Une pathologie handicapante

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Une pathologie handicapante
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CYSTITE INTERSTITIELLE
Une pathologie handicapante
La cystite interstitielle est une pathologie douloureuse chronique de la
vessie, invalidante et ayant des répercussions aussi bien physiques
que morales importantes. Appelée aussi syndrome de la vessie
douloureuse, elle est classée par les Anglo-Saxons dans la catégorie
des douleurs pelviennes chroniques.
Clinique
Mieux connue depuis quelques années, elle est mieux dépistée et sa prévalence
est en augmentation dans les études épidémiologiques, estimée à
450 pour 100 000 dans les pays nordiques. Le sex-ratio est d’environ 1 homme
pour 9 femmes. L’âge moyen au diagnostic est de 43 ans, mais il existe un
retard au diagnostic important. Un tiers des patientes diagnostiquées rapporte
l’existence de symptômes avant l’âge de 30 ans.
Douleur
La symptomatologie est assez typique, caractérisée par une sensation
désagréable allant de l’inconfort à la douleur intense, perçue par la patiente
comme d’origine vésicale et localisée en sus-pubien, mais pouvant avoir des
irradiations périnéales, vaginale et urétrale. Cette douleur est améliorée par la
miction et récidive dès que la vessie se remplit. De façon assez individuelle, les
patientes rapportent une accentuation des symptômes par certains aliments et
boissons, tels que le vin, le café ou les aliments acides comme les tomates.
Pollakiurie
En raison de la douleur, il existe une pollakiurie avec nycturie. Il est important
de documenter la pollakiurie par un calendrier mictionnel réalisé par période
de 24 heures pendant 2 ou 3 jours, permettant de relever objectivement la
fréquence urinaire et la répartition du volume urinaire. Ce calendrier permet
de faire la part de ce qui est pathologique et fonctionnel et de repérer les
fausses pollakiuries induites par un excès de boissons. Dans la cystite
interstitielle, le calendrier montre une constance de faibles volumes urinés,
traduisant une capacité vésicale réduite. Lorsque la capacité vésicale est très
réduite, à 50 ou 100 ml parfois, la douleur peut devenir quasi permanente,
obligeant les patientes à uriner tous les quarts d’heure, avec des répercussions
sociales importantes.
Cette envie permanente d’uriner est à distinguer de l’urgenturie vraie, qui est
définie comme une envie soudaine et irrépressible d’uriner, un besoin anormal
par sa brutalité et son intensité mais non douloureux, et qui est un symptôme
clef de l’hyperactivité vésicale.
Dysurie et dyspareunie
Une dysurie peut exister, parfois importante et mal expliquée, en partie liée à
la faible quantité urinaire émise à chaque miction. L’hypersensibilité vésicale
peut aussi avoir un retentissement sexuel, avec une dyspareunie souvent
associée. Il n’y a pas d’incontinence urinaire.
L’examen clinique est pauvre, avec une sensibilité sus-pubienne à la palpation
abdominale et à la palpation de la paroi antérieure du vagin lors du toucher
vaginal.
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Examens paracliniques
Le diagnostic est posé grâce à un faisceau d’arguments cliniques et
paracliniques.
La réalisation d’une échographie pelvienne, d’un ECBU du 2e jet et d’un ECBU
du 1er jet, avec recherche de Chlamydiae et de mycoplasme, et d’une
cytologie urinaire si la patiente est fumeuse et/ou est âgée de plus de 40 ans,
permettent d’éliminer les principaux diagnostics différentiels.
Bilan urodynamique
Le bilan urodynamique est souvent mal toléré, douloureux au remplissage
vésical, montrant une capacité vésicale diminuée avec des besoins précoces,
un trouble de la compliance vésical et un syndrome obstructif lié à la dysurie.
Cystoscopie avec hydrodistension
L’examen clé est la cystoscopie, faite sous anesthésie locale dans un premier
temps pour éliminer une pathologie organique, puis sous anesthésie générale
avec hydrodistension, ce qui permet de faire le diagnostic dans la majorité des
cas. La vessie est remplie avec du sérum physiologique à une pression de
perfusion de 80 cm d’eau, jusqu’à sa capacité maximale qui est normalement
de 1 litre et qui peut être chez ces patientes limitée à 150 ml. Dans la cystite
interstitielle, cette distension fait apparaître des signes très évocateurs à type
de pétéchies, d’hémorragies sous-muqueuses (glomérulations), et de fissures
de la muqueuse vésicale. Chez moins de 10 % des patientes, on peut retrouver
avant distension un signe spécifique qui est l’ulcère sous-muqueux de Huner.
Les biopsies réalisées au cours de la cystoscopie montrent des signes
inflammatoires non spécifiques, et peuvent permettre d’éliminer un carcinome
in situ ou une pathologie infectieuse comme la tuberculose.
Test au chlorure de potassium (KCl)
Le test au chlorure de potassium est parfois réalisé par certains urologues,
mais n’est pas de pratique courante. Il consiste en l’instillation de KCl dans la
vessie déclenchant une douleur spécifique. Cet examen est basé sur une des
hypothèses physiopathologiques de la cystite interstitielle, qui est une
altération de la perméabilité de l’urothélium vésical à certains ions,
responsable des douleurs.
Traitement
Le traitement comporte deux volets : la prise en charge de la douleur et un
traitement spécifique.
Traitement antalgique
La douleur de la cystite interstitielle a une composante neuropathique qui peut
être prise en charge par l’amitriptyline ou la gabapentine. Les morphiniques
sont actuellement de plus en plus utilisés.
Glycosaminoglycanes
Les traitements spécifiques appartiennent pour la plupart à la famille des
glycosaminoglycanes, structures glucidiques absentes de l’urothélium et qui
seraient responsables des troubles de la perméabilité. Il existe différentes
formes d’administration. Elmiron (polysulfate de pentosane sodique), qui est
administré per os, fait l’objet d’une ATU et est pris en charge par la sécurité
sociale. Les instillations vésicales de glycosaminoglycanes, Gepan (chondroïtine
sulafte) ou Cystistat (acide hyaluronique), ne sont en revanche pas
remboursées et assez onéreuses. Aux États-Unis, des instillations d’héparine en
autosondage ont été un traitement de première intention pendant longtemps,
mais ne sont que rarement utilisées en France.
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Autres
L’hydrodistension réalisée au cours de la cystoscopie a également une action
thérapeutique et permet d’améliorer, du moins transitoirement, près de la
moitié des patientes.
D’autres familles médicamenteuses sont utilisées, comme la cimétidine per os,
ou les instillations vésicales de diméthyle-sulfoxyde (DMSO), un réactif instillé
sur une durée de six semaines ayant une action abrasive sur l’urothélium, afin
de favoriser la repousse d’un urothélium moins pathologique.
Exceptionnellement
En cas de pathologie très invalidante, avec une capacité vésicale quasi-nulle
entraînant des répercussions sociales et professionnelles importantes, le
traitement de dernier recours peut aller jusqu’à la cystectomie totale avec
entérocystoplastie.
Dr CAMILLE CORTINOVIS
D’après un entretien avec le Dr Ariane Cortesse, urologue à l’hôpital Saint-Louis à
Paris.
Le Quotidien du Médecin du : 26/01/2010
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