syndrome de Gougerot-sjögren

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syndrome de Gougerot-sjögren
spécial eular 2012
Syndrome de Gougerot-Sjögren
Place du rituximab dans l’arsenal thérapeutique
n
Au cours des derniers congrès de l’ACR et de l’EULAR, une place impor-
tante avait été dédiée aux premiers essais cliniques évaluant l’efficacité de
différentes biothérapies dans les connectivites et vascularites. On retiendra
notamment les résultats encourageants du bélimumab et du sifalimumab dans
le lupus systémique, et les résultats enthousiasmant du rituximab dans les
vascularites à ANCA. Cette année, c’est le tour du syndrome de Gougerot-Sjögren, avec deux études étudiant l’efficacité et la tolérance du rituximab sur les manifestations
glandulaires et systémiques.
Dr Christophe Richez*
Importance des lymphocytes B dans la physiopathologie
du syndrome de Gougerot-Sjögren
Un rôle important a été attribué
aux lymphocytes T (1) et à l’IFNγ
(2) dans la physiopathologie du
syndrome de Gougerot-Sjögren,
mais ce sont bien les lymphocytes B qui occupent désormais
le devant de la scène. Suggérée
initialement par la présence d’auto-anticorps spécifiques et d’une
hyper-gammaglobulinémie-polyclonale, leur implication a été
confirmée par la mise en évidence
d’une accumulation de lymphocytes B mémoire dans les glandes
Jeudi
7 JUIN
L’étude TEARS (pour Tolerance
and EfficAcy of Rituximab in primary Sjögren syndrome) est un
essai clinique, randomisé, multicentrique, en double aveugle. Son
*Service de Rhumatologie, Hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux
212
parotides inflammatoires (3), et
par l’identification d’une dysrégulation de la production de BAFF
(B cell-activating factor), produit
dans les glandes salivaires par les
cellules épithéliales, les lymphocytes T et les lymphocytes B (4).
A ce jour aucun traitement n’a pu
démontré sa capacité à infléchir
l’évolution de la maladie, notamment le développement de lymphome, mais quelques résultats
encourageants sur des études ou-
vertes ont été rapportés avec le
rituximab. Ce traitement semble
en effet efficace avec une déplétion
lymphocytaire B dans le sang, mais
aussi dans les glandes salivaires,
tout ceci associé à une amélioration des symptômes (5). Deux travaux ont été présentés au cours du
congrès : un essai clinique rituximab versus placebo et les données
du registre AIR sur l’évolution des
manifestations systémiques des
patients traités en France par rin
tuximab.
L’étude TEARS
objectif est d’évaluer l’efficacité
du rituximab chez des patients
atteints d’un syndrome de Gougerot-Sjögren primaire. Les patients
étaient donc randomisés dans
deux bras différents : rituximab IV
1 g x 2 (J0 et J15) ou placebo IV (J0
et J15).
Les critères d’inclusion étaient
les suivants : maladie récente
(< 10 ans) et biologiquement active, et/ou maladie systémique
(≥ 1 manifestations extra-glandulaire). Le critère principal de
jugement consiste en une amélioration, d’au moins 30 mm, de
Rhumatos • Juin 2012 • vol. 9 • numéro 79
Syndrome de Gougerot-Sjögren
2/4 EVA (parmi EVA sécheresse,
fatigue, douleur et activité globale de la maladie) entre la 1re et
la 24e semaine. Les critères secondaires de jugement sont la valeur
de chaque EVA séparément, le
nombre d’articulations douloureuses et gonflées, le flux salivaire,
le test de Schirmer, le focus score
des biopsies des glandes salivaires,
l’amélioration biologique et extraglandulaire.
Tableau 1 – Caractéristiques de la population de l’étude TEARS.
Rituximab (n = 62)
Placebo (n = 58)
Age
53 ans ± 13
56 ans ± 14
Durée de la maladie
4,6 ans ± 4,8
5,3 ans ± 6,5
% de femmes
89 %
95 %
Anti-SSA ou SSB
81 %
78 %
Corticoïdes
32 %
35 %
Méthotrexate
18 %
15 %
(20,7 %) ont atteint le critère principal et 13 sur 60 du bras rituximab
(21,7 %), soit une différence non
significative (P = 0,9). L’analyse des
critères secondaires montre une
minime efficacité sur la fatigue et le
flux salivaire (Fig. 1). Les auteurs ont
rapporté une bonne tolérance du rituximab, hormis un cancer du sein.
Description de la population
122 patients ont été randomisés.
Les données des populations de
chaque bras sont résumées dans le
tableau 1.
Résultats
11 patients sur 53 du bras placebo
Conclusion
Cette étude n’a donc pas permis
de démontrer une efficacité notable du rituximab sur le critère
principal. On note seulement une
amélioration discrète de la fatigue
et du flux salivaire. Une analyse de
l’efficacité sur les manifestations
systémiques est en cours.
n
Placebo
Rituximab
100
100
EVA douleur
80
60
60
40
40
p = 0,99
20
p = 0,008
20
0
0
S1 S2
S10
S20
S1 S2
S24
100
S10
S20
S24
S20
S24
100
EVA sécheresse
80
80
60
60
40
40
p = 0,03
20
0
EVA fatigue
80
S1 S2
S10
EVA activité globale
de la maladie
p = 0,22
20
S20
S24
0
S1 S2
S10
Figure 1 – Etude TEARS Critère secondaire : amélioration de chaque EVA séparément.
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Registre AIR
Jeudi
7 JUIN
2 662 patients ont été inclus dans
le registre AIR, avec un suivi prospectif tous les 6 mois. Parmi ces
patients, 86 présentaient un syndrome de Sjögren. Les caractéristiques de la population sont résumées dans le tableau 2.
Résultats
L’indication du traitement par
rituximab était le plus souvent
la présence d’une atteinte systémique (n = 74), et beaucoup plus
rarement la présence d’une atteinte glandulaire (n = 4). Le traitement par rituximab permettait
de diminuer la médiane de l’ESSDAI (EULAR Sjögren’s syndrome
disease activity index) de 11 (231) à 7,5 (0-26) (p < 0,0001) et les
Tableau 2 – Caractéristiques de la population du registre AIR.
Age
59,8 ans (29-83)
Sexe
86 % de femmes
Durée de la maladie
11,9 années (3-32)
Pas d’anti-SSA
24 (31 %)
Anti-SSA seul
34 (44 %)
Anti-SSA + anti-SSB
20 (25 %)
corticoïdes d’une dose médiane
de 17,6 à 10,8 mg/j (p = 0,1). 8 patients étaient toujours considérés comme répondeurs à 30 mois
après leur 1er cycle de rituximab et
n’ont pas été retraités. En termes
de tolérance, on notait 4 réactions
immédiates à la perfusion, 1 maladie sérique, 3 infections sévères et
2 cancers.
Conclusion
L’indication principale du rituximab, en France, dans le syndrome
de Sjögren, est la présence d’une
atteinte systémique. Au décours
de ce traitement, 60 % des patients sont considérés comme répondeurs. n
Conclusion générale
D’après l’étude TEARS, le rituximab semble peu efficace sur les principales plaintes des patients atteints
d’un syndrome de Sjögren. Toutefois, les premières
données du registre AIR suggèrent une efficacité sur
les manifestations systémiques. L’analyse des paramètres systémiques de l’étude TEARS, essai clinique
randomisé rituximab versus placebo, pourrait permettre de mieux définir l’indication d’un traitement
par rituximab dans cette maladie.
n
Mots-clés : Syndrome de Gougerot-Sjögren, EULAR 2012,
Rituximab, Registre TEAR, Registre AIR
À retenir
n L’étude TEARS n’a pas permis de démontrer une
efficacité du rituximab, comparé au placebo, sur plusieurs paramètres classiques d’activité du syndrome de
Gougerot-Sjögren.
n Toutefois, les données du registre AIR suggèrent un
effet positif sur la composante systémique, qui sera
à confirmer dans le cadre d’un essai clinique tel que
TEARS.
références
Références des abstracts
• Devauchelle-Pensec V, Mariette X, Jousse-Joulin S et al. Tolerance and
efficacy of rituximab in primary Sjogren syndrome (TEARS): results of a
randomized controlled trial. EULAR 2012 : OP0065.
• Cinquetti G, Larroche C, Combe B et al. Efficacy of rituximab in systemic
manifestations of patients with primary Sjögren’s syndrome : results from
the air registry. EULAR 2012 : OP0066.
Références bibliographiques
1. Mitsias DI, Tzioufas AG, Veiopoulou C et al. The Th1/Th2 cytokine balance
changes with the progress of the immunopathological lesion of Sjogren’s
syndrome. Clinical and experimental immunology 2002 ; 128 : 562-8.
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2. Gottenberg JE, Cagnard N, Lucchesi C et al. Activation of IFN pathways
and plasmacytoid dendritic cell recruitment in target organs of primary
Sjogren’s syndrome. PNAS 2006 ; 103 : 2770-5.
3. Daridon C, Pers JO, Devauchelle-Pensec V et al. Identification of transitional type II B cells in the salivary glands of patients with Sjogren’s syndrome. Arthritis Rheum 2006 ; 54 : 2280-8.
4. Daridon C, Devauchelle-Pensec V, Hutin P et al. Aberrant expression of
BAFF by B lymphocytes infiltrating the salivary glands of patients with primary Sjogren’s syndrome. Arthritis Rheum 2007 ; 56 : 1134-44.
5. Devauchelle-Pensec V, Pennec Y, Morvan J et al. Improvement of Sjogren’s syndrome after two infusions of rituximab (anti-CD20). Arthritis
Rheumatism 2007 ; 57 : 310-7.
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