demarche diagnostique et therapeutique devant une fievre isolee

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demarche diagnostique et therapeutique devant une fievre isolee
DEMARCHE DIAGNOSTIQUE ET THERAPEUTIQUE DEVANT UNE
FIEVRE ISOLEE CHEZ UN ENFANT DE MOINS DE CINQ ANS.
Christèle GRAS-LE GUEN. Réanimation pédiatrique- néonatologie Hôpital Mère
Enfant CHU NANTES.
La fièvre est le symptôme le plus fréquent en pathologie pédiatrique, souvent le premier et parfois le
seul signe de la maladie. En moyenne, un enfant de moins de 5 ans présente 3 à 6 épisodes fébriles par
an (1). Alors que la présentation clinique initiale peut être identique, l’origine de la fièvre peut être
bénigne ou au contraire gravissime. Il est en effet difficile de distinguer dès les premières heures un
syndrome grippal d’une bactériémie occulte chez le jeune enfant présentant une fièvre isolée. La
démarche diagnostique dans cette situation pourtant fréquente doit donc être structurée pour mieux
cerner les groupes d’enfant à risque de développer une pathologie grave et adapter au mieux la
thérapeutique. (2)
La fièvre est définie comme une température rectale supérieure à 38°C. Il faut aujourd’hui préférer les
mesures axillaires (facteur de correction de + 0.5°C). La fièvre qui s’accompagne de signes
d’orientation cliniques ne pose le plus souvent pas de problèmes diagnostiques (otite moyenne aiguë,
angine, toux, éruption vésiculeuse, syndrome méningé ...). La difficulté réside plutôt dans la
détermination du diagnostic étiologique d’une fièvre isolée, définie comme une fièvre sans éléments
d’orientation à l’issue d’un interrogatoire et d’un examen clinique complet (3). Toutefois, il faut avoir
au préalable recherché et éliminé les signes généraux évocateurs de sepsis ou les signes de gravité avant
de conclure à une fièvre isolée bien tolérée. (cf tableau 1)
Signes d’appel
Fièvre
Tachycardie
Polypnée
Leucocytes
Nourrissons
2 ans et plus
>38°C ou < 36°C
> 150/mn
> 120/mn
> 75/mn
> 30/mn
>12000/mm3 ou < 4000/mm3 ou > 10% cellules immatures
Tableau 1 : Définition du sepsis (réponse inflammatoire systémique à l’infection où figurent 2 ou plus des
signes ci dessus) (4)
Parmi les enfants de moins de trois ans, on distingue trois populations différentes. Le premier groupe
d’enfant est constitué par les enfants agés de moins de un mois, chez qui l’apparition d’une fièvre doit
faire évoquer en premier lieu une infection materno-foetale. Les germes en cause sont le Streptocoque
B, l’Escherichia coli et Listeria monocytogenes. Le diagnostic étiologique est rendu difficile par le
caractère totalement aspécifique des signes cliniques à cet âge (geignements, mauvaise prise des
biberons ou vomissements, tachycardie ou bradycardie avec malaise...). Dans l’impossibilité de
distinguer cliniquement les formes graves des autres, ces enfants doivent tous être orientés vers un
service spécialisé où sera pratiqué un bilan infectieux (Hémoculture, NFS-Plq, CRP, ECBU, PL) et
débutée une triple antibiothérapie (amoxicilline, céfotaxime, gentamicine) en attendant le résultat des
cultures. (5) Toute fièvre durant le premier mois de vie est une infection materno fœtale jusqu’à preuve
du contraire
La survenue d’une fièvre durant le 2ème ou le 3ème mois de vie impose également la réalisation d’un bilan
biologique (Hémocultures, NFS-Plq, CRP, ECBU). Les germes retrouvés restent ceux déjà mentionnés,
mais aussi, au fur et à mesure que l’enfant s’éloigne de la période néonatale, Streptococcus
pneumoniae, Haemophilus influenzae et Neisseria meningitidis. La symptomatologie de l’infection
bactérienne s’enrichit un peu mais reste trompeuse. L’anamnèse, l’examen clinique et les résultats
biologiques permettent alors de distinguer deux situations :
1
•
Le risque d’infection bactérienne grave est faible et l’enfant peut être surveillé en
ambulatoire si l’entourage familial le permet, en détaillant les consignes de surveillance (cf
propositions ci-dessous) et en ne prescrivant qu’un traitement symptomatique.
•
Le risque d’infection grave est jugé important, le bilan est complété par la réalisation d’une
PL et l’enfant reçoit 50 mg/kg de ceftriaxone en attendant le résultat des cultures.
La règle de prudence devant un enfant fébrile de moins de trois mois est la suivante : bilan
systématique, pas d’antibiotiques sans PL. (6)
Reste le cas des enfants de 3 mois à 35 ans présentant une fièvre isolée > 39°C. Cette population
constitue le groupe à risque de d’infection bactérienne occulte. Il s’agit d’enfants porteurs d’une
bactériémie, d’une pyelonéphrite ou d’une pneumonie dont la présentation clinique est trompeuse car
rassurante initialement. L’incidence est évaluée entre 5 et 10% des enfants de moins de 5 ans se
présentant avec une fièvre isolée ( > 38°C) ,mais seuls 70-80% de ces enfants reçoivent d’emblée une
antibiothérapie(1). Les germes retrouvés sont des germes encapsulés : Streptococcus pneumoniae
,Neisseria meningitidis, ou encore Escherichia coli. Si certains cas guérissent spontanément, il existe
pourtant un risque de localisation secondaire qui fait toute la gravité de l’infection (méningite, ostéoartrite, pneumonie...). Ce risque est variable selon les germes en cause : 6% de méningites pour
Streptococcus pneumoniae, 50 % pour Neisseria meningitidis.
Le seul examen clinique ne permettant pas de distinguer les cas bénins des infections graves (6), les
auteurs américains recommandent la réalisation systématique d’une NFS-plq chez les enfants à risque
(3-36 mois et > 39°C) (2). Selon le nombre de leucocytes ils prônent dans un cas ( GB >15 000/mm3)
un bilan complémentaire (hémocultures, ECBU) et traitement ambulatoire probabiliste par ceftriaxone
50 mg/kg , ou dans l’autre cas (GB< 15 000/mm3) un simple traitement symptomatique assorti de
consignes de surveillance à domicile. Les enfants sont revus à 48 heures et le bilan biologique complété
par une PL en cas d’hémocultures positives ou de fièvre persistante > 39°C. (8,9) Plus récemment, un
score (risk index score) a été validé comme performant dans la détection des enfants infectés (dosages
de CRP et PCT + bandelette urinaire)(10).
Il existe aujourd’hui des variations considérables dans la prise en charge de l’enfant fébrile sans point
d’appel (11) Il faut pourtant garder à l’esprit en pratique quotidienne qu’un enfant de moins de
cinq ans avec une fièvre isolée >39°C et de présentation clinique rassurante peut développer en
48 heures une localisation secondaire grave d’une infection bactérienne occulte. Il convient donc
de s’assurer dans tous les cas de l’absence de signes « toxiques » (paleur, somnolence, comportement
anormal, diminution de l’activité, absence de sourire, cris aigues ou incessants, polypnée, désaturation,
muqueuses sèches, anorexie, vomissement vert, fontanelle bombante ) (15). Il faut réaliser
systématiquement une bandelette urinaire et insister sur les consignes de surveillance à laisser aux
parents. Il convient également de revoir l’enfant à 48 heures en cas de persistance de la fièvre à la
recherche d’éléments nouveaux.
La règle de prudence devant une fièvre isolée de l’enfant âgé de trois mois à 5 ans est la
suivante : surveillance attentive, bilan biologique au moindre doute, pas d’antibiotique sans
bilan.
Le traitement antipyrétique de l’enfant se justifie par une amélioration du confort du malade et non plus
la prévention des convulsions fébriles. C’est le paracétamol qui doit être utilisé en première intention
à la posologie de 15 mg/kg toutes les 6 heures. Si la fièvre persiste en dépit d’une dose suffisante, on
peut alors associer ponctuellement une dose d’ibuprofen. L’alternance de principe des
antipyrétiques ne repose sur aucune donnée scientifique démontrée (11,12,13).
2
REFERENCES
1) Craig JC, Williams GJ, Jones M, Codarini M, Macaskill P, Hayen A, Irwig L,Fitzgerald DA,
Isaacs D, McCaskill M. The accuracy of clinical symptoms and signsfor the diagnosis of
serious bacterial infection in young febrile children:prospective cohort study of 15 781 febrile
illnesses. BMJ. 2010 Apr 20;340:c1594.doi: 10.1136/bmj.c1594.
2) Baraff LJ. Management of the febrile child : a survey of pediatric and emergency medicine residency
directors. Pediatr Infect Dis J 1991 ; 10 :795-800
3) Swindell S, Chetham M, Roberts K. Fever without localizing signs : the problem of occult
bacteremia. Seminars Pediatr Infect Dis 1993,4 :24-29
4) American college of chest physicians society of critical care medecine consensus conference :
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care Med 1992,20 :864-74
5) Speer M. Fever in the newborn. Seminars Pediatr Infect Dis 1993,4 :14-17
6) Nozicka CA. Evaluation of the febrile infant younger than 3 month of age with no source of
infection. Am J Emerg Med 1995 ; 13 :215-18
7) Kuppermann N, Malley R, Inkelis SH, Fleisher GR. Clinical and hematologic features do not
reliably identify children with unsuspected meningococcal disease. Pediatrics 1999, 103 :E20
8) Kuppermann N, Fleisher GR, Jaffe DM.Predictors of occult pneumococcal bacteremia in young
febrile children. Ann Emerg Med 1998 ,31 :679-87
9) Barraff I, Bass J, Fleisher G. Practice guidelines for management of infants ans children 0 to 36
months of age with fever without source. Pediatrics 1993, 92 :1-12
10)
Yamamoto LG, Worthley RG, Melish ME, Seto DS. A revisited decision analysis of
strategies in the management of febrile children at risk for occult bacteremia.Am J Emerg Med
1998,16 :193-207
11)
Mofenson H, Caraccio T, McFee R, Greensher J. Combined antipyretic therapy : another
potential source of chronic acetaminophen toxicity. J Pediatr 1998,133 :713-722
12)
Block S. Ibuprofen and or acetaminophen : what price for « euthermia » ? J Pediatr
1997 ;131 :332
13)
Mayoral C, Marino R, Rosenfeld W, Greensher J. Alternating antipyretics : is it an
alternative ? Pediatrics 2000, 105 :1009-1012
14)
Baraff LJ. Management of infants and young children with fever without source.Pediatr
Ann. 2008 Oct;37(10):673-9.
15)
Galetto-Lacour A, Zamora SA, Andreola B, Bressan S, Lacroix L, Da Dalt L,Gervaix A.
Validation of a laboratory risk index score for the identification of severe bacterial infection in
children with fever without source. Arch Dis Child.2010 Jun
16) Recommendations NICE May 2007: Feverish illness in children
3