A bout de souffle

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A bout de souffle
Marie-­‐Lou Dumauthioz, 05.12.2013 Analyse de film « A bout de souffle » de Jean-­‐Luc Godard Fiche du film 1. identification -­‐Titre : A bout de souffle -­‐Année de sortie : 1960 -­‐Réalisateur : Jean-­‐Luc Godard -­‐Acteurs principaux : Jean-­‐Paul Belmondo et Jean Seberg -­‐Pays : France -­‐Genre : drame, romance, policier 2. scénario Ce film n’est pas une adaptation, il est basé sur une histoire vraie ayant eu lieu en 1952 quand un dénommé Michel Portail a tué un policier au volant d’une voiture volée avant de se cacher à Paris durant deux semaines. Les journaux précisaient qu’il avait une petite amie américaine qui l’a dénoncé à la Police. Le scénario de « A bout de souffle » est une idée de François Truffaut qui n’avait pas réussi à convaincre de producteurs. Jean-­‐Luc Godard accepta de réaliser ce film même si c’était son premier long métrage. Ils ont cherché ensemble un nouveau producteur, pour enfin trouver Georges de Beauregard. Structure du film : Situation initiale : on voit Michel Poiccard voler une voiture, on comprend que c’est une sorte de voyou Elément déclencheur : Michel tue un policier Péripéties : Il va à Paris, passe du temps avec Patricia et tente de la séduire Dénouement : Patricia prévient la police et lui donne l’emplacement de Michel Situation finale : Michel se fait tirer dessus par un policier et meurt Il y a deux histoires en parallèle, la romance de Michel et Patricia et la traque de Michel par les policiers. 3. l’histoire/contexte historique L’histoire commence à Marseille, en août 1959. Michel Poiccard vole une voiture et roule en direction de Paris. Sur le chemin, il est pris en chasse par deux policiers à moto, il panique et finit par tuer l’un des deux policiers avec un revolver trouvé dans la voiture. Arrivé à Paris, il se met à rechercher Patricia Franchini, une américaine qu’il connaît depuis peu. Ne la trouvant pas, il va voir une autre femme à qui il vole un peu d’argent, avant de se rendre sur les Champs Elysées, où il retrouve enfin Patricia qui vend des journaux. Il lui propose de venir avec lui à Rome, où il pense qu’il sera à l’abri de la justice, et lui avoue ses sentiments pour elle. Patricia refuse, elle lui dit qu’elle a beaucoup à faire et lui accorde tout de même un rendez-­‐vous pour le soir-­‐même. Dans le même temps, le meurtre du motard est découvert et un avis de recherche est lancé contre Michel; sa photo apparaît partout dans les journaux. Les policiers sont à ses trousses durant tout le film, et il tentera par tout les moyens de séduire Patricia, qui finira par céder et le protègera pendant un moment quand les policiers arriveront jusqu’à elle et lui poseront des questions. Elle finira quand même par le dénoncer, quand Michel, plutôt machiste, l’envoie chercher le journal. Elle appelle la police depuis un café et leur indique l’adresse de l’appartement dans lequel se trouve son amant. Quand elle rentre, Michel lui dit qu’il a trouvé un moyen d’aller en Italie et qu’il veut partir avec elle, alors elle l’averti que les forces de l’ordre vont arriver et qu’elle n’est plus amoureuse de lui. Sa réaction est pour le moins inattendue, car il lui répond que de toute manière il est fatigué et il veut aller en prison, il refuse de fuir. Il se fait tirer dessus par un policier dans la rue et s’écroule, avant de prononcer ses derniers mots à Patricia. Sujets et thèmes du film : fuite, meurtre, séduction Contexte historique : On sait que le film se passe en septembre 1959, (donc à une époque contemporaine au tournage) car la visite du président américain Eisenhower est annoncée. Cette visite a effectivement eu lieu le 3 septembre 1959 à Paris. Comme on sait que le film se déroule sur une période assez courte (trois jours) on peut imaginer qu’il a plus ou moins lieu entre le 2 et le 4 septembre, à Paris. 4. les personnages Il y a deux personnages principaux : Michel Poiccard : Un voyou d’origine française qui vole des voitures, de l’argent et tue un policier. Il est beau, élégant, il porte des costumes de marque et des chaussettes de soie, il fume beaucoup et se prend pour Humphrey Bogard. Il se parle souvent à lui-­‐même, il est très arrogant, machiste, il fait sans arrêt des remarques sur les femmes et il n’a visiblement que très peu de respect pour elles. Il aime pourtant les femmes, il se vante d’avoir couché avec beaucoup d’entre elles, et n’hésite pas à avouer ses sentiments à Patricia. Patricia Franquini : Etudiante américaine, elle vend des journaux et prend des cours à la Sorbonne. Elle est indépendante, elle tient à sa liberté et ne cherche pas forcément à être en couple mais elle est quand même romantique, ambitieuse, cultivée, studieuse et intelligente. Elle est d’une beauté étonnante pour l’époque en raison de ses cheveux courts. Son accent américain est très prononcé. Elle dit avoir 20 ans et elle rêve d’aller à Mexico, elle a aussi écrit un roman qu’elle aimerait faire publier. Il y a aussi Vital, l’inspecteur qui déformera les derniers mots de Michel, Antonio Berutti, l’ami de Michel qui lui lance son revolver pour l’aider à se défendre avant qu’il ne meure. Peu de personnages sont importants mis à part Michel et Patricia, il semble que tout le monde gravite autour d’eux. C’est leur relation et leur séduction qui est importante, toute la traque de Michel est faite par des personnes presque anonymes, ce qui renforce notre impression que Michel ne se sent pas très menacé, ce n’est pas une course contre la montre qui se joue ici, il prend le temps de vivre. 5. les acteurs Le jeu d’acteur est relativement naturel par rapport aux films qui se sont fait avant. Cependant, nous ne sommes pas encore dans un jeu tout à fait semblable à la réalité, on a conscience que la caméra est présente, c’est un peu surjoué. De plus, ils parlent parfois au spectateur, ce qui renforce cette impression de jeu « construit ». Jean-­‐Paul Belmondo, interprète de Michel Poiccard, ainsi que Jean Dorothy Seberg, qui joue Patricia Franchini, étaient tout deux relativement peu connus avant « A bout de souffle ». Belmondo s’illustrait surtout au théâtre, tandis que Jean avait déjà quelques longs métrages à son actif, mais ce film les a tous les deux propulsés au rang d’acteurs reconnus, encensés par la critique. Ils sont devenus un symbole du cinéma de la Nouvelle Vague. 6. les costumes/maquillage Les vêtements sont normaux pour l’époque, les personnages principaux sont habillés de manière assez élégante, on voit qu’ils mettent tous deux du soin dans leur apparence, ils veulent paraître soignés. Patricia se regarde souvent dans le miroir, elle porte des robes, tandis que Michel est souvent en costard-­‐cravate. 7. les décors Le film a été tourné entièrement en décor réel, dans la rue, dans des chambres d’hôtel etc, en raison du petit budget de Godard pour son premier long métrage, mais il y a également une vraie volonté de mobilité derrière ce choix, car Godard voulait pouvoir changer l’angle de prise de vue d’un plan sans avoir à déplacer des éclairages encombrants. C’est pour cela qu’il n’y a pas non plus de lumière additionnelle, les images sont réalisées avec la lumière du jour, ou la lumière présente dans la pièce sur le moment. 8. la musique La musique a été composée par Martial Solal, un jazzman qui a réalisé les musiques de plusieurs autres films par la suite. La musique d’ « A bout de souffle » est donc plutôt du jazz, on entend surtout du piano mais il y a aussi d’autres instruments présents. Une mélodie revient très fréquemment dans le film, elle est assez répétitive. Elle n’est pas jouée dans le film mais ajoutée ensuite en postproduction. Il y a également beaucoup de sons d’ambiance très présents comme des bruits de voitures, de passants dans la rue etc. Ils gênent même parfois le spectateur dans sa compréhension des dialogues, ce qui représente une autre innovation apportée par Godard dans le cinéma français. 9. l’image Ce film est en noir et blanc, et on peut dire qu’il est très photographique dans le sens que chaque plan est esthétique, recherché. Il n’y a pas d’effets spéciaux, mais l’utilisation de pellicule très sensible permet l’obtention de ce résultat très contrasté surtout dans les images de nuit. Les images sont novatrices, mouvantes, parfois saccadées et les cadrages ont l’air d’avoir été choisi de manière très soigneuse. Déjà la première image du film est intrigante et pose le décor : on voit un plan rapproché de la couverture d’un journal représentant le dessin d’une femme. On s’en éloigne ensuite pour découvrir Belmondo entrain de lire ce journal, debout dans la rue. 10. la caméra Elle est perceptible car les acteurs lui parlent parfois, comme au moment où Michel a volé la voiture et qu’il roule vers Paris, il se tourne vers le spectateur et lui dit « Si vous n’aimez pas la mer… Si vous n’aimez pas la montagne… Si vous n’aimez pas la ville : allez vous faire foutre ! ». Cette phrase fait référence au lieu de tournage du film, en décor réel et non en studio. Le réalisateur nous averti que si cela ne nous convient pas, ce n’est pas la peine de regarder le film. En cela, on peut dire que c’est presque comme si le réalisateur s’emparait de la parole de ses personnages pour nous parler à nous, qui regardons le film. La façon de filmer dite « caméra à l’épaule » est très reconnaissable car il y a pas mal de mouvements, voir des à-­‐coups sur l’image. Il y a parfois des travellings et des mouvements assez complexes de caméra. Il y a aussi des vues aériennes. 11. les dialogues Les dialogues sont assez naturels, ont dit même que Godard ne les avait pas préparés avant le tournage, il avait son idée de l’histoire mais écrivait ses dialogues au fur et à mesure. Cependant ils sont quand même construits, Godard ne cherchait pas à ce que ses acteurs improvisent, il voulait juste qu’ils restent naturels et n’interprètent pas un texte qu’ils avaient appris depuis longtemps. Le ton est plutôt familier, parfois drôle, parfois plus profond et subtil, il faut vraiment y prêter une grande attention pour comprendre les personnages, leurs motivations et leur caractère. Les dialogues n’ont pas étés enregistrés en même temps que les images. On les a rajouté ensuite, durant le montage. 12. le générique Le générique de début est très court, il est accompagné de la musique qui reviendra souvent dans le film. On y voit seulement le titre ainsi que la mention « Ce film est dédié à la Monogram Picture », c’est un studio hollywoodien qui a produit des films à petits budgets dans les années 1930. C’est un premier hommage de Godard dans son film, qui sera suivit par beaucoup d’autres. Jean-­‐Luc Godard a très souvent recours aux allusions et aux clins d’œil dans son film. Il y a des références à d’autres films (on voit des affiches de cinéma), des références picturales et littéraires (Patricia a des reproductions de peintres comme Renoir dans sa chambre), mais aussi des scènes empruntées à d’autres films comme quand Michel assomme un homme dans les toilettes (La femme à abattre, avec Humphrey Bogart). Il n’y a pas de générique de fin, l’écran devient simplement noir et le mot « Fin » apparaît. 13. la réception À sa sortie, la commission de censure interdit ce film aux mineurs, décrétant que le jeune homme a un mauvais comportement, qu’il influence trop la jeune fille et que les dialogues sont trop osés. De plus, la commission demande une coupure au moment ou on voit le président Eisenhower et De Gaulle sur les Champs Elysées. Malgré cela, le film connaîtra un grand succès à sa sortie dans les salles, et l’interdiction aux moins de 18 ans sera finalement levée 16 ans plus tard. Depuis, beaucoup ont rendu hommage à ce film. Il y a eu un remake nommé « Breathless » en Amérique, des hommages sous forme de CD, des reprises de certaines scènes ou citations, etc. Critique du film Pour commencer, ce film est intéressant au niveau des images : le rythme à laquelle elles s’enchaînent, les contrastes, leur côté très photographique, la force des regards et des visages des deux acteurs principaux, tout y est. C’est comme si le réalisateur faisait un travail de photographe, il y a une vraie recherche à ce niveau. C’est cela qui m’a vraiment plus dans ce film. Cependant je trouve qu’il y a parfois trop d’à-­‐coups dans les mouvements, cela peut perturber le spectateur et donner l’impression d’un film amateur. Ce film a un côté improvisé et très mis en scène à la fois. Cela vient du fait que Godard préférait tourner avec une caméra légère, mobile, qui lui permettait de se déplacer, de tourner dans des décors réels comme des chambres d’hôtels plutôt petites, qui ne pouvaient pas accueillir trop de matériel de tournage comme des lampes additionnelles, des grosses caméras etc. Le budget n’étant pas très élevé, il a décidé de filmer la vie « là où il y en avait », et cela l’a forcé à s’adapter à ses lieux de tournage, d’utiliser la lumière intelligemment. Le résultat est très réussi, et très novateur pour l’époque. Sa caméra fait vraiment partie du film, les acteurs lui parlent souvent, le spectateur est donc pris à parti, il est comme un personnage en plus dans le film. Cette façon de filmer est caractéristique de la Nouvelle Vague, c’est un style documentaire, très proche du réel. C’est comme si on suivait les acteurs à pied, en voiture. Nous sommes avec eux. Le montage est également très particulier, il correspond aussi au style de la nouvelle vague : rythme saccadé, faux raccords, ellipses, hors-­‐champs, ruptures. Par exemple, quand Patricia va au café pour appeler la police, il y a un faux raccord qui fait qu’elle semble marcher une fois vers la gauche et une fois vers la droite. Ce ne sont pas des maladresses de la part du réalisateur, au contraire, il a toujours une intention derrière cela. Ici, on pourrait comprendre le désarroi de la jeune fille et son hésitation. Je trouve que Godard a été très audacieux dans son montage. Il a osé faire ce que personne n’avait fait, et l’assumer, quitte à ce que cela ne passe pas du tout auprès du public. En commençant le montage de son film, Godard s’est rendu compte qu’il était trop long, pas assez dynamique. On lui conseilla de supprimer les scènes peu importantes, mais il refusa de le faire et choisi plutôt de couper à l’intérieur des scènes elles-­‐mêmes : c’est ce qu’on appelle des « jump cut ». C’est cela qui prouve son audace et son envie de faire un film novateur : au final, le spectateur est certes dérouté, mais embarqué dans l’histoire. Godard a eu le courage de bousculer les conventions du cinéma, il a réalisé un film à sa manière, sans se soucier des règles, sans se poser de contraintes. C’est cette liberté qu’il faut retenir d’ « A bout de souffle », cette originalité à tous les niveaux qui a fait de Godard une figure emblématique de la Nouvelle Vague. Sources : http://fr.wikipedia.org/wiki/À_bout_de_souffle http://www.agoravox.fr/culture-­‐loisirs/culture/article/a-­‐bout-­‐de-­‐souffle-­‐marque-­‐un-­‐
avant-­‐43787 http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-­‐Luc_Godard http://www.slate.fr/story/23227/bout-­‐de-­‐souffle-­‐un-­‐film-­‐francais http://nezumi.dumousseau.free.fr/film/aboutdesouffle.htm 

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