5.9. Quel est le degré d`incertitude d`une mesure
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5.9. Quel est le degré d`incertitude d`une mesure
5.9. Quel est le degré d’incertitude d’une mesure ? Une règle empirique appliquée dans le contrôle de qualité dimensionnel veut que la précision des instruments de mesure soit dix fois plus élevée que la tolérance de production. Avec les centres d'usinage de plus en pLus précis, il faut s'en écarter car mesurer avec une précision dix fois supérieure n'est parfois pLus possible. La nature de la règle empirique indique d'ailleurs que l'on traite souvent l'incertitude de mesure de façon arbitraire. Une erreur de mesure est, par définition, la différence entre la valeur mesurée et la valeur réelle. Cette définition ne nous avance pas beaucoup dans la pratique car la valeur réelle d'une mesure n'est pas connue. Cela donne lieu à toute une série de définitions de l'incertitude de mesure, parmi lesquelles celle du Vocabulaire International de Métrologie qui est certainement la plus claire: l'incertitude de mesure est une estimation qui indique la plage dans laquelle se trouve la valeur réelle de ce que l'on mesure. Cela ne résout pas encore la question car la détermination de cette plage nécessite en principe la prise en compte de tous les facteurs qui peuvent avoir une influence sur l'incertitude de mesure. Impossible à réaliser dans la pratique mais il est important de prendre conscience de cette problématique lorsque, face à un résultat de mesure, il faut donner une indication de l'incertitude de mesure. Et ce qu'il faut en tout cas savoir, c'est que l'incertitude de mesure est tout autre chose que la précision donnée par les fabricants de systèmes de mesure. Cette problématique s'inscrit dans le cadre de la conférence "Incertitude de mesure dans les machines à mesurer tridimensionnelles" qui a été donnée en février dernier lors de la journée de la technologie 'Mesurer', organisée par le Mikrocentrum et le Nederlands Meetinstituut à Delft. Industrie Technique et Management a eu un entretien avec ir. Nick Van Gestel, auteur de la conférence, et dr. Ir. Philip Bleys. Tous deux sont actifs dans le groupe Dimensional Metrology à la Faculté des Ingénieurs de la KULeuven, Philippe Bleys est en outre lié à Sirris et accompagne les entreprises dans leur recherche de solutions en matière de technique de mesure dimensionnelle. mesure complique quelque peu cela car elle entraîne l'apparition d'une zone d'incertitude sur les bords de la plage de tolérance et dont, en raison de l'imprécision de la mesure, on ne peut pas dire avec certitude si le produit doit être accepté ou refusé (décrit dans l'ISO 14253-1). Selon que l'incertitude de mesure augmente, cette plage d'incertitude augmente aussi. C'est en fonction de ]' application et des conventions entre fournisseur et l'acquéreur des pièces qu'on prend une décision quant à cette zone d'incertitude. La détermination de l'incertitude de mesure commence par l'établissement de tous les facteurs d'influence possibles. Une méthode décrite dans le Guide to Uncertainty in Measurement (GUM) indique comment les incertitudes dues à tous ces facteurs peuvent être prises en compte pour constituer une incertitude de mesure globale. Comme déjà indiqué, ceci n'est pas toujours réalisable dans la pratique. Il s'agit plutôt d'un exercice scientifique qui indique une déviation standard autour du résultat de mesure, dont on ne peut déduire qu'un intervalle de fiabilité si on part du principe que la dispersion du résultat de mesure correspond à une courbe de Gauss. Une ap proche plus pratique utilise les techniques Monte-Carlo, une méthode issue de la statistique où on réalise des expériences (virtuelles) avec plusieurs valeurs pour les différents facteurs d'influence. L'intérêt de cette méthode est que l'on obtient une vue de l'incertitude de mesure globale en fonction des incerti tudes sur les différents facteurs d'influence sans devoir connaître le lien analytique entre les deux, et donc également dans les cas où ce lien analytique n'existe tout simplement pas. Si nous prenons le cas des machines à mesurer tridimensionnelles, les facteurs d'influence peuvent être répartis en cinq domaines : le matériel MMT, l'environnement, la pièce, la stratégie de palpage et la stratégie d'évaluation. Le matériel et l'environnement présentent une certaine interdépendance. Pensez à la dilatation du métal en fonction de la température. La pièce et la stratégie de palpage sont aussi étroitement imbriquées car le nombre de points de mesure et leur emplacement doivent être choisis en fonction de la nature de la pièce et des erreurs LES SOURCES DE L'INCERTITUDE DE MESURE Le contrôle de qualité dimensionnel consiste à vérifier les dimensions de pièces pour ensuite les accepter ou les refuser. Pour une mesure donnée, il y a une plage de tolérance au sein de laquelle la valeur réelle peut se trouver. Les produits dont la valeur mesurée se situe hors de la plage de tolérance doivent être refusés. L'incertitude de 28 possibles auxquelles on peut s'attendre. Par stratégie d'évaluation, on entend la méthode qui est choisie lors de la prise en compte de valeurs de mesure comme le filtrage de données et les critères d'adéquation. C'est un domaine auquel on accorde souvent peu d'attention parce que les algorithmes se trouvent dans le logiciel de la machine, mais qui peut exercer une certaine influence sur l'incertitude de mesure. une face, Si dans une mesure de ce genre, on ré partit convenablement les points de palpage sur la surface, on aura moins de points de mesure du côté de l'orifice. Si, ensuite, une méthode des moindres carrés est appliquée avec les résultats de mesure pour obtenir la planéité, le côté comprenant le plus de points de mesure reçoit aussi le poids le plus grand et des écarts de planéité de ce côté joueront un rôle trop important. Mieux vaut, par exemple, travailler avec une surface de zone minimale, il s'agit de la définition de deux surfaces parallèles audessus et au-dessous de la pièce, où se trouvent tous les points de mesure, et utiliser la distance entre ces surfaces comme mesure de la planéité. L'INCERTITUDE EN FONCTION DE L'APPLICATION Parmi les facteurs d'influence, il y a la température ambiante. En cas de température plus élevée, tant des éléments de la machine que la pièce vont se dilater, ce qui va influencer le résultat de mesure. Cela ne doit pas poser de problème en soi car l'influence de la température (via le coefficient de dilatation connu) peut être compensée. Les gradients de température sont par contre bien plus importants pour la précision de la mesure. Lorsque la température ambiante augmente, certains éléments de la machine et de la pièce vont s'échauffer plus vite que d'autres, et on va voir apparaître, dans la phase transitoire, une influence inégale et imprévisible. C'est la raison pour laquelle, on recommande, dans la stratégie de palpage, de mesurer directement les points qui forment un ensemble - et dont il faut prendre les coordonnées en compte pour une dimension donnée - afin de limiter l'influence des transitions de température. A cet égard, la façon de monter une pièce peut aussi accroître la précision car elle contribue à déterminer où et comment une pièce peut se dilater. Un autre exemple concret est l'influence des erreurs de forme. Une source typique d'incertitude de mesure a lieu dans le cas de pièces tournées qui sont serrées dans la machine sur trois points. Si on perce un trou dans une telle pièce, dont l' ovalisation et le diamètre sont ensuite mesurés, on obtient des erreurs de mesure très différentes en fonction de la stratégie de palpage choisie, Le problème ici c'est qu'une forme trilobée est créée au lieu d'un cercle, une conséquence de la déformation de la pièce fixée en trois points. De fait, les valeurs mesurées pour la rondeur, le diamètre et la position dépendent fortement du nombre de points de mesure et de leur emplacement. Ainsi, des multiples de trois, comme nombre de points de mesure, conduiront à une grande incertitude sur la rondeur et le diamètre. Si on veut utiliser les mesures pour calculer la position X et Y du point central du cercle, des multiples de trois sont par contre avantageux. Un multiple de trois donne donc un résultat plus précis, bien meilleur qu'avec quatre points. On retrouve un autre exemple de l'influence des erreurs de forme lorsqu'on veut contrôler la planéité d'une plaquette présentant un orifice sur TESTS DE VERIFICATION Il ne s'agit là de quelques exemples qui montrent comment les différents facteurs d'influence peuvent accroître l'incertitude de mesure, ou la réduire. La conclusion à cela est qu'il faut bien se poser la question de savoir de quelle application il s'agit et quels sont les aspects de la mesure qui doivent être considérés comme une incertitude de mesure. Si, dans le premier exemple, on mesure les points d'un cercle, la détermination de l' ovalisation ou du centre requiert une tout autre stratégie de palpage. La compréhension de l'application, et donc la compréhension des erreurs de mesure possibles, sont d'une importance essentielle lors de l'interprétation des résultats de mesure. Un autre exemple typique qui clarifie cette problématique, est la mesure d'un arc de cercle. Pensez à une plaque courbée qui va par exemple être assemblée à d'autres segments pour former un silo de grand diamètre. Le contrôle qualité consiste alors à vérifier si la courbure de la plaque correspond au diamètre du silo final. En mesurant quelques points, on peut appliquer assez facilement une méthode des moindres carrés pour déterminer le diamètre. La méthode fournit aussi une déviation standard qui est la conséquence de l'écart de certains points de mesure du cercle obtenu. Lerreur sur le diamètre calculé peut cependant être plusieurs fois plus grande, car la méthode des moindres carrés ne fournit à vrai dire, dans ce cas, aucune information sur la précision des points de mesure individuels. Ce qui résulte clairement de ce qui précède, c'est que l'incertitude de mesure comprend beaucoup plus que la mention de la précision de la machine, indiquée sous la forme a + b L par le fabricant~ Celle-ci est déterminée par des tests de vérification comme définis dans la notme ISO 10360-2. Le test consiste à mesurer à trois reprises cinq cotes exactes dans sept orientations différentes, où les a et b de la formule ont été choisis de façon à ce que les 105 29 écarts obtenus - pour ce genre de tests, les dimensions réelles sont connues - tombent dans l'intervalle de précision indiqué. En outre, le test consiste à mesurer une sphère étalonnée avec 25 points, dont l'adéquation des moindres carrés est calculée et dont le diamètre obtenu est comparé à la valeur réelle. De tels tests en disent beaucoup sur la précision de la machine, mais passent sous silence des aspects spécifiques d'une pièce ou application donnée. Les tests de vérification sont cependant justifiés pour surveiller l’état d'une machine. Pour des applications concrètes, il faut oser aller plus loin. La mission presque impossible consistant à pouvoir calculer l'imprécision de mesure de façon complète et précise peut être accomplie en se limitant aux aspects qui sont les plus pertinents pour l'application. C'est alors au fabricant et à l'acheteur d'une pièce à parvenir à un accord à ce sujet. Industrie Avril 2009 30