Crise de la presse écrite : des propositions venues du

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Crise de la presse écrite : des propositions venues du
Crise de la presse écrite : des propositions venues du Parti socialiste
Extrait du site d'Acrimed | Action Critique Médias
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Crise de la presse écrite : des
propositions venues du Parti
socialiste
- Notre association - Nos objectifs - Quelles transformations des médias ? - Transformer les médias : D'autres propositions -
Une tribune vient préciser le projet socialiste, notamment sur la refondation de l'aide à la presse.
Date de mise en ligne : mercredi 22 novembre 2006
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Crise de la presse écrite : des propositions venues du Parti socialiste
La crise que traverse le quotidien Libération a donné l'occasion à Stéphane Pellet, délégué
national chargé des médias au Parti Socialiste d'y publier dans l'édition du 2 novembre 2006, une
tribune intitulée « Pour une presse vraiment libre ». Ses propositions méritent d'être discutées.
Passons sur les préliminaires [1]. S'agissant de la presse écrite et notamment du cas de Libération mais aussi de
ceux de l'Humanité, France soir et Politis, le délégué national précise que : « Le modèle d'une presse n'appartenant
pas à un groupe puissant, qui ne fonde pas sa stratégie sur la seule chasse au marché publicitaire et qui se donne
les moyens de son ambition, avec une vraie équipe rédactionnelle, des reporters, de la véritable investigation, ce
modèle semble donc enterrée en France. » Cette définition caractérise à l'évidence les titres cités. Mais elle est aussi
suffisamment floue pour englober aussi Le Monde, en dépit de ses ambitions. En effet, qu'est-ce qu'une « vraie
équipe rédactionnelle » ? Sur quels critères se fonder pour considérer que la stratégie n'est pas basée « sur la seule
chasse au marché publicitaire » ?
Stéphane Pellet estime que la défense du « pôle d'indépendance » constitué par ces titres est « l'urgence ». Plus
que la concentration dans le secteur des médias, même si « de vastes groupes [...] possèdent les principaux
magazine et médias audiovisuels ». Plus que la défense d'un secteur public « qu'il faut muscler et doter d'un projet
alternatif à celui du privé. » Cette hiérarchie des priorités pourrait être discutée. Mais elle semble déterminée par le
souci de coller à l'actualité immédiate et par une ambiance « électorale »... qu'on ne peut s'empêcher de humer à la
lecture des propositions avancées par Stéphane Pellet.
Dans la tribune publiée par Libération, celles-ci sont, en effet, au nombre de cinq :
1. Réformer le système des aides à la presse en le refondant « sur d'autres critères que les seuls chiffres du tirage,
et, par exemple, de combiner ceux du nombre de pages rédactionnelles, du nombre de journalistes, du nombre de
rubriques d'intérêt général (international, politique, social,...) ». Pourquoi pas ? Mais à cumuler ces critères
quantitatifs eux-mêmes discutables [2], ne passe-t-on pas à côté de la distinction principale : celle qui différencie la
presse à but lucratif (qui vit de la publicité et en bénéficie et dont les profits réels ou potentiels sont ou peuvent être
destinés à des actionnaires privés) de la presse sans but lucratif ?
2. « Permettre les prises de participation individuelles (fiscalité, actions) grâce à des systèmes de déductions pour le
citoyen lecteur, ou des sociétés de financement proches de celles qui existent dans le cinéma, le tout permettant
l'émergence des sociétés de lecteurs ». Pourquoi pas, en effet, favoriser l'émergence des sociétés de lecteurs ?
Mais que viendraient y faire des « sociétés de financement » ?
3. « Revitaliser le lien avec l'enseignement par l'abonnement des établissements et l'éducation aux médias ».
Eduquer aux médias ? L'intention est louable... Mais outre que le principe même des abonnements d'office soulève
de sérieuses objections, quel serait la presse écrite inscrite dans la liste ? Sur quels critères ?
4 « Faire évoluer le statut des entreprises de presse, que l'on ne peut plus considérer comme de simples activités
marchandes et inventer une nouvelle forme juridique qui apporterait plus de garantie d'indépendance, par exemple
des fondations, à l'image de ce qui existe ailleurs en Europe » Pourquoi pas ? Mais pourquoi ne pas distinguer alors
plus clairement les entreprises de presse constituées en simples sociétés commerciales et les entreprises dotées
d'un statut d'entreprise à but non lucratif, comme le projet en a été plusieurs fois présenté par... Hubert Beuve-Méry
(en 1966), la Fédération française des sociétés de journalistes (en 1972) et à Claude Julien (alors directeur du
Monde diplomatique, en 1984, date à laquelle le PS était au pouvoir) [3].
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Crise de la presse écrite : des propositions venues du Parti socialiste
5. « Revoir totalement le régime fiscal de la presse et même le sortir de l'activité commerciale avec le principe d'une
TVA à 0%, assorti néanmoins d'une véritable stratégie pour conquérir de nouveaux lecteurs. » Simple maladresse de
formulation ou redoutable ambiguïté ? Pourquoi accorder un nouvel avantage inconditionné quand la presse
bénéficie déjà d'un taux de TVA réduit (2,1%) ? Inconditionnée, cette réduction constituerait un cadeau fiscal aux
actionnaires des grands groupes et une subvention de fait à des supports de publicité. Ciblée, cette réduction, si elle
n'est pas une proposition aussi clientéliste que les promesses de Jacques Chirac aux restaurateurs, suppose une
mise en cause de dispositifs européens (dans la mesure où un changement de taux de TVA dans l'Union
européenne nécessite l'unanimité des Etats membres). Chiche ?
Peut-être les limites d'une tribune libre ne permettaient-elles pas d'aller plus loin et de tout aborder. Mais la question
de l'aide à la presse écrite est indissociable de celles que soulèvent la concentration et la financiarisation des
groupes multimédias dont une partie de cette presse fait déjà partie. Raison de plus pour refonder l'aide à la presse
sur le critère de l'indépendance à l'égard des finalités fort lucratives de ces groupes, lors même que la presse écrite
elle-même ne dégagerait pas de profits.
Ces propositions du PS sur l'aide à la presse visent des « relais d'opinion » (Libération , Le Monde et quelques
autres,...) qui pourraient en bénéficier. Souhaitons déjà que leur mise en discussion ne dure pas seulement le temps
d'une période électorale...
[1] Constatant que « la presse d'information politique et générale vit une crise très profonde », Stéphane Pellet explique que « le temps qui nous
sépare de l'élection présidentielle doit être mis à profit pour la formulation de propositions fondatrices. » Ce n'est pas vraiment le cas du
programme du Parti socialiste (comme on peut le lire dans l'article que nous lui avons consacré). Le délégué national inscrit sa démarche « dans
la lignée de 1881 et de la grande loi pour la liberté de la presse, dans l'esprit aussi de 1981 et de la libération des ondes ». Fort bien, mais
entre-temps, la « libération des ondes » a surtout profité aux radios commerciales. Pour ne rien dire de la télévision. Le PS fut pourtant quelques
temps au gouvernement. Mais ne soyons pas rancuniers...
[2] Comment définir une « rubrique d'intérêt général » ? Le nombre de journalistes peut-il être un critère en soi, au risque de pénaliser la presse du
tiers secteur ? Ne faut-il pas rapporter ce nombre au nombre de pages rédactionnelles ? Qu'entend-on exactement par « page rédactionnelle » ?
[3] Voir sur ce point « Pour la constitution de sociétés de presse à but non lucratif ».
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