Homélie aux funérailles de Son Eminence le Cardinal

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Homélie aux funérailles de Son Eminence le Cardinal
Homélie aux funérailles de Son Eminence le Cardinal
Frédéric Etsou-Nzabi-Bamungwabi
Après une longue vie, toute dévouée au service de Dieu et de son Eglise, voici que le
Cardinal Frédéric Etsou se tient devant son Seigneur sur le seuil de la maison du Père.
Ce qui nous arrivera d’ailleurs à tous un jour, que nous soyons de hauts dignitaires de
l’Eglise, ou de simples fidèles dans la nef. Et avec le psalmiste nous dirons tous
« Seigneur, tu me sondes et me connais, que je me lève ou que je m’assoie, tu le sais ;
tu perces de loin toutes mes pensées: que je marche ou que je me couche – que je sois
vivant ou mort – mes chemins te sont tous familiers’ (Ps 139,1-3). Oui, Dieu seul connaît
l’homme, lui seul pourrait en prononcer l’homélie funèbre. Lui seul est capable de tracer
notre portrait véritable.
D’ailleurs n’y a-t-il pas un double portrait de nous tous: le portrait humain, fait sous le
regard des yeux du corps. Et le portrait de la foi - le plus important et le seul qui soit
fidèle – celui accessible par le regard de la foi.
Le portrait humain du Cardinal Etsou, d’autres le feraient mieux que moi. Ce portrait c’est
finalement aux historiens, à ces gardiens de la mémoire, qu’il appartient de le brosser.
Ceux-ci n’oublieront sans doute pas de dire que le Cardinal Etsou a joué un rôle très
important dans la transition d’une Eglise missionnaire à une Eglise locale dans son pays.
Cette transition il l’a faite dans sa Congrégation d’abord. Il appartenait en effet à la
première génération de Scheutistes congolais. Il a été aussi un des premiers qui a eu
une grande responsabilité dans sa congrégation. En 1972, il fut nommé Vice provincial
de la province de Kinshasa et responsable de la formation initiale des candidats
africains. Le noviciat de Scheut qui avait accueilli la première génération de Scheutistes,
dont Frédéric Etsou, avait été fermé plus tard. C’est Frédéric Etsou qui a demandé et
obtenu la réouverture du noviciat de Scheut à Kinshasa.
Nommé évêque de Mbandaka, ce n’est que petit à petit qu’il a pu y trouver sa place. Le
début de son ministère à Kinshasa n’a pas été simple non plus. Il lui a fallu du temps et
beaucoup de patience pour acquérir progressivement la confiance de ses prêtres et de
la population.
Le Cardinal Etsou fut un homme prudent. Il fut un vrai frère pour ses frères Scheutistes.
Avec tous ses confrères il était simple et fraternel. C’est à lui que ses confrères
pouvaient toujours s’adresser quand ils avaient des difficultés par exemple avec les
autorités politiques.
Ayant un rôle crucial dans la transition qui s’est faite pendant les 30-40 dernières
années, il a eu sa part de souffrances, causées par les incompréhensions, les
malentendus, les tensions interculturelles. Mais malgré toutes ces difficultés, il est resté
un frère et un confrère plein de simplicité et d’amour fraternel.
Et à ne pas oublier : les excellentes relations avec le Cardinal Malula. Quand celui-ci fut
chassé de sa résidence, Frédéric a accueilli le cardinal en sa paroisse St.-Pierre, lui
cédant son bureau et sa chambre à coucher. Le cardinal Malula fut là entre de très
bonnes mains.
Voila son portrait humain. Fragmentaire forcément et incomplet. Reste à regarder le
Cardinal Etsou avec le regard de la foi.
Le Cardinal fut par le baptême chrétien, par l’imposition des mains, prêtre et évêque.
Nous rendons grâce à Dieu de nous avoir donné pendant de si longues années, ce
prédicateur de l’évangile et ce ministre de tant de sacrements et ce bon pasteur à la
suite du grand Pasteur de nos âmes, Jésus. De la part du Christ il a été pour son Eglise,
un héraut de la vérité évangélique et un canal d’abondantes grâces. Par ses paroles, par
ses gestes et par les souffrances, il a été le Christ parmi nous.
En ce jour ou nous prenons congé de lui et où sa figure humaine va lentement
disparaître dans le brouillard du temps, rendons grâce pour tout ce que le Seigneur a
réalisé au milieu de son peuple par son serviteur le Cardinal Etsou et qui ne disparaîtra
pas dans les brumes de l’histoire. Il a planté et arrosé ce bel arbre qu’est son Eglise sur
le sol du continent africain dont ont parlé tous le prophètes. En ce jour de ses funérailles
sur le sol belge, oui le premier mouvement de notre âme va vers le Seigneur et notre
cœur est dans la joie et l’action de grâce sans ombre de deuil ou de tristesse. Ce ne
serait guère chrétien : ‘Ne soyez pas comme ceux qui n’ont pas d’espérance’, nous dit
saint Paul. Rendons grâce à Dieu pour notre frère dans la foi qui est retourné à la
maison du Père.
Aux funérailles chrétiennes, l’Eglise intercède aussi pour le défunt. Car tout homme est
pauvre et fragile devant son Seigneur et il a besoin de miséricorde. Nous sommes tous
en manque de rédemption. Il n’y a aucune vie qui ait été parfaite et où aucune ombre ne
soit passée sur la lumière de la grâce baptismale. Sauf celle de la Vierge Marie. C’est
pourquoi l’Eglise prie pour ses enfants défunts. ‘Seigneur, n’oublie pas ce que tu es pour
les tiens : un Père qui aime à pardonner … qui ne ferme jamais son cœur. Ecoute-nous
quand nous t’implorons pour notre frère que tu viens d’appeler à toi : Tu veux pardonner
à tout homme pécheur et tu fais vivre ceux que tu sanctifies… délivre-le totalement de ce
qui le retiendrait loin de toi et donne-lui de se tenir devant ta face en toute assurance’.
Mais ne regardons plus le passé. Tournons-nous résolument vers l’avenir. N’en restons
plus à ce qui s’est passé dans la vie du Cardinal – ce qu’il a vécu – mais regardons
plutôt ce qu’il va vivre maintenant – ce qu’il attend : la résurrection. Celle du Christ et la
sienne. S’il a été configuré au Christ par son baptême, s’il a été plongé dans la mort du
Christ, il aura part aussi à sa résurrection : il ressuscitera avec lui.
Célébrer les funérailles d’un chrétien ce n’est pas tant ‘faire mémoire du défunt’, mais
s’unir à lui dans l’attente de la résurrection.
‘Nous attendons notre Sauveur’, dit saint Paul, ‘le Seigneur Jésus Christ, lui qui
transformera nos corps mortels à l’image de son corps glorieux’ (Phil 2,20-21).
Cher frère Frédéric : ‘Sur le seuil de sa maison, notre Père t’attend, et les bras de Dieu
s’ouvriront pour toi. Quand les portes de La vie s’ouvriront devant nous, dans la paix de
Dieu, nous te reverrons. Par le sang de Jésus Christ, par sa mort sur la croix, le pardon
de Dieu te délivrera. L’eau qui t’a donné la vie, lavera ton regard et tes yeux verront le
salut de Dieu. Quand viendra le dernier jour, à l’appel du Seigneur, tu te lèveras et tu
marcheras. Comme à ton premier matin brillera le soleil, et tu entreras dans la joie de
Dieu’.
Cher frère Cardinal, nous t’accompagnons de nos prières jusque devant le trône de
Dieu, que tu as aimé de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces.
Merci, cher Cardinal Etsou.
+ Godfried Cardinal DANNEELS,
Archevêque de Malines-Bruxelles

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