Quel carburant pour la croissance chinoise ?
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Quel carburant pour la croissance chinoise ?
TOPIC Octobre 2003 Quel carburant pour la croissance chinoise ? Une production énergétique insuffisante… … compte tenu de la forte croissance économique Développement des ressources hydrauliques… … et grand retour du nucléaire… … secteur dans lequel la France Depuis le début de l’année, 18 provinces chinoises ont connu, de façon récurrente, des pannes d’électricité. Ces pénuries ont touché en particulier les zones industrielles du sud du pays. Volkswagen ou General Motors, par exemple, ont été contraints d’arrêter plusieurs fois leur production. Dans les grandes villes, le développement exponentiel de la climatisation durant le dernier été, très chaud, a conduit à une hausse spectaculaire de la consommation d’électricité. De même, la forte croissance de l’automobile et des transports aériens et ferroviaires a fait exploser la demande de produits raffinés. Ces besoins énergétiques sont la conséquence directe de l’effervescence qui règne dans tous les secteurs de l’économie chinoise. Les 8,3% de croissance prévus pour 2003 ont besoin de carburant. Bien que les autorités chinoises en aient pris conscience et aient établi, depuis dix ans, des politiques visant à multiplier les sources domestiques d’approvisionnement, la dépendance aux importations n’a pas cessé de s’accroître. Pour assurer sa production électrique, la Chine compte beaucoup sur ses ressources hydrauliques et charbonnières nationales qui comptent respectivement pour 25% et 70% de la production électrique totale. Elle a fait construire des barrages de plus ou moins grande ampleur à travers tout le pays, le plus célèbre étant celui des Trois Gorges. Ce dernier a d’ailleurs commencé à produire de l’électricité cette année. Il approvisionnera en priorité l’est du pays. 32% de l’énergie produite devraient ainsi venir soutenir la croissance shanghaïenne qui a atteint 11,4% entre janvier et juillet, 16% seront acheminés vers les zones industrielles du Guangdong, le reste étant affecté à la Chine Centrale. Les nouveaux dirigeants tiennent aussi à développer des sources d’énergie alternatives. Ils ont ainsi remis le nucléaire au goût du jour pour réduire la dépendance du pays vis-à-vis du pétrole. Deux nouvelles centrales devraient voir le jour, l’une dans la province du Guangdong et l’autre dans la municipalité de Chongqing (qui affichera cette année un taux de croissance de 11,1%, supérieur aux 9,6% de Beijing). D’ici 2005, le gouvernement compte bien voir le nucléaire représenter au moins 3% de la production énergétique nationale. EDF et Framatome ont d’excellentes cartes à jouer contre leurs concurrents japonais et américains. Le succès de Daya Bay, les possède des atouts majeurs liens étroits qu’entretiennent ces deux groupes et le CEA avec les principales institutions nucléaires chinoises et, surtout, le modèle français de standardisation des centrales qui permet de proposer des projets très compétitifs, laissent à penser que la France pourrait devenir un partenaire privilégié du programme nucléaire chinois. Le pétrole coûte très cher à la Chine… Quant à la facture pétrolière, elle commence à peser lourd dans les finances chinoises. Sur les dix dernières années, la croissance annuelle moyenne de la consommation a été de 5,8% tandis que la production nationale n’a augmenté, en moyenne, que de 1,7% sur la même période. La Chine est importatrice nette de pétrole brut depuis 1993. Selon l’AIE (Agence Internationale à l’Energie), les importations de pétrole, qui représentaient en 2002 34% des besoins pétroliers totaux, pourraient dépasser les 80% en 2030, ce qui correspondrait à 10 millions de barils par jour. Si le Chinois consommait un jour autant qu’un Américain, la Chine devrait importer 83 millions de barils par jour ! Certes, la Chine est le 5ème pays producteur de pétrole dans le monde. Mais elle est aussi le 3ème pays qui consomme le plus ce précieux carburant. Depuis le milieu de l’année, elle est en outre devenue le 2nd pays importateur, derrière les Etats-Unis, après avoir dépassé le Japon. Devant ce constat et la nécessité pour le pays d’assurer son indépendance énergétique, les autorités ont décidé d’accélérer l’exploration des ressources domestiques et de diversifier leurs fournisseurs. L’obligation de multiplier les sources d’approvisionnement, à l’étranger en particulier, a pris une importance grandissante depuis la guerre conduite par les Etats-Unis en Irak. Rappelons que 50% des importations pétrolières chinoises proviennent du Moyen-Orient. … de plus en plus dépendante de cette énergie primaire… … d’où la volonté de s’appuyer sur les ressources nationales et de diversifier ses fournisseurs Un pipeline entre la Sibérie et le nord-est de la Chine quelque peu aléatoire… A l’étranger, le projet le plus porteur reste celui d’un pipeline reliant les champs pétroliers sibériens à Daqing (nord-est). Malheureusement pour la Chine, la Russie a retardé le projet officiellement pour des raisons environnementales. En réalité, l’entrée en lice d’un nouveau joueur, en l’occurrence le Japon, a changé la donne cette année. Car le Japon propose un projet très différent et promet d’y participer financièrement. En mai dernier, pourtant, le président chinois Hu Jintao, en visite à Moscou avait présidé avec le président russe Vladimir Poutine à la signature d’un accord entre China Petroleum Corp (CNPC) et Yukos Oil. Le groupe pétrolier russe promettait de fournir 700 millions de tonnes de pétrole brut à la Chine d’ici 25 ans via le pipeline d’Angarsk à Daqing. La Chine prévoyait que les importations russes avoisineraient ainsi 30% des importations totales de pétrole brut en 2010 contre 4,4% actuellement. Mais le lobbying japonais, soutenu par les Etats-Unis, et les récents problèmes de Yukos ont conduit la Russie à revoir sa position. Le pipeline que lui propose le Japon, d’Angarsk à Nakhodka, sur la Côte Pacifique, aurait l’avantage considérable de … mais une internationalisation des grands groupes nationaux réussie… …et une exploration fructueuse dans le Xinjiang Le gaz est aussi à l’honneur… … et comme pour le pétrole, l’Asie centrale devient une zone stratégique d’approvisionnement lui ouvrir plusieurs marchés à l’export. Par ailleurs, l’arrivée des Américains Exxon Mobil et Chevron Texaco dans le capital de Yukos limite encore davantage les chances chinoises. Mais la Chine possède d’autres cartes en mains. Depuis quelques années, le gouvernement a poussé les grands groupes publics à s’internationaliser. PetroChina, Sinopec, CNOOC et Sinochem ont ainsi dépensé près de quatre milliards de dollars pour acquérir des participations dans des champs pétroliers et gaziers étrangers. CNOOC, qui exploite déjà plusieurs zones de forages offshore en Mer Jaune et en Mer de Chine méridionale est aussi présent en Indonésie (aux côtés de BP). Sinopec devrait bientôt signer un accord pour exploiter les champs pétroliers en Azerbaïdjan. Sur le plan domestique, le gouvernement compte beaucoup sur les réserves du Bassin du Tarim, dans la province autonome du Xinjiang, évaluées à 6 milliards de tonnes. Les champs pétroliers exploités dans l’est du pays, à Daqing notamment, sont en perte de vitesse et Pékin souhaite plus les utiliser que comme réserves stratégiques. Par ailleurs, la Chine se montre très intéressée par les gisements gaziers. Dans le seul Bassin du Tarim, les réserves de gaz avoisineraient les 8 000 milliards de mètres cube et représenteraient 22% des réserves totales chinoises en gaz. Jusqu’à présent, seules 10% de ces réserves auraient été trouvées. Les autorités misent donc beaucoup sur cette énergie primaire. PetroChina construit actuellement plusieurs pipelines destinés à densifier son réseau ouest-est. En outre, comme pour le pétrole, la Chine se montre particulièrement intéressée par l’Asie Centrale et dans ce cas précis par le Turkménistan. L’intérêt de cette zone est double. D’un côté, la Chine peut construire des pipelines qu’elle reliera ensuite au réseau déjà en place sur son territoire. Elle évite ainsi le transport par tanker et les risques qu’il comporte dans l’Océan Indien et le détroit de Malacca. De l’autre, elle contient l’influence américaine qui se rapproche toujours plus des frontières chinoises via ses bases militaires installées depuis le conflit en Afghanistan. En tout état de cause, la Chine s’inquiète de sa dépendance énergétique. Elle est prête à tout pour débloquer ce qui pourrait empêcher la croissance économique, indispensable à sa stabilité sociale. Le nucléaire est donc à nouveau au goût du jour, ce qui pourrait être de bonne augure pour le savoir-faire français en la matière. En ce qui concerne le pétrole, il sera intéressant de suivre les négociations entre les Chinois, les Japonais et les Russes tiraillés entre le désir de plaire aux Américains et celui de ne pas décevoir le puissant voisin chinois. L.B www.hec.fr/eurasia Le pétrole russe, convoité par la Chine et le Japon Source : The Economist ____________________________________ 6 Augmentation continue de la consommation de pétrole en Chine 4 (en millions de barils/jour) Source : WMA, 2003 2 0 1995 1996 1997 1998 production 1999 2000 2001 2002 consommation 42 36 Les réserves de gaz domestiques permettent à la Chine de ne pas être dépendante des importations 30 24 (en millions de mètres cubes) 18 Source : WMA, 2003 12 6 0 1995 1996 1997 1998 production 1999 2000 consommation 2001 2002