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STEINAR SKAAR/STATENS VEGVESEN / LES IMAGES / LE VOYAGE 118 SÉRIE LIMITÉE No 125 OCTOBRE 2013 LE VOYAGE / LES IMAGES / Norvège, la nature design Au fil des routes norvégiennes, de ses vues infinies et de fjords ouverts, on s’oxygène et on s’évade. Décuplant cette escapade nordique, architecture contemporaine et land art, sculptures et centres d’art s’invitent à leur tour dans le paysage pour le magnifier. Mieux, nous invitent à ralentir pour mieux le contempler. Respirez, l’air est frais. 05-légende OCTOBRE 2013 SÉRIE LIMITÉE No 125 119 / LES IMAGES / LE VOYAGE Eggum, de l’agence Snøhetta, un bâtiment fondu dans le paysage. 120 SÉRIE LIMITÉE No 125 OCTOBRE 2013 JARLE WÆHLER/STATENS VEGVESEN Le miroir concave de l’Américain Dan Graham reflète le fjord de Vågan. LE VOYAGE / LES IMAGES / Sur l’île de Senja, au nord de la Norvège, le Tungeneset, l’un des deux points de vue panoramique aménagés sur la route touristique nationale. JARLE WÆHLER/STATENS VEGVESEN Par Marie Le Fort « JE NE CONNAISSAIS PAS du tout la Norvège. Je m’étais juste rendue à Oslo deux fois avant de gagner les Lofoten, et ma seule perspective de la Scandinavie était liée à l’art, au cinéma et à la littérature. Depuis toujours, la Scandinavie rimait pour moi avec Edvard Munch, Lars von Trier, Ingmar Bergman, les Vikings, Olafur Eliasson ou encore Knut Hamsun », confie Marie Bovo, photographe. Récemment exposés au tout nouveau centre d’art KaviarFactory, à Henningsvær, dans les Lofoten, ses tirages intitulés Jours blancs dépeignent un temps immobile et la clarté des nuits au-delà du cercle polaire. « Près de la Méditerranée, où je réside, le temps est horizontal. À ces latitudes nordiques, tout est si différent : on va dans les Lofoten pour disparaître. On est entouré d’eau, non pas d’une eau qui affleure mais d’une eau qui rentre dans les terres : tout est piégé et dédoublé dans des réflexions, à tel point que les montagnes pointent naturellement vers le bas. L’instant suivant, tout s’enveloppe de brouillard et la mer ressemble à du métal liquide, se souvientelle. J’ai passé des heures à scruter le paysage de nuit, à chercher des nuances dans l’écume des vagues, à sonder l’esprit sauvage de ses îles. Au final, je ne saurais pas vraiment dire si j’ai passé dix jours ou une seule journée éternelle. Dans les Lofoten, l’éternité est différente. » Et c’est justement là le caractère magique de cet archipel situé au large de Bodø, sur la mer de Norvège : il échappe au temps et vit au rythme du soleil de minuit durant tout l’été. Et si Lofoten signifie étymologiquement « pied de lynx » en référence à sa forme découpée, son littoral déchiqueté creuse bel et bien des méandres et des points de vue à couper le souffle. À présent, décuplant le paysage plus en amont, des œuvres d’art de prestigieux artistes internationaux s’y invitent : c’est le cas d’une impressionnante structure panoramique en miroir concave (Untitled) signée de l’Américain Dan Graham qui reflète le paysage ouvert sur le fjord de Vågan. Intitulée Skulpturlandskap, cette initiative rassemble de nombreuses pièces afin de composer un vrai programme de land art, grandeur nature, disséminé à travers les îles : à Vestvågøy, on découvre Head, de l’artiste suisse Markus OCTOBRE 2013 SÉRIE LIMITÉE No 125 121 / LES IMAGES / LE VOYAGE À CETTE UNIQUE COLLECTION à ciel ouvert viennent s’ajouter d’autres « Détours », du nom du programme emmené par le gouvernement norvégien (Norwegian Public Roads Administration), qui a aménagé à travers tout le pays dix-huit tronçons de ses routes les plus scéniques en une excursion éclairée. Au fil de l’asphalte, les conducteurs Un vrai programme de land art, grandeur nature, disséminé à travers les îles. sont surpris par des monuments d’architecture contemporaine, des points de vue paysagés et des aires de repos qui ajoutent, chacun à leur manière, une dimension unique au site où ils s’inscrivent. C’est le cas du bâtiment baptisé Eggum, dans la localité éponyme : réalisé par l’agence norvégienne d’architecture Snøhetta, il « protège » les visiteurs des éléments à l’aide d’un « nid de pierres » creusé dans le site qui s’arque comme un amphithéâtre et se double d’un bâtiment public où touristes et conducteurs de caravanes peuvent venir se reposer – il contient des toilettes, une cuisine et une salle polyvalente. Imperceptible à l’horizon, sa silhouette se dévide, in situ, comme une œuvre abstraite, calligraphiée à partir des seules roches sombres issues de la moraine alentour. À ce pavillon contemporain signé par l’agence star en Norvège répond une autre construction : l’exemplaire Norwegian Wild Reindeer Center, un pavillon d’observation érigé au cœur du parc national de Dovrefjell. Point de vue idéal, l’observatoire habite un plateau esseulé à 1 200 mètres d’altitude. À la fois géométrique et souple, sa structure combine la lisibilité et la transparence du verre avec le 122 SÉRIE LIMITÉE No 125 OCTOBRE 2013 Ce poste d’observation des oiseaux réalisé par l’agence norvégienne Biotope se fond au milieu du paysage. confort d’un immense banc en bois sculpté à la main. Si le refuge apparaît comme habité par une forme organique en bois quand on est à proximité, il devient totalement impénétrable à distance, ses façades en verre reflétant entièrement le paysage qui l’entoure. Un geste architectural qui orchestre une double mise en abîme, car si les parois transparentes renvoient l’impression d’être froides, la chaleur d’une cheminée suspendue à l’intérieur vient contrecarrer la rigueur du climat et offrir un refuge sur mesure aux randonneurs de passage. Intégrant architecture et paysage en un seul et même élément, le pavillon se double d’une terrasse extérieure en bois. De là à vouloir s’absoudre au contact du paysage environnant, il n’y a qu’un pas. POURTANT, RIEN, dans la géographie norvégienne, ne prédisposait ces routes et contrées recluses à s’ériger en musée d’architecture à ciel ouvert. Car, à ces latitudes, dame Nature se révèle extrêmement hostile une bonne partie de l’année. Quand on grimpe, à flanc de falaise, sur le plateau de Trollstigen, la route à lacets en contrebas donne le vertige : « Construire dans un tel environnement tout en le magnifiant relevait du tour de force, lance Reiulf Ramstad, fondateur de l’agence norvégienne Reiulf Ramstad Arkitekter. Le site est exceptionnel : déporté sur le vide de la vallée en contrebas, il s’inscrit dans un cirque naturel de toute beauté, qui accueille depuis toujours de nombreux touristes. Je suis toujours estomaqué de voir comment les endroits les plus extraordinaires sont détruits par la pression touristique… Aussi avais-je une seule idée en tête : rétablir une relation consciente entre la nature et les visiteurs, entre l’architecture et l’environnement. » Des belvédères en acier Corten et garde-corps en acier et verre se confondent désormais avec les tonalités minérales du paysage, tandis que des passerelles surélevées enjambent le terrain rocheux pour s’approcher du vide. Capables de supporter durant l’hiver la pression de mètres de neige et de glace, une série de bâtiments géométriques enveloppés de plaques de ciment brutes – qui regroupent un refuge, un restaurant et un poste d’observation protégé des intempéries – composent avec brio un ensemble géométrique en biseau au centre du site naturel classé. Respectant la topographie des lieux, les bassins qui l’encerclent ajoutent une touche finale à cette expérience inégalée. S’IL EST QUESTION, au fil de la route, d’interventions contemporaines dans le paysage, l’art s’invite aussi depuis peu de manière plus pérenne : c’est le cas de l’ancienne fabrique de caviar (localement appelée KaviarFactory), récemment transformée en centre d’art contemporain par Venke Hoff, collectionneuse émérite, avec son mari Rolf. Dans le petit village d’Henningsvær, au sud des Lofoten – où le couple a racheté le phare sur un coup de tête il y a une quinzaine d’années –, Venke et Rolf vivent naturellement au milieu des œuvres d’art. Et échappent au caractère citadin qui régit en général les grandes collections… Depuis ce petit éperon rocheux perdu à la surface du monde, ils convoquent le monde de l’Art (avec une majuscule). Après l’exposition inaugurale des photographies de Marie Bovo et du Norvégien Per Barclay réalisée avec le soutien du galeriste parisien Kamel Mennour, Venke Hoff parle déjà de faire appel au grand Olafur Eliasson pour habiller le bâtiment de lumière(s). Ainsi, il deviendrait un nouveau phare : celui de la culture au-delà du cercle polaire. TORMOD AMUNDSEN/BIOTOPE.NO Raetz, une sculpture qui change de forme seize fois selon l’endroit d’où l’on se place pour l’observer. Ici, elle apparaît comme une tête classique ; là, elle prend la pose d’une tête renversée. À Flakstad, Epitaph, du Japonais Toshikatsu Endo, se découvre comme une forme cylindrique en pierre de 5 mètres de haut et de 8,5 mètres de diamètre. Une œuvre qui questionne la linéarité du temps occidental. Les plus assidus voyageront jusqu’à Lødingen pour voir The Eye in Stone d’Anish Kapoor, à Rana, pour admirer une sculpture esseulée face à la mer d’Antony Gormley, ou encore à Bodø, pour être intrigué par une installation de Tony Cragg. LE VOYAGE / LES IMAGES / Conçue par l’architecte canadien Todd Saunders et son associé Tommie Wilhelmsen, la plateforme du Stegastein, dans le sud du pays, offre un point de vue époustouflant sur les fjords. ROGER ELLINGSEN/STATENS VEGVESEN PER EIDE STUDIO 2008 KJELL OVE STORVIK DR Y ALLER La compagnie SAS propose 3 vols quotidiens entre Paris et Oslo tous les jours, sauf le samedi (1 seul vol). À partir de 160 euros A/R TTC par personne. Pour visiter la région de Trollstigen, ainsi que DovreFjell et son parc national, SAS propose 3 à 4 rotations par jour pour Ålesund via Copenhague, à partir de 260 euros A/R TTC par personne. Pour se rendre dans les Lofoten, SAS opère 1 à 2 vols quotidiens entre Paris et Harstad-Narvik via Oslo tous les jours sauf le samedi. À partir de 315 euros A/R TTC par personne. De Harstad-Narvik, compter 3 heures de route pour Svolvær, la ville principale pour visiter les Lofoten. Des vols pour Svolvær et/ou Leknes, à l’extrémité sud de l’archipel, sont opérés chaque jour à plusieurs reprises par Wideroe (en collaboration avec SAS) au départ de Bodø, sur la côte. À noter que Bodø est desservi 1 à 2 fois par jour depuis Paris, via Oslo, à partir de 290 euros A/R TTC, mais que les temps d’escale peuvent être longs. Depuis Paris, compter obligatoirement deux escales, à Oslo et Bodø, pour rejoindre directement Svolvær ou Leknes. Pour tout renseignement ou réservation, contacter le 0 825 325 335 ou se rendre sur www.flysas.fr Particulièrement innovante en matière de nouvelles technologies, notamment en étant l’une des premières compagnies à proposer Internet à bord, SAS a développé une application qui fut rapidement, dès son lancement, téléchargée plus de 100 000 fois, la propulsant au rang d’application gratuite la plus téléchargée en Suède, au Danemark et en Norvège. Pour plus d’information sur « SAS app », se rendre sur www.flysas.com/app SÉJOURNER ET SE RESTAURER PRÈS DE TROLLSTIGEN ET DE DOVREFJELL Passé le col du Trollstigen, depuis Åndalsnes la route plonge dans des contreforts boisés qui abritent un hôtel unique en son genre : le Juvet Landscape Hotel. Construites par l’agence JSA (Jensen & Skodvin Arkitektkontor), les différentes chambres d’hôtel s’apparentent à des cubes en bois posés à l’aplomb de petites vallées ou cascades ; poêles qui ponctuent les espaces en bois blond, l’intérieur est un voyage dans le temps. On dînera sur place de produits du terroir, accommodés avec talent par le chef islandais Vilhjalmur Axelsson. La seule halte gourmet à des kilomètres. Chambre dans la maison principale à partir de 965 NOK (120 euros), www.kongsvold.no à l’intérieur, la transparence donne souvent l’impression d’être en suspension dans les airs. De vastes baies vitrées (ci-dessus) permettent une fusion avec la nature. Dans la maison principale, traditionnelle, boiseries et repas chaleureux composés de viande de cerf, de pêche du jour et de desserts réconfortants viennent contrebalancer cet excès de modernité au cœur d’une Norvège intemporelle. On se restaurera sur place, car il n’y a rien alentour. À partir de 1 450 NOK (180 euros), www.juvet.com Plus proche du parc de Dovrefjell et du Wild Reindeer Center, on séjournera à Kongsvold Fjeldstue (ci-dessus) : agencé comme un petit village, c’est en fait une maison et une pension de famille. Repère de voyageurs depuis 1720, le petit village était à l’époque une halte de choix sur la route royale – aussi appelée route des Pèlerins – qui menait les voyageurs d’Oslo à Trondheim. Absolument charmant, avec ses tableaux anciens, un piano droit dans le coin libraire et des DANS LES LOFOTEN Les îles Lofoten ont beau être un haut lieu touristique, il n’en reste pas moins que l’offre hôtelière de qualité est maigre. Aussi, malgré une apparence extérieure en poli-miroir datée, le Thon Hotel Lofoten, à Svolvær, offre les meilleures vues (ci-dessous), et son restaurant Bojer – qui ne cuisine que des produits d’une fraîcheur exemplaire – compte parmi les plus en vue sur l’archipel. Éviter à tout prix d’y séjourner quand accoste un bateau de croisière, l’hôtel devenant alors une extension de ladite croisière. À partir de 1 400 NOK (173 euros), www.thonhotels.com Pour ceux qui cherchent à échapper au centre-ville, on préférera Anker Brygge qui propose des suites et une alternative plus rustique dans des chalets rouges donnant sur la baie de Svolvær. À partir de 1 590 NOK (197 euros), www.anker-brygge.no À LIRE Cent ans (éd. Gaïa), de la star norvégienne Herbjørg Wassmo, entrecroise le destin de trois générations d’habitants des Lofoten, à travers trois itinéraires féminins. Le texte a intégralement été écrit depuis le phare d’Henningsvaer. OCTOBRE 2013 SÉRIE LIMITÉE No 125 123