Parler dans le noir de nos représentations … sous la lumière

Transcription

Parler dans le noir de nos représentations … sous la lumière
À VOUS DE VOIR se refléter le crépuscule
[Au sujet de] CHARGE SYMBOLIQUE – DU NOIR AU BLANC – Griser l'atmosphère - chasse
à la sorcière au crépuscule
[Autour de] ROMAINE BROOKS // REMY HYSBERGUE
[Pour raconter] À vous de les surprendre dans ce délit délicieux de vol consenti
Cette conférence parle dans le Noir du Blanc qui habille nos représentations. Il s'agit de
s'interroger sur la modernité d'une couleur qui impose un temps et un espace à l'œuvre.
Quelle est la bonne distance face à l'œuvre pour voir apparaître le crépuscule d'une âme ou d'un
paysage?
Parler dans le noir de nos représentations ...
Les deux œuvres s'enveloppent d'un drapé obscur qui n'est pas sans lien avec cette modernité
que Baudelaire plaçait sous le signe de «l’habit noir » et de « la redingote [qui] ont non
seulement leur beauté politique, qui est l’expression de l’égalité universelle, mais encore leur
beauté poétique, qui est l’expression de l’âme publique »1.
Avec Romaine Brooks le noir devient en effet élément politique, à l'image de la femme libre
qui porte le costume et élément poétique, reflet de l'état d'âme de cette vénus ... triste.
C'est la part sombre du poète romantique, celui qui revendique, comme Victor Hugo,
« l'ineffable bonheur d'être triste ».2
Pour Rémy Hysbergue, il semblerait que le noir soit pour voir … le début ou la fin du travail
acharné du peintre, celui qui compose avec les plaisirs contemplatifs et poétiques et qui en
éprouve chaque limite jusqu'au noir de l'œuvre.
… sous la lumière blanche,
Il suffit alors d'un coup de projecteur dans ce « noir » pour nous mettre face à nos fantômes.
La lumière que Rémy Hysbergue poursuit dans ses oeuvres est celle même capturer par
Godard. « Le cinéma a été inventé en noir et blanc parce qu'il volait à la vie sa propre image. La
représentation était un vol. Il fallait donc porter le deuil de la vie » (Jean-Luc Godard)
Le deuil de la vie, c'est bien ce qui semble peser sur la vénus de Romaine Brooks, beauté à la
blancheur morbide dans une atmosphère symboliste. Et pourquoi pas le blanc du corps mort
de l'œuvre de Rembrandt (La leçon d'anatomie, 1634), le blanc de la statue vivante de Cocteau
(Le sang d'un poète, 1930), le blanc du silence chez Rémy Hysbergue (série Pneuma, 2000).
et à l'horizon le paysage.
Le blanc, dans les œuvres de Rémy Hysbergue, impose l'expérience du vide, fenêtre ouverte
sur nous même (série Distraction)... Ce paysage mental, nous le recréons chaque fois que nous
sommes face à une étendue : l'étendue de peinture ou un corps étendu dessinant la ligne
d'horizon. Et à l'horizon, le paysage ; celui de l'état d'âme de la vénus de Romaine Brooks, ou
paysage projeté par nos habitudes visuelles sur l'œuvre de Rémy Hysbergue.
Le peintre est bien cet illusionniste qui laisse au spectateur le soin de trouver la bonne
distance face à l'œuvre, celle qui en révélera la richesse du détail et la cohérence de
l'ensemble.
Que voyons-nous dans ces peintures si l'on arrive à surprendre l'artiste dans ce délit délicieux
de vol consenti?
1 Baudelaire, Le peintre de la vie moderne, 1863
2 Victor Hugo, Les travailleurs de la mer, 1866
Principales œuvres présentées (dans l'ordre de présentation lors de la conférence)
Autour de
Romaine BROOKS (Rome, 1874 – Philadelphie, 1970)
The Weeping Vénus ou la Vénus triste, 1916-1917
Huile sur toile, Musées de Poitiers.
Et de
Rémy Hysbergue (France, 1967)
Étendues II, 2008
Acrylique sur toile tendue sur bois, Frac Poitou-Charentes
Romaine Brooks (Rome, 1874 – Philadelphie,
Romaine Brooks (Rome, 1874 – Philadelphie, 1970)
1970)
Portrait de Paul Morand, 1925
Natalie Barney "l'Amazone", 1920
Huile sur toile, Musées de Poitiers
Huile sur toile, Musée Carnavalet, Paris
Edouard Manet (1832-1883)
Ida Rubinstein, 1917
Le balcon, 1868-1869
Huile sur toile, Smithsonian American Art
Huile sur toile, Musée d'Orsay
Museum
La France croisée, 1914
Huile sur toile, Smithsonian American Art
Museum
Tamara de Lemicka (1898 - 1980)
Portrait de la duchesse de la salle, 1925
Huile sur toile, collection privée
Self-Portrait, 1923
René Magritte (Lessine, 1898 – Bruxelles,
Huile sur toile, National Museum of American 1967)
Art
L'homme au chapeau melon, 1964
Huile sur toile, col. particulière
Una, Lady Troubridge, 1924
Huile sur toile, National Museum of American Rémy Hysbergue (France, 1967)
Art
Pour voir 2809, 2009
Acrylique sur PMMA, Galerie Jean Brolly
Peter (A young english girl), 1923-1924
Huile sur toile, Smithsonian American Art
Série Irrévérences, 2007,
Museum
Acrylique sur PMMA, Galerie Jean Brolly
Gabriele d'Annunzio, le poète en exil.
Huile sur toile, Centre Pompidou
Pour voir 3409, 2009
Acrylique sur PMMA, Galerie Jean Brolly
Jean Cocteau à l'époque de la grande roue, 1912 Entre Deux 0108, 2008
Acrylique sur toile, Bourouina Gallery, Berlin
Huile sur toile, Blérancourt, Musée francoaméricain du château de Blérancourt
Max Ernst (Bruhl, 1891 – Paris, 1976)
La Forêt pétrifiée, 1929
Rémy Hysbergue (France, 1967)
Frottage de crayon au revers d'une gravure du
Série Étendues, 2008
XIXe
Acrylique sur plexiglas, Galerie Jean Brolly
Hans Hartung (Leipzig,1904 – Antibes, 1989)
Oreiller 1
Acrylique, encre, nacre et résine sur toile,
FRAC Pays de Loire
Rémy Hysbergue
Spectral B 07, 2006
Acrylique sur PMMA
Huile sur toile, Musées de Poitiers
Gustave Moreau (1826 -1898, Paris)
La sirène et le poète, 1895
Huile sur toile, Musées de Poitiers (dépot du
Louvres)
Jean Cocteau (1189, Maison Laffitte – 1963,
Kandinsky (Moscou, 1866 – Neuilly sur Seine, Milly la Forêt)
1944)
Le sang d'un poète, film, 1930
Einige Kreise, 1926
Guggenheim Museum, New York
Rémy Hysbergue
Vide Fait n° 8, 2001
Rémy Hysbergue
Acrylique sur komacel
Pour l’instant 2206, 2006
Acrylique sur PMMA miroir, Courtesy Amel
Pneuma 34, 2000
Bourouina.
Acrylique sur PVC, Nancy Hoffman Gallery
Cordialement n°12. 2001.
Acrylique sur Komacel
Distraction 5, 2001
Acrylique sur PVC, Nancy Hoffman Gallery
Entre Deux 0108, 2008
Acrylique sur toile, Bourouina Gallery
Série Pour l'instant, 2006
Acrylique sur plexiglas
Pierre Soulages (Rodez, 1919)
Outrenoir, 2005
Huile sur toile
Helena Almeida (Portugal 1934)
PINTURA HABITADA, 1975.
Série de photographies peintes.
Jean-Luc Godard (1930, Paris)
Alphaville, 1965 (film)
Tania Mouraud (Paris, 1942)
Borderland (n°1619), 2008
Rémy Hysbergue
Pour voir 0708, 2008,
Acrylique sur PMMA, Galerie Jean Brolly
Tirage jet d'encre sur papier fine art, FRAC
Poitou-Charentesa
Henry Peach Robinson (1830-1901)
"She never Told her Love", 1857
Epreuve sur papier albuminé, musée d'Orsay
Léopold Burthe (EU, 1823 – Paris, 1860)
Ophélia, 1852
Rémy Hysbergue
Double effet n°5, 1998
Sarah Holt (Los Angeles, 1946)
"N" Catalina Island, CA, 1981
Photographie couleur, FRAC Poitou-Charentes
Repères bibliographiques
Romaine Brooks, 1874-1970 : Poitiers, Musée Sainte-Croix, 27 juin – 30 septembre 1987
Romaine Brooks : Paris, Galerie Mathieu Néouze, 18 novembre – 11 décembre 2009
Rémy Hysbergue : Co-éd. : FRAC Auvergne, FRAC Poitou-Charentes, Galerie Jean Brolly, 2009
Textes : Alexandre Bohn, Jean-Charles Vergne
Entretien : Guitemie Maldonado