du projet de canal Seine-Nord, le site d’Allaines peut devenir un pôle attractif qui renforcerait l’attrait touristique des environs de Péronne. La région est déjà connue pour son circuit du Souvenir et ses espaces de nature de la Haute Somme. Elle devrait l’être plus encore, lorsque sera achevé le chantier du futur grand pont-canal. Véritable porte d’entrée de la haute Somme, Allaines concentre un réseau hydrographique dense, où se confrontent différentes échelles et où le paysage joue un rôle fédérateur. Le projet entend composer avec cette complexité hydrographique pour intégrer au mieux le canal Seine-Nord. Le nouveau canal est signalé par des poches de boisement assurant une continuité écologique entre les deux vallées. Le bassin de retenue de la Louette, en partie accessible au public, est conçu comme un lieu de découverte de nature offrant des activités de loisirs. Le canal Seine-Nord devient ainsi un véritable espace public, vecteur de centralité et de nouvelles dynamiques urbaines. Le territoire d’entre-deux enclavé entre le canal Seine Nord et le canal du nord conserve sa vocation agricole et donne l’occasion d’augmenter les surfaces de zones humides. La Tortille, cours d’eau historique, est valorisée pour s’inscrire dans l’épaisseur du territoire naturel. Pour compléter, un maillage de haies bocagères opère un travail de suture du territoire tout en soulignant les différentes formes du relief. Enfin le projet s’attache à valoriser chaque typologie d’eau en affirmant leur identité tout en les intégrant dans un même grand projet d’insertion paysagère. Clothilde Moriat 2840 32 29 33 41 ‘‘ On ne parle pas très bien d’un canal, quand on est sur le canal lui-même. On a le sentiment d’appartenir à un monde indépendant. Or un canal ne doit pas être un monde indépendant. Il doit être le vecteur de développement des territoires alentours. La crainte qu’on puisse avoir - et c’est parfois plus qu’une crainte, c’est presque déjà une certitudec’est qu’on en fasse un objet joli,“sympa”, avec de beaux aménagements de promenades de part et d’autre, et qu’on laisse en arrière plan le territoire dans son état de développement fragile. Il faut absolument que le canal se resolidarise comme un objet appartenant à l’ensemble de la vallée. C’est ça l’enjeu, et c’est ça sans doute un peu la difficulté. Le canal ne doit pas être autonome. Le canal appartient aux départements. On ne peut pas extirper un élément d’un paysage d’ensemble pour se le ‘‘goinfrer’’. C’est un trésor le canal, mais un trésor sur lequel il ne faut pas se focaliser. Il faut lui laisser jouer son rôle. Il doit diffuser. Il doit avoir une influence profonde sur les tissus de part et d’autre de lui-même. Il ne peut pas être isolé comme un objet qu’on viendrait chouchouter, sur lequel on ferait des investissements particuliers. Il faut l’aménager bien entendu, mais il faut garder à l’idée que tous les grands territoires qui l’entourent ont besoin de ce canal. Michel Corajoud ’’ France Culture. Extrait d’un entretien avec Sylvie Andreu Emission “Vivre sa Ville”. décembre 2000 Canal du Nord franchissant la tranchée d’Hermies (Pas-de-Calais) Atelier Public de Paysage . 2015 À Joël Ricorday Sans hésiter, Joël Ricorday avait accepté de participer à cet atelier public. Il y voyait une carte à jouer, la possibilité d’un débat, l’occasion peut-être de défendre une fois encore la cause du paysage. Spontanément donc, il avait dit ‘‘oui’’. Dans la foulée, Joël avait souhaité voir le site, et ensemble, nous étions partis sur les chemins vicinaux, toute une journée à ‘‘tricoter’’ le long du tracé du canal, un oeil sur la carte, un autre sur ces horizons silencieux. De loin en loin, on arrêtait la voiture pour essayer de situer précisément la future emprise du canal et comprendre les questions qu’il pose... Et puis on repartait avec un haussement de sourcil échangé, qui à lui seul suffisait à dire l’ampleur du chantier et l’ampleur des questions. Souvent, Joël semblait hésiter, les yeux un peu ailleurs, comme à la recherche de ce sens qui nous échappe, de cette synthèse qu’il nous faut toujours trouver, de cet enjeu que l’on doit à chaque fois définir. Il cherchait le mot, la formule, mais surtout le sens de la question, le fond du problème. Cette impression d’être ailleurs qu’il pouvait donner au premier abord, était sa manière à lui de faire le point, de chercher l’essentiel. C’était la même chose lors des jurys : tout sauf naïf, il avancait avec circonspection entre les réalités mouvantes et les frontières floues. On le voyait dans l’inconfort. On le sentait mal à l’aise... Alors on lui donnait la parole. Les prises de parole de Joël étaient précieuses, attendues, trop rares, est-on tenté de dire avec le recul. Comme un photographe, il nous montrait l’intérêt d’un angle différent. Par ses doutes et ses questions, il nous invitait à recadrer, à déplacer ou à élargir vers de nouvelles perspectives, nous donnant souvent envie d’aller plus loin. ‘‘Si l’on veut insérer le canal dans le paysage, il ne faut pas se laisser hypnotiser par l’objet technique... il faut forcément avoir une approche globale...Ce canal, c’est véritablement un projet de territoire. Il y a des gens qui habitent ici.’’ Joël était enseignant. Il a longtemps coordonné la pédagogie de la 4ème année à l’ENSP de Marseille. Les thèmes des colloques ou des ateliers qu’il organisait rejoignaient souvent les notres : ‘‘la mobilité’’, ‘‘l’eau motrice de continuités’’, ‘‘l’agriculture enjeu de constructions métropolitaines’’ et jusqu’à ce chantier d’aménagement paysager de la cour centrale de l’hôpital Sainte Marguerite à Marseille, au moment même où nos étudiants lillois réfléchissaient aux nouvelles formes d’hospitalité paysagères que pourrait imaginer le CHRU de Lille. Nous nous connaissions peu, mais nous avions l’intuition que nous aurions pu devenir amis. Avec plaisir, nous nous étions découverts une passion com mune pour les mots de son compatriote marseillais, André Suarès (Le voyage du condottière, Marsiho) et on l’écoutait citer avec un sourire gourmand, les livres de Jean Rolin, dont il égrenait les titres comme autant de connivences partagées : Zones, Traverses, Ormuz, L’explosion de la durite, Terminal Frigo, Campagnes, Chemins d’eau... Sans peine, on devinait que Joël partageait avec ces écrivains discrets, un goût pour une forme d’acuité lucide, mêlée d’un art du décalage ironique et de rêveries poétiques. Dans les premiers jours de juillet, nous avions pris le temps de déjeuner ensemble. C’était le début de l’été. Nous nous étions laissé tenter par une terrasse ensoleillée et un vin très frais. Avant de se quitter, nous avions évoqué nos projets de vacances encore flous. Ce fut très court. Par un mot lapidaire nous avons appris, le 15 juillet, que Joël venait d’être tué dans un accident de voiture. La brutalité de la nouvelle nous a tous laissés interdits. Et puis, peu à peu, très tristes. Tour à tour, Claire, Jean, Mathilde, Maxime, Yves, François-Xavier et chacun des étudiants de cet atelier ont tenu à dire combien sa parole avait pu être précieuse au cours de ces quatre mois partagés. Merci Joël. BLB Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Lille 2 rue Verte, 59650 Villeneuve d’Ascq E-mail: [email protected]