Homélie du 31e dimanche du Temps ordinaire
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Homélie du 31e dimanche du Temps ordinaire
31ème dimanche TO C 30 octobre 2016 Après le publicain du temple de dimanche passé, en voici un autre exemplaire tout aussi attachant qui nous est proposé comme modèle de croyant. C’est l’histoire d’une rencontre, non avec le Très-Haut dans sa demeure de Jérusalem, mais avec cet homme qu’on appelle Jésus, que certains commencent à voir comme le Fils de Dieu en personne. Zachée est très connu, lui aussi. Dans cette corporation méprisée, il tient le haut du pavé ; on doit reconnaître qu’il a réussi, il est très riche, il a su y faire, ce qui est toujours un signe de bénédiction divine, et c’est d’autant plus insupportable qu’il n’est pas un juif pieux au sens où l’entendent les bienpensants du peuple élu. Il avait atteint le but de ses ambitions, et pourtant, il lui manquait quelque chose qu’on pourrait après coup qualifier d’essentiel. Car on peut être immensément seul au milieu du confort et des richesses de toute espèce. Seul, car envié et détesté. On ne parle même pas de sa famille, on ne sait pas s’il était marié, s’il avait des enfants. Jusque là, sans doute avait-il d’autres priorités qui l’avaient laissé de plus en plus sur sa faim. Alors, il provoque cette rencontre insolite, qui sera de fait décisive pour le restant de ses jours. On ne sait pas vraiment qui en a eu l’initiative : il a fait ce qu’il fallait pour être vu aussi bien que pour voir Jésus, et Jésus semblait n’attendre que ça pour s’inviter chez lui. Il n’y a pas vraiment d’autre explication que sans se connaître, tous deux se cherchaient et se sont trouvés. Ce petit homme perché sur son sycomore, que l’on montre encore aujourd’hui à la sortie de Jéricho, a quelque chose de comique, d’inapproprié dans sa position sociale. Lui qui a tout pour en imposer par sa fortune, il ne craint pas le ridicule. Et Jésus précise qu’il est un fils d’Abraham, donc un vrai juif qu’il peut approcher sans sortir de son rôle de Messie. Quand le contact a lieu, tout se passe avec chaleur et enthousiasme : c’est un changement d’âme chez le voleur public et la joie de Jésus de pouvoir sauver ce qui était perdu, heureux de cette hospitalité généreuse. Mais il y a un autre personnage, pour ainsi dire, auquel en général, on ne prête aucune attention et qui est pourtant déterminant dans cette aventure : ce personnage collectif qu’est la foule. Il est pourtant omniprésent dans l’évangile. Cette foule aurait pu empêcher la rencontre, tout simplement. Zachée est petit, il y a trop de monde, il ne voit rien. Il doit donc d’abord se détacher de tout ce monde et se singulariser en grimpant dans son arbre. La foule enferme et rejette à la fois, elle limite les horizons et réduit les êtres à elle-même, elle impose des comportements. Malheur à celui qui ne fait pas comme les autres : il risque parfois le lynchage. Ainsi le monde nous enveloppe et nous enferme dans sa mentalité : nous sommes toujours limités, d’une certaine manière, par le groupe dans lequel nous vivons. Il y a un équilibre toujours à trouver entre l’esprit grégaire et la conscience de notre unicité, parce que Dieu ne nous a pas créés en série. Tout croyant, par la vertu de l’Esprit de Dieu, doit échapper à la tyrannie de son milieu pour lui apporter ce qu’il est. Mais il ne pourra le faire que dans la délicatesse et le respect de chacun. Cette foule voulait aussi imposer à Jésus ses critères et ses exclusives : s’Il est ce qu’il prétend, il n’a pas à fréquenter ces gens-là ! Nous aussi, nous avons à la fois à nous méfier de la foule et à être modestement le levain dans la pâte ; nous en sommes en même temps les victimes et les responsables. Elle peut nous empêcher de voir le Seigneur, voire nous imposer un certain visage du Christ : Christ copain, Christ justicier, Jésus super-star, Jésus guimauve ou Gott mit uns… Or, il est plus que tout cela. Zachée ne l’a vu que de haut, alors que Lui était en bas, parce qu’Il est descendu plus bas que nous dans l’Incarnation. Zachée nous montre encore qu’en chaque homme vit le pécheur et le Seigneur, jusqu’à ce que le Seigneur mène à bonne fin, par sa puissance, toutes nos intentions de faire le bien, comme a dit l’apôtre dans l’épître. Cela permet toutes les audaces et toutes les originalités. Et le résultat final, c’est la joie de l’évangile, parce que Jésus travaille toujours dans l’inattendu qui vient sauver ce qui était perdu.