Jean-Luc Martin
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uvcw I Février 2016 I n°905 I L’invité du mois 6 | L’INVITÉ DU MOIS Jean-Luc Martin Président du Comité de direction de la SPGE (Société publique de Gestion de l'Eau) « L’assainissement des eaux usées et la protection des ressources sont la base de la salubrité » Alain Depret Secrétaire de rédaction La Société publique de Gestion de l'Eau (SPGE) est une société anonyme de droit public mise en place par la Région wallonne en 1999. Sa mission essentielle est d'assurer la coordination et le financement du secteur de l'eau en Wallonie. En concertation avec les autres partenaires de l'eau, elle s'occupe ainsi prioritairement de l'assainissement des eaux usées, de l'égout à la station d'épuration, et de la protection des captages. Un secteur en pleine mutation, comme nous l’explique ici Jean-Luc Martin, Président du Comité de direction de la SPGE, notre invité du mois. Monsieur Martin, avant toute chose, pourriez-vous nous dresser un rapide portrait de vous ? J’ai une formation de juriste avec une spécialisation en droit fiscal. J’ai été, pendant sept ans, fonctionnaire au Ministère des Finances, d’abord au Fédéral et puis au Régional. Ensuite, j’ai travaillé pendant sept ans au Crédit communal et j’ai été chef de cabinet de plusieurs Ministres avant de prendre mes fonctions à la SPGE, il y a quinze ans maintenant. Vous connaissez donc bien la SPGE. Pouvez-vous nous rappeler quelles furent les circonstances de sa création ? On peut donc dire que la SPGE est une société financière, une société de coordination et une société d’accompagnement des opérateurs de terrain que sont les intercommunales. Sur base décrétale, les missions de la SPGE consistent en la coordination du secteur de l’eau, l’assainissement des eaux usées domestiques et la protection des captages. En termes de coordination du secteur de l’eau, cela concerne essentiellement des actions transversales, dont l’élaboration du plan comptable de l’eau qui a été réalisé par la SPGE en collaboration avec tous les opérateurs. Notre core business est l’assainissement des eaux usées domestiques. Il faut se rappeler que, en 1991, une directive européenne a imposé aux pays membres d’assainir leurs eaux usées domestiques, avec des deadlines très différentes d’un pays à l’autre, selon que celui-ci était en zone sensible ou en zone non sensible, selon que le pays était un nouveau membre ou pas. Cette directive de 1991 était une obligation de moyens : 7 Puro s’engage à protéger les forêts tropicales. Nous collaborons avec l’organisation de conservation de la nature World Land Trust et pour chaque tasse de café vendue, nous donnons une contribution financière pour acheter et protéger durablement des parties menacées www.purocoffee.com - 0800/44 0 88 dans les agglomérations de plus de 10 000 ment des eaux, avec l’aide des sept interéquivalents-habitants, il fallait une sta- communales autonomes avec lesquelles nous sommes en contrat de services, et tion d’épuration pour 1998. qui sont donc nos maîtres d’ouvrage délégués. Nous ne nous occupons pas de C’est donc dans ces conditions que la SPGE est née en Wallonie ? créer les projets, ni de surveiller les travaux, ni d’établir les cahiers des charges, En effet. En Wallonie, nous avons beau- ni de faire fonctionner les stations... Ce coup travaillé à mettre sur pied la SPGE sont les intercommunales qui se chargent parce que la situation financière de la de tous ces aspects. Région était telle qu’il n’y avait plus aucune capacité d’emprunt. Il lui fallait Comment avez-vous en effet trouver trois milliards d’euros finalement trouvé les et il était impossible d’impacter cette financements nécessaires ? somme sur un budget. Il fallait donc emprunter. Et c’est pour cette raison que Il nous a fallu trouver de l’argent sans la l’assainissement des eaux usées domes- garantie de la Région wallonne. Grâce à tiques a été externalisé dans l’entreprise l’appui de la Banque européenne d’inpublique qu’est la SPGE. Mais celui-ci vestissement, nous avons commencé à était accompagné d’autres compétences, trouver des fonds sans garantie réelle, comme la protection des captages. Dans puisque les stations d’épuration sont des l’urgence, l’assainissement était pourtant biens inaliénables et imprescriptibles. prioritaire, puisque les agglomérations Nous sommes arrivés à obtenir un rade plus de 10.000 équivalents-habi- ting assez favorable, mais cela a pris des tants devaient être équipées de stations années. Une fois que nous avons trouvé d’épuration des eaux pour 1998. Et nous le financement, nous avons enfin pu étions en 2000 ! Durant ces quinze der- investir, financer les travaux et avancer à nières années, nous avons donc décidé marche forcée. de nous engager à fond dans l’assainisse- Avez-vous eu terminé votre projet à temps, comme vous le demandaient les instances européennes ? Les agglomérations de 2 à 10.000 équivalents-habitants devaient être terminées pour 2005. C’était une chance pour nous d’avoir commencé tous les travaux en même temps, en ne nous focalisant pas nécessairement sur les agglomérations de plus de 10.000 équivalents-habitants, car nous avons dépassé tous les délais imposés par l’Europe. Et nous avons donc été poursuivis. Mais nous avons en quelque sorte gagné notre pari car, lorsque nous nous sommes retrouvés devant la Cour de Justice européenne, nous n’avons pas eu d’astreintes. Nous avions en effet rattrapé notre retard, quasi en même temps que la Flandre, en ce qui concerne les agglomérations de plus de 10.000 équivalents-habitants. Mais notre pays a tout de même dû s’acquitter d’une amende de 10 millions d’euros. uvcw I Février 2016 I n°905 I L’invité du mois de la forêt tropicale en Amérique du Sud. 8 | L’INVITÉ DU MOIS uvcw I Février 2016 I n°905 I L’invité du mois Où en êtes-vous aujourd’hui ? Aujourd’hui, nous nous occupons des agglomérations de 2 à 10.000 habitants de manière prioritaire de façon à terminer correctement le travail. Dans la législation européenne, il y a deux stades dans la sanction : l’article 58 permet à la Cour de Justice de nous infliger une remontrance sans frais, et cette sanction nous a été infligée en octobre 2014. La deuxième sanction est la condamnation à l’amende financière avec astreinte. Il nous faut donc absolument terminer les travaux pour les agglomérations de 2 à 10.000 habitants au plus vite. Nous avons été épinglés par l’Europe pour 53 stations en début de procédure et nous en sommes maintenant à une vingtaine d’agglomérations à terminer. Qu’en est-il de l’assainissement des plus petites agglomérations ? Pour être complet au niveau de l’assainissement des eaux usées, nous n’avons pas abandonné les moins de 2.000 habitants. L’Europe n’impose pas d’obligation de moyens ou, en tout cas, ne les définit pas pour ces agglomérations. Elle dit simplement qu’il faut créer un assainissement approprié. Nous avons donc déjà commencé à travailler à des procédés d’assainissement adaptés au milieu rural, notamment à la protection des captages. Ces travaux, qui n’étaient pas prioritaires il y a quinze ans, le deviennent maintenant que les premières priorités ont été réalisées. Parallèlement à l’assainissement des eaux, la protection de captages fait également partie de vos missions essentielles... La protection est un terme très large. En ce domaine, qui peut le plus, peut le moins. C’est donc à nous de trouver le juste milieu. Depuis toujours, et bien avant la création de la SPGE, les recettes de protection, celles de la redevancecaptage, engendre 28 millions d’euros. Et nous dépensons, pour la protection des captages, environ 8 millions par an. Cela peut sembler un faible montant par rapport à ce que l’on reçoit, mais il ne faut pas oublier que la différence est investie dans le réseau d’égouttage. Ce qui, en quelque sorte, est aussi de la protection de captages ou de la protection de la ressource puisque, par ce réseau, nous faisons en sorte de réinjecter de l’eau assainie dans le milieu naturel. A l’heure actuelle, les investissements en assainissement, qui s’avéraient être jusqu’ici les investissements les plus lourds, seront bientôt terminés. Demain, c’est donc la protection de captages qui sera au centre de toute notre attention. Vous tirez donc un bilan plutôt optimiste... Tout cela s’est passé avec un endettement parfaitement maîtrisé, avec un rating équivalent à celui de la Région wallonne. Nous sommes extrêmement bien placés sur le marché en termes de gestion de passif et de dettes. Avez-vous développé de nouvelles missions ces dernières années ? rôle est donc, actuellement, de définir ce qu’est une masse d’eau et de rechercher les moyens pour la préserver. Cela veut dire que les missions de la SPGE sont en train de changer considérablement ? En effet, nos missions premières étant remplies, le moment est venu de s’interroger sur nos missions, en rapport avec les nouvelles directives qui nous sont confiées par l’Europe. Nous avons équipé la Wallonie de stations d’épuration afin de dépolluer les eaux usées domestiques et de les rejeter dans le milieu naturel, et par là aussi, nous protégeons les captages d’eau. Cependant, si les masses d’eau n’ont pas la qualité requise par les critères de l’Europe, nous serons face à un problème. Nous commençons donc à entamer une réflexion, non encore aboutie, sur cette nouvelle toile de fond. A partir de quel critère une masse d’eau estelle en bon état : 45 % pour nous, 55 % pour l’Europe ou encore d’autres paramètres ? Lorsque nous serons fixés sur les paramètres, encore faudra-t-il songer à la manière de procéder pour améliorer cette masse d’eau. D’où vient la pollution de la masse d’eau ? Sont-ce des pollutions diffuses ? Sera-ce de l’investissement en eaux usées domestiques, en eaux agricoles ou en eaux industrielles ? Est-ce encore une autre source de pollution que l’on aura pu définir ? C’est donc assez compliqué à prioriser en termes d’actions à mener et d’investissements à entreprendre. Pour être tout à fait complet, je dois vous parler de la mission de démergement, dont nous avons hérité il y a de nombreuses années, et qui ne concerne que trois intercommunales : Igretec, Idea et l’AIDE. En sus, la SPGE a développé toute une série de services autour des marchés groupés, comprenant la coordination avec les assurances, l’achat de véhicules, l’électricité, le chauffage. Nous l’avons fait pour l’ensemble du secteur et avec les intercommunales, et parfois aussi pour d’autres acteurs publics, comme des communes par exemple. Nous avons aussi réalisé des marchés conjoints, des marchés groupés et des marchés ‘stock’ avec la Société wallonne des Eaux ou avec la CILE. De quoi sera donc fait l’avenir de la SPGE ? Quel sera votre grand défi dans le futur ? L’avenir de la SPGE, c’est d’abord le changement. Nous sommes ainsi en Notre défi a été écrit en 2000 déjà. Il pleine élaboration d’un nouveau plan s’agit de la directive-cadre sur l’eau qui stratégique, à finaliser pour juillet 2016. décidera de l’avenir de l’eau dans les C’est ensuite l’amélioration de la qualité prochaines années. Cette directive-cadre des masses d’eau, avec une obligation donne des objectifs à atteindre, qui de résultat. Pour cela, il nous faudra n’imposent pas d’obligation de moyens agir avec d’autres acteurs que nos sept mais bien une obligation de résultat. Elle intercommunales : les sociétés chargées nous dit que, en Wallonie, nous avons du traitement des eaux agricoles, celles 354 masses d’eau à étudier. Il faut en dé- chargées de l’évacuation et du traitefinir la qualité et les mettre en bon état ment des eaux industrielles. Il nous faut écologique pour 2015, en principe. Ce- continuer, terminer et surtout améliorer pendant, il existe des dérogations à ces le fonctionnement de l’assainissement délais et d’autres dates sont proposées : des eaux usées domestiques, s’occuper 2021 ou 2027. L’Europe travaille donc des eaux usées industrielles et des eaux sur le long terme et n’impose rien dans usées agricoles, protéger la ressource et la manière d’atteindre l’objectif. Notre travailler plus en amont afin de prévenir 9 Sans compter que vos anciennes missions continuent d’être essentielles... Peut bénéficier de ce fonds, toute personne physique qui jouit directement ou indirectement de l'eau à sa résidence principale pour un usage exclusivement domestique. Le fonds est alimenté sur base d'une contribution qui est passée de 0,0125 à 0,0250 € par m³ d'eau facturé depuis le 1er janvier 2015. Le montant de cette contribution à charge des distributeurs est fixé par arrêté du Gouvernement wallon. Cette contribution est mentionnée sur toute facture d'eau envoyée au consommateur par le distributeur, à titre d'élément constitutif du coût-vérité. Ce Fonds social part d’un principe extraordinaire de solidarité. Nous travaillons dès lors avec la Fédération des CPAS pour essayer d’améliorer la redistribution de ce Fonds. En effet. A côté de cela, le dysfonctionnement de l’égouttage reste un énorme problème. Il y a des ouvrages de complétude à terminer pour les plus de 10.000 équivalents-habitants, du travail pour l’épuration des agglomérations de moins de 2 000 équivalents-habitants, l’entretien et le fonctionnement de tout l’outil existant, la réhabilitation d’un réseau de 18.000 kilomètres d’anciens égouts, le raccord aux bornes d’égouts... Et en ce qui concerne les communes ? Quel serait le message que vous voudriez adresser aujourd’hui à Il y a deux problèmes selon moi aunos membres ? jourd’hui. L’intérêt général veut que l’assainissement des eaux usées et la Je voudrais rappeler aux CPAS que protection des ressources et des masses nous gérons le Fonds social de l’eau. Ce d’eau soient la base de la salubrité. L’eau fonds social est un mécanisme financier, est ainsi l’enjeu prioritaire de notre plareposant sur la participation des distri- nète. Les communes, elles, ont en charge buteurs d'eau, des CPAS et de la SPGE. l’égouttage. Or, il n’existe pas de poliIl s'applique à l'ensemble de la Région tique systématique en matière d’entrewallonne, à l'exclusion des communes tien des égouts, sauf en ce qui concerne de la Communauté germanophone. Il les réparations ponctuelles. Par ailleurs, permet d'intervenir dans le paiement il n’existe pas de cadastre de l’égouttage, des factures d'eau des consommateurs ce qui rend la tâche encore plus ardue. en difficulté de paiement. Le principe Bien entendu, les communes sont parde ce mécanisme repose sur la consti- ties prenantes dans ce challenge, mais tution d'un fonds et de droits de tirage. aussi les intercommunales et la SPGE en La SPGE, un organisme d’utilité publique pour l’assainissement tant que coordinateurs. Dans ces conditions, il va nous falloir de la créativité et de l’imagination pour rendre efficace l’égouttage au coût-vérité. Quel sera dès lors le défi pour les communes ? C’est le raccordement à l’égout, car la loi y oblige. Mais c’est aussi un problème pour les particuliers qui sont tenus de se raccorder quand l’égout est existant. Or, tout cela n’est pas très clair, ni pour le particulier, ni pour la commune. Le Ministre va probablement régler ce problème assez rapidement, sur les conseils d’Aquawal. Il y aura la mise en place du passeport pour l’eau, au même titre que pour l’électricité. En cas de mutation de propriété, il y aurait un relevé de la situation existante du bien, du compteur d’eau jusqu’à la sortie. Cet état des lieux nous donnera la possibilité d’une maîtrise parfaite sur tout le cycle de l’eau. Les vingt dernières communes qui ne sont pas encore équipées de système d’assainissement seront assez vite servies, à la seule condition qu’elles entreprennent la construction de leurs égouts. Il est bien entendu que la SPGE est propriétaire des égouts et que les communes interviennent dans le coût de la construction à hauteur de 42 % environ, mais la décision d’entamer ces travaux est entre leurs mains. Et si nous dépassons encore une fois les délais, nous serons récidivistes... Dans ce cas, l’amende européenne risque d’être très salée. Au 1er janvier 2016 le montant total des adjudications est de 2.819.474.000 € avec un taux d’équipement pour la Wallonie de 90,5 % des eaux usées et la protection de nos ressources en eau UVCW-15-16274-PUB SPGE-190116-af-bat.indd 1 Siège social : Rue de la Concorde, 41 - 4800 Verviers Siège adm. : Rue de Stassart, 14-16 - 5000 Namur Tél. 081 25 19 30 - Fax 081 25 19 48 www.spge.be - [email protected] 19/01/16 10:20 uvcw I Février 2016 I n°905 I L’invité du mois plutôt que guérir. Tout cela représente un travail assez impressionnant. Mais le secteur de l’eau fait aujourd’hui tout ce qui est en son pouvoir pour que le coûtvérité soit réellement atteint.