Pour une autonomie de la personne handicapée

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Pour une autonomie de la personne handicapée
témoignage
Pour une autonomie de la personne handicapée
A travers mon expérience de volontariat de quatre
mois au centre «Envol» de Kpalimé, au Togo, j’ai eu
l’occasion de rencontrer certaines réalités de personnes handicapées et de leur famille. Afin de facilité
leur intégration dans la société, ce centre prône l’autonomie des personnes handicapées.
D
e nos jours, des millions d’enfants et d’adultes connaissent
des injustices en raison de leur handicap. Du fait des croyances véhiculées, les personnes handicapées, et
plus particulièrement celles qui
souffrent d’un handicap mental,
sont souvent considérées inutiles
au bon développement de la société. Le malaise vécu par la personne
et son entourage familial résulte
aussi d’une méconnaissance des
causes du handicap mental.
Pourtant, peu importe les raisons
génétiques, prénatales, néonatales
ou post-natales de l’handicap et son
importance, légère ou sévère, ces
personnes sont capables, avec une
prise en charge précoce, d’accomplir certaines activités les rendant
autonomes. L’acquisition de ces facultés passe par le soutien de la famille, de l’école et de la société
dans sa globalité.
des représentants de l’Etat qui leur
octroient peu de considération,
nous avons un devoir de les soutenir dans leur travail.
Ainsi, enrichie de mon expérience
de terrain, je me propose de vous
présenter le centre Envol et de vous
faire part de mes observations.
Consciente que ces quelques lignes
ne peuvent changer la réalité, elles
pourront au moins témoigner du
bien-fondé de l’existence de ces
centres d’accueil pour enfants handicapés mentaux.
Envol
Il existe neuf centres Envol, répartis
dans tout le pays : quatre sont présents à Lomé, les autres à Sokodé,
Atakpamé, Kpalimé, Kara, Dapaong,
Ces centres furent créés en 1986 à
l’initiative de l’Association pour la
Promotion de l’Enfance Handicapée
Mentale (APEHM), composée essentiellement de parents d’enfants
handicapés.
Construits le plus fréquemment
dans l’enceinte d’écoles ordinaires,
les centres Envol favorisent l’intégration des enfants handicapés
mentaux dans des groupes sociaux
plus élargis. Ils fonctionnent par
groupe de niveaux de développement mental et visent avant tout
l’amélioration des conditions de vie
de la personne handicapée sous
toutes
ses
formes,
afin
de
permettre leur envol dans la société.
Ce projet reçoit le soutien de Caritas Allemagne et de deux associations locales (Astovot et Campagne
des hommes). Avec leur appui financier, méthodologique, éducatif
ou encore grâce à l’envoi de volon-
Soutien
Au Togo, face au nombre croissant
de familles qui comptent parmi ses
membres des personnes handicapées, nous constatons l’émergence
de structures d’accueil qui veillent
à leur bien-être, à leur santé, leur
éducation et leur formation professionnelle. Elles visent l’autonomisation de la personne handicapée et
son épanouissement personnel semblable à celui de tout être humain.
Pour atteindre cet idéal, luttons ensemble contre toute forme de discrimination. De plus, face aux
difficultés vécues au quotidien par
ces institutions et à la négligence
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Le droit aux loisirs existe aussi pour les petites togolaises, Ph. Letizia Messina
témoignage
taires, les divers centres ont pu au
fil des années se perfectionner. De
même, par l’envoi de colis (matériel
scolaire ou médicaments), Handicap
International apporte son aide à
l’Institut. Enfin, la volonté de créer
une association de volontaires à
l’étranger a vu le jour, mais sa réalisation est loin de devenir réalité.
Avec le temps, de nouveaux partenariats pourront être réalisés si ceux
qui en sont les initiateurs sont motivés.
Les centres Envol accueillent généralement des enfants âgés de 6 à 18
ans. Ils prennent en charge également des ‘installés’ ou des anciens
dans le cadre d’une formation à un
métier (ex : cuisine ou jardinage).
Le public cible est assez diversifié
(trisomie, IMC, autisme, déficience
intellectuelle), mais partage la singularité de l’handicap mental dit
modéré ou sévère. Le centre Envol
de Kpalimé compte actuellement 25
enfants réguliers sous la responsabilité de 9 personnes (artisans, éducateurs,
instituteurs,
cuisinière,
gardien, kinésithérapeute et directeur). Notons que certains bénéficiaires sont absents en raison d’un
manque
de
financement
des
moyens de transport leur permettant de se rendre sur les lieux de
l’apprentissage.
Sur base d’un enseignement spécialisé et adapté, les centres Envol
donnent l’opportunité aux enfants
d’acquérir de nouvelles connaissances en mathématique, géographie, histoire, français, mais aussi
de se familiariser avec des aptitudes nécessaires au quotidien
grâce au cours d’éducation sportive, de psychomotricité ou encore
de vie de relation. En leur offrant
deux repas par jour, le personnel
évite aussi aux enfants d’être en situation de malnutrition. Ensuite, la
vie en groupe permet aux jeunes
d’avoir un sentiment d’intégration
et surtout de reconnaissance. Enfin,
fréquenter l’école leur évite une vie
d’errance dans les rues de la ville.
Projet de fin de projet: Spectacle théâtral «Vivre ensemble» sur les thèmes de l'hygiène, l'environnement, l'amitié et la
non-violence, Ph. Letizia Messina
Autonomie
Souvent marginalisés par leur
propre famille, ces jeunes ont un
réel besoin d’attention et de prise
en charge. L’Afrique est riche de
ces croyances traditionnelles donnant aux populations locales une
force de vie peu présente en Europe. Néanmoins, certaines d’entre
elles favorisent la marginalisation
d’individus. Tel est le cas des personnes handicapées. A Kpalimé, il
n’est malheureusement pas rare
d’entendre des injures telles que «
ne te comporte pas comme cela, sinon tu finiras à Envol » ou encore «
j’ai trois enfants, plus celui-là » en
pointant du doigt l’enfant porteur
d’un handicap.
En vue d’un changement des mentalités, il semble urgent de travailler
sur cette thématique en lui donnant
une place considérable dans nos
projets d’aide au développement.
Par ailleurs, il est primordial que
les représentants de l’Etat tiennent
leurs engagements vis-à-vis du public cible et des partenaires extérieurs.
En effet, depuis quelques temps, la
situation sociopolitique et économique que traverse le Togo bloque
les initiatives au sein des centres
Envol. Par ailleurs, Caritas Allemagne a pris la décision de
suspendre son financement en espérant une réaction de l’Etat togolais
qui
avait
promis
une
participation sur le plan des ressources humaines.
Aujourd’hui,
l’existence des centres Envol est en
danger. La nécessité de reconduire
l’aide
extérieure
s’avère
indispensable et impérieuse en vue
de prendre en charge essentiellement la restauration et le transport
des enfants, le salaire du personnel
et les frais de fonctionnement des
établissements.
Malheureusement, nous ne pouvons
attendre
la
prise
de
conscience de l’Etat pour permettre
aux enfants de poursuivre leur scolarité. Sans elle, ils ne pourront espérer une amélioration de leurs
conditions de vie. Il est grand
temps d’agir. Nous pouvons tous le
faire à notre manière. Que ce soit
en sensibilisant notre entourage, en
faisant pression sur les gouvernements, en envoyant des fonds, en
soutenant des initiatives, il est possible d’accompagner la personne
handicapée à devenir une personne
libre et autonome.
Letizia Messina
Le SCIlophone - n°50 / 13