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Dans les cryptes du cénotaphe de la Pointe Saint Mathieu, plus de 1300 marins morts pour la France sont
présents. La vie de chaque marin est racontée sur le site de l’association (www.auxmarins.net).
39 / 45 Bernard MAITRE
- marin résistant - fusillé à 20 ans en 1944
Fiche rédigée par Thadée Basiorek, rédacteur et membre de la commission « recherches historiques » de l’association « Aux Marins »
CONTEXTE HISTORIQUE
Le 10 juin 1940, le gouvernement
français quitte Paris pour Tours et
le 14 Juin,
les
armées
allemandes entrent dans Paris.
Dans la tourmente, le monde
politique et militaire français se
divise en deux camps, celui de
l’armistice et celui de la lutte.
Le 18 juin depuis Londres, le
général De Gaulle appelle a
continuer le combat, tandis que le
lendemain, le Maréchal Pétain,
nouveau président du Conseil,
demande le cessez feu et
l’armistice qui sera signé le 22
juin dans le wagon de la clairière
de Rethondes, lieu symbolique où
fut signée la rédition allemande en
1918.
Dans ce contexte la Marine, arme
très disciplinée avec un sens
profond des valeurs et de la
hiérarchie reste en majorité fidèle
à son commandant en chef,
l’Amiral Darlan.
Après le sabordage de la flotte à
Toulon, dans la nuit du 27 au 28
novembre 1942, la majorité des
équipages sont démobilisés et
retournent dans leurs foyers.
Certains des ces officiers,
officiers-mariniers,
quartiersmaîtres ou matelots rejoindront
bientôt la résistance et deviendront
parfois des héros.
Tel est le cas de
Bernard MAITRE,
marin-résistant, fusillé à 20 ans.
Le sabordage
de la flotte française à Toulon
UNE FAMILLE FRANCO-SUISSE
Bernard MAITRE naît le
dimanche 23 août 1923 à Héricourt
(Haute Saône)
Son père, Victor Paul MAITRE,
exerce la profession de gendarme.
D’origine suisse, il a obtenu la
médaille militaire en combattant
dans l’armée française durant la
grande guerre.
Sa mère, Reine Georgette
KOENIG, est une cousine éloignée
du maréchal de France.
Outre Bernard la famille compte
un autre garçon, Michel.
Ses grands parents et son oncle
tiennent une boulangerie dans la
ville.
UNE VOCATION : ÊTRE MARIN
A 14 ans le jeune homme intègre
l’école des pupilles de la marine
pour ensuite, en avril 1939, être
admis à l’Ecole des Mousses à
bord de « l’Armorique » en rade
de Brest.
Bon élève, il opte pour la spécialité
de radio, formation qu’il effectue
à Port Louis en face de Lorient.
Bernard MAITRE
à l’école des mousses en 1939
Consulter l’article publié le 16 février 2011 sur notre blog www.amedenosmarins.fr sous le titre :
« 16 février 1944, Bernard MAITRE, marin et résistant, est fusillé : il avait vingt ans »
1
UN PARCOURS DE SOUS-MARINIER
Matelot breveté radio en octobre
1940, il fait un bref passage sur le
ravitailleur de sous-marins «Jules
Verne» pour apprendre à connaître
le monde de la «sous-marinade».
Le 4 novembre 1940, il «pose son
sac» dans le poste d’équipage du
sous marin « Casabianca».
Après 14 mois passés dans les
entrailles du célèbre submersible,
nous le retrouvons dans la
« baignoire» du sous marin «Sidi
Ferruch».
Vient mars 1942 et son ordre
d’affectation à la 2éme Compagnie
de Garde de Toulon.
Il sera l’un des nombreux
spectateurs impuissants de la
tragédie maritime qui s’y joue dans
la nuit du vendredi 27 au samedi
28 novembre.
Le 5 décembre 1942, alors que
Toulon est envahi par les troupes
allemandes, le matelot MAITRE
obtient une permission de 90 jours
qui met fin prématurément, à 5
années au service de la marine
nationale.
LA DEMOBILISATION
En ce début 1943, après toute une
adolescence passée dans la Marine,
c’est un jeune homme de 18 ans qui
regagne sa ville natale d’Héricourt.
Son père est en poste à Sétif en
Algérie et son oncle Michel
MAITRE est prisonnier dans un
« Oflag » en Poméranie (Pologne).
Dans ces conditions, Bernard élit
domicile chez sa tante et marraine,
Julie Koenig à Cravanche,
Territoire de Belfort.
Outre une résidence, il a besoin
d’un métier pour être dans la
légalité de l’époque et pour obtenir
les titres de rationnement.
Alors, le civil Bernard MAITRE
s’installe
comme
artisan
« mécanicien radio ».
Bernard a un caractère bien trempé
et un sens patriotique prononcé et
il essaye, avec l’aide de sa famille,
d’entrer en contact avec la
résistance afin de participer au
combat pour libérer la France.
En juillet 1943, il réussit enfin à
entrer dans les Francs Tireurs
Partisans Français (FTPF), au sein
de la Compagnie Valmy.
LA RESISTANCE
Sabotage d’un train à Vesoul
C’est en juin 1943, que le
«Commandant CAMILLE»,
futur Colonel FABIEN crée le
mouvement de résistance «Les
Francs Tireurs et Partisans
de France» (FTPF) de la
Haute Saône.
Celui-ci est composé de 3
compagnies
dont
la
«Compagnie VALMY».
Répartie par petits groupes de
4 à 5 hommes, cette structure
a des activités diverses telles
que, l’affichage de tracts, le
sabotage, la récupération
d’armes et de munitions.
Toutes ces actions ont pour
objectif de nuire à la logistique
et à l’économie de l’ennemi.
Bernard, tout en faisant partie de
l’état major, est affecté au
groupe n° 9 à Luxeuil où il
recrute des jeunes dont il ne
livrera jamais les noms, même
sous la torture.
Il participe à de nombreuses
actions,
- sabotages de locomotives
au dépôt d’Ailleviliers et
dans les gares de Lure et
Luxeuil,
- réquisitions d’explosifs,
attaques
d’officiers
allemands.
Beaucoup d’actions d’éclats, en
peu de temps, vont obliger
l’ennemi à réagir de façon
brutale.
Sources documentaires :
- Dossiers personnels de la Famille MAITRE
- Notes de madame Nicole Croissant, dépositaire de la mémoire de Bernard MAITRE, à Héricourt (70),
- Est Républicain du 16 février 1984 (40 ème anniversaire des premiers fusillés du Sabot),
- Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon (25),
- Musée des fusiliers Commandos Marine de Lorient (56)
- Mairies, Héricourt (70), Frotey-les-Vesoul (70), Montgesoy (25)
- Revue Historique des Armées, N° 195 de juin 1994- Armée « Libération et Résistance », témoignage du Général Bertin.
- « La vie à en mourir » lettres de fusillés 1941-1944, Guy Krivopissko et François Marcot, éditions Taillandier – 2003
2
LA TRAHISON, LA RAFLE
Les
allemands,
fortement
exaspérés par toutes ces actions,
infiltrent un de leurs agents («le
capitaine GEORGES»).
Connaissant parfaitement tout
l’organigramme du réseau de
Haute Saône, toutes les informations qu’il communique
permettent aux allemands de mettre
en place leur plan d’arrestation.
Les arrestations commencent le
17 décembre 1943 et durent deux
jours. Au total vingt résistants
sont
enfermés
à
la
« kommandantur ».
Connaissant l’ascendant qu’il a
sur ses camarades, les allemands
saisissent Bernard MAITRE dans
les premiers alors qu’il est
hébergé chez un cafetier de
Luxeuil, où il avait ses habitudes.
Son oncle, Albert KOENIG,
résistant dans la même
compagnie et qui l’a aidé à
rejoindre le groupe, sera lui
aussi arrêté et emprisonné
jusqu’à la fin des hostilités.
L’EMPRISONNEMENT, LA TORTURE
Transféré à la prison de Lure, il est interrogé et torturé
sans relâche mais ne donnera aucun nom.
En 1945, cinq de ses compagnons, revenus de
Büchenwald citent les paroles de Bernard :
« Ne vous en faîtes pas. Vous êtes mariés, je suis
célibataire, je prends tout sur mon dos. Les dépôts
d’armes, je leur dis que c’est moi tout seul ».
En prison il soutiend toujours ses camarades de
combats
et entonne en toute occasion « La
Marseillaise ».
Prison de Vesoul le 20 janvier 1944
Bernard MAITRE 1er rang - 2ème à gauche
PROJET D’EVASION
...\Maître_bernard_projet évasio...
...\Maître_bernard_projet éva...
Il pense à s’évader et pour cela il message écrit en pointillé sur une n’a jamais eu l’intention de
transmet à ses grands parents, petite étiquette et cachée dans son capituler et de se laisser aller au
boulangers à Héricourt, un petit linge sale. Celà prouve que Bernard désespoir.
LA CONDAMNATION, L’EXECUTION
Le 7 février 1944, avec douze autres
prisonniers, il comparaît devant un
tribunal militaire allemand, dans
les locaux de l’école normale des
instituteurs.
Onze «condamnations à mort» sont
prononcées, huit seront exécutées.
Le 16 février 1944, à la Combe
Freteuille au lieu dit «Le Sabot» sur
Les
obsèques
la commune de Frotey-Les-Vesoul,
il est 08H04 quand Bernard
MAITRE tombe courageusement,
la tête haute et sans bandeau, sous
les balles allemandes.
Il avait 20 ans.
D’après les témoins présents, il
aurait lancé à ses compagnons
encore en sursis :
«Adieu chers camarades, c’est
aujourd’hui que l’on meurt pour la
France» et en frappant très fort sur
son cœur il ajoutera : «Mais j’en ai,
là».
Les allemands lui rendirent les
honneurs militaires pour son
comportement héroïque.
- Nomination au grade de Chevalier
de la Légion d’Honneur
- Homologation du grade de « Sous
Lieutenant
- Attribution de la qualité de FFI
- Mention « Mort pour la France »
- L’exemplaire N° 2657 du « Livre
d’Or de la Résistance » a été imprimé
à la mémoire de Bernard MAITRE.
Bernard MAITRE repose auprès de ses parents dans le cimetière de MONTGESOYE (Doubs)
3
DERNIERE LETTRE DE BERNARD MAITRE A SES PARENTS
Bernard jeta cette lettre du camion qui l’ emmenait vers son lieu d’exécution. Récupérée par
des habitants de Vesoul, elle sera acheminée clandestinement à ses parents en Algérie.
Ce 16-02-44
Ma petite maman chérie, mon petit papa chéri, mon cher petit frère et toute ma chère famille.
C’est un mercredi, par un beau matin de février, que mon pauvre corps tombera sous les balles
de nos ennemis.
Soyez fort, tous chers regrettés et soyez fiers de ma mort honorable. Je suis né français et
mourrai français.
A cette dernière heure, mon esprit est calme ainsi que mon corps, mes idées bien définies ainsi
que mes actes.
En cette heure tragique, mes bourreaux nazis ont eu l’audace de m’offrir une cigarette, je
l’ai refusée, m’entendez vous …
Pendant mon écrouement dû à l’infâme traître «Georges», je n’ai absolument rien sollicité en
ma faveur.
C’est en digne et noble français que je veux mourir.
Courage, parents chéris et patriotes, je meurs mais dans l’espoir de vous venger.
Punissez les actes odieux qu’ils ont commis sur notre Terre chérie.
Adieu France chérie et immortelle. Adieu, petite maman chérie, papa et petit frère.
Je redis avant de mourir les nobles et belles paroles qu’un patriote comme moi a dit avant
de mourir : «Je meurs pour que la France vive».
A un beau jour, là-haut, près du Bon Dieu.
Sur la place d’Héricourt (Haute Saône), Bernard MAITRE retrouve son ami d’enfance, René GROSJEAN
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