LES PETITES FEUES ÎNA MES D`UNE COCOTTE

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LES PETITES FEUES ÎNA MES D`UNE COCOTTE
TROISIÈME ANNEE N" 124
SAMEDI 8 SEPTEMBRE
LE NUMERO: I5GENTIMES
1883
JSSBBBXSKSBSKSÊKSaiXBBi
I£ I>'A§CO
A. De LATOtfK
DIRECTEUR
ADMINISTRATEUR
E. DESCLAUZAS
ABONNEMENTS
France. .,...,..* IIN AN Fr. J*
Étranger. ........
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*s
On. reçoit les abonnements de TROIS
et SIX MOIS sans frais
dans tous les bureaux de poste
(Paris)
RÉDACTEURS
Franco
Étranger.
EN ÛHBF
ABONNEMENTS
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UN AN Fr. 1 *
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Oa reçoit les abonnements de TROIS
et de SIX mois
RÉDACTION ETAÎMINISTRATION
I»arls et Province : 27, rue de
Clignancourt, à Paris.
JLvon : 35, rue ïhomassiu, boîte place
des Terreaux, 6, à Lyon.
Journal d'Indiscrétions, Littéraire, Satirique, Mondain, Théâtral, Financier
PARAISSANT LE JEUDI A PARIS ET LYON ET LE VENDREDI EN PROVINCE
François RABELAIS.
Tirage justifié
lou! Pauvre chien, va! qui fais l'exercice. Et puis, c'est vrai, dis ? tu couches
dans une grande chambre où vous êtes
vingt. Ah! mon Dieu! que j'aurais peur
au milieu de tant d'hommes que ça !
Tu sais? je me suis fait tirer les cartes.
— Eugénie Vadrouille est venue à la
maison. — Oh ! histoire de m'e distraire,
je m'ennuie toute seule et les hommes
— les autres hommes, pas toi — me déÉDITIONS DE LA "BAVARDE"
goûtent. Les cartes m'ont appris des
1" édition — Paris.
choses ! monsieur, des choses épouvantables... Vous feriez la cour à une petite
2° —
— Lyon et ia région.,
blonde... Ah! mignon, si je te pince...
3e — — Marseille et le midi,
plus de petits bécots sucrés... sur mes
4» _
_ Nancy et l'Est.
quenottes... Non ! non...
5« __
_ Bordeaux, Havre et Ouest,
A propos — soyons sérieux —je t'en6» —
—Belgique.
voie la note d« mon dernier costume :
huit cents francs ma robe en crêpe de
Chine! Ces couturières, si ce n'est pas
La Bavarde, est en vente, le jeudi à une horreur ! Tu me diras ce que tu en
Paris et Lyon, le vendredi en province penses, le plus tôt possible. Vois-tu, ces
lemmes-là, quand on ne les paie pas,
et en Belgique.
c'est des vraies vipères...
Et dire que c'est pour toi, mignon,
que se fait belle :
LES PETITES FEUES
LOULOUTTE.
P. S. — La portière a dit à la bonne
de
la voisine qui l'a répété à la mienne
çles Réservistes
que la bonne deMm<3 Dupont aurait tué
sou enfant — la salle fille ! N'oublie pas
Il est onze heures, le vaguemestre, re- la petite note, chien chéri.
venu de la poste, a passé riiez le colonel
chez le capitaine trésorier, chez le caLETTRE D UNE COMMERÇANTE
pitaine d'habillement, chez MM. les ofMénier,
ficiers, chez les adjudants, chez les sergents-majors, on a sonné aux sergentsJe t'annonce par la présente que j'ai
de semaine qui vont faire sonner aux reçu ton honorés, en. date du 5 courant,
caporaux de chambrée. Et les caporaux je suis heureuse de t Î savoir en bonne
de chambrée vont remettre les lettres santé et je compte que tu reviendras
aux mains des caporaux d'escouades.
bientôt à la tête do tes affaires; Le .ooiC'est l'heure impatiemment attendue. merce va aussi mal qu'au moment .de
les de l'actif, vont chercher dans l'enve- ton départ, les acheteurs n'envoient pas
loppe, plus ou moins aristocratique décommandes, la place ne vaut ri >n
plus ou moins parfum e, plus ou moins cette année. La traite des Rochard, Fislisiblement suscrite, le petit papier rose tule et Compagnie est impayée. L'enfant
bizarrement découpé dans le dessin des est -un peu souffrant. M. Lévy, de chez
chiffres. S'il tombe une larme de leurs Samuel etLévyépouselapetite Scott ami
yeux cen'estpoint parce que la vieille C° limited ; c'estuue bonne affaire.
est malade, que* la promise s'est mariée
Nous mettons, demain, en vente les
ou que îa vache est morte, c'est parce nouveautés de saison. Ci-joint un chèque
que la lettre est veuve et ne contient de trois cents francs.
que l'attendrissant: € nous espérons
Ta femme;
que la présente te trouve de même !
LOUISE MENIER.
Mais nous sommes à l'époque des manoeuvres, les réservistes sont arrivés.
La cour fourmille de vingt-huit jours. E t
LETTRE D UNE CHATELAINE
ces soldats, par la grâce de Dieu, ficelés
Mon très cher baron,
en dépit du bon sens/cherchant dans
je suis affectée loin de vous. Vous deles lettres reçues, des traces moins matérielles. Plus vieux et plus blasés que vez souffrir dans ce milieu interlope.
« les de l'actif » ce qu'ils souhaitent avant Vous, si délicat, VOUÎ dont les manières
toutes choses, c'est la bien heureuse élégantes, dont l'exquis bon ton a gardé
nouvelle, qui, peut-être, à l'heure de un vague parfum de la régence, que vous
l'exercice, leur fera manquer le mouve- devez être ennuyé parmi cette canaille.
Si vous le souhaitez, cher baron, je
ment et leur vaudra, infailliblement,
m'emploiarai
auprès du général de diquatre jours de boîte.
Mais encore à la boîte, leur rêve civil vision afin qu'il vous autorise à coucher
ira, par dessus les frontières de la ca- en ville. La chambrée est une'chose inserne, vagabondera en plein azur de li- fecte, m'a dit le jeune Henri de Villeberté et des foules de petits baisers fontaine, qui s'échappe de Saint-Cyr.
Ne comptez-vous point obtenir une
vainqueurs s'abattront sur les lèvres
permission. Nous serions heureux de
aimées quittées seulement d'hier.
Devons-nous dire par quelle bassess vous avoir au château. Vous oublieriez,
avec quels pots de vin, nous avons ob- dans notre compagnie, les dégoûts de
tenu de lire le contenu d'une douzaine l'heure présente.
Vous sera-t-il. loisible d'assister aux
de lettres adressées aux réservistes du
160 e de ligne ? Non. Nous ne voulons pas obsèques de Monseigneur le comte de
renouveler ici la scandaleuse affaire Cbambord ? Père est déjà parti.
Nous attendons impatiemment votre
Bolaud. Mais nous tenons essentiellement à satisfaire nos lecteurs -surtout courrier. Adieu, cher baron; nous plainos lectrices. —Pour eux,— pour elles, gnons en Vous, comme dit le vénérable
nous avons encouru le bagne. Nous le abbé Benois « une victime de l'égalité
disons bien haut, tous les sacrifices démocratique et sociale. »
Je vousdonne mamain à baiser : Adieiu
nous coûtent peu, quand il y va de l'intérêt des très aimables personnes qui
BARONNE JEANNE.
nous lisent.
*
LETTRE D'UNE FEMME HONNÊTE
Mieux est de ris que de larmes eseripre,
Pour ce que rire est le propre de l'homme.
tETTRE D'UNE GRUE
]$on gros loulou, mon chair Alphonse,
Faut-il qu'un gouvernement soye
lâche; te prandre, toi; un si bel homme !
Pourvu qu'il t'esquinte pas tro !
Je m'ennui de te savoir si loin : Lyon,
céti près de Nancy, qu'estma premiaire
ville natale où que je suis, née !
Tu me marque sur ta lettre que ton
caporal t'aime pas; Ce encor un mufle,
moi que je t'aime tant, mignon! Si i tembête, crève-le ! Je sui là, j'irai trouver
les otorités. Je conné le préfet de police. .
Mon gro rat, en attendant le travail,
je te fai des pantoufes. Je suis che
Louise qu'à une croisé su le boulvar
Rochechoir. Ça rebiffe assé.
Je t'envoi trante francs. Je sai que
faut qu'un home, corne toi, s'amuse.
J»e t'embrasse et te reste fidaile.
JOSÉPHINE DITE LA PIERREUSE.
LETTRE DUN BAS BLEU
Mon malheureux ami,
Je ne dors plus, je refuse tout aliment.
Ovide, dans le texte, le divin Ovide me
fait bailler. Et, sacrilège, je ne puis
traduire, sans faute, trois pages du magique Shacspeare. Ton image me suit
partout, mon aimé, je ne vois que toi, ô
Fra-ncesco, ô Pao'a!
J'achève néanmoins ; Païenne. C'est
l'oeuvre d'une femme;' un? réponse
triomphante aux esprits forts qui ne
sentent point toute la délicatesse do nos
peintures. Les amants heureux de la
fontaine provençale insultent à mon
désespoir.
Ecris-moi, écris-moi souvent. Dismoi comme tu es beau sous le chevaleresque harnois ; cuirassé comme Roger,
ô mon Paul/ viens délivrer ton Angélique !
En attendant, pour chanter fa gloire
en strophes éthérées, je vais tailler ma
plume de Tolède.
SorniE.
LETTRE D UNE PAYSANNE
Mon homme,
Je mets la main à la plume pour te
marquer que y a rien de nouveau
chez nous. Nous sommes ben tant ennuyés, que tu soyes pas là, cary a à
s'occuper de faire aller le pressoir pour
ce que' tu sais du cidre. La vache noire,
celle-là que le père Bernot a vendu
cent écus, elle s'est ensauvée dans le
champ à Claude, qu'elle y a fait dommage que faudra encore payer ça, ben
sur.
Je suis allée à la mairie chercher la
prime que la commune donne. aux veuves, —7 car ou est quasiment veuves —
de ceux qui sont soldats. La Françoise
Bécu qu'a le sien qui est dans la guerre
pour cinq ans, a demandé aussi, qu'elle
n'a rien eu. "Le maire y a dit qu'elle
avait pas le droit, alors qu'elle a dit.:
mais si, puisque j'ai fait un petit avec
Jean Guignol, qu'est dans la guerre;
alors que le maire y a dit : ç>\\ donne
qu'aux femmes de ceux qui sont réservistes. Quelle y a dit : qui que c'est que
ça qu'un réservisse? Le maire a demandé au maître d'école, alors il a dit :
c'est comme qui dirait ceux des soldats
qui. sont pas militaires.
J'ai pu rien à te marquer pour l'instant, et je souhaite que la présente te
trouve en bonne parfaite santé.
Ta femme :
M AGLOIRE- DÉSIRÉE CIBOULE,
LETTRE ITUNB FIANCEE
Monsieur Georges. Quand aurez-vous fini ces vilains
vingt-huit.jours ! Je meurs d'ennui, de
désespoir, je ne ris plus du tout! on m'a
menée au théâtre, j'ai pleuré tout le
temps, parce qu'il y avait'dans la pièce,
un soldat qui était beau et qui vous ressemblait.
Ma robe blanche est finie, elle me va
c'est un amour, elle me pince à la taille
d'une façon divine, la couronne d'oranger est achetée, je ne peux pas la regarder sans rougir... de joie.
Revenez vite : vite : vite :
Croyez, monsieur Georges, à l'assurance de mes sentiments les plus affectueux.
Mon ami,
Je me décide enfin à t'écrire, mais je
suis très embarrassée pour te dire quelque chose. Je t'aime bien, tu le sais déjà. Il n'y a rien de nouveau dans la maison. Je trouve le lit un peu grand cependant, durant les fortes chaleurs, on
est mieux toute seule. Ne te fâche pas
Se ça! Oscar, je parle avec ma franchisé ordinaire.
La nourrice m'a écrit ; le bébé va bien.
Il a mis pour toi, dans la lettre, des
baisers quejo t'envoie.
N'oublie pas de porter ta flanelle, les
nuits sont fraîches. — Il court un bruit
dans le quartier; la benne de madame
Dupont aurait tué son enfant. Pauvre
ESTELLE.
fille ! Je t'envoie des chaussettes.
P.
S.
(au
crayon).
Pendant
que maman
A bientôt.
aie dos tourne je rouvre la lettre. Tu
Ton épouse qui t'aime,
sais, mon petit G-org.^s, que je t'aime
Femme DABOHAL.
de tout mon cœur et que je t'embrasse
***
sur tes belles petites moustaches, dont
le chatouillement me donne des frissons.
LETTRE D'UNE COCOTTE.
Au revoir, mon Georges bien aimé, et,
Monsieur mon chéri ,
soyez sage, monsieur, j'ai un peut doigt
Louloutte vous aime bien! Louloutte qui me dit_tout.
vous adore! Louloutte pleure sou Lou-
LETTRÉ D UNE JEUNE MARIEE
Mon petit époux adoré !
Après trois semaines d'un si grand
bonheur que nous n'avons jamais pu
l'étreindre tout entier, il t'a fallu partir !
Est-ce gentil où tu es? J'ai regardé sur
une carte : Lyon, c'est loin! loin! J'ai
mis un petit drapeau à l'endroit, —
commo Fonde, tu sais, l'o c!e? P.UJdant la guerre de Tunisie, il piquait de
petits drapeaux sur les cartes de son
cabinet fie travail. — II- semble qu'un
peu de toi est sur ce point rouge....
Tu me dis que ton lit est tout petit...
Oh ! si j'y étais, il serait bien plus graud,
va, Hein! Que dirais -tu , si j'arrivais, un jour, à l'improviste? Sans aver
tir personne.je tomberais dans ta chambre, — la grande chambre où sont tant
d'hommes, — je me blottirais comme
une petite souris sous la couverture;
et, le matin, tu me verrais. . Mais je
suis folle, mignon! oui, folle de toi...
... ViBgt-huit jours! mais c'est un
siècle ça! Je n'aurais jamais pu le
croire, oh! oui, les nuits sont interminables. Puis, je suis agacée. Je lis ta
lettre de chaque jour, trois fois, quatre
fois, ceut fois: je l'apprends par cœur...
— Merci de ton bouquet...— Il est dans
l'eau, sur mon guéridon, dans ma chambre à coucher. Quel tendre parfum il
exhale! La nuit : je le mets dans le
creux de mon corsage... Il dort avec
moi... Mignon, petit bouquet, val
Comment, la dernière fois, pouravoir
été à la poste, tu as failli être puni ? il
a fallu que je lise deux fois ce mot :
puni! — alors, ces soldats, tes chefs, ce
sont des brigands. Est-ce que l'on
devrait contraindre des bons chéris
comme toi à recevoir les ordres de ces
assassins-là? car si j'ai bien compris,
on voulait te mettre en prison! Il n'y a
donc plus de gouvernement, plus de
lois, plus de sergents de ville, puisqu'on
peut mettre en prison un homme parce
qu'il a eu la gentillesse de porter à la
poste une lettre à la petite femme qui
l'adore.
En apprenant ça, j'ai failli me trouver
mal, mais je mourrais si je te savais en
prison, je mourrais bien sûr. Ça doit
être épouvantab'e des prisons de soldats...
Puis, qu'est-ce encore ? un rat qui t'a
passé sur la figure, la nuit ! oh ! les horreurs !... un. rat, dis-nmi, comment il
était gros, un rat sur ta figure... rien
que d'y penser came fait frissonner. ..Le
gouvernement veut donc vous tuer. ..
c'est certain.
Dis donc? quelque chose de pire que
tout: ça. —Mère a lu dans le journal
qu'on* allait avoir la guerre avec l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, l'Espagne,
et je crois aussi avec le Tonkm. La
guerre! La guerre! En 1870, j'étais
bien petite, cependant, je me souviens,
tellement j'ai eu peur. On a couché des
pauvres soldats chez nous. J'ai vu des
morts dans le jardin de l'oncle Jean...
Des soldats morts ! Et tu es soldat et
nous allons avoir la guerre.
Je me suis renseignée auprès de quelqu'un de bien placé : il m'a dit que la
guerre ne commencerait toujours pas
avant l'autre mois. Oh ! tant mieux ! tu
auras fini tes vingMiuit jours, tu seras
revenu. Nous partirons à l'étranger. Je
ne veux pas que tu te battes... Je ne
veux pas qu'on te tue !...
Mais, je suis folle... excuse-moi, mignon adoré. ..On apporte une dépêche...
c'est de toi... Tu viens en congé... Oh !
quelle joie. Je ferai faire un nougat...
Je sais que tu les aimes bien! gourmand.
Des baisers ! Des baisers ! Des baisers.
La follette qui t'adore,
BLANCHE TOI.
Et ainsi, elles ont défilé sous nos
yeux, ces adorables lettres échappées à
la plume triste ou joyeuses des petites
femmes des réservistes.
L. D'ASCO.
iOS BUREAUX
Nous informons nos lecteurs que les
bureaux de la rédaction lyonnaise sont
situés :
S &, rue Vnomassin — I^you
Il y aura toujours une boîte : place
des Terreaux, 6.
Les bureaux de la rédaction parisienne et des diverses éditions de province,
27, rut «le dlSgaaucourl; -- lBarfs
Nous allons installer également à
Marseille, des bureaux pour l'édition
de là régiou du Midi.
M CHANSON MS ïifSIÏffiSTffi
AIR : Les Pompiers de Nanterrs.
Dédiée aux 88 jours.
PREM TU COUPLET
On a chanté 1' pompier d' Nânterre
Et P pe.tit ï'austqui part à la guerre,
Mais on a toujours oublié
L' réservis' qu'e-t 1' roi des troupiers.
Quand il en r'çolt l'avis,
Il se dit pasd' bôlise t
Faut quitter sa payse
Pour servir son pays,
ÈEERAIN
Pendant vingt-huit jours qu'ils font l'exercice,
Y a pas assez d'œils pour les admirer,
Quoi qu'ils soient flc'lôs comme des saucisses,
C'est un vrai plaisir que de les voir manoeuvrer.
T'zimlai la, t'zim la ila.cosohics militaires !..
T'zim lai la, t'zim lai la, qu'cesrôscrvlsl'sli i
3 e COUPLET
Le réservist' qui n'est pas bête
Il s'naunit d'dix pair's d'ebaussettes
De flanelle, de chocolat
De savon noir, et'cœtera.
Dans le casernement
Les bleus y font un' balle
Alorse qu'il déballe
Tout l'dfabl.e et l'tremblement.
Pendant vingt-huit jours, etc.
3 e COUPLET
Il n'y a que le réservice
Pour fair' correctement l'serviee
Il se montre martial troupier
Surtout dans la corvée 'd'quartier.
Quand il a bu un coup,
Combinaison savante,
S'il n'rentre pas chez sa tente,
L'cabot le porte au clou !
Pendant vingt-huit jours, etc.
<i° COUPLET
A sa petite femme, il jure
De conserver son âme pure
Eli' sait qu'des minois provocants
S'promôaent, le soir, prés des camps.
C'est alors qu'il lui dit :
Que la troupe française
Ne fréquent' comme punaises
Que celle des châlits.
Pendant vingt-huit jours, etc.
5 e ' COUPLETc
II quitte toujours sans colère
Lorsqu'il s'en va sa belle-mère
Il revieat autant amoureux
Autant, mais bien plus chaleureux.
La femra', ô loi d'amour 1
Pour là retrouver neuve
N'est rien de tel qu'un veuv...
— Age de vingt-huit jours !
RBFIIAIN
Pendant vingt-huit jours qu'ils font l'exercice,
Y a pas assez d'œils pour les admirer,
Quoiqu'ils soient ficelés comme des saucisses,
C'est un vrai plaisir que de les voir manœuvrer,
T'zimlai la, t'zim !ai la, les chics militaires)
T'zim la i la, t'zim la i !a,qu'c'-s réservist'sla'l bis J. SABATTIER.
—
-s—
i
LES
ÎNA MES D'UNE COCOTTE
Une fille pourrait devenir unefemme;
elle reste une fille avec l'innocence en
moins. Elle se vautre dans tous les
ruisseaux, se roule dans les fanges. Sa
célébrité est faile de ses ignominies.
Les hommes parlent d'elle, avec des
désirs. Tout le monde a le droit d'espérer l'avoir. C'est une affaire de caprice
ou de fortune. La dame est la trafiquante de son corps, ouvertement,
franchement, cyniquement. Elle le
pare, comme on pare, à, l'approche de
Noë !, les dindes truffées qui seront le
triomphe des fables bourgeoises. On
la suit à l'odeur insupportable et fine
qu'elle répand. Tout eh elle est lascifses regards sont des provocations. Elle
a d'impertinentes façons de relever sa
robe; il lui prend, en pleine rue, des
envies de rattacher au-dessus du genou,
une jarretière qui ne tombe pas. Elle
esta la mode; on la nomme. C'est la
cocotte a la côte. Ou connaît son prix.
On interroge ceux qui ont écrasé les
poufs de son boudoir, ceux qui ont
froissé les oreillers de sa couche. Les
journaux la citent dans leurs échos.
Elle brille, à côté d'hommes publics ~fille publique.
La nommée X... de X... est ça !
Laide, bête, mais excentrique; un
petit air qui se moq'c et do grandes
prétentions qui en imposent, orgueilleuse, toute sa puissance vient de son
orgueil. Elle porte, avec effronterie,
une espèce do couronne, ça lui fait un
vernis de noblesse. Mais elle sent toujours sa crotte. Elle sort du fumier. On
ic dit à son honneur, c'était d'un fumier honnête, dont l'odeur saine valait biencelledu ylang-ylang qui l'cmpuante, à présent, Elle veut; cacher son
origine, il lui faudrait d'abord cacher
ses mains : des pattes. Rougeaudes,
courtes, elles ont tenu, de mère en fille,
la fourche et la faucille. La pâte d'amandes assouplit l'épiderme mais ne
corrige pas les lignes. Puis ces coudes
pointus c'est peuple en diable. Les
races qui ont eu leurs bras ballants,
clans une aristocratique oisiveté, n'ont
pas de ces coudes là.Lagrucignore ces
LES ANNONCES ET RÉCLAMES
sont exclusivement reçu a
à l' Agence V. FOUR! 1ER
li rue. Confort, Lyon
à P\aris, à l'Agença HAVAS
S, place de la Bourse
choses. Elle tente de convaincre les
imbéciles qui l'entretiennent. Les impertinences ont quelque chose d'une
arrière-noblesse. De minces détails, cependant, le trahisent. Jadis, elle était
vachère. Avec le temps, les rôles ont
changé.
Je ne cause de cette fille qu'accidentellement. J'apprends d'elle une nouvelle infamie: on vient de condamner
sa bonne. La bonne était innocente, car
! cette cocotte est une misérable.
On m'a dit : « Rc touchez pas à cette
guenille pourprée : elle est puissante.
Elle s'habille, parfois, dans des défroques déjuge. Elle danse le cancan,
ayant, sur l'épaule, l'hermine du magistrat. Elle fréquente les filles qui
tutoient Ses rois. »
Un journal satirique a parlé d'elle,'
un jour, il l'a appelé la Madone à la
chaise... des Tuileries . 11 a pludu
papier timbré , dans ses bureaux.
11 lavait insultée: cette fille n'est pas
vierge. Il y a belle lurette que sa virginité est vendue. Vierge même, à la
chaise des Tuileries, cette drôlessc ?
Quelle idée bouffonne !
Et nous la retrouvons partout : madame monte en ballon, dresse des
ours,.ou des singes. Quelqu'un affirme
même avoir vu dans sa chambre : un
chameau. Actrice sans talent — elle
bat la grosse caisse sur la peau d'âne
de ses admirateurs. Elle est essentiellement excentrique. Elle ruine avec
chic ; sa devise est : Détrousser et retrousser.
_ Parfois, il lui vient un monsieur sérieux. C'est la noce au début, elle a
tout son or, car le moucheron a tout
son sang. Elle suce, elle pompe. Elle
aspire. Et par tous les pores de sa fantaisie.L'ignoble araignée fait son œuvre
Plus industrielle que les filles velues
d'Arachné, elle a autant de toiles que
desalons. Sa camériste — petite bête
de province — ne savait pas cela.
On n a pas joué la comédie pour rien
Madame fait installer sa chambre a
coucher de telle sorte qu'il y ait plusieurs sorties. On joue, ehez elle, les
pièces d'Hennequin. Une porte est un
expédient. Il est nécessaire d'avoir
beaucoup de placards quand on a
beaucoup d'amants. Sous le lit on ne
peut y glisser qu'Alphonse.
Or, elle avait le tact de rattacher
admirablement sa ceinture d'une porte
al autre. Un « neuf» ne se doutait de
rien. Il ne s'expliquait pas les froissements du corsage, l'humidité des lèvres, et l'autre. Il ne relrouvail pas,
sous les cheveux épars, le souffle du
dernier repu. Il croyait à l'amour sans
partage. Un naïf enfin.
_ Mais les murailles sont indiscrètes.
II devina que cette fil e le trompait. Il
ut des reproches. La belle avait l'habitude des fauves. A proximité de sa main
se trouvait une cravache.
Un fiacre emporta,lc lendemain malin un voyageur horriblement pâle.
La bonne vit, sur la grande peau de
tigre de la chambre à coucher bleue,
des taches de sang.
— Madame, dit-elle à la courtisane,
le tapis est lâché.
Celle-ci eut un geste d'impatience.
Vers midi,' elle sortit. Elle s'é'tait vêtue
avec un luxe inouï. Eilcavaif apporté un"
soin extrême aux moindres détails de
sa toilette. Son coiffeur dutrecommencer trois fois son travail. —- « Je vous
ai dit, Félix, de me donner un cachet
honnête,, Félix ferait passer une trmie pour une gazelle : il arriva à- donner à
madame, 'un petit air honnête qui la
changeait tout à fait, — C'est trop,
imbécile, dit elle, défais-moi ça. Je ne
veux l'être qu'assez pour qu'on m'accueille et assez peu pour qu'accueillie
on me garde»
Quand elle fut parée, qu'elle eut, tous
sosbi;oux, que sa glace lui eut rendu
le hdele modelé du corsage, qu'elle
aperçu la pointe bavarde de la dentelle
du jupon, passant, comme une langue
subtile, dans les plis de l'étoffe lourde
elle monta dans sa voiture et ielu.au
cocher cette adresse :
— Au Palais de Justice!
; On introduit la visiteuse. Elle rest
a