Comédie en un acte de Hervé Fassy Hervé Fassyest membre de la

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Comédie en un acte de Hervé Fassy Hervé Fassyest membre de la
C’est à qui
le tour ?
Comédie en un acte de Hervé Fassy
Hervé Fassy est membre de la SACD sous le n° 189306-74.
Pour le contacter par e-mail : [email protected]
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L’histoire
La gérante d’une agence matrimoniale va vivre une journée pleine d’aventures et de rebondissements
qui rompra avec la routine habituelle de son travail.
En effet, pour faire face à ses problèmes avec le fisc, celle-ci va accepter l’argent que lui propose une
jeune criminelle Russe et va se retrouver confrontée à un policier incompétent, à un plombier farfelu et
à une cliente envahissante.
Les personnages
SUZY : Suzy Delfo, la cinquantaine. C’est la gérante de l’agence matrimoniale.
Elle est tour à tour désabusée (elle s’est lassée de son travail qu’elle trouve routinier), mélancolique
(elle vit dans le souvenir de Paul, son bien-aimé mari décédé quelques années plus tôt), vive (elle a
du caractère et de l’énergie) et incisive (avec les gens qui l’ennuient.)
LOUIS : Louis Campagnol, la cinquantaine. Il est Inspecteur de Police et enquête incognito sur Irina.
Il a un goût prononcé pour le travail de terrain mais se révèlera pour le moins incompétent.
AMEDE : C’est un jeune plombier farfelu. Zozotant, peu séduisant, il porte de grosses lunettes de vue.
Terriblement épris d’Irina, il la poursuivra de ses assiduités en dépit du bon sens.
IRINA : C’est une jeune femme Russe dotée d’un fort accent de l’Est. Séduisante, elle est aussi une
criminelle sans scrupules qui assassine ses maris pour toucher la prime d’assurance. Pour le
malheur de Suzy, c’est dans son agence matrimoniale qu’elle a décidé d’aller à la chasse au « mari
riche ».
BARBARA : La cinquantaine. Inscrite depuis plus de deux ans à l’agence, elle espère vivement
trouver l’homme idéal pour pouvoir quitter son mari qu’elle ne supporte plus et qui s’avère
être…Louis, l’inspecteur de Police.
Plus les voix de
M. PANCHENA : l’employé du fisc.
UNE JEUNE FEMME : Christelle Devigne, une ancienne cliente de l’agence.
Le décor
(à lire attentivement : un élément du décor est primordial.)
La pièce (en un acte) se déroule dans un décor unique qui représente le bureau d’une agence
matrimoniale.
*Côté jardin : -une porte donnant sur une salle d’eau qu’on ne voit pas.
-un bureau sur lequel sont posés un ordinateur portable, un téléphone et un
bibelot en forme de pyramide.
*Sur le mur du fond : -la porte d’entrée de l’agence.
-situé entre la porte d’entrée et le bureau côté jardin, le « confessionnal
d’amour » (c’est un dispositif décrit plus bas).
*Côté cour : -contre le mur, une petite table sur laquelle est posé un second ordinateur portable auquel
est relié un gros casque audio.
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Description du « confessionnal d’amour ».
C’est un dispositif ressemblant à un confessionnal classique. (d’où son nom).
Il peut être constitué de deux cabines d’essayage ou de deux isoloirs accolés.
Chacune de ces cabines peut être théoriquement fermée par un rideau. En fait, seul le haut du rideau
est réel de manière à ce que les acteurs soient visibles même en étant enfermés dans le confessionnal.
Toutefois, la cabine côté cour doit en plus être dotée d’un vrai long rideau permettant sa fermeture
complète.
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C’est à qui le tour ?
Le rideau s’ouvre.
Suzy Delfo entre dans l’agence.
SUZY, abattue : Et c’est reparti pour un tour !...Pourtant ça me paraissait chouette comme idée : une
agence matrimoniale…et finalement, au bout de cinq ans, je n’en peux plus ! …Voir tous ces
gens qui cherchent à être heureux, ça me déprime…D’autant que moi, heureuse, je l’ai
été…J’avais rencontré Paul, l’«homme de ma vie » comme on dit, et puis on s’était mariés…La
vie était belle… jusqu’à ce qu’il ait la mauvaise idée de faire une crise cardiaque…Mon pauvre
Paul ! ... (enthousiaste) À l’époque on avait une boucherie. C’était le bon temps ! … (abattue)
Vous me direz, aujourd’hui encore c’est de la viande que je vends… mais vivante cette
fois…enfin, plus ou moins… parce que j’ai dans mes fiches deux ou trois personnes…elles
frétillent bien encore un peu…mais c’est pas bien violent…
Suzy souffle de dépit.
SUZY : Dire qu’il va falloir encore faire semblant !...Faire semblant d’aimer son métier…
Faire semblant de croire que Monsieur Riboulet, qui est vieux, pauvre, boiteux et qui a
mauvaise haleine, va trouver aujourd’hui sa princesse…et dans mon agence en plus !...Faire
semblant d’être heureuse sans mon pauvre Paul…En plus, ici toutes les journées se
ressemblent…ça doit être parce que tous les gens se ressemblent… Pourtant j’ai de nouvelles
inscriptions tous les jours, mais les gens se ressemblent tellement que j’ai l’impression que ce
sont toujours les mêmes personnes qui se réinscrivent sous de nouveaux noms !
Suzy regarde sa montre.
SUZY, exaspérée : Huit heures trois ! Dans moins de deux minutes, le téléphone va sonner. Ce sera
Madame Pivert… (Suzy simule un bec avec sa main) Elle porte bien son nom celle-là !... Je lui
expliquerai que j’arrive à peine et que je n’ai pas eu le temps de regarder les inscriptions faites
par Internet dans la soirée d’hier…et puis comme elle insistera je lui en lirai une ou deux…ça
ne lui conviendra pas… (elle sourit) alors je lui raccrocherai au nez…
Le téléphone sonne.
SUZY : Qu’est-ce que je disais ! (écoeurée) « L’amour n’attend pas ! »
Suzy décroche.
SUZY, avec grand enthousiasme : Agence matrimoniale Suzy Delfo, chez Suzy Delfo il y a l’homme
ou la femme qu’il vous faut ! /…/ (ravie) Oh ! Madame Pivert ! (elle simule un bec avec sa
main) Quelle surprise ! /…/ Eh non, j’arrive à peine !
Je n’ai pas eu le temps de consulter les nouvelles fiches…Mais vous savez, c’est une agence
matrimoniale ici, pas le SAMU : je n’ai pas de permanence de nuit !
(à part) Et puis si elle a le feu quelque part, elle n’a qu’à faire le 18 ! /…/ « Pour vous c’est
urgent de trouver l’homme de votre vie ? » Je comprends Madame Pivert, je comprends ! Le
problème c’est que pour l’homme de votre vie ça semble moins urgent. (à part) Tu
m’étonnes ! S’il l’a déjà vue, ça ne doit plus être urgent du tout ! /…/ « Vous voulez un
homme avec une bonne profession et beaucoup de temps libre ? » (usée) Je le sais Madame
Pivert, vous me le répétez tous les jours depuis deux ans !
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Suzy consulte son ordinateur.
SUZY : Bien, je lis les nouvelles fiches : vous m’avez donc dit « bonne profession avec beaucoup de
temps libre »… (enthousiaste) Oh ! Je crois que j’ai exactement ce qu’il vous faut ! Un
monsieur qui est gréviste chez Air France. Je ne sais pas si ça gagne bien mais au niveau temps
libre ça devrait être parfait ! /…/ « Ça ne vous convient pas ? » Bon, j’ai une autre fiche mais
je lis que l’homme en question est aveugle. /…/ « Ça ne vous convient pas non plus ? »
Pourtant je vois sa photo, c’est un bel homme qui fait beaucoup plus jeune que son âge !
(pensive) Ça doit être parce qu’il n’a pas vu le temps passer ! /…/ « Ça ne vous convient pas
quand même ? » (sèche) Ecoutez, quand on est aussi difficile, il ne faut pas se plaindre de rester
seule !
Suzy raccroche sèchement.
SUZY, amusée : Je lui ai raccroché au bec ! (pensive) Ceci étant, c’est vrai qu’« aveugle », ce n’est
pas très attrayant…
Suzy pianote sur son ordinateur.
SUZY : Je modifie sa fiche… À la place d’aveugle, j’inscris : « borgne des deux yeux »… Ce sera
plus sympathique ! (satisfaite) Voilà !
Le téléphone sonne.
Suzy décroche.
SUZY, enthousiaste : Agence matrimoniale Suzy Delfo, chez Suzy Delfo il y a l’homme ou la femme
qu’il vous faut ! /…/ Bonjour Monsieur Riboulet ! /…/ « Vous cherchez une femme jeune et
séduisante ? » Rassurez-vous, vous n’êtes pas le seul homme dans ce cas ! (à part) Et puis
pourquoi se contenter de demander l’improbable quand on peut réclamer l’impossible !
Suzy consulte son ordinateur.
SUZY, à part : Alors qu’est-ce que je vais pouvoir lui proposer à ce vieux débris ? ...
(elle lit)
« Prénom : Rosette / Poids : 95 Kilos » (impressionnée) Eh ! 95 Kilos de rosette, même en
promotion, ça aurait fait un joli chiffre d’affaire !
(à M. Riboulet) Dites-moi
Monsieur Riboulet, au niveau minceur, vous avez des exigences ? /…/ « Qu’elle ne dépasse
pas 60 Kilos ? » Euh, y’en a un peu plus, je vous le mets quand même ? (elle coince son stylo
sur son oreille) /…/
« Ça ne vous intéresse pas et vous restez ferme sur ce
point-là ? » (sèche) Vous avez raison : restez ferme et restez seul ! À demain !
Suzy raccroche sèchement et regarde sa montre.
SUZY : Il est huit heures dix, nous sommes jeudi, donc Madame Campagnol ne devrait pas tarder…
Ça complètera bien le bal des casse-pieds !
Barbara entre dans l’agence.
SUZY, avec grand enthousiasme : Barbara!!! (à part – abattue) Barbara Campagnol, quel plaisir !...
BARBARA : Bonjour chère Suzy.
Suzy et Barbara font mine de se faire la bise mais leurs visages sont à plus de cinquante
centimètres l’un de l’autre.
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SUZY, ravie : Oh, je vois que vous avez une nouvelle coiffure. (elle se tourne l’air écoeurée.)
BARBARA : Oui, je voulais être mise en beauté…
SUZY, à part : Miss Empotée, oui !
BARBARA : Vous savez, Stendhal a dit : « la beauté est une promesse de bonheur. »
SUZY : Alors on peut vous rendre grâce de ne pas promettre plus que vous ne sauriez tenir !
BARBARA : Je n’ai pas compris. Vous disiez ?
SUZY : Rien, rien…cette coiffure vous va très bien. (elle se tourne pour grimacer)
BARBARA : Ah ! J’y pense, j’ai croisé le facteur en bas de l’immeuble. Il m’a remis ce courrier pour
vous.
Barbara donne une lettre à Suzy qui la pose sur son bureau.
SUZY : Merci…À part ça Barbara, comment va votre mari ?
BARBARA : Louis ? C’est toujours le même minable !…D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, je ne
serais pas là à me chercher un autre homme !
SUZY : C’est juste ! Ceci dit à l’occasion il faudra tout de même me le présenter.
BARBARA : À l’occasion ? Quelle occasion ? Réfléchissez Suzy ! Comment voulez-vous que je
justifie auprès de mon mari mon inscription dans une agence matrimoniale ?!
SUZY : C’est vrai…
BARBARA : En plus, croyez moi, vous ne gagneriez rien à rencontrer Louis. C’est un obscur petit
inspecteur de Police tout ce qu’il y a de plus inintéressant !
(Ironique) Inspecteur Louis Campagnol…Quel raté !
SUZY : Pourquoi l’avoir épousé ?
BARBARA : Parce que quand je l’ai rencontré, Louis était un jeune inspecteur plein d’avenir !
D’ailleurs tous ses collègues de promotion sont aujourd’hui au minimum Commissaire.
Certains sont même Directeur ! (méprisante) Mais Louis Campagnol aime trop mener des
enquêtes ! « Môssieur » n’aime pas le travail de bureau !...Quand je pense qu’à l’époque il
aurait pu travailler à l’OTAN !
SUZY, amusée : Alors il serait devenu riche…puisqu’il parait que « l’OTAN c’est de l’argent ».
BARBARA : C’est amusant…Vous savez ce que tout cela prouve, Suzy ?
SUZY : Que votre mari est un homme de terrain ?
BARBARA : Non ! Que c’est un crétin ! Un crétin doublé d’un obsédé ! Dès qu’un jupon passe à
moins d’un kilomètre, « Môssieur » se met dans tous ses états !
Tenez, samedi dernier encore, nous avons participé à un bal costumé…évidemment Louis
s’était accoutré en Sherlock Holmes…Eh bien il y avait une nymphette déguisée en indienne…
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SUZY : Et Louis voulait visiter la grotte de la squaw !
BARBARA : On peut dire ça comme ça !...Enfin bref, nous avons déjà trop parlé (avec de grands
airs) de l’inspecteur Louis Campagnol.
Dites-moi plutôt ce que vous avez de beau à me proposer ! Parce que moi de mon côté j’ai bien
réfléchi et je sais exactement ce qu’il me faut !
SUZY, abattue : Dites moi toujours…
BARBARA : Un sportif professionnel !
SUZY : Rien que ça !
BARBARA : Ben quoi ? Après tout, le premier Top Model venu arrive à en trouver un, alors pourquoi
pas moi ?!
SUZY, à part : Peut-être parce que les sportifs aveugles sont rares !
(Enthousiaste - à Barbara) Oh, mais j’y pense, j’ai justement un aveugle dans mes fiches !
BARBARA : Mais enfin Suzy, vous déraisonnez ! Je vous demande un sportif et vous me proposez un
aveugle ! Alors si je vous avais demandé un milliardaire, vous m’auriez proposé un manchot ?!
SUZY : Non…bien sûr…attendez, je regarde mes fiches…
BARBARA : Vous me rassurez ! Avouez que je mérite mieux que ça : quand on voit le succès que j’ai
auprès des hommes !
SUZY, à part : Il en faut pour tous les dégoûts !
Suzy consulte son ordinateur.
SUZY, enthousiaste : Ça y est ! J’en ai un ! (fière) Et un champion de France en plus !
BARBARA : Dans quelle discipline ?
SUZY : Attendez, je lis sa fiche : « Champion de France de…lancer de nain ».
BARBARA, effrayée : De quoi ?!!
SUZY, enthousiaste : De lancer de nain ! Vous savez, ce jeu qui consiste à lancer le plus loin possible
un nain…un homme de petite taille si vous préférez.
Barbara fait la moue, pas emballée.
SUZY : Enfin Barbara, ne faites pas cette tête ! Vous savez, il faut beaucoup de force pour arriver à
lancer un nain ! D’autant qu’ils ont toujours de petites jambes mais parfois un gros ventre…
(embarrassée) Ah ! Je lis sur sa fiche quelque chose qui ne vous plaira peut-être pas
beaucoup…
BARBARA : Il n’est pas champion de France ?
SUZY : Oui, oui…Pour ça, il n’y pas de souci. (hésitante) Le problème, c’est que son titre il ne l’a
pas remporté en tant que lanceur…Lui, c’est celui qui est lancé.
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BARBARA : Quoi ?!! Un nain ?!! C’est un nain ?!!
SUZY, rassurante : Oui mais je lis qu’il a été lancé à plus de douze mètres !
BARBARA : Et qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse ?!!
SUZY : Eh bien ça prouve qu’il doit être svelte…
BARBARA : Enfin Suzy ! Tout à l’heure un aveugle, maintenant un nain ! Le prochain ce sera quoi ?
Un cul de jatte ?!! Là Suzy, je suis très déçue ! Ce n’est plus une agence matrimoniale ; c’est
un cirque !
SUZY, sèche : Vous avez raison Barbara ! (la regardant avec insistance) D’ailleurs, j’ai même une
femme à barbe !
BARBARA, gênée : Oui, bon…Si ça ne vous dérange pas Suzy, je vais finir de consulter les fiches sur
le second ordinateur…
Barbara se touche la joue pour vérifier si elle est barbue et va s’asseoir à la petite table.
SUZY, sèche : C’est ça Barbara ! Consultez, consultez ! Moi je vais lire mon courrier…
(mielleuse) Et n’oubliez pas de mettre le casque pour écouter les annonces audio.
(à part – sèche) Au moins elle n’entendra pas tout le mal que je dirai sur elle, cette mégère !
BARBARA, mielleuse : Merci d’y avoir pensé, Suzy.
(à part) Pas étonnant que son mari ait préféré « tirer sa révérence » plutôt que de continuer à
vivre avec une harpie pareille !
Barbara prend en main le casque et se retourne vers Suzy.
Toutes deux se font un grand sourire hypocrite.
Barbara met le casque sur ses oreilles et pianote sur l’ordinateur.
Suzy ouvre son courrier et le parcourt rapidement du regard.
SUZY, effondrée : Ah non, ça ne va pas recommencer ! Le fisc…le redressement…la ruine…le
désespoir…Combien me réclament-ils ces vampires ?
(Elle sursaute) Ce n’est pas possible ! Je n’arrive même pas à prononcer le montant tellement
c’est énorme !
Barbara ôte son casque –elle n’a rien entendu-.
BARBARA, réjouie : Suzy, vous allez être ravie !
SUZY, abattue : Ça, ce n’est pas sûr…
BARBARA : Je viens de tomber sur une annonce très intéressante : un homme qui parait fort distingué
et qui vit de sa plume.
SUZY : Sincèrement Barbara, votre histoire avec votre gigolo, je m’en fous !
BARBARA : Comment ?
SUZY : Le fisc me tombe dessus ! Regardez ce qu’il me réclame !
Suzy montre le courrier à Barbara.
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BARBARA : Mais c’est énorme !
SUZY : Enorme !... Ça recommence !
BARBARA : Comment ça ?
SUZY : Je ne vous en avais jamais parlé mais à l’époque, avec mon pauvre Paul, on avait une
boucherie …
BARBARA, snob : Une boucherie ? Mais pour quoi faire ?
SUZY : Pour gagner notre vie, pardi ! Paul était boucher et …
BARBARA, écoeurée : Boucher ?!... Mais alors si votre mari était boucher, ça signifie que vous
étiez…que vous étiez…
SUZY, mélancolique : Que j’étais heureuse.
BARBARA : Heureuse ?!! Mais comment peut-on être heureuse quand on est… (écoeurée) bouchère !
Bah ! Toute la journée à patauger dans l’hémoglobine, à manipuler des cadavres, de la
barbaque, de la bidoche, de la carne, de la charogne, tout en répétant d’une voix niaise : « C’est
à qui le tour ? C’est à qui le tour ? C’est à qui le… »
SUZY, sèche : Eh ! Oh ! C’est fini oui !!! (à part) Ça va être son tour avant Noël à cette grosse
dinde ! (à Barbara) Sachez que si mon pauvre Paul a fait une crise cardiaque, c’est à coup sûr
à cause des soucis que lui a causés le fisc ! (vive) Mais moi ils ne m’auront pas ! Vous
m’entendez ?!! Ils ne m’auront pas !
Barbara sort un paquet de cigarettes de sa poche et en sort une cigarette.
BARBARA : Vous avez raison Suzy, il faut vous battre !
Barbara sort un briquet de sa poche.
SUZY, agressive : Oui ! Eh bien pour commencer je vous demanderais de ne pas fumer ! Vous savez
que j’ai horreur de ça !
BARBARA, cynique : Visiblement, Madame est moins indisposée par la vue du sang que par l’odeur
de la cigarette !
SUZY, hors d’elle : Oh ! Cette fois, je crois que…
BARBARA, effrayée : Enfin Suzy, calmez-vous… Vous savez l’affection sincère que j’ai pour vous…
(elle déglutit)
SUZY, les dents serrées : Je sais ! Je sais !
BARBARA : Ceci dit, je crois que je devrais partir…comme vous êtes un peu tendue…
SUZY : JE NE SUIS PAS TENDUE !!!!!
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BARBARA, effrayée : Certes, certes….Mais en ce qui me concerne, je déteste voir mes amis
souffrir… (à part) Surtout quand c’est pour des problèmes d’argent…ils finissent toujours par
vous en demander !
Barbara ouvre la porte d’entrée.
BARBARA : Je repasserai un peu plus tard…quand le choc émotionnel se sera estompé… (apeurée)
Même si j’ai bien compris que vous n’êtes pas tendue du tout…
Barbara sort de l’agence en courant.
SUZY : Aaah ! J’enrage ! Si mon pauvre Paul était là… (triste) il en ferait sûrement un second
infarctus…Il avait raison quand il disait que la différence entre un voleur et le fisc c’est que le
voleur, lui, ne te prend pas plus que ce que tu as ! …
Mon pauvre Paul disait toujours que la vie est une loterie…Sans lui, la mienne est devenue une
loterie sans gros lot !
Le téléphone sonne.
SUZY : Allez Suzy ! Ne te laisse pas abattre !
Suzy décroche.
SUZY, avec enthousiasme : Boucherie matrimoniale Suz…Euh…Agence boucherimoniale… Oh !
Agence matrimoniale Suzy Delfo, chez Suzy Delfo… (elle flanche – abattue) Chez Suzy Delfo
il y a le fisc et tout l’argent qu’il lui faut! /…/ Quoi ?! Madame Pivert, encore vous ! /…/ Je
m’en fous que vous cherchiez un homme, Madame Pivert ! Vous entendez ? Je m’en fous ! De
toute façon, vous êtes tellement vieille et moche que personne ne voudra jamais de vous !
Voilà ! Et si vous voulez tout savoir, vous êtes tellement vieille et moche que je n’ose même
pas vous présenter à mon aveugle ou à mon nain ! Adieu Madame Pivert !
Suzy raccroche.
SUZY, soulagée : Ah, ça fait du bien ! (amusée) Cette fois je crois que je lui ai cloué le bec pour de
bon !
On entend un bruit en provenance de la salle d’eau –comme un bouchon de bouteille de
champagne qui saute puis de l’eau qui couleSUZY : Qu’est-ce que c’est que ce bruit, encore ?
Suzy va dans la salle d’eau puis revient aussitôt.
SUZY, abattue : En temps normal, un robinet qui fuit c’est anecdotique…mais là…ça me désespère !
Surtout qu’un plombier rapide et honnête sera presque aussi difficile à trouver que l’argent que
me réclame le fisc !
(pensive) Le fisc…je suis foutue ! Il n’y a plus qu’une intervention divine qui puisse me
sauver…C’est ça, il me faudrait l’intervention d’un ange envoyé par le petit Jésus…et
l’intervention d’un plombier aussi !
Irina entre dans l’agence.
Elle est gantée et tient une valise de taille moyenne à la main.
SUZY, amusée : Vu qu’elle n’a pas l’allure d’un plombier, c’est peut-être mon ange !
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IRINA : Bonjour Suzy.
SUZY : Bonjour…nous nous connaissons ?
IRINA : Bien sûr ! Je m’appelle Irina.
SUZY : Ilina ?
IRINA : Non, pas Ilina…Irina ! J’étais inscrite dans votre agence il y a à peu près six mois.
SUZY : Oui ! Ça me revient ! Irina… (à part) Irina comment déjà ?... Elle a un nom à coucher
dehors… (elle consulte son ordinateur) Ah ça y est : Irina LA-DIS-BLA-KOS-BA-LI-NOVSKI !
(à part) Je comprends qu’elle ait voulu se marier…rien que pour changer de nom ça valait le
coup !
(à Irina) Je vous avais trouvé un homme très gentil.
IRINA, satisfaite : Oh oui ! Très gentil, très riche et très vieux ! Nous avons fait un très beau mariage.
SUZY : Et comment va-t-il ?
IRINA, enthousiaste : Il est mort !
SUZY : Mort ?! Mais c’est horrible !
IRINA, enjouée : Le temps guérit de tout !
SUZY, mélancolique : Oui…surtout des bonnes choses !
IRINA : En réalité Suzy, la mort de mon mari est une bonne nouvelle. Pour moi et pour vous aussi.
SUZY : Une bonne nouvelle ?!! Pour moi ?
IRINA : Oui, parce que grâce à ça, je peux vous offrir un cadeau.
SUZY : Un cadeau ? Je ne comprends pas !
Irina tend un petit flacon à Suzy qui le saisit.
SUZY, regardant le flacon : C’est ça votre cadeau ? Un flacon vide ?
IRINA, reprenant le flacon : Non ! Maintenant que vous avez touché le flacon, je peux vous offrir le
vrai cadeau.
SUZY : Drôles de coutumes ces gens de l’Est !
Irina met le flacon dans un sachet plastique puis dans sa poche et donne la valise à Suzy.
SUZY : Après le flacon vide, vous m’offrez une valise vide ?
IRINA : Non, pas vide la valise.
Suzy ouvre la valise.
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SUZY, sursautant : Mais c’est de l’argent ! Elle est pleine de billets !
IRINA : C’est pour vous ! Ça vous fait plaisir ?
SUZY, abasourdie : Oui…non…mais pourquoi me donnez-vous tout cet argent ?
IRINA : C’est une partie de ce que l’assurance m’a donné suite au décès de mon mari.
SUZY : Peut-être mais qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans ? Ce n’est pas moi qui ai tué votre mari que
je sache !
IRINA : Je le sais parfaitement que ce n’est pas vous…
Irina fait un sourire appuyé à Suzy.
Suzy sursaute.
SUZY, horrifiée : C’est vous ?!! C’est vous qui avez tué votre mari ?!!
IRINA : Moins fort ! On pourrait nous entendre.
SUZY : Bon…soit ! Vous avez tué votre mari et vous avez touché la prime d’assurance… mais
pourquoi m’en donner une partie ?
IRINA : Pour vous encourager à me trouver un autre mari…aussi riche que le précédent évidemment !
SUZY, scandalisée : Mais je refuse !... (adoucie) Il y a combien là-dedans, au fait?
Irina le dit à l’oreille de Suzy qui en reste bouche bée.
SUZY : Dire qu’il y a assez pour couvrir ce que je dois au Fisc !
IRINA : Alors ?
SUZY, hésitante : Alors…alors… (la mort dans l’âme) alors je dois refuser !
IRINA : Pourtant Suzy, vous n’avez pas le choix ! Vous êtes obligée d’accepter !
SUZY : Pas le choix ?! Obligée ?! Et si j’allais vous dénoncer à la Police ?
IRINA : Alors je porterais plainte contre vous et c’est vous qui auriez des problèmes.
SUZY : Là vous délirez !
IRINA : Ah bon ? Ça veut dire que vous avez confiance en la Justice Française ?
SUZY : Bien sûr que non ! Je suis peut-être naïve mais pas stupide !… Mais tout de même, dans un
cas aussi caricatural que le nôtre, si je vous dénonçais, croyez-moi, c’est vous qui seriez
condamnée !
IRINA : Condamnée ?! Mais enfin Suzy, ouvrez les yeux : de nos jours, dans les tribunaux Français il
n’y a guère que quelques portes qui soient encore condamnées !...Et puis vous irez expliquer
pourquoi le flacon qui contenait le poison qui a tué (elle se met à sangloter) mon pauvre petit
mari adoré (elle cesse brusquement de pleurer) présente vos empreintes digitales !
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SUZY, sursautant : Ah ! Le flacon ! Le flacon vide ! (abattue) Elle m’a eue ! Je suis foutue !
IRINA : Non, vous n’êtes pas foutue ; vous êtes riche !
SUZY : Vous avez peut-être raison… Peut-être dois-je accepter ça comme un don du ciel.
IRINA : Voilà qui me parait plus sage ! D’autant que vous aurez votre part à chaque nouveau mari que
vous me trouverez. En plus reconnaissez que c’est un travail facile : les hommes adorent les
filles de l’Est !
SUZY : C’est vrai…pourtant à part des Z et des W dans vos noms de famille, on se demande bien ce
que vous avez de plus que les autres !
IRINA : Notre accent ! Les hommes en raffolent !
SUZY, prenant l’accent Russe : Vous avez raison ! Je viens de perdre quinze ans d’un coup ! Plus
aucun homme ne peut me résister !
IRINA : Vous vous moquez de moi !
SUZY : Mais non, ma petite vodka frelatée ! ... Oh ! En parlant d’accent, votre accent Polonais me fait
penser que je dois appeler un plombier.
IRINA : Russe !
SUZY : Un plombier Russe ?
IRINA : Non, mon accent ! Pas Polonais : Russe !
SUZY, pensive : Tout de même…votre pauvre mari, vous y pensez parfois ?
IRINA : Il a été victime de ses sentiments ! Chacun sait que l’amour est toujours douloureux…et
parfois fatal.
SUZY, mélancolique : C’est vrai…c’est d’ailleurs la seule douleur dont on ne voudrait jamais
guérir…Et s’il avait voulu des enfants ?
IRINA : Ça n’aurait pas été un problème : la migraine est un contraceptif très efficace !
SUZY : Quel cynisme !…Bon, revenons à mon plombier ! Vous n’en connaîtriez pas un par hasard ?
IRINA, dédaigneuse : Vous avez raison de préciser « par hasard », parce que le jour où je connaîtrai
un plombier, ce sera vraiment par hasard !
SUZY : Evidemment…Oh mais j’y pense, en survolant les dernières fiches, j’ai aperçu celle d’un
jeune homme dont c’est justement le métier.
Suzy consulte son ordinateur puis prend son téléphone.
Elle compose le numéro de téléphone tout en lisant la fiche.
SUZY, lisant : Amédé Blandru, plombier…Allô Amédé ? /…/ Bonjour c’est Suzy ! /…/ Suzy Delfo
de l’agence matrimoniale. Je me permets de vous appe…
(à Irina) Il a raccroché !... Alors celui-là je le retiens ! Je ne suis pas près de lui trouver
quelqu’un !
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On entend le bruit de quelqu’un qui court.
Amédé entre dans l’agence en courant.
Il est vêtu d’un pull col roulé noir rayé de larges bandes horizontales orange et porte de grosses
lunettes.
AMEDE, essoufflé : Ze suis…Amédé…depuis hier…z’attends…de l’autre côté…de la
rue…persuadé…que vous m’appelleriez rapidement.
Amédé aperçoit Irina et se jette à ses pieds.
AMEDE, emporté : Ah ! Moi aussi, ze vous aime !
Amédé cherche à enlacer Irina qui essaie de se dégager.
IRINA : Il va où l’avorton ?! (le repoussant) Dégage !
AMEDE : Ah ! La tigresse ! Elle m’exsssite !
IRINA : Ah, mais elle va se calmer Maya l’abeille !
AMEDE, approchant son oreille de Suzy pour mieux entendre : Qu’est-ce qu’elle dit ? Qu’est-ce
qu’elle dit ?
SUZY, à Irina : Visiblement, l’abeille a commencé sa production de miel !
Amédé boude.
SUZY : Ne le prenez pas mal Amédé ! C’était de l’humour ! De l’humour noir.
AMEDE : Oui, et moi ze ris zaune !
IRINA : Eh bien décollez-vous avant que je ne voie rouge !
AMEDE : Pourquoi ? Vous allez me faire un bleu ?
IRINA : Oui, si vous essayez de me violer !
SUZY, blasée : Et ben dites donc ! C’est comme Mike Brant…ça vole pas haut ! (embarrassée)
Ecoutez Amédé, si je vous ai appelé, ce n’est pas pour Irina…
AMEDE : Tant pis ! Nous aurions pu faire de grandes sozes ensembles…Celle pour qui vous m’avez
appelé est zolie au moins ?
SUZY : Dans sa catégorie, elle n’est pas mal…c’est une fuite d’eau.
AMEDE : Une quoi ?
SUZY : Une fuite d’eau…un robinet qui fuit quoi ! Vous êtes bien plombier ?
AMEDE, fier : Un vrai de vrai ! Z’ai mon C.A.P ! (à Irina) Ça vous impressionne hein !
Irina hausse les épaules.
AMEDE : Bon, ze veux bien vous dépanner mais en éssanze il faut me promettre que vous me
trouverez une zolie petite femme.
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SUZY : Ecoutez, on verra ça plus tard ! Ici c’est une agence matrimoniale, pas l’Armée du Salut !
AMEDE : Ce n’est pas très zentil ! D’autant que ze ne suis pas si mal que ça ! Il parait que z’ai un
physique !
IRINA, écoeurée : Ça c’est sûr !
SUZY : Vous ne laissez pas indifférent.
IRINA : Vous faites partie de ces gens que soit on déteste…soit on n’aime pas du tout !
AMEDE : Oui mais vous savez Irina, au moins on est beau zeune, au mieux on vieillit !
IRINA : Alors repassez me voir dans un siècle ou deux !
AMEDE : Vous êtes très inzuste ! Vous savez, on m’a dézà conseillé de faire du cinéma.
IRINA : Je n’en doute pas ! Frankenstein, la famille Adams, E.T : les rôles à la hauteur de votre
« talent » ne manquent pas !
SUZY : Bon, ça suffit Irina ! Vous allez finir par vexer notre ami Amédé qui est notre plombier
préféré… (à Irina avec insistance) et unique !
AMEDE : Ne craignez rien Suzy ; Ze suis trop épris d’Irina pour qu’elle puisse me décevoir !
SUZY, impatiente : C’est bien ! C’est bien ! Alors venez voir cette fuite…On croirait les chutes du
Niagara !
AMEDE, digne : Ah non ! Un bon ouvrier ne travaille zamais sans ses outils !
Amédé se dirige vers la porte.
AMEDE : En plus ça me permettra de me sanzer, ces vêtements ne sont pas adaptés au travail de
plomberie.
IRINA : C’est vrai, ils sont plutôt faits pour la mécanique !
AMEDE : Z’en ai pour trois minutes ! Z’ai tout ce qu’il faut dans le coffre de ma voiture…
(à Irina, fier) C’est une Peuzeot 205 Zé-Té-i un litre six ! (il lui fait un clin d’œil appuyé)
Amédé sort de l’agence.
IRINA, ironique : Une 205 GTi ! Je suis sûre qu’il a la chaussure de foot qui pend au rétroviseur et le
chien qui remue la tête sur la plage arrière !
SUZY, riant : Plus la moumoute autour du volant…
Irina et Suzy rient de bon cœur.
Irina s’arrête brusquement de rire.
IRINA : Bon, vous me le trouvez ce mari riche ?!
SUZY : Mais…c’est que ça ne court pas les rues !
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IRINA : Les valises pleines d’argent non plus ! Alors je ne quitterai cette agence qu’en compagnie de
mon futur mari !
(Elle se met à sangloter) Pauvre futur mari à qui il va arriver une chose si affreuse ! Lui que
j’aimerai tant…. (Elle cesse brusquement de sangloter puis sourit.)
SUZY : Quel cynisme !
Irina aperçoit le confessionnal.
IRINA : Mais quel est donc cet étrange dispositif ? Il n’y était pas la dernière fois que je suis venue.
SUZY : Vous avez raison, c’est très récent. (Fière) C’est une idée à moi ! Je l’appelle le
« confessionnal d’amour » ; chaque personne s’assoit dans l’une des deux cabines…ça permet
de communiquer sans se voir…Et vu le physique de certains, croyez-moi ce n’est pas du luxe !
IRINA : C’est ce que devra utiliser Maya l’abeille !
SUZY : J’en ai peur…L’autre intérêt du système, c’est que cela facilite la franchise. Les gens se
retrouvent comme dans le confessionnal d’une église, alors…
IRINA, inquiète : Alors si ça fait dire la vérité, je dois absolument éviter d’y entrer…je serais
immédiatement grillée.
SUZY, rassurante : Mais non ma saucisse Moscovite ! Vous ne seriez pas grillée ! Personne ne vous
oblige à être sincère. Vous pourrez continuer à vous comporter comme une menteuse, une
malhonnête, une canaille, une véreuse, une criminelle !
IRINA, soulagée : Ah ! Vous me rassurez !
SUZY, à part : Elle me glace le sang plus sûrement qu’un blizzard sibérien!...
il revient ce plombier !
(exaspérée) Bon,
IRINA : C’est le temps de mettre son bleu de travail.
Amédé rentre dans l’agence.
Il est vêtu d’un costume trois pièces noir, chemise blanche, nœud papillon.
Il tient à la main une caisse à outils.
AMEDE : Bon, ze suis prêt. On peut y aller.
SUZY, moqueuse : Amédé, quel joli bleu de travail ! Irina, vous ne trouvez pas qu’Amédé est très
élégant quand il est habillé en plombier ?
AMEDE, se précipitant vers Irina : Oh oui ! Dites que vous me trouvez élégant ! Dites-le !
IRINA : Chez moi en Russie, nous avons un proverbe qui dit qu’un porc avec un nœud papillon et un
chapeau melon ça reste un porc malgré tout.
AMEDE : Ze ne sais pas si c’est un compliment mais ça me fait penser que z’ai oublié mon sapeau !
SUZY : Décidément, aujourd’hui il doit y avoir une promotion sur l’andouille !
AMEDE, se collant à Irina : Même sans mon sapeau, ze sais que ze peux vous séduire !
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IRINA, repoussant Amédé : Ce n’est pas un peu fini !
SUZY : Dites donc Amédé, vous êtes un chaud lapin, vous !
AMEDE : C’est amusant, c’est exactement ce que me répétait mon ex-petite amie :
« Amédé, t’es un vrai lapin ! » qu’elle me disait sans arrêt !
SUZY : Eh oui…Bien Amédé, nous avons assez discuté ! La fuite se situe dans la petite pièce d’à côté
et…
AMEDE : Attendez !
SUZY : Quoi encore ?!!
AMEDE : Z’aimerais qu’Irina et vous, vous restiez avec moi pendant la réparation.
SUZY : En quel honneur ? Vous ne supportez pas la solitude ou quoi ?
AMEDE : Ah non, ça n’a rien à voir parce que moi la solitude, ze sais pas ce que c’est.
SUZY : Comment ça ?
AMEDE : Ben oui, tous mes amis me disent touzours : « Toi Amédé, t’es pas tout seul dans ta tête ! »
(content de lui) En langaze savant, ça veut dire que nous sommes schizophrènes.
SUZY : Nous ? Qui nous ?
AMEDE : Ben nous quoi ! Moi et l’autre…l’autre moi ! (à part) Elle comprend rien la vieille !
Irina fait discrètement signe à Suzy qu’elle ne veut pas accompagner Amédé et qu’il est fou.
AMEDE : Mais ne vous inquiétez pas Irina : on vous aime tous les deux !
IRINA : Merveilleux ! La schizophrénie, c’est comme une promotion dans un supermarché : deux
débiles pour le prix d’un !
SUZY : Irina, cessez de critiquer ce pauvre Amédé et accompagnez-le…Moi je ne viens pas, je dois
appeler les Impôts.
AMEDE : Oh oui Irina, venez ! Vous verrez, c’est impressionnant de voir un pro à l’œuvre !
IRINA, à Suzy : Avec le regard de vicelard qu’il a, je n’ai pas très envie de le voir se tripoter la
tuyauterie !
SUZY : Mais oui vous en mourez d’envie ! Réfléchissez bien… (bas à Irina) Si vous voulez toujours
que je vous trouve un « mali liche » c’est le prix à payer.
IRINA : À ce prix-là, il devra être très très riche !
SUZY : C’est ça, « tlès tlès liche » !
Suzy pousse Amédé et Irina vers la salle d’eau.
Amédé et Irina sont devant la porte de la salle d’eau.
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AMEDE : Après vous, sère assistante !
Irina entre dans la salle d’eau en haussant les épaules.
AMEDE, à part : Elle est souette…Dommaze qu’elle ait cet accent ridicule…
(à Irina) Z’arrive !
Amédé entre dans la salle d’eau.
On entend le son d’une gifle magistrale.
Amédé rentre aussitôt dans le bureau, la main contre la joue.
Suzy le regarde, intriguée.
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