RENCONTRE SUR LE FILM L`ÎLE DE BLACK MOR de Jean

Transcription

RENCONTRE SUR LE FILM L`ÎLE DE BLACK MOR de Jean
RENCONTRE SUR LE FILM
L’ÎLE DE BLACK MOR de Jean-François LAGUIONIE
Année scolaire 2007/2008
Le mercredi 24 octobre 2007, l’association Collège au Cinéma 37 a invité Hervé Joubert-Laurencin afin
de parler du film L’Île de Black Mòr programmé aux classes 6ème/5ème des collèges d’Indre et Loire.
Hervé Joubert-Laurencin est enseignant de cinéma à l’université à Paris-Diderot (Paris VII) et critique de
cinéma.
Pour lui, L’Île de Black Mòr est un film facile à travailler. Ce film peut permettre de travailler sur la
musique (le son du violoncelle). Les enseignants peuvent visionner plusieurs extraits contribuant à faire
une comparaison avec le personnage du fantôme de Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau et
peuvent également expliquer ce qu’est le film d’animation à leurs élèves.
Hervé Joubert-Laurencin pense qu’il faut se poser la question de savoir si le film est « gnangnan » pour
un public adulte et pour un public de collégiens.
Jean-François Laguionie était un très grand animateur dans ses courts métrages mais Le Château des
singes (1999) a été un échec cuisant. C’est un film très normatif, Laguionie est alors rentré dans un
système. Dans Le Château des singes, les singes chantent comme dans les films Disney. L’Île de Black Mor
reste dans l’idée de faire un film pour qu’il soit vu par le public le plus large.
Pour Hervé Joubert-Laurencin, l’animation n’est pas un genre mais une forme.
LE FILM D’ANIMATION
Hervé Joubert-Laurencin explique que le film d’animation en carton découpé consiste à bouger les
parties du corps et qu’il n’est pas possible de dire que l’animation soit un art plastique.
L’Île de Black Mor n’est pas un film simpliste ; c’est un dessin animé.
Dans le cinéma d’animation, Jean-François Laguionie a une capacité incroyable à faire vibrer la
mobilité car en général, l’animation manque d’immobilité vu que le cinéma d’animation représente ce
qui vit. Laguionie est capable de créer des moments d’immobilité, ce qui est rare dans le cinéma
d’animation. Une part de réalisme dans le cinéma d’animation est présente à la façon dont le corps du
personnage bouge.
Le scénario de L’Île de Black Mor est subtil et est décrit par Jean-François Laguionie dans une interview
comme un « bateau jamais achevé mais c’est ce qui constituait le vrai voyage ». Dans cette même
interview, Jean-François Laguionie explique que la construction du bateau est plus importante que le
voyage et c’est exactement le scénario de L’Île de Black Mor. Il faut aider l’élève à suivre cette voie.
Narration (naturelle ?) :
• Le voyage : le film, la recherche de l’île au trésor, la recherche de la vie d’adulte et le fait de
grandir
• L’aventure de la vie, l’aventure de pirate et l’aventure maritime
Le spectateur a besoin de connaître quelqu’un qui sache lire car le film est comme un livre.
Extrait de L’Arche de Noé (1967, 10 minutes) de Jean-François Laguionie :
Ce film d’animation est en papier découpé ; il ressemble à un dessin animé. Le point commun avec L’Île
de Black Mor est le bateau. Le papier découpé peut faire des effets propres à l’articulation. Le dessin
animé est assimilé à la raideur des films articulés.
Extrait de quatre minutes de Gwen (1985) de Jean-François Laguionie :
Ce film a quelque chose de propre à Laguionie comme, par exemple, le voile qui tombe.
L’ÎLE DE BLACK MOR
Extrait DVD (Compteur : 53 minutes 25 sec) : pour Hervé Joubert-Laurencin, le tunnel fait penser à la
BD d’Hergé, L’Île Noire. La couverture de cette bande dessinée est représentée dans L’Île de Black Mor
avec cette idée de mystère. L’île est un personnage qui donne le titre du film et de la bande dessinée ;
cette île se retrouve dans plusieurs ouvrages de Tintin.
La bande dessinée Le secret de la Licorne peut également être étudiée afin de parler des secrets de
famille (secret sur le père du capitaine Haddock et secret sur le père du Kid).
Dans L’île Noire, la seule relation directe avec L’Île de Black Mor est le tunnel. Le spectateur se promène
à l’intérieur d’un livre, d’une narration, d’un secret de lecture.
COMPARAISON ENTRE NOSFERATU ET L’ÎLE DE BLACK MOR
Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau (1921) raconte l’histoire de Dracula.
DVD
Compteur à
5 minutes 5 secondes
Dans le film L’Île de Black Mor
Familiarité avec le fantôme (passage de la main sur le visage du Kid).
Ressemblance très nette avec Nosferatu.
La scène où l’ombre de la main arrive sur le visage du Kid est identique à
la séquence du film Nosferatu.
Le Kid a le visage « à la Tintin ». Il est d’une extrême simplicité, très concis, avec un regard vide. Le
visage de Tintin est universellement connu. Henri Destouches, enseignant au collège du Parc de Neuillé
Pont Pierre, trouve que son visage rappelle également celui de Bécassine.
Hervé Joubert-Laurencin rappelle que le cinéma est une projection de soi à sa manière ( ?). Il ajoute
que les yeux du Kid sont assez énigmatiques. Le spectateur ne sait pas quoi ressentir face à ses yeux
car ils sont peu expressifs. Cela montre, de la part du réalisateur, une volonté de travailler avec des
grosses lignes, des gros traits. Dominique Roy, enseignante au collège Sainte Jeanne d’Arc de Tours,
souligne que les sourcils du Kid sont ceux d’un adulte alors que le bas du visage sont ceux d’un enfant.
Hervé Joubert-Laurencin dit que son visage est volontairement inexpressif pour ressembler à celui de
Tintin.
Gérard Lafite, enseignant au collège Raoul Rebout de Montlouis sur Loire, a remarqué que le
personnage de la Ficelle a le même visage que l’acteur qui lui prête sa voix (Jean-François Derec,
ndlr).
DVD
Compteur à 20 minutes
Compteur à 30 minutes
Dans le film L’Île de Black Mor
Accompagnement musical de Nosferatu de Murnau.
Personnage attaché au mât comme un personnage dans Nosferatu.
Dans Nosferatu, la peste est transportée par bateau à la civilisation avec le même voilier et avec le
même cadrage que dans L’Île de Black Mor.
Dans L’Île de Black Mor, Le Kid va chercher un trésor dans la tombe de Black Mor et dans Nosferatu, le
personnage retourne à la terre ( ?).
Globalement, L’Île de Black Mor est réalisé autour d’un secret comme dans L’Île Noire.
La séquence où le bateau fait son entrée dans le port dans Nosferatu se retrouve dans L’Île de Black
Mor lorsque le Kid vole son premier bateau.
Dans L’Île de Black Mor, il y a le mythe du bateau fantôme participant au fantôme de l’humain, le
personnage de Black Mor.
Le spectateur peut reconnaître la séquence finale du film Le Roi et l’Oiseau dans L’Île de Black Mor avec
la fenêtre à barreaux de l’orphelinat du Kid et Black Mor.
« Nowhere » peut avoir deux significations répondant à la même question : « Où va-t-on ? » Les deux
réponses possibles sont : « nulle part » (nowhere) ou « maintenant, ici » (now, here).
Le spectateur a l’impression de voyager mais il est déjà arrivé. Le trésor représente le voyage alors
que la vie est le but de la vie elle-même.
DVD
Compteur à 55 minutes
L’Île de Black Mor
Le Kid parle du trésor de son père et il trouve la lettre de celui-ci et le
miroir en forme de gouvernail. La lettre est la même que dans la fable de
La Fontaine, Le laboureur et ses enfants : « Travaillez, prenez de la peine. »
Extrait de La demoiselle et le violoncelliste (1955, 8 minutes 50 secondes) de Jean-François
Laguionie :
Hervé Joubert-Laurencin conseille de lire l’interview de la page 11 du dossier pédagogique édité par
le CNC où Jean-François Laguionie parle de la musique du film. Hervé Joubert-Laurencin suggère
également de regarder Goshu, le violoncelliste de Takahata Isao pour l’efficacité incroyable de la
musique.
La présidente de l’association Collège au Cinéma 37 remercie Hervé Joubert-Laurencin pour sa venue à
Tours et pour son analyse du film L’Île de Black Mòr.