sarkozy et merkel sous l`arc de triomphe

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sarkozy et merkel sous l`arc de triomphe
/ Zoom / France
No 265 - Jeudi 12 novembre 2009
POF TE 02
Politique 2
En relief
Malgré-nous
Lors de son discours, hier
à Paris, Nicolas Sarkozy
a-t-il commis une erreur
historique en parlant des
Malgré-nous dans la Grande Guerre ?
Certains de nos lecteurs
nous ont interpellés dès hier
pour nous faire part de ce
qu’ils considéraient être une
« erreur historique » dans le
discours du président de la
République. Nicolas Sarkozy
se serait trompé en parlant
des « Malgré-nous » pour désigner les combattants alsaciens et mosellans de
14-18 : « On mesure ce que
cette guerre avait d’absurde
et de suicidaire en songeant
(...) aux "Malgré-nous", alsaciens et lorrains, placés par
les vicissitudes de l’histoire
entre deux patries et qui se
battaient avec un uniforme
allemand et un cœur français
(...) ».
Le terme apparaît
dès 1920
Le terme « Malgré-nous » désigne généralement les Alsaciens-Mosellans ayant combattu côté allemand pendant
la Seconde Guerre mondiale
plutôt que pendant la Première. Et pourtant, il ne
s’agit pas là d’une méprise
historique. Si on emploie effectivement plus rarement
« Malgré-nous » pour désigner les combattants de la
Grande Guerre, l’expression
apparaît bel et bien dès la fin
de la Première Guerre mondiale.
L’encyclopédie en ligne Wikipedia parle d’un terme employé pour la première fois
en 1920, soit deux ans après
la fin du conflit : « Des associations d’anciens combattants alsaciens et lorrains de
la Grande Guerre employèrent cette formule pour mettre en avant le fait qu’ils
avaient dû se battre, malgré
eux, dans l’armée allemande
contre la France (...) ».
Mais les deux situations ne
sont pas comparables. Les
soldats alsaciens et mosellans de 14-18 étaient pour
beaucoup nés allemands,
dans une région certes annexée par l’Allemagne depuis 1871, mais avec l’accord (et un traité) de la communauté internationale. En
1942, l’Alsace-Moselle est
cette fois occupée par la force, ce qui donne au terme
« Malgré-nous » tout son
sens pour désigner les soldats de l’époque enrôlés,
eux-aussi, de force.
«Ces drôles de soldats »
qui embarrassaient
la République
Pourquoi le terme est-il alors
employé dès les années 20 ?
Tout simplement parce qu’au
retour de la Grande Guerre,
les Alsaciens et Mosellans,
allemands depuis 47 ans,
entendent se démarquer
d’une Allemagne désormais
indésirable dans la région.
Ces soldats du « mauvais
camp » choisissent de se
« faire tout petits », comme
l’expliquait hier dans les DNA
Pascale Hugues.
Nicolas Sarkozy a donc reconnu officiellement -et involontairement ?- le statut de
« Malgré-nous » à « ces drôles de soldats » qui, comme
le rappelait aussi Pascale
Hugues, embarrassaient depuis longtemps la République. Matthieu Mondoloni
Sous l’Arc de Triomphe à Paris, le chef de gouvernement allemand a participé, pour la première fois, aux côtés d’un président français aux cérémonies commémorant l’armistice
de la guerre de 1914-1918 et la défaite de l’armée allemande: Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, entourés de deux enfants d’une école franco-allemande. (Photo AFP)
11-Novembre 2009
SARKOZY ET MERKEL
SOUS L’ARC DE TRIOMPHE
Deux jours après avoir célébré à Berlin les vingt ans de la chute du Mur, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont enrichi hier à Paris de nouvelles images symboliques l’album de l’amitié franco-allemande en célébrant ensemble la fin de la Première Guerre
mondiale.
■ « Madame la chancelière, en
acceptant l’invitation de la
France, vous avez fait ce matin un geste historique qui honore la France et les Français », a lancé Nicolas Sarkozy
à son invitée.
Après la Marseillaise
l’hymne national allemand
Vingt-cinq ans après la fameuse photo de François Mitterrand et Helmut Kohl se
prenant la main sur le champ
de bataille de Verdun, le président et la chancelière ont
honoré la mémoire de toutes
les victimes de la Grande
Guerre en ravivant ensemble
la flamme du tombeau du
Soldat inconnu, avant d’exal-
ter la réconciliation entre
leurs deux pays.
Symbole de ce 11 novembre exceptionnel, le Chœur
de l’armée française a entonné après la Marseillaise
l’hymne national allemand,
devant les soldats de la brigade franco-allemande et les
élèves-officiers des deux armées qui encerclaient l’Arc
de Triomphe.
« Ce 11 novembre, nous ne
commémorons pas la victoire
d’un peuple contre un autre
mais une épreuve qui fut aussi
terrible pour l’un que pour
l’autre », a souligné M. Sarkozy, « cela fait presqu’un demisiècle
qu’ensemble
nous
construisons l’avenir, chacun
d’entre nous (...) refusant désormais de confondre l’amour
de sa patrie avec la haine de
l’autre ».
« Je sais que ce qui s’est passé ne peut pas être effacé. Cependant il y a une force, une
force qui nous aide, qui peut
nous aider à supporter ce qui
s’est passé. Cette force, c’est la
réconciliation », lui a répondu
Mme Merkel.
Tous deux ont ensuite loué
l’amitié
franco-allemande,
« un trésor » pour le Français
et un « cadeau » pour l’Allemande, et son rôle moteur en
Europe, malgré les débuts
difficiles du couple Sarkozy-Merkel.
« Nous partageons les mêmes valeurs, la même ambition pour l’Europe, la même
monnaie », a rappelé le président français, « quand l’Alle-
« Les esprits
ont évolué »
Nicolas Sarkozy a justifié sa
volonté de faire de ce 11
novembre un symbole franco-allemand, qui a fait grincer quelques dents. « Je
pense que les esprits ont
évolué », a-t-il dit sur France 2, attribuant la paternité
de cette idée à Jacques
Chirac, qui avait essuyé en
1998 un refus de Gerhard
Schröder.
magne et la France proposent
ensemble, agissent ensemble,
l’Allemagne et la France alors
accomplissent de grandes choses ».
« Nous savons qu’ensemble,
nous avons toutes les chances
de relever les défis d’aujourd’hui et de demain », a
renchéri la chancelière. « La
réconciliation et l’amitié franco-allemandes sont un cadeau,
la liberté sur le continent européen est un miracle, et nous
savons très bien combien cela
a coûté », a-t-elle encore affirmé, prononçant un « vive
l’amitié franco-allemande » en
français.
Après la cérémonie, où figurait au banc des anciens
présidents Valéry Giscard
d’Estaing mais pas Jacques
Chirac, les deux dirigeants se
sont offert un bref bain de
foule en haut des ChampsElysées.
LE SOLDAT INCONNU : HAUT LIEU DE L’HISTOIRE DE FRANCE
■ La tombe du Soldat inconnu
sous l’Arc de Triomphe à Paris,
où la chancelière allemande et
le président français ont commémoré l’armistice du 11 novembre 1918, est un haut lieu
de l’histoire de France.
Erigé en 1835 pour la gloire de la Grande Armée de Napoléon 1er, le monument
abrite depuis 89 ans le Soldat
inconnu,
symbole
des
1 430 000 soldats français
morts durant la Grande Guerre.
Chaque jour à 18h30, des
anciens combattants ravivent
la flamme du souvenir, allumée le 11 novembre 1923
sur la tombe du Soldat inconnu, inhumé sous une dalle
avec l’inscription : « Ici repose
un soldat français mort pour
la patrie 1914-1918 ».
Le 8 novembre 1920, après
une longue campagne de
presse, une loi « relative à la
translation à Paris et au dépôt
à l’Arc de Triomphe des restes
d’un soldat inconnu mort
pour la France » est votée.
Deux jours plus tard, sous
la voûte d’une casemate de la
citadelle de Verdun, siège en
1916 de l’une des batailles
les plus meurtrières de l’histoire, Auguste Thin, 21 ans,
soldat de deuxième classe au
132eme régiment d’infanterie,
dépose un bouquet d’œillets
rouges et blancs sur l’un des
huit cercueils anonymes
contenant les restes de soldats français non identifiés.
Ces restes ont été exhumés
de huit champs de bataille :
Lorraine, Verdun, Champagne, Chemin des Dames, Ilede-France, Somme, Artois,
Flandre.
Le jeune soldat, l’un des rares survivants d’un régiment
décimé en Champagne en
juillet 1918, raconta plus tard
avoir choisi le sixième cercueil en additionnant les trois
chiffres de son régiment
(132).
Les sept autres corps furent
inhumés au cimetière du
Faubourg Pavé à Verdun sous
un monument édifié pour
l’occasion.
Acheminé par train spécial
à Paris, le Soldat Inconnu est
déposé le 11 novembre 1920
dans une salle de l’Arc de
Triomphe avant son inhumation le 28 janvier 1921.
Le 11 novembre 1940,
l’Arc de Triomphe et les
Champs-Elysées furent le cadre de la première manifestation publique à Paris durant
l’Occupation. Des policiers
parisiens et des soldats chargèrent le millier d’étudiants
qui souhaitaient gagner la
tombe du Soldat inconnu.
Durant l’Occupation, les
troupes allemandes défilèrent
sur les Champs-Elysées mais
en contournant l’Arc de
Triomphe pour ne pas passer
sur la tombe du Soldat inconnu.

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