L`impact du vieillissement de la population sur les marchés
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L`impact du vieillissement de la population sur les marchés
L’impact du vieillissement de la population sur les marchés immobiliers Anne Laferrère e vieillissement de la population française est inéluctable et son impact sur les marchés immobiliers ne sera pas négligeable. La demande de logement va se modifier en s’éloignant de la maison familiale pour aller vers des logis adaptés au grand âge, plus souvent des appartements, en location, en zones plus denses. Cette nouvelle demande risque d’être multiforme. De tels changements auront des conséquences sur les prix relatifs des différents biens immobiliers, d’autant plus fortes qu’elles auront été moins bien anticipées. L Le vieillissement de la population, c’est-à-dire l’augmentation de la proportion de personnes très âgées dans la population ou encore la hausse de l’âge du « Français moyen », est le résultat de trois phénomènes qui se renforcent mutuellement. D’abord, la baisse de la mortalité aux grands âges se traduit par un allongement de la durée moyenne de la vie : depuis 1950, on gagne un trimestre de vie par an. Ensuite, les classes pleines des babyboomers arrivent à l’âge de la retraite : il est né, en 1946, 200 000 bébés de plus qu’en 1945, et l’écart s’est maintenu jusqu’en 1973. Ce qui a d’abord provoqué un rajeunissement de la population se traduit logiquement, soixante ans plus tard, par un vieillissement. En effet, et c’est le troisième facteur, après cette longue parenthèse du baby-boom, le nombre des naissances a diminué. Il est bien des façons de présenter le choc du vieillissement. L’une d’elles, facile à mémoriser, est d’observer qu’entre 2000 et 2050, le nombre des « 60 ans et plus » sera multiplié par deux, celui des « 75 ans et plus » par trois, et celui des « 85 ans et plus » par quatre, tandis que le nombre des « moins de 60 ans » diminuera légèrement (Robert-Bobée, 2007). C’est INSEE – Centre de recherche en économie et statistique. donc bien la croissance du nombre des personnes très âgées qui sera la plus spectaculaire. Le graphique 1, p. 8 présente l’augmentation annuelle du nombre des 85 ans et plus ; il permet de souligner que, au-delà d’une moyenne de 70 000 personnes par an sur les cinquante prochaines années, les soubresauts de natalité, l’un après le creux de natalité de la Première Guerre mondiale, et le babyboom, après la Seconde Guerre, ont été importants. On pressent bien que, de même qu’il a fallu construire des écoles, des collèges, et des universités, il faudra prévoir des logements adaptés. D’un point de vue économique, être « vieux », c’est d’abord tirer ses revenus de transferts ou de son épargne. D’autres « travaillent pour vous » après qu’on a en général travaillé pour d’autres en acquittant des cotisations sociales de retraite. La mise en place, contemporaine au baby-boom, d’un système général de retraites par répartition, facilitée par ce baby-boom lui-même, permet d’assurer aux retraités actuels de « bonnes » retraites (1). En moyenne, on observe peu de baisse de revenu à la retraite, et encore moins de baisse du patrimoine (Boissinot et Friez, 2006). 73 % des retraités sont propriétaires de leur résidence principale (2), la majorité (56 %) de ceux qui sont locataires habitent le secteur social et bénéficient donc d’une parfaite sécurité de logement et de loyers subventionnés. Les logements des retraités sont vastes. 21 % de ces derniers sont propriétaires d’un autre logement que leur résidence principale. La dispersion du revenu des retraités est voisine de celle des autres classes d’âge. De même, la propriété est largement répandue à tous les niveaux de revenus : quel que soit le décile de revenu par unité de consommation (3), plus (1) La cotisation à un système de retraite par répartition n’est rien d’autre qu’un placement obligatoire dont le rendement est égal au taux de croissance de la population active et de la productivité (Demange et Laroque, 2000). (2) On pourrait y ajouter les 4 % qui sont logés gratuitement. (3) Le revenu par unité de consommation est une mesure du niveau de vie qui permet de comparer la situation de ménages de taille et composition différentes. Le nombre d’unités de consommation est calculé de la manière suivante : 1 pour le premier adulte du ménage, plus 0,5 par personne supplémentaire âgée de plus de 14 ans, plus 0,3 par enfant âgé de moins de 14 ans. Les ménages étant classés par ordre de revenu par unité de consommation croissant, le premier décile comprend les 10 % de ménages aux plus bas revenus par unité de consommation, le deuxième décile, les 10 % de ménages suivants, etc. Recherches et Prévisions 7 n° 94 - décembre 2008 Politiques du logement : questions sociales Graphique 1 Augmentation annuelle de la population des 85 ans et plus 200 000 150 000 70 000 100 000 50 000 2047 2043 2039 2035 2031 2027 2023 2019 2015 2011 2007 2003 1999 1995 1991 1987 1983 1979 1975 1971 1967 1963 1959 1951 1955 0 A nnées – 50 000 Source : INSEE. Lecture du graphique : on lit sur ce graphique le passage du front du baby-boom à l’âge de 85 ans, âge qui coïncide avec un mouvement vers les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. L’augmentation des naissances qui a suivi la Première Guerre mondiale est aussi très nette, son passage a eu lieu en 2006, d’où la tension actuelle sur les places en résidence. de 62 % des retraités sont propriétaires de leur résidence principale. Les différences sont plus grandes pour la détention d’autres logements, de 10 % dans le premier décile, 15 % dans le cinquième, 39 % dans le neuvième, à 53 % dans le dixième. Un tiers de ces autres logements sont des deuxièmes résidences, le reste étant des logements de rapport (Minodier et Rieg, 2007). Dans un système par répartition, la baisse de la natalité diminue l’espérance des retraites futures. Le logement, qui est à la fois un bien de consommation et un placement, pourrait alors voir son rôle modifié. Avec la retraite, tandis que certains risques de revenu tel celui du chômage diminuent, d’autres, tel le risque de veuvage, augmentent. Vieillir c’est également connaître une augmentation du risque des problèmes de santé et d’invalidité. Même si l’invalidité n’est pas une fatalité, et si ce passage par la dépendance est plus tardif que dans le passé (4), il implique d’aménager son cadre de vie, et en particulier son logement. Le risque de décès, quant à lui, intervient en deux temps : le veuvage d’abord peut entraîner un ajustement de la consommation de logement, puis le décès proprement dit qui aboutit à la transmission du patrimoine, en particulier du logement, à la génération suivante. L’évolution des revenus des actifs et des inactifs, conditionnée par celle de la productivité des actifs, détermine largement l’impact économique du vieillissement de la population. Il n’en sera cependant pas question ici. L’analyse porte sur l’impact du vieillissement sur le marché du logement. Quelle est la demande actuelle de logement des seniors et peut-on en inférer la demande des nouvelles générations ? Y a-t-il un « risque » spécifique du placement logement ? Le vieillissement des baby-boomers va-t-il faire s’effondrer les prix des logements ? On s’intéressera d’abord à la demande quantitative globale et à la manière dont elle évolue avec l’âge. Puis, dans un deuxième temps, les différents « risques » liés à la propriété seront analysés. Une demande de logements potentiellement forte jusqu’en 2020 En 2007, quelques 185 000 individus supplémentaires ont atteint l’âge de 60 ans par rapport à 2006. Le « taux de survie » de la cohorte, qui inclut le solde migratoire, est donc de 93 % (5). Quant aux ménages, ils se forment avec des individus d’âges différents, mais en première approximation on peut comparer ce flux d’individus à celui des ménages (4) Le gain d’espérance de vie est de la vie en bonne santé (Robine et Mormiche, 1993). (5) Un différentiel de 185 027 individus atteignant soixante ans en 2007 par rapport à 2006, rapporté à un différentiel de 198 005 naissances vivantes en 1946 par rapport à 1945. Recherches et Prévisions 8 n° 94 - décembre 2008 Politiques du logement : questions sociales dont la personne de référence est âgée de 60 ans. Ce nombre dépend de la taille des ménages, de la façon dont les individus choisissent de partager un logement. Entre 2006 et 2007, le nombre de ces ménages augmente de 111 000. L’augmentation du nombre de logements est plus forte que celle de la population En fait, selon Alain Jacquot, « sous le simple effet de la croissance de la population et de la poursuite de son vieillissement, il y aurait tous âges confondus en moyenne 159 000 ménages supplémentaires chaque année d’ici à 2030 » (6) (Jacquot, 2007 a). À cet effet purement démographique, il faut ajouter celui de l’évolution des modes de cohabitation. La taille des ménages se réduit à âge donné. À l’horizon 2030, le nombre de ménages pourrait ainsi s’accroître de l’ordre d’un quart par rapport à 2005. Globalement, la croissance prévue du nombre de ménages, 0,8 % par an en moyenne, est le double de celle de la population. Chez les 60 ans et plus, quand la population croîtra de 1,8 % par an, le nombre de ménages, donc de résidences principales, progressera de 2 % par an, toujours en moyenne entre 2005 et 2030. La possession d’une seconde résidence n’étant pas négligeable dans ces classes d’âge, la demande potentielle globale de logement est forte. On peut l’estimer au total de 350 000 à 400 000 logements par an jusqu’en 2020. La propension à la séparation et au divorce des couples, la diminution de la corésidence avec les parents âgés (Flipo et al., 1999 ; Christel, 2006) constituent autant de tendances sociales coûteuses, d’une part, en nombre de logements (il faut deux logements au lieu d’un) et, d’autre part, en dépense de logement, plus que proportionnellement en raison des économies d’échelle très importantes de ce type de consommation (Nelson, 1988). Pour en donner une idée, on peut estimer la part du logement dans le budget d’un ménage. En 2002, selon l’enquête Logement, pour un ménage de plus de 59 ans, la part du logement était de 26 % du revenu pour une personne seule et de seulement 18 % pour un couple. À âge, ancienneté d’occupation du logement et taille d’unité urbaine égaux, la part budgétaire moyenne d’un couple est inférieure de 6,6 points à celle d’une personne seule. Une partie de l’augmentation observée de cette part au cours des dernières années vient de cette tendance accrue à vivre seul. La vie en solitaire a toujours concerné les personnes âgées, par exemple au moment d’un veuvage. Les nouvelles générations vieillissantes ont davantage connu les divorces et les séparations que les précédentes, et corésident moins avec leurs enfants. En sens inverse, la hausse de l’espérance de vie prolonge la vie en couple (voir, par exemple, le graphique 9 de Laferrère, 2006, ou Delbès et Gaymu, 2005). Globalement, la tendance à la diminution de la taille des ménages, et donc à celle des économies d’échelle, devrait cependant l’emporter. La demande est diversifiée et varie avec l’âge Au-delà de cette demande quantitative globale, comment la demande de logement évolue-t-elle avec l’âge ? Dans sa forme la plus simple, le modèle de cycle de vie prédit que les gens cherchent à lisser leur consommation au cours de leur vie. Les profils de consommation de logement montrent une augmentation avec l’âge jusque vers 45 ans et une diminution ensuite. Mais ces profils en coupes transversales sont trompeurs. Jusqu’aux générations nées en 1950, chaque génération a consommé davantage que la précédente au même âge. La baisse aux âges élevés observée sur une coupe instantanée est donc en partie une hausse avec la génération. Par ailleurs, la taille des ménages diminue. Si on tient compte de ces effets de générations et de taille des ménages, la baisse de la consommation globale se produit plus tard, après l’âge de 60 ans, et ne tombe pas au-dessous du niveau atteint pendant les années d’activité (Boissinot, 2007). La courbe en cloche observée est beaucoup plus plate. Le profil est aussi plus plat pour les biens durables comme le logement que pour les biens non durables. Richard Green et Patrick H. Hendershott (1996) concluent à la constance de la consommation de logement avec l’âge, une fois prises en compte les caractéristiques des ménages (7). Il semblerait donc que les ménages lissent assez bien leur consommation. Mais le logement est un bien hétérogène localisé. Il peut être une maison ou un appartement ; un marché locatif coexiste avec celui de la propriété occupante, et l’accès au crédit est plus ou moins développé. Toujours dans la vision dynamique du cycle de vie, on est d’abord locataire d’un appartement en ville au départ du foyer parental, puis on emprunte pour acheter un premier logement, que parfois on revend pour une maison familiale en zone moins dense mais proche du lieu de travail. Cette maison est elle-même conservée ou échangée au moment de la retraite pour une maison correspondant à une demande davantage centrée sur les loisirs ou les vacances avec les petits-enfants. Enfin, (6) Sous les hypothèses de fécondité, de mortalité et de migrations du scénario central de la projection de population de l’INSEE (fécondité stable à 1,9 enfant par femme, évolution tendancielle de la mortalité, solde migratoire annuel de 100 000 personnes). (7) Une courbe en cloche très aplatie était aussi trouvée par Anne Laferrère et David Le Blanc (2000). Recherches et Prévisions 9 n° 94 - décembre 2008 Politiques du logement : questions sociales le grand âge venant, on abandonne la maison pour un appartement, avant de passer le cas échéant à un établissement d’hébergement adapté à la dépendance. Empiriquement, on observe que les ajustements se font en début de cycle de vie et que le taux de mobilité résidentielle baisse avec l’âge. Le rebond au moment du départ à la retraite est très léger (Christel, 2006 ; Driant, 2007) et ce n’est qu’au-delà de 80 ans que les départs en établissements d’hébergement peuvent être observés (Christel, 2006 ; Angelini et Laferrère, 2008). En outre, la mobilité résidentielle des ménages âgés a même tendance à diminuer (Christel, 2006 ; Laferrère, 2008). De fait, la baisse du taux de propriétaire occupants avec l’âge est très légère avant 80 ans (Arrondel, 2007). Certes, à partir d’un certain âge, le souhait d’occuper des logements plus faciles à entretenir et plus confortables est observé. Un appartement répond à ce souhait : plus facile à entretenir qu’une maison, sa maintenance est également davantage mutualisée en copropriété, voire externalisée si on est locataire. Quand on déménage après 50 ans, la tendance à la réduction du nombre de pièces, au passage d’une maison à un appartement est nette, et de plus en plus au fur et à mesure qu’on avance en âge. Le passage de la propriété à la location, rare avant 70 ans, s’accentue au-delà, et est observé dans toute l’Europe (Angelini et Laferrère, 2008). Ce passage est relativement plus fréquent chez les veuves, dont on observe aussi qu’elles se rapprochent des villes et des services qu’elles offrent. On choisit aussi ce que l’on pourrait appeler la « fausse » corésidence : vivre à proximité de ses enfants sans vivre sous leur toit. Alors que la corésidence entre générations aux âges élevés ne cesse de diminuer d’une génération à l’autre, la proximité géographique se maintient. Aux grands âges, les déménagements rapprochent les membres des familles (Bonnet et al., 2008). Mais le coût psychologique d’un déménagement augmente avec l’âge et le souhait majoritaire de « vieillir sur place » correspond bien à la faible mobilité résidentielle observée (Gilleard et al., 2007). L’ajustement de la consommation de logement avec l’âge ne se fait donc pas seulement par un déménagement. Des logements à aménager Le besoin d’aménagement du logement existant précède la mobilité résidentielle. Une question de la dernière enquête SHARE portait sur le degré d’adaptation des logements à une personne âgée ou handicapée (8). Seuls 6 % des Français de 50 ans et plus déclarent habiter un logement spécialement adapté (9). Même parmi les 20 % qui ont des problèmes de mobilité physique (10), seuls 12 % ont un logement doté d’équipements spéciaux. La demande potentielle est donc forte. Ainsi, les chutes de personnes âgées provoquent 40 % des entrées en maisons de soins au Royaume-Uni (11). Indépendamment de tout besoin d’adaptation à la diminution des forces physiques, la retraite s’accompagne souvent d’un recentrage sur le domicile, du fait même qu’on ne sort plus pour aller travailler. Y passant davantage de temps, et de plus en plus au fil du temps, on risque d’exiger une qualité et un confort plus grand. Les revenus actuels des ménages âgés laissent prévoir que cette demande de confort et d’aménagement est solvable. Celle des générations futures dépendra de l’évolution de leur revenu. Une demande d’appartements Si le vieillissement pèse bien sur la demande de logement, la nouvelle demande qu’il induit est essentiellement celle des jeunes adultes au départ du foyer parental, et celle des gens très âgés (graphique 2). Dans les soixante dernières années, au fur et à mesure du passage des classes pleines aux différents âges de la vie, la demande s’est modifiée. Le locatif HLM a, par exemple, accueilli les baby-boomers dans les années 1970 au moment où ils constituaient leur ménage. Certains les ont ensuite quittés pour des maisons. D’ici une dizaine d’années, l’offre de grandes maisons augmentera parallèlement à la demande d’appartements plus petits. Il semble donc que les deux extrémités de la vie adulte se rejoignent dans leur demande d’appartements. Le graphique 3, p. 12 donne la part des appartements dans les achats de logements selon l’âge : cette part est majoritaire avant 28 ans et après 64 ans. Elle croît beaucoup avec (8) « Votre domicile présente-t-il des équipements ou des caractéristiques particulières destinés à aider des personnes ayant des handicaps physiques ou des problèmes de santé ? [par exemple, des portes élargies, des rampes, des portes automatiques, des translateurs pour escaliers, des systèmes d’alerte (boutons d’alerte), des aménagements particuliers de la cuisine ou de la salle de bains) ». L’enquête SHARE a porté sur 30 000 ménages dans treize pays européens. Pour plus de renseignements, on peut consulter le site http://www.share-project.org. (9) Contre 16 % aux Pays-Bas qui détiennent le record d’Europe en la matière, devant les pays scandinaves. (10) Parmi les 50 ans et plus, un individu sur cinq déclarait avoir des difficultés à accomplir une des activités suivantes : marcher sur une distance de cent mètres ; rester assis pendant deux heures ; se lever d’une chaise après être resté longtemps assis ; monter un ou plusieurs étages par les escaliers sans se reposer ; se pencher, s’agenouiller ou s’accroupir ; lever ou étendre les bras au-dessus du niveau de l’épaule ; tirer ou pousser des objets volumineux comme un fauteuil ; soulever ou porter des poids de plus de cinq kilos, comme un gros sac de provisions ; saisir une petite pièce de monnaie posée sur une table. (11) Selon Alan Walker (2008) qui souligne que, tout autant que le logement, le quartier doit être adapté aux personnes âgées pour leur permettre l’activité physique nécessaire à leur santé. Recherches et Prévisions 10 n° 94 - décembre 2008 Politiques du logement : questions sociales Graphique 2 Pyramides des âges des ménages comparées en 2005 et 2030 600 000 2030 2030 500 000 400 000 300 000 200 000 100 000 0 0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 30 33 36 39 42 45 48 51 54 57 60 63 66 69 72 75 78 81 84 87 90 93 96 99 Âges Source : Alain Jacquot, 2007, « Projections de ménages pour la France métropolitaine à l’horizon 2030 », INSEE Résultats, série Société, n° 60. http://www.insee.fr/fr/ppp/ir/accueil.asp?page=projmen2030/dd/projmen2030.htm. l’âge après la retraite. On peut supposer que, de même que les maisons « de vie active » des nouveaux retraités peuvent être vendues aux jeunes actifs fondant une famille, les appartements des jeunes décohabitants pourraient convenir aux baby-boomers très âgés quand ces derniers désireront abandonner la maison où ils ont passé leurs années de retraite. Une chaîne de résidences pourrait ainsi se mettre en place (12). En répondant à la demande des jeunes, on anticiperait celle des vieux. Il resterait bien sûr à analyser plus finement la demande de qualité et de localisation de ces logements adaptés à la fois aux grands âges et aux jeunes adultes. Quels établissements pour la fin de la vie ? Finalement, le poids de la dépendance physique des baby-boomers se fera sentir à partir de 2030. Le déménagement vers un établissement d’hébergement pour personnes âgées n’obéit pas aux mêmes règles que les déménagements effectués entre logements ordinaires au moment de la retraite ou du veuvage. Les données longitudinales de l’échantillon démographique permanent de l’INSEE – même si elles ne fournissent pas d’information directe sur l’état de santé ni le revenu – permettent d’observer les mouvements vers les collectivités entre 1990 et 1999. Ces mouvements étaient commandés par le fait d’être déjà inactif en 1990 ou d’être classé en inactif n’ayant jamais travaillé, ce qui indique une santé fragile ou un handicap. Le veuvage est aussi un élément déclencheur, à âge, activité et catégorie sociale égaux (Christel, 2006). Les données plus complètes de l’enquête européenne SHARE – qui, pour la première fois, suit les individus quittant un logement ordinaire pour un établissement d’hébergement – permettent d’affiner ce constat. Ces données montrent que les mouvements sont influencés par trois facteurs principaux : l’invalidité, le fait de n’avoir ni conjoint ni enfant, et un faible revenu (Angelini et Laferrère, 2008). Chacun de ces trois éléments risque de se modifier dans l’avenir. Un meilleur état de santé, une vie plus longue en couple mais des séparations plus nombreuses, les variations de fécondité, un niveau relatif des retraites plus faible, les futures cohortes de 80 ans et plus différeront des précédentes selon toutes ces dimensions. Leur arrivée ne se traduit pas forcément par autant de places de maisons de retraite classiques à construire. Des effets de génération modifieront subtilement les effets d’âge. Par simple projection, on peut estimer que la population vivant hors « ménages ordinaires » et âgée de 75 ans et plus passera de 448 000 en 2005 à 512 000 en 2018, soit une demande de 64 000 places en treize ans (Jacquot, 2007 a). (12) Le phénomène, qui existe vraisemblablement depuis longtemps, est peu suivi statistiquement. La nouvelle offre de maisons libérées par les seniors risque de nécessiter une adaptation aux nouvelles contraintes climatiques et environnementales pour convenir à la demande des jeunes familles, en particulier en termes de services de transport publics. Recherches et Prévisions 11 n° 94 - décembre 2008 Politiques du logement : questions sociales Graphique 3 Part des appartements dans les achats de logement selon l’âge des acheteurs 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50 52 54 56 58 60 62 64 66 68 70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 Âges 0,4 0,3 0,2 Source : calcul de l’auteur d’après Jacques Friggit, 2005, Dévalorisation et paupérisation des appartements par rapport aux maisons, 1994-2002, Études Foncières, n° 116:13-15 et les bases notariales (années 2000, 2002, 2004, 2006). D’après Joëlle Gaymu et al. (2007), entre 2000 et 2020, selon le scénario d’évolution de l’état de santé envisagé, la population des hommes dépendants de cette même tranche d’âge vivant en institution s’accroîtra entre 16 000 et 35 000 personnes, et celle des femmes entre 13 000 et 25 000. Au total, le flux serait compris entre 29 000 et 60 000 personnes. L’ordre de grandeur serait un peu plus faible que l’évaluation précédente si l’état de santé s’améliore, et du même ordre si l’état de santé reste le même. Au-delà de l’incertitude de ces estimations globales, il faut noter l’importance de cette demande nouvelle des générations pleines. Par ailleurs, la clientèle de ces établissements et, par conséquent, la demande, seront très diversifiées. On peut opposer la relative uniformité de la demande en crèches à la demande plus diverse de personnes âgées ayant chacune une histoire, une culture et un cercle de relations. Par rapport au passé, ces établissements logeront de plus en plus d’hommes en raison des séparations de couples plus fréquentes (graphique 4). En résumé, une taille des ménages plus faible oblige à envisager une hausse de la part des dépenses de logement, y compris pour les ménages âgés. La demande d’aménagement des logements existants est forte et précède celle de construction de nouveaux logements. La demande nouvelle se portera plutôt sur des appartements en zone dense, proche des services requis par les personnes âgées, et vers des types d’établissements d’hébergement diversifiés. Recherches et Prévisions 12 Les risques de la propriété La propriété du logement et, plus généralement, le placement en logement, sont encouragés. On peut emprunter pour un logement plus facilement que pour un autre placement. Des aides publiques, tel le prêt à taux zéro, sont apportées aux ménages modestes. La fiscalité de la consommation de logement est avantageuse : il n’y a plus d’imposition du loyer fictif des propriétaires. Certaines générations d’acheteurs ont pu déduire les intérêts d’emprunt de leur revenu imposable. Tel a été le cas, sous des formes variées, du début des années 1970 à 1997 pour les baby-boomers et, depuis 2007, pour les nouveaux accédants à la propriété. La fiscalité du placement logement est aussi comparativement douce : pas d’impôt sur les plus-values d’une résidence principale, valorisation à l’impôt sur la fortune réduite pour un logement occupé. Des coûts de mobilité résidentielle élevés Faut-il vraiment encourager l’accession à la propriété ? Parmi les critiques de l’encouragement fiscal de la propriété occupante, la première souligne son aspect antiredistributif et y voit une immobilisation de capital non productif (Rosen, 1985). L’encouragement fiscal peut augmenter artificiellement la demande et aboutir à un surinvestissement en logement. Par ailleurs, une telle aide se traduit largement par une hausse des prix qui en diminue la portée réelle pour les ménages (Berger et al., 2000). Une autre critique voit dans la propriété un frein à la nécessaire mobilité résidentielle (Oswald, n° 94 - décembre 2008 Politiques du logement : questions sociales 1996). Le risque est qu’un propriétaire âgé adapte moins facilement qu’un locataire sa consommation de logement aux modifications de son revenu ou de la taille de son ménage par exemple. De fait, la mobilité résidentielle est plus faible pour les propriétaires que pour les locataires, toutes choses égales par ailleurs. Il faut toutefois remarquer que, comme le logement en propriété est sans doute plus adapté à son occupant qui a pu l’aménager à sa guise et anticiper les besoins de ses vieux jours, la causalité peut être inversée : ce n’est pas parce qu’on est propriétaire qu’on bouge moins, mais parce qu’on anticipe de ne pas bouger qu’on est propriétaire. La propriété permet alors de « vieillir sur place ». Le cas emblématique de la veuve occupant seule un grand logement au-dessus de ses moyens est statistiquement peu fréquent (Laferrère, 2006). Les coûts financiers de mobilité sont élevés ; les plus aisés déménagent donc plus facilement (Laferrère, 2008). Abaisser les droits de mutation serait un moyen de permettre aux propriétaires de bouger pour ajuster leur consommation (13). Aux coûts financiers s’ajoutent des coûts psychologiques de mobilité pour les personnes âgées qui ont accumulé localement des réseaux d’amis et des habitudes difficiles à modifier. En la matière, locataires et propriétaires sont logés à la même enseigne. On peut penser que c’est une demande locale qui pourrait se manifester (14), réduisant ainsi les ruptures de cadre de vie si préjudiciables au bien-être et à la santé des personnes âgées (Gilleard et al., 2007). Un placement risqué Si le logement est un placement, au-delà de la garantie de consommation de logement qu’il procure, il faut que sa valeur se maintienne. Les mouvements de prix des logements sont importants, tant en cas de bulle immobilière (15) que parce que tel marché local connaît un boom ou un déclin. Par exemple, entre 1984 et 1999, dans 33 unités urbaines en province sur 104 de plus de 50 000 habitants, le prix réel moyen d’un appartement a baissé (Laferrère et Dubujet, 2003). En 2008, l’éclatement de la bulle immobilière atteint la France. Les mouvements de prix sont bien plus forts que ceux des loyers (16). Graphique 4 Projection de la population en établissements d’hébergement, par sexe 400 000 Ho mme Femme 350 000 300 000 250 000 200 000 150 000 100 000 50 000 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026 2027 2028 2029 2030 Source : Alain Jacquot, 2007, « Projections de ménages pour la France métropolitaine à l’horizon 2030 », INSEE Résultats, série Société, n° 60. http://www.insee.fr/fr/ppp/ir/accueil.asp?page=projmen2030/dd/projmen2030.htm Population hors ménages ordinaires âgée de 75 ans et plus. (13) La vente de logements est une occasion de taxation lucrative pour les collectivités locales qui rendra une telle décision difficile. (14) Selon Alain Jacquot (2007 b), 61 % des logements HLM occupés par des ménages âgés de 65 ans et plus sont en souspeuplement. Un système de bourse d’échange garantissant, par exemple, le maintien dans le quartier d’origine où l’on a ses habitudes et son réseau social pourrait être mis en place. Mais compte tenu des caractéristiques assez uniformes des constructions HLM et de leur organisation en offices indépendants, il est peu probable que beaucoup de logements soient débloqués de cette façon. (15) Comme sur les marchés financiers, des bulles spéculatives peuvent se former dans l’immobilier, en cas d’anticipation de hausse des prix par des acheteurs exagérément optimistes au comportement moutonnier. (16) L’aide publique apportée à la construction de logements neufs accentue le risque de décote à la revente dans la mesure où elle a été capitalisée dans le prix du logement et l’a fait monter artificiellement (Gobillon et Le Blanc, 2005). Recherches et Prévisions 13 n° 94 - décembre 2008 Politiques du logement : questions sociales Le fait que le logement soit un bien de consommation et un placement peu liquide introduit des distorsions dans la composition du portefeuille. Il n’est pas assuré que la consommation optimale de logement corresponde au placement optimal en logement. La non-divisibilité de la consommation de logement, le fait par exemple qu’on ne puisse louer une partie de son logement et en acheter une autre, conduisent à un portefeuille souvent peu diversifié et non optimal (17). Le rendement du logement est faiblement négativement corrélé avec celui des actifs risqués, il constitue donc une bonne façon de diversifier son portefeuille, à condition de ne pas posséder que du logement (Le Blanc et Lagarenne, 2004). 42 % des 65 ans et plus déclarent ne posséder que de l’immobilier. En outre, les marchés du logement sont par essence très locaux. Le risque logement n’est donc pas négligeable pour la classe moyenne qui possède peu d’autres actifs. Pour qui a considéré son logement comme un placement, au-delà de la consommation qu’il garantit, les mouvements de prix à la baisse amputeront l’épargne. Par exemple, on retirera moins qu’espéré de la vente de son logement en viager. Si on compte sur la mobilisation de l’actif résidentiel des personnes âgées pour financer les dépenses dues au grand âge, il est important d’évaluer ce risque de baisse des prix. La propriété : une assurance de sécurité et de stabilité Face à ces critiques de la propriété, nombreux sont ceux qui mettent en avant ses aspects positifs. La propriété protège contre les risques de variation du loyer, élément important si les retraites ne sont pas indexées (Sinai et Souleles, 2003). Elle apporte la sécurité et la stabilité, si précieuses au fur et à mesure qu’on avance en âge et que, moins mobile physiquement, on recentre sa vie sur la sphère domestique. Les propriétaires occupants s’impliquent aussi davantage dans la vie de leur quartier. En entretenant leur bien, ils améliorent leur cadre de vie et augmentent leur patrimoine. Ils exercent ainsi une « externalité positive » sur la société (Di Pasquale et Glaeser, 1999). Que fait le Français propriétaire au fur et à mesure qu’il avance en âge ? Son patrimoine en résidences secondaires et logements de rapport diminue avec l’âge, tandis que son patrimoine financier augmente continûment avec l’âge et que son patrimoine en logement principal diminue peu, sauf en toute fin de vie. Cependant, pour ceux qui sont mobiles, on l’a déjà souligné, le choix se porte plus souvent vers la location que vers la propriété puisque, avec l’âge, les coûts de mobilité associés à la propriété sont amortis sur une durée moins longue. Le logement semble donc bien servir, dans ce cas, d’épargne de cycle de vie ou de précaution. Un placement qui manque de liquidité Le manque de liquidité du placement dans un logement le rend difficile à vendre par morceaux en cas de besoin. Une nuance peut toutefois être apportée. La vente en viager est un moyen d’extraire du revenu d’un logement. Pour éviter de mettre en rapport directement un vendeur et un acheteur qui parie sur l’espérance de vie du précédent, des produits financiers viagers nouveaux ont été créées, comme le prêt viager hypothécaire (Taffin, 2007). On peut également « consommer » son patrimoine logement en l’entretenant moins. Le sousentretien semble avéré chez les propriétaires âgés (Davidoff, 2004). Une autre façon d’en extraire du revenu est de diviser son logement ou le partager. Une maison familiale de deux niveaux ou un grand appartement peuvent être transformés en deux logements indépendants. Sans forcément déménager, la personne âgée en occupe un, louant l’autre pour en tirer un revenu complémentaire, voire pour y loger une garde en cas de dépendance. Ce comportement reste marginal en France ; il est davantage répandu en Allemagne où, selon l’enquête SHARE de 2006, 11 % des propriétaires âgés de 50 ans ou plus louent une partie de leur logement. Vieillissement de la population et prix de l’immobilier Le vieillissement individuel modifie la demande de logement. Globalement, celle-ci diminue légèrement après 70 ans et, dans le détail des types de logement, la demande de maisons diminue tandis qu’augmente celle d’appartements confortables, puis celle des résidences adaptées. Ensuite, au moment de la disparition du conjoint survivant, le logement est ou finit d’être transmis à la génération suivante. Conjointement à la modification de la taille des générations successives et au vieillissement macroéconomique, ceci ne peut pas être sans influence sur la demande, et donc sur les prix des logements. Une fonte prévue du prix des actifs… Dans un article publié en 1989, Greg Mankiw et David Weil prévoyaient que le vieillissement des baby-boomers et l’arrivée de générations creuses induiraient une baisse de la demande qui, face à une offre rigide, provoquerait une baisse des prix (17) On peut consulter Laurent Gobillon et Anne Laferrère (2006) pour une explication de cet effet, mis en lumière par Vernon Henderson et Yannis Ioannides (1983). Recherches et Prévisions 14 n° 94 - décembre 2008 Politiques du logement : questions sociales des logements aux USA de 47 % entre 1980 et 2007. Les auteurs se basaient sur des projections de profil de consommation de logement par âge qui montraient une baisse de la consommation après l’âge de 40 ans. Or les effets de générations ont été forts au cours du XXe siècle : la baisse avec l’âge observée en coupe conduit à une erreur d’interprétation et ne correspond pas à une baisse réelle aussi prononcée. La baisse de la demande de logement ordinaire, par passage en maison de retraite, ne commence que très tard, bien après 80 ans, et ce n’est vraiment qu’au décès que s’effectue la transmission des logements. La prévision serait donc à décaler de quarante ou cinquante ans (Blanchet et Laferrère, 2007). Plus généralement, le passage de générations pleines à l’âge où on diminue son épargne peut avoir des conséquences sur les prix de tous les actifs, et pas seulement sur celui des logements. Certains évoquent une Asset Meltdown Hypothesis, c’est-à-dire la fonte du prix des actifs. Avec le vieillissement, le prix du travail, plus rare, montera relativement à celui du capital (Abel, 2001 et 2003). … différenciée selon la localisation et le type de logement… Les caractéristiques du logement font que cette vision globale se traduira par des modalités locales et temporelles variées. C’est dans les zones où vivaient les actifs que la demande baissera tout d’abord, tandis que, dans les zones attirant les retraités, la demande sera au contraire très forte (18). Comment le marché réagira-t-il ? Les entreprises s’installeront-elles dans les zones du Nord et de l’Est ? Qui achètera les maisons libérées ? Serontelles une occasion d’insertion pour les jeunes, les immigrants et leurs familles ? Les promoteurs construiront-ils pour une demande plus dense dans les zones attirantes pour les baby-boomers âgés, comme la Basse-Normandie, la Bretagne ou la Bourgogne ? Dans ces trois régions, en effet, l’impact des migrations sur l’augmentation de la part des 60 ans ou plus entre 2000 et 2030 devrait être le plus fort (Omalek, 2007, tableau 1). Il est difficile de prévoir les comportements des futurs retraités. Ainsi, entre 1990 et 1999, les ex-Franciliens représentaient 43 % des migrants de retraites. Mais les futurs retraités franciliens seront bien plus que par le passé natifs d’Île-de-France, propriétaires de leur logement, et ne vivant pas en couple ; autant d’éléments qui pourraient faire baisser leur mobilité de retraite. A contrario, ils seront sensibles aux mouvements des prix et pourraient vouloir réaliser les plus-values potentielles accumulées. Philippe Louchart (2007) résume bien le dilemme : moins les générations du baby-boom partiront en province à l’heure de la retraite et plus il faudra construire de logements en Île-de-France pour répondre à la demande qui émanera… de leurs enfants. Le « front » du passage des baby-boomers sera donc d’importance différente selon les régions, à la fois parce que les actifs sont inégalement répartis sur le territoire et parce que les migrations interrégionales seront plus ou moins fortes selon les régions d’origine. Les risques de déséquilibres locaux de la demande des jeunes adultes sont donc importants (19). … atténuée par les anticipations Ces changements de prix seront atténués dans la mesure où ils peuvent être anticipés. De même que la construction s’est fortement développée au moment où les baby-boomers sont arrivés sur le marché, limitant la pression sur les prix des logements existants, de même les flux de construction ralentis freineront la baisse des prix dans les zones à excès d’offre. En outre, le baby-boom s’est étalé sur vingt ans et chacun vieillit à son rythme : tous les baby-boomers ne se comporteront pas de la même façon au même moment. Par ailleurs, l’évolution ralentie des prix limitera en retour les ventes de certains baby-boomers qui renonceront à déménager… ce qui atténuera la baisse des prix. Le marché de la location risque aussi d’être modifié. Le logement de rapport est celui dont on se défait en premier en vieillissant, avec la résidence secondaire. Mais alors que cette dernière peut se transformer en résidence principale, le logement de rapport est souvent vendu. Compte tenu de la baisse de la demande de logements de rapport (les générations suivantes à l’âge de l’investissement sont moins nombreuses), il se pourrait donc que le marché locatif se réduise au moment où la demande des jeunes et celle des très âgés augmente. Dans le secteur HLM, le vieillissement – particulièrement marqué – aura également des conséquences importantes. Un investissement de la part des organismes logeant des personnes âgées dans des logements depuis longtemps amortis serait sans doute à souhaiter. Il pourrait s’agir d’une offre de logements de petite taille répondant à la demande à la fois des jeunes et des personnes très âgées. On peut noter qu’une bonne partie des logements foyers pour personnes âgées appartiennent au secteur social. Ce n’est pas tant le vieillissement des nouvelles générations qui fera baisser uniformément tous les prix que le passage des baby-boomers à la phase (18) En 2030, l’Île-de-France devrait être la seule région dont la moyenne d’âge sera inférieure à 40 ans (Omalek, 2007). (19) Dowell Myers et SungHo Ryu (2008) étudient cela pour les États-Unis. Recherches et Prévisions 15 n° 94 - décembre 2008 Politiques du logement : questions sociales de downsizing (diminution de la taille du logement). Cela devrait conduire à diminuer le prix relatif des maisons familiales par rapport à celui des appartements adaptés, dont la demande est forte. Sauf évolution importante des revenus des retraités qui les obligerait à puiser dans leur épargne, ce n’est qu’à la disparition des baby-boomers à partir de 2030 – donc au-delà de la plupart des projections actuelles – que les prix des logements, et des autres actifs, pourraient globalement baisser. Mais là encore, il n’y aura pas de mouvement brutal des prix dû à la seule démographie si la variation de demande est anticipée (Poterba, 2001 et 2004). établissement de soins. De façon plus macroéconomique, la baisse des prix liée au vieillissement du baby-boom sera diffuse, comme l’a été la hausse due à leur passage (20). Par ailleurs, il s’agira plutôt d’une modification des prix relatifs des différents logements que d’une baisse globale. La baisse des prix de certains logements pourrait alors être bénéfique pour les nouvelles générations d’accédants. Effet du vieillissement : positif avant de devenir négatif Les conséquences intergénérationnelles Quelles seront les conséquences intergénérationnelles de ces mouvements ? Compte tenu du très fort taux de propriété des seniors actuels, beaucoup laisseront un héritage conséquent. Ces héritages aideront les jeunes héritiers et leurs enfants à se loger, sans résoudre le problème de la difficile accession à la propriété des non-héritiers, ou celle des nouvellement immigrés. Ces héritages pourront également alimenter le marché locatif. L’inégalité entre héritiers et non-héritiers sera atténuée par le fait que les premières générations à disparaître (les parents des baby-boomers) ayant eu beaucoup d’enfants, leurs successions seront donc divisées en davantage d’héritiers. Mais ceci ne sera plus vrai pour les baby-boomers eux-mêmes. L’atténuation des inégalités ne pourra donc venir que de la baisse des prix des logements qui, dévaluant le patrimoine des héritiers, pourrait favoriser l’accession à la propriété des nouvelles générations… En résumé, le logement est une épargne de précaution et non de pur cycle de vie. L’efficacité de la précaution est liée en partie à l’évolution des prix. Une baisse des prix est sans conséquence vitale pour un jeune retraité qui chercherait à acheter un logement dont le prix aura aussi baissé, même si les mouvements locaux peuvent obérer l’efficacité de la précaution. Le risque est plus fort pour un individu du quatrième âge qui doit vendre rapidement son logement pour financer un Le vieillissement de la population aura un impact multiforme sur les marchés immobiliers. La demande va se modifier en s’éloignant de la maison familiale avec jardin pour des logis adaptés au grand âge. Elle se tournera plus souvent vers des appartements, plus souvent en location, plus souvent en zones denses (21) et à proximité des services de soins. Mais cette évolution sera contrastée. Tout d’abord dans le temps puisque les nouveaux seniors, parents des baby-boomers, ne sont pas semblables à leurs aînés : ils sont plus riches, plus propriétaires, plus souvent parents et de familles plus nombreuses. En meilleure santé, ils conservent leur logement le plus longtemps possible et réalisent leur souhait de vieillir « sur place », exerçant pour le moment une pression positive sur la demande de logement, y compris la demande de travaux d’aménagements. Mais leurs enfants ne leur ressembleront pas : leurs retraites seront plus faibles, leur taux de propriété aura cessé de monter, ils auront connu davantage de séparations et seront parents de moins d’enfants. Il faut donc une analyse fine des comportements matrimoniaux, de fécondité, mais aussi, ce qui est plus difficile, des revenus qui gouvernent les choix de logements des différentes cohortes. In fine, le vieillissement exercera bien une pression négative sur la demande, même si cela ne se produira pas avant 2030. Ces changements auront des conséquences sur les prix relatifs des différents biens immobiliers, mais elles ne seront pas forcément brutales si elles ont été bien anticipées. (20) Même si un ajustement à la hausse est sans doute plus facile qu’un ajustement à la baisse. (21) Tendance qui sera renforcée par la hausse du prix du pétrole. 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