Etat et religions : la neutralité n`empêche pas la tolérance
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Etat et religions : la neutralité n`empêche pas la tolérance
Le Soir Mardi 15 décembre 2009 forum 16 Carte blanche Pierre Galand Président du CAL (Centre d’action laïque) Sonja Eggerickx Présidente de l’Unie Vrijzinnige Verenigingen et de l’International Humanist and Ethical Union David Pollock Président de la Fédération humaniste européenne Etat et religions : la neutralité n’empêche pas la tolérance eux événements récents, de natu- cifix dans les classes pouvait donner aux re certes différente, questionnent enfants le sentiment que l’Etat se place la place que l’Etat accorde à la pré- du côté des croyants. Dans son arrêt remarquablement argusence religieuse. D’une menté qui pourrait faire part, par un arrêt du 3 no- L’ESSENTIEL jurisprudence, la Cour invembre 2009, la Cour eu● Les laïques sont siste sur la neutralité de ropéenne des droits de attachés à la liberté l’Etat : « L’Etat est tenu à la l’homme a condamné neutralité confessionnelle l’Italie pour la présence de culte ou philodans le cadre de l’éducade crucifix dans les classophique. tion publique où la présenses des écoles publiques. ● Mais ils contesce aux cours est requise D’autre part, par un référendum du 29 novembre tent l’argument que sans considération de religion et qui doit chercher à dernier, la Suisse vient les crucifix dans les inculquer aux élèves une d’interdire l’édification lieux publics sepensée critique. » Cet imde minarets. Autant le Centre d’Action Laïque raient l’expression, pératif est d’autant plus important quand la per(CAL) adhère totalement non pas d’une reli- sonne confrontée à une à l’arrêt de la Cour, augion, mais d’un croyance exprimée par tant il considère la décil’Etat ne peut s’en dégasion suisse comme un socle culturel. ger, comme c’est le cas mauvais signal. pour les élèves, ou seuleDans l’affaire italienne, une mère réclamait le droit d’éduquer ment « en consentant des efforts et un sases enfants conformément à ses convic- crifice disproportionnés. » De son côté, le gouvernement italien tions et soutenait que la présence de cru- D soutenait que le crucifix ne serait plus spécifiquement un symbole chrétien mais un « fait naturel » qui revêt une signification « neutre et laïque » en référence à l’histoire et à la tradition italiennes. Cette tentative de présenter un symbole avant tout religieux comme un fait naturel et culturel a heureusement été rejetée à l’unanimité par la Cour. Les réactions contre cet arrêt ont été violentes en Italie, et parfois outrancières. Dans la foulée, des parlementaires européens ont déposé une « Déclaration écrite sur la liberté d’exposition dans les lieux publics de symboles religieux représentatifs de la culture et de l’identité d’un peuple » par laquelle ils demandent que soit reconnu le droit des Etats à exposer des symboles religieux dans les lieux publics et les établissements institutionnels. En réaction, d’autres parlementaires ont également déposé une Déclaration, soutenue par le CAL, qui rappelle le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat et appelle tous les Etats membres à respecter l’arrêt de la Cour et à s’assurer que les bâtiments publics soient exempts de signes religieux. Pour le CAL, cette défense de la neutralité de l’Etat doit s’accompagner de signes de tolérance et de prise en compte du caractère multiculturel et multiconfessionnel de nos sociétés. L’interdiction suisse, de validité juridique douteuse au regard du droit international, est à cet La défense de la neutralité de l’Etat doit s’accompagner de tolérance et de la prise en compte du caractère multiconfessionnel de nos sociétés égard un très mauvais signal adressé aux musulmans et induit des amalgames dangereux. Car sous prétexte de lutter contre l’islamisme, il n’échappe à personne que les initiateurs du référendum – une fraction de la droite populiste et évangéliste – cherchent en réalité à contester la présence même de l’islam en Suisse, terre européenne et « donc » chrétienne. Ce faisant, c’est toute la question, non plus de la présence – qui est un fait acquis – mais de la visibilité de l’islam qui est posée. A cette aune, le CAL défend le droit pour les musulmans, comme pour les autres confessions, de construire des lieux de cultes, ces édifices étant soumis, comme tout autre bâtiment, aux normes urbanistiques, administratives et environnementales. Défendre d’une part une séparation totale de l’Eglise et de l’Etat et, d’autre part, le droit pour les religions à construire des lieux de culte n’est pas contradictoire. Il ne s’agit ni de « militantisme laïque » ni de « laxisme identitaire », mais de questions de nature différente. Le fait pour l’Etat de rester neutre n’empêche pas la légitime extériorisation d’un culte au sein de l’espace public, qu’il convient de ramener à sa juste place : un minaret est un symbole pour les croyants et non un signe adressé aux infidèles. Cette double approche de neutralité et de tolérance est la seule manière pour l’Etat de promouvoir un espace où tous les citoyens, croyants ou non, se sentent bienvenus et acceptés dans leurs différences. ■ Carte blanche Christopher Stokes Directeur général de Médecins sans frontières ans une province comme vérité, les services médicaux fourHelmand, le bruit de la nis ont été, au mieux, inégaux. La guerre résonne vingt-qua- majorité du personnel médical n’y tre heures sur vingt-quatre et des travaille que le matin, et se rend problèmes ordinaires deviennent l’après-midi pour un autre emploi dans des cliniques des urgences méprivées. Les pratidicales. Quitter les L’ESSENTIEL ques médicales villages pour re● Médecins sans sont obsolètes et joindre les villes frontières a redéles médicaments est extrêmement dangereux et, marré des activités prescrits en trop grande quantité. dans de nombreuen Afghanistan Bien que les conses zones, simpleaprès cinq ans sultations soient ment impossible. gratuites, les paMSF vient de déd’absence. tients sont soumarrer des activi● Christopher Sto- vent renvoyés tés dans le seul hôkes, le directeur gé- vers des pharmapital public encocies privées pour re opérationnel néral MSF, revient acheter eux-mêd’Helmand, le d’une visite sur les mes leurs médicachef-lieu de la proprojets MSF dans ments à des prix vince Lashkargah. inabordables. Au cours des derle sud du pays. L’hôpital, loin nières années, cet de tourner à plein hôpital a reçu une aide internationale considérable. rendement, déborde pourtant de Pourtant, lors de ma visite dans les matériel médical de pointe entasdifférents services de l’hôpital, j’ai sé dans les entrepôts. Il s’agit de été frappé par l’absence de pa- donations de différents gouvernetients. En moyenne, seul un tiers ments, via les équipes provinciales des lits est occupé. Ainsi, le matin de reconstruction de la Force interde ma visite, seuls 40 patients nationale d’assistance et de sécuriétaient hospitalisés dans cette té (ISAF) ou de l’aide bilatérale directe. structure de 124 lits. Lors de ma visite, un enfant atPourquoi si peu de patients ? En D Afghanistan : des lits d’hôpitaux vides à Helmand… teint de rougeole a été emmené à l’hôpital. Sa mère nous explique que, dans son village, huit autres enfants présentent des symptômes similaires. La rougeole est une maladie extrêmement contagieuse qui, sans traitement, peut être fatale. L’enfant présentait des complications et il avait besoin d’oxygène pour la nuit. Mais la seule machine à oxygène se trouvait dans un service de pédiatrie où la présence d’autres enfants comportait un risque de contagion élevé. L’enfant y sera quand même conduit. Dire que nous avions vu au moins six extracteurs d’oxygène mobiles dans la cave, recouverts de poussière ! Cet enfant est une victime de ce conflit et son état critique témoigne de la vie ici en temps de guerre. Il a contracté une maladie contagieuse facilement évitable parce qu’il vit dans une région déchirée par la guerre et où la couverture vaccinale est très limitée. La mère de cet enfant n’avait pas le choix : elle a donc pris le risque de se rendre à Lashkargah, et est arrivée presque trop tard. Même après huit ans de donations gouvernementales et d’un déversement conséquent de matériel médical, l’hôpital n’est pas encore prêt à re- cevoir des patients et à leur offrir un traitement approprié. Après les cinq ans d’absence qui ont suivi l’assassinat de cinq de nos collègues en 2004, MSF revient aujourd’hui sur le terrain avec la plus grande prudence, évaluant avec attention les risques encourus et les besoins. Notre seul objectif est d’aider un maximum d’habitants à survivre à ce conflit. Pour être acceptée par toutes les « Notre seul objectif est d’aider un maximum d’habitants à survivre à ce conflit » parties engagées dans un conflit, une organisation médicale humanitaire privée se doit d’apporter la preuve de son impartialité la plus totale et de faire clairement connaître son indépendance. Un exemple concret : en Afghanistan et au Pakistan, nous n’acceptons aucun fonds provenant de gouvernements pour nos actions, et refusons toutes les tentatives venant d’autres acteurs de nous contrôler ou de nous diriger. La distinction autrefois claire entre forces armées, activités de reconstruction et de développement et humanitaires est devenue très floue. Aujourd’hui, toutes les interventions d’aide, y compris les initiatives mises en œuvre par les forces armées sont étiquetées d’« humanitaires ». Or, la différence est très claire : les organisations d’aide humanitaire comme MSF doivent chercher à venir en aide aux populations qui en ont besoin, quel que soit l’endroit où elles vivent et indifféremment du combat qu’elles y mènent. Une organisation « alignée » (quelle que soit sa couleur politique) qui choisit son camp, entre autres, à travers les financements qu’elle reçoit, ne pourra et ne voudra pas remplir cet objectif. De plus, « rejoindre un camp » implique souvent le besoin d’une protection armée, ce qui fait de l’organisation ou de la structure qu’elle soutient une cible militaire potentielle. Aujourd’hui, plusieurs structures de santé dans la province de Helmand ont été réhabilitées par l’ISAF et sont protégées par les troupes de l’Otan et de l’armée afghane. Elles sont par conséquent perçues comme des cibles militaires par les groupes d’opposition. En parallèle, les cliniques gérées par des ONG locales indépendantes laissées presque à l’abandon, Courrier out est bon aujourd’hui pour encenser Herman Van Rompuy. Mais, pour l’observateur objectif, force est de reconnaître que Saint Herman n’a pas accompli, à ce jour, le moindre miracle. Devenu président du Conseil européen, l’intéressé entend désormais tourner la « page belge ». Voyons donc ce que comporte celle-ci. Une note d’instruction sur la régularisation des demandeurs d’asile, qui vient d’être annulée par le Conseil d’Etat au motif qu’il ne revenait pas au gouvernement mais bien au Parlement de régler, par une modification légis- D’autre part, les instances européennes se sont montrées critiques envers la confection du budget de l’Etat belge. Last but not least, Herman Van Rompuy n’a absolument rien réglé en ce qui concerne la problématique communautaire. Non content d’être lui-même l’auteur d’une proposition de loi visant à scinder BHV, il laisse à d’autres le soin de solutionner ce problème particulièrement épineux. Herman Van Rompuy s’est clairement prononcé en faveur de l’option confédérale. Il est trop intelligent pour ignorer que celle-ci implique le démantèlement préa- lable de la Belgique pour faire place à des Etats souverains, dont la Flandre. Depuis les élections législatives de juin 2007, la poussée nationaliste ne cesse de se confirmer en Flandre. Comme n’a pas manqué de le rappeler dernièrement Bart De Wever – dont le parti, la N-VA, tient en otage le gouvernement flamand du CD&V Kris Peeters –, les autonomistes représentent au Nord près de 40 % de l’électorat. Acceptons donc de voir la réalité en face et négocions directement le partage des biens de cette Belgique dont le très sérieux magazine britannique The Econo- mist reconnaissait, en septembre 2007, qu’elle avait fait ce pour quoi elle avait été créée et qu’elle pouvait donc disparaître. (…) En attendant, il importe que les Wallons et les Bruxellois se prononcent clairement sur la voie d’avenir qu’ils entendent adopter dans ce contexte « post-Belgique ». JULES GHEUDE SAINT-SERVAIS Médication excessive ? n tant que médecin neurologue, je réagis à l’article « ChoElestérol : abus de pilules », publié dans Le Soir du 10 décembre. Il faudrait peut-être rappeler aux Mutualités socialistes que la Heart Protection Study, une étude sur des milliers et des milliers de gens, a démontré une diminution significative du nombre d’accidents cérébrovasculaires par rapport au placebo, et ce même chez les patients à taux de cholestérol normal ! Le fait d’avoir un seul facteur de risque cardio-vasculaire (par exemple, l’hypertension) est un argument suffisant pour prendre une statine. On dirait que tout ce qu’ils veulent, c’est faire parler d’eux en sortant des pseudo-études. (…) Dr SIMONE GRÉGOIRE INSTITUTE OF NEUROLOGY, QUEEN’S SQUARE LONDRES Un courrier ou une Carte blanche. Deux contraintes : des textes courts (courrier : 1.000 caractères, espaces comprises ; Carte blanche : 5.000 caractères, espaces comprises) et une prise de position claire. Par courriel : [email protected] Par la poste : Le Soir, service Forum Rue Royale, 100 1000 Bruxelles Par fax : 02-225.59.14 www.lesoir.be 1NL 14/12/09 19:53 - LE_SOIR ■ VOUS AVEZ UN AVIS ? Ecrivez-nous Que nous a laissé Van Rompuy ? lative, la procédure. T ont parfois été attaquées par les forces de l’ISAF elles-mêmes, qui les prennent, à tort, pour des caches de l’opposition. Résultat : ces cliniques sont devenues un champ de bataille déserté par les patients. Pour pouvoir reprendre nos activités en Afghanistan, il était donc essentiel de démilitariser les hôpitaux via la mise en œuvre d’une politique de « tolérance zéro » pour les armes dans les structures où nous travaillons. Nous demandons à toutes les parties – la police, les forces de la coalition et l’opposition armée – de laisser leurs armes à l’extérieur de l’hôpital. Aujourd’hui en Afghanistan, il n’y a pas assez d’organisations capables d’évaluer de manière indépendante les besoins des populations dans les zones de conflit et d’y apporter une réponse. Dans une province comme celle d’Helmand, l’accès aux soins de santé est extrêmement limité. L’aide, davantage politique qu’humanitaire, se heurte à ses propres limites. Elle peut déverser du matériel médical coûteux dans les caves des hôpitaux. Mais elle ne remplira jamais les lits de patients vivant dans les différents lieux de conflit. du 15/12/09 - p. 16