L`affaire du KATALAVOX

Transcription

L`affaire du KATALAVOX
Lrs CnutrRS
DLJJoLtRNALtswt
r,to
7 - tutNI I I7
Haffaire du KATALAVOX:
une invention scientifique
par conférencede pressel
Louis-jean Boë & PascalIranzo
Institut de la Contnurnication Parlée
I N PG I U niversité Stendhal, CNRS
Les probièmesde ia diffusiondes avancées
scientifiques
et l'utilisationdes médiaspar les
chercheursfont l'obiet de nombreuses
étudeset
réflexions: c'est manifestement
un phénomène
et qui se
dont l'importanceva grandissante
présentecomme difficilementcontournableet
vraisemblablement
irréversible.
Lannonced'une
découverte
importantefait souventl'objetd'une
conférence
de presseen mêmetempsqu'un article
spécialisée.
estsoumisà une revueinternationale
Michel Callonzsoulignebien cettesimultanéité
provoquéepar la pressionentreles laboratoires,
les enjeux scientifiques,économiques,voire
internationaux.
Lesrécentes
affaires
de la mémoire
de l'eau,de la fusionfroideet de la découverte
du
virus du sida illustrent bien, chacunà leur
manière, l'interpénétrationdes controverses
scientifiques
Le
et des polémiquesmédiatiques.
phénomène
estbienlà, c'estunedescomposantes
de la vie scientifique.
Ne faut-ilpasessayer
de le
comprendre
pour mieuxl'interpréter,
pour tenter
de mettreen évidencesesdangerset seslimites,
pour mieux le maîtriser,voire tirer parti de ses
aspects
positifs? C'estune questionqui concerne
directementl'interactionentre le monde de la
et celuide la presse.
science
Uneaffaire exemplaire
I s'agit ici de réfléchir sur une affaire
- exemplaire
médiatique
à nosyeux- pour tenter
de comprendrecommentelle a pu se produire,
quellea été la logiquede son développement
et
pour se demanders'il existedes solutionspour
limiterde telsemballements.
Plus de 220 articles de journaux, des
apparitionstéléviséeset une grandeconfusion
16
DE PRESSE
PARCONFÉRENCE
SCIEI'\NFDUE
L'rcTAIrcOU IATALAVOX : LINEINVENIION
de Martine
voilàcequ'il restedu singulierpersonnage
dansl'espritdesFrançais,
Durantprèsde quinze
Kempf,aprèsson passage
dansla sphèremédiatique.
sebraquenten directionde
mois(d'août1984à novembre1985),lesprojecteurs
autodidacte
qui,dansun petitvillagede l'estde Ia France,
cettejeuneAlsacienne
inventeun systèmede reconnaissance
de la parolequi fonctionnegrâceà un
ordinateur"miniaturisé"et un programme"très sophistiqué",l'ensemble
: comprendrela voix). Son
s'appellele "Katalavox"(étymologiegréco-latine
apparitionprovoqueune véritableonde de choc
*oaatiq,equivaatteindresuccessivementle<<
la banque,larecherche
et ont-ils pu "réinuenter"
grandpublic,l'industrie,
nationaleet le gouvernement.la reconnaissance de la parole
mêmel'Assemblée
,
Lesmédiassontunanimes: le paysdécouvreavec quatre
tuatre décennies
décenni
aprèssesûlébuts ? >
Martine
Kempfune"nouvelle^Mar;
ciilï ffi
pour l'aide aux
f invention"révolutionnaire"
ouvrede nouvellesperspectives
lesjeux...si
la chirurgie,les télécommunications,
la photographie,
handicapés,
elletrouveun appuifinancierfavorableà sesprojetsd'industrialisation.
Un articlede Libérntion3
et lestestsdu CNETa(Centrenationald'étudesdes
vont ramener"l'invention"à de justesproportions: la
télécommunications)
ne
reconnaissance
de la parolea plusde quaranteansd'existence
et < leKntslauox
à des
présente
aucuncaractère
réuolutionnaire
et seclmpareplutôtdét'auornblement
> : MartineKempfse révèleplus médiatiqueque scientifique.
produits
existants
de la
Alorscommentplusde 75médiasont-ilpu "réinventer"la reconnaissance
paroleprèsde quatredécennies
aprèssesdébuts?sCommentont-ilspu faire
d'un DEA (Diplôme
passerun produit qui n'atteintpas les performances
de l'industrie
d'étudesapprofondies)
en électronique6
pour une cartemaîtresse
française
? La médiatisation
que cejeu de téléphone
grandpublicne serait-elle
à chaquefois qu'il est
auquelrenvoieMichelSerreset qui déformele message
? Successivement
les messages
transmisT
brouillentles pistes,MartineKempf
(dela reconnsissance)
u reprend
<<
américnin
Ieproblème
à zéro>>,
clnrjertitun ordinateur
analogique
audigital.Ilétnitencombrant,
ellele ramène
à ln tnilled'un grosliure,C'est
simple: il est200foispluspetit,l 000t'ois
moinslourd,et20 t'ois
moinscher,. Peude
de
la
tempsaprès,elleestprésentée
commeu I'inaenteur
t'rançais puceélectronique
".
Le casde MartineKempf,danslequella passionsublimela raison,estune
Parmilesnombreuxanglesd'attaquede "l'affaire
aventureà multiplesfacettes.
du Katalavox",nous allons,dans un premier temps,.nous intéresserà la
le
multiplicitédesingrédients
de cesuccès
populaire.Ensuite,nousdéplacerons
cadragesur les médiasafin de décelerleur rôle différenciédans cette
orchestration,
pour mettreen lumièreleur pouvoir à mobiliserle public,forcer
décideurset gouvernementà justifier leur choix. Enfin, nous analyserons
pourquoile Katalavoxn'est pas un énoncéscientifiqueet nous tireronsles
médiatique
de la
conclusions
de cetemballement
au regardde la compréhension
science.
17
Nol - tutN | 997
Lrs CnnrRs DU JILJRNAuSME
Médiationet médiateur
LorsqueLouis Daguerre,artiste peintre et décorateurde
théâtrequi s'estassocié
à NicéphoreNiepceavantsamort metau
point un procédé pratique permettant de réaliser la
photographie,
perpétuel
c'està FrançoisArago,célèbresecrétaire
de l'Académiedes Sciences,
qu'il s'adressepour présenter
scientifiquementet rendre publique sa découverte(voir cicontre).
Avecle recul,on peut considérer
que Daguerren'a pasfait un
mauvaischoix: FrançoisAragoesten effetconsidérécommele
des
premierscientifique
à avoirpenséet organiséla vulgarisation
découvertes
à partir du cadreinstitutionnelde l'Académiedes
L'inventeura trouvéà la fois une cautionscientifique
Sciences.
indiscutable
et unetrèslargeaudiencedansle grandpublic.
FrançoisArago,selétairede I'Académie
dessciences
èt uulgarisateur
scientifique
Plusd'un siècleet demi aprèsla mémorableséance
du 19août
(cidessus).Louis Daguerre,autodidalcte
7839,
inventeur,
non,
ne
fait
un(e)
autodidacte
ou
plus
appelà un
(ci-dessous).
inuenteurde la photographie
éminentscientifique
pour tenterd'accéderà la célébrité: il (elle)
sait, commeMartine Kempf, qu'il est beaucoupplus efficace
d'attirerl'attentiondesmédias.
largementcelui
Ce phénomène
de transfertd'influencedépasse
de l'informationscientifique.En 1991(le 72 février),lors d'une
conférence
à l'Universitédes Sciences
Socialesde Grenoblequelquesjours après son passageà la télévisiondans une
émissionde large audience("La Marchedu siècle")- Michel
Serresfaisait remarquerque le lieu sacréde la parole s'était
déplacéet que les intervenantsavaientchangé.En deuxsiècles,
le savant,l'écrivain, le professeur,l'intellectuel,et depuis
quelquesannéesle journalistes'y sont succédé.Et, faut-il le
rappeler,le journalistedépendd'une entreprisede pressequi
fonctionnedansune logiquede marché.
lnventionet retournement
médiatiques
À la suite d'une conférence
de presseconvoquéepar les Établissements
Kempf de Dossenheim,l'AgenceFrancePresse- correspondance
locale de
- diffusele 28août1984unedépêche
Strasbourg
de 650motsqui neva paspasser
inaperçue.MartineKempf,une jeuneAlsaciennede 25 ans,autodidacte(ellea
appris l'informatiquetoute seule dans les livres et les magazines),
vient
d'inventer un ordinateurminiaturisé(de la taille d'un gros livre) et un
programmetrès sophistiqué.Uensemble,le Katalavox,est si performant- il
- quelesindustrielsdu mondeentiersele
réagiten moinsde 1/10ede seconde
disputentpour l'utiliser dansles domainesles plus variés.Inventéau départ
1B
L,aTTNBTOU KATALAVOX
DE PRFSSE
: IJNE INVENNONSOENNFPUE PAR COIUFERENCE
- commandede fauteuilroulant,de fonctions
pour veniren aideauxhandicapés
portières),d'environnement
secondairespour les voitures (essuie-glaces,
(lumière,
TV,téléphone,
portes)-cetappareilpermetaussidepiloter
domestique
(ceque
un microscope
chirurgical,de numéroterà la voix un appeltéléphonique
l'inventriceprésentecommeune premièremondiale)tout en conduisantsa
par la voix d'un
voiture,de commanderla mise au point et le déclenchement
appareilphoto,depiloterun petit trainélectrique(elleena offertun au président
deI'AFP- elieserasuivie
. Cettedépêche
Reagan
poursondernieranniversaire)..
médiatique,
unevéritableréactionen
uneavalanche
de27autres va déclencher
cichaîne.En un an serontpubliésplus de 200articlesde presse(uoirtnbleau
dessous)
dansplus de 70 titresdt lournaldeMickeyà PnrisMatch,du Meilleurau
et un chapitre
à L'Usinenouaelle
de MicroSystèmes
Monde,du Figaroà Libérstion,
d'un livre lui seraconsacré8.
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)9.)
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L
E
L'éaolutiondu nombredesnrticles
(parannéeet par trimestrepour 1985)
89
90
91
année
Nous n'avons pratiquementpas fait de recherchesdans la presse
internationale(en particulier,malgréune aide sur place,nousn'avonsrien pu
trouver en Irlande où Martine Kempf avait annoncél'implantationde son
maissignalonstout de mêmeun articledansla pressechinoise(Le
entreprise),
duPeuple,
Le Katalavoxet soninventricevont être
éditiond'outre-mer).
Quotidien
sur plusieurschaînesde radio et de télévision(TF1,journal de 13
présentés
heures,"Droit de réponse").DèssonarrivéeauxUSA,la chaîneABC consacrera
si
à MartineKempfhuit minutesdanssonémissionu Believeor not u (Croyez-le
vousvoulez!).Le ministrede l'Industriedevrarépondreà desquestionsécrites,
et lors d'un journaltéléviséde 13heuresen duplexavecHubertCurien,ministre
de la Recherche,
celui-ciserasomméde s'expliqueret dejustifierle peu d'intérêt
La jeuneinventriceseverraattribuerun
accordéà cettestupéfiantedécouverte.
19
xol ' JU;N1997
LrsCmtpRS
DUJouRNALsur
Oscardu Liurede l'inaention(elle va figurer dans l'ouvragedu même nom
pendant plusieursannées)et le Prix Grand Siècle1985(aprèsd'illustres
: le Commandant
Rostropovitch,
HubertCurien,etc.)
prédécesseurs
Cousteau,
Eiie serasacréeen Alsace"Espoirde l'année7984",puis "Hommede l'année
7985"
, on la retrouveparmi les 35 leaders,ces vainqueursde.l'an 2 000
partyde l'Elyséedu 14
sélectionnés
parYvesMourousi;elleestinvitéeàlagarden
juillet et y rencontre,dit-elle,plusieursministres.Des premièreschirurgicales
(opérationsdes yeux et de la main) vont être
avecle Katalavox,
une rue de sonvillage
< pourquoi financer
des laboratoires réussies
'alors
de
serainauguréeà son nom en présence
qu'une autodidacte lÎj:t
ancienprésident
du Parlement
réussit àfaire'brorrorp";ï;;;;;
Ïi:i
li]mlin'
Cetteréussiteéclatante,
cetteirrésistibleascension,
n'auraientpu êtreque difficilementmisesen discussion,
voire contestées,
si le
fonctionnement
les
du ministèrede l'lndustrie,les structuresde la recherche,
précautions
des agences
de valorisationet desbanquespour l'attributiondes
prêts, le dynamismedes industriels,n'avaientété mis en cause.En effet,
pourquoifinancerde groslaboratoires
telsque le Centrenational
de recherche
(prèsd'une centainede personnes
d'étudedestélécommunications
travaillant
en
sur les mêmesproblèmes
dansdeuxlaboratoires)
alorsqu'uneautodidacte
électronique
réussità fairebeaucoupmieuxdanssachambred'étudianteavecun
fer à soudercommeseulinstrumentde développement
? Pourquoidemanderun
dossierétayétechniquementet financièrement
alors que la réussited'un tel
: la Nasan'a-t-ellepasdéjàchoisile Katalavoxpour ses
produitsembleassurée
navettes
spatiales
ne sont-ilspasprêtsà passer
et 10000chirurgiens
américains
commande? Commentpeut-onlaisserfuir un cerveauqui seraPrix Nobel ou
milliardaireet peut-êtremêmelesdeux?
Lesarticlesde PierteVandeginste
du jeudivont
dansLibération
etL'Éuénement
mettreun termeà cettesi "bellehistoire".
Uneinventiondéiàinventée
La reconnaissance
de la paroleexistedepuis7943,plus de 5 000articlesont
déjàétépubliésdanscedomaine,deslaboratoires
leurs
entierslui ont consacré
recherches,
un projetlancépar le département
de la DéfensedesUSA de 1971à
7976,avec un financementde 15 millions de dollars,a permisde mesurer
l'ampleur des difficultésde cetteentreprise.En France,depuis le début des
années7960,les laboratoiresde recherchesur la parole (Grenoble,Lannion,
Marseille,Nancy,Orsay,Pariset Toulouse)
ont développéd'importantssystèmes
de reconnaissance.
En 1984,il existe,sur le seulmarchéaméricain,
prèsde 75
cartesde reconnaissance
de la parole.La chronologiesimplifiée,quenousavons
établie,présentequelquesdates-repères
qui marquentcettehistoiredéjàriche :
40
DE PRESSE
PARCOT ÉBTXCE
SOENNFPUE
L'ArrAIBrOU I(ATALAVOX : L)NEINVENTON
(France)
1882- L. ftott : le phonotaugraphe
(Allemagne)
1882- M. Gentilli : le glossographe
de la parole(URSS)
1943- L.L. Miasnikov: premiersystèmeélechoniquede reconnaissance
(France-Suisse)
1950- J.Dreyfus-Graf: le phonétographe
1952*K.H. Davis,R. Biddulph& S.Balashek: Audrey,premiersystèmecablé10chiffres,mono/
(Bell,USA)
prèsde 100%de reconnaisiance
1968- Uiilisationde la programmationdynamique(URSS)
linguistiques)(France).
français(contraintes
L97A-J.-P.Tubach: 1ersystèmede reconnaissance
de
du ler système
commercial
Inc,:Nationnl
Awardpourla réalisation
1972-ThresholdTechnolont
reconnaissance:le
VÏp 100coupléà un Nbva 2/4 et un ensembleâe filtres analogiques
(monolocuteur,
20motsisolés)(USA)
- ProietARPA(USA): 15millionsde dollarspour la reconnaissance
automatiquede la
1972176
parole.Il s'âsrtde réussirà développerun svstème
automatique
de parole
de reconnaissance
àontinue,auic ,n grand nombre"de locuteurs (coopératifs),dans de bonnelsconditions
poîr un vocabulaire
d'enregishement,
de 1 000mots et des phrasesdotéesd'une syntaxe
en "plusieursfoisle-temps
dansle cadred'unetâchetrèsdéterminée,
artificiélletrèscontiainte,
serontmis au
réel" sur une machineayantune vitessede calculde i00 Mips. Quahesystèmes
de machines.
point,eniraînantdesprôgrèsnotablesen programmationet èn architectrire
non séparés
de parole continue(mots enchaînés,
1978- Premiersystèmede reconnaissance
: DP100de NEC(Japon)
despauses)
artificiellement'par
1981- Rapportdu ministèrede l'lndustriesur lesmachinesparlantes: étatde l'art et prospectives
(France)
- ExpositionInova1981: cartede reconnaissance
(France)
VECSYS
1983- Constructionde circuits spécifiquesadaptésà la programmationdynamique: NEC
> 90 %)(]apon).
mPD77&(40motsde paroleconfinue,340motsisolés,taui de"reconnaissanc'e
* PA Technology
: robot pédagogiquepiloté par 16 instructionsvocales; prix du circuit de
reconnaissaiée
de la paiole :îO"p'ruSÀl
de reconnaissance
de parole,dont 8 de parole
1984- Surle marchéaméricainplus de 70systèmes
continueUSA)
1984 Thomson-CSF poste téléphonique à commande vocale (France)
- Seraphine,
systèmedê reconnaissance
votale autonome,collaborationCNET-XCOM:
reconnaissance
de phrases(comparaison
dynamique,séparationbruit-parole)(France)
1985- Janvier- Microsystème
: principe,schéma,plan du circuitimprimé,listedescomposants.
De nombreuxrapports,dont celuidu ministèrede l'lndustrie,ont étudiéles
produits et les perspectives
du marchéfrançais.Bon nombredes applications,
présentées
par Martine Kempf commedes premièresmondiales,ont déjà été
Par exemple,commei'a bien
réalisées,
voire déjàabandonnées.
commercialisées,
il vaut
desorthèses,
soulignéle Pr Rabischong
de l'lnsermà Montpellieq,
spécialiste
mieux utiliser pour la commandeet déplacement
d'un fauteuil d'handicapé
n'importequellecommande
motriceappliquéeàun joystick(manettede commande)
plutôt qu'unecommandevocale.C'estbeaucoupplus efficaceque la complexe
oralisation
d'un déplacement
formalisé: 30degrésà droite,puis65degrésà gauche,
plus vite, non pas si vite, stop... sanscompterla correctiondes erreursou les
11
No7 - JU:NI I I7
Lrs CnutrRsDUJouRNAusur
imprévusen coursde déplacement.
En France,chaqueannéedepuis1970,desjournéesd'étudessur la paroledu
françaised'acoustique
de la communication
groupefrancophone
parlée(Société
les spécialistes
de ce
Association)
rassemblent
et European
Speech
Communicntion
domaine.Un bon tiers des communications
est consacréà la reconnaissance
automatiquede la voix. Une relationCNRS-lndustrie
a permisau LIMSI et à la
trèsperformantes.
sociétéVECSYSla constructionde cartesde reconnaissances
de
de la reconnaissance
sont moins sensibles à la magie de l'art sur lesproblèmes
la parole et proposentalgorithmes,listes des
du aerbe que le grand pubtic
" composants,
plans de circuits permettantde
réalisersa proprecarte.Des chips(c'est-à-dire
des circuitsintégrésspéciaiisés)
sontdéveloppés
En 1983,au Sicob,la CCCT-LTCprésente
par lesconstructeurs.
vocal: 75numérosdifférentspeuventêtreainsiappelésà la voix.
soncomposeur
En 1984,la Thomson-CSF
a mis sur le marchéun combinétéléphoniquequi
permetaussila numérotationà la voix (il estmis en venteà la Fnac); la société
marseillaiseTétravoxs'est spécialisée
en collaborationavec la faculté de
médecinede Marseilledansla commandeà la voix de l'environnement
des
handicapés
avecuneergonomie
adaptée.
n L'Alsncienne
géninle,Ia bricoleuse
degénie,ln jeunechampionne,
I'inaentrice
surdouée,
la leanned'Arc de l'électronique,
le
I'ent'ant
prodige,la figurelégendaire,
monstresacréde l'informatique,
la jeunet'emmedont les trnaauxpréfigurentle
XXI' siècle,l'inaenteur
del'ordinateur
à reconnaissance
aocale
et dela aoitureéquipée
d'un ordinnteur,
ln surdouée
Ie
et la starqui parleauxordinnteurs,
cellequi stupét'ie
mondeaaecsln ordinateur
le pluspert'ormant
l'inaenteur
et le pluspetitau monde,
deln puceélectronique,
celledontle nomestinsuit dnnslegrandcercle
t'rançais
t'ermé
desgrandsprêtresde la SiliconValley,In MarieCuriede I'électronique,
le leaderde
>.
l'an2000,le
del'an 2000, n'esten fait qu'une < stnrassistée
parordinateLtr
Galilée
<
Non seulement
quede
ellen'a rien inventé,maisle produittantvanté n'obtient
>.
trèsmédiocres
résultats
dèsqu'onle compnre
à sesconcurrents
japonais
Le Katalavox,< cetteboîtemngique
quifait pâIird'enaielesinformnticiens
et qui séduitleschercheurs
américains
réuolutionnnire
par sû
deIa Nasa,cetappareil
,, sn
rnpidité,
cettecnrtemaîtresse
del'int'ormatique
auxnpplicntions
int'inies
française
<
un mot commeenmille, cetappareil
leplusperformant
numonde,ne dépasse
pas
77Vo
de tauxde reconnaissance
français,la totalité
alorsquetoussesconcurrents
desproduitsaméricains,
fonctionnentdanslesmêmesconditionsavec98 à 99%
de réussite,pour des vocabulaires
dix fois plus importants.Il n'atteintpas les
performances
obtenuespar les systèmesde reconnaissance
de la fin des
années
60...
(françaiset irlandais)
On comprendainsila réticencedesmilieuxbancaires
sollicitéspar Martine Kempf et son père : les professionnels
de l'argentsont
moins sensiblesà la magiedu verbeque le grand public. Il vaut mieux faire
42
DE PREssF
L'rcTNBTOU KATALAVOX : IJNEINVENTION
PARCONFÉRENCE
SCIENTIFIQIJE
confianceà un banquierqu'à un philosophe,prévenaitNietzsche.En quelques
jours,c'estle retournement
ne ( désirant
médiatique
et l'exilauxUSA,I'intéressée
(l'lrlande
,
passemer
le troubleentrelespnyseurlpéens
et la France).
Unelonguetradition
du cultede la personnalité
C'estde traditionquede porteraux nueslesinventeurset de mythifierleurs
< Mon hérosestI'homme
)>,annoncesansambiguité
personnalités.
qui décotilJre
DanielBoorstin; I'hommeen tant qu'individu,ou l'hommedans ce qu'il a
d'universel? Lesdeuxsûrement,
maisencorefaut-ilfairela part du généralet du
particulier.Pendantlongtemps,les historiensont focalisél'invention sur un
chercheuralors que l'histoire des découvertesest un long processus
d'améliorationssuccessives.
Tel l'archéologue,le chercheuren histoire des
sciences
doit dégagerlesstratessuccessives
reconstituer
les
de cetteélaboration,
couchesde cepalimpseste
sanscesseréécrit.Biensûr,lesmédiasvont accentuer
cettetendance.
Un de leursprocédés
narratifsconsiste
à choisirun hommepour
symboliserun champ de recherche,une avancéede la scienceavec une
voire aux
préférencepour les fortes personnalitésnon conventionnelles,
jean Bernard(hématologie),
frontièresde la science: le Professeur
le Professeur
(cancérologie),
Minkowsky (pédiatrie),le ProfesseurSchwartzenberg
Haroun
(vulcanologie
Tazieff
et grands risques),Alain Bombard(défenseurde la
Méditerranée),
etc.AvecMartineKempf,ils n'aurontpasà forcerle trait !
Maispour lesspécialistes
de la parole,pour tout journalistescientifique
bien
au fait des réussitestechniques
de ce domaine,
"I'affaîredu Katalavox"peut semblerau premier <<pour tout journaliste scientifique
abordincompréhensible,
irréelle,voiresurréaliste.au fait des réussites techniques,
Comment plus de 75 médias pe-uvent-ils,'l,affaire du Katalauox,,
"réinventer"la reconnaissance
de la paro]:tt::.*
prri sembler incompréhensible >
40 ans après son apparition,redécouvriravec r
émerveillementdes applicationsmaintesfois présentées,
considérercomme
révolutionnaires
des solutionstechniquesqu'ils ont eux-mêmesprésentées
et
même détailléescommeétant à la portéed'un honnêtebricoleuren microélectronique
?
Le temps et l'accumulationdes informationsseraient-ilsdes vecteursde
désagrégation
progressive
de Ia connaissance
? Cesquestions
sontd'autantplus
lancinantes
que de i980 à 1985,nous avonsrelevé(Electronique
Actualité,La
Recherche,
LeFigaro,LeMonde,Libérntion,
L'Usinenouuelle,
Micro-Systètnes,
PourIa
Science,
etc.)plus de 15 articlesqui montrentbien que la médiatisation
des
recherches
en parolesur la synthèse
s'étaitrelativement
bien
et la reconnaissance
opérées.
Alors que l'affaire Martine Kempf va atteindreson paroxysme,Micro(revuede vulgarisation,largepublic)publieun dossierpermettantde
Systèmes
11
L rs C nurcR S
D LJJoL)R N A Ltst'
N "tr1 - JIJTN
199/
réalisersa proprecartede reconnaissance
de mots isolésà l'aidede plansde
(365F port compris!)
déjàprogrammé
circuitd'un microprocesseur
Lecontextepréélectoral
Les électionslégislatives
se profilentà l'horizonde mars 1986.Après le
Mauroy,dontla fin marqueaussila fin desidéesgénéreuses
mais
gouvernement
qui ont mal résistéà la dureréalité,LaurentFabiusne va pasréussirà endiguer
la lenteérosiondu potentielélectoral
Mitterrandau pouvoir.
qui a portéFrançois
On va donc retrouverdansies articlesconsacrés
à l'affairedu Katalavoxdes
prisesde positionqui reflètentplusou moinsdirectement
ceclimatpréélectoral.
CertainsjournauxcommeLeFigaroou LeFigaroMndnme
ne font pasmystèrede
leur engagement
critiqueà l'égardde l'équipeau pouvoir.D'autreslaisseront
percerleurirritationdevantun ministèrede l'lndustriepeuenclinà financerune
industrialisation
qui ne semblepas présentertoutesles garantiesnécessaires
;
enfin,les plus amersadresseront
à cetteoccasionleurscritiquesconfonduesau
ministèrede l'lndustrie,aux organismes
bancaire,
de prêtset à tout le système
Sansvouloirinsistersurcetaspectéconomique
il estparadoxal
du problème,
que
ce soientles défenseurs
ParisMatch)qui aient
d'un systèmelibéral(Le,Fignro,
manifestéle plus de critiquesà l'encontrede l'Etat lorsquecelui-cirefusede
financerune entreprise.Tout cela dans la plus grande confusionpuisque
personnen'a jamaiseu véritablementen main les donnéestechniqueset
financières
du problème,Marie-France
Garraudfera figurer Martine Kempf
commesuppléantesur sa liste pour les législativescontrel'étatismeet le
dirigisme,où elleapparaîtra
commeétudianteen astronomie.
Lesattaquesen règle contre le CNRS
Dansun climat préélectoral,
la recherche
menéedansles laboratoires
de
l'Étatestvivementcritiquée: trop fonctionnarisée
et trop syndicalisée,
auxdires
de certains,elle ne seraitplus efficace.
Louvragede Françoisde Closets,qui
paraiten mai 7985,reflètebiencetétatd'esprit: ii engageà luttertousensemble
contrecequ'il appellela "syndicratie"
Unedesciblesvisées:
, un mal paralysant,
le CNRS, contre lequel il fait un réquisitoire appuyé, difficilement
compréhensible
si on ne le replacepas dans ce contextepréélectoral.
Pour
François
de Closets,
la Franceestle seulpaysau mondeà avoirchoisi,avecle
CNRS,le modèle de l'Académiedes sciencesde l'Union Soviétique.Les
chercheurs
du CNRSnesontpasadmissurconcours
enfonctionde leursmérites
scientifiques
maissur la basede critèressociaux.
En effet,lessyndicats,
qui ont
pris le contrôledescommissions
de recrutement
n'ont pasintérêtà sélectionner
- alorsque de médiocres
de brillantscandidats- contestataires
en puissance
chercheurs,
embauchés
en tant que "cas sociaux",ont toutesles chancesde
renforcer,
tout au long de leur carrière,un système
qui a étéà l'originede leur
14
L'ATTAIBTOU KATALAVOX
: LINEII\IVENTIOIU
PARCOI\IFÉRENCE
SCIEIUilFIOUE
DE PRESSE
recrutement.
Un CNRStransformé
en centred'assistance
socialen'estdoncplus
à la hauteurde samissionet nejustifieplusles8 milliardsde francsquelui verse
le contribuable.
Pourtant,le CNRS,commeles autresorganismesde recherchepublique,
l'Orstomet l'lnserm,ne sont pas des délinquants
juvéniles.Mais depuisleur
création(le CNRSen 7939),de bons apôtresdemandentrégulièrementleur
démantèlement.
La dernièreattaquepolitiquesérieuse
se situetrèsexactement
dans cette période. Alain Devaquet relate
précisément
commentle GERUE,fondé en mars <<"l'AffAire du Katalaoox" :
7984,
et I'UNI sefixentpoul but defaireaboutirun quelle aubaine pour les adoersaires
projet de loi prévoyant la dissolutio"
9. ::: de la recherche financée par l,État o
organismes,dès la reconquêtedu pouvoir.
D'ailleurs,dèsmars1986s'affronteront
dansles coulisses
du pouvoirceuxqui
souhaitenten finir avec ces organismestrop lourds, trop structuréset trop
politiséset ceuxqui pensentau contraireque de tellesinstitutionsfont toutela
richessede la recherchefrançaise,même si elles doivent améliorerleur
fonctionnement.
Pournousremettreenmémoirele climatpassionnel
de cesattaquescontrele
CNRS,il suffit de citerAlain Devaquet,qui fut nomméen 1986ministredélégué
auprèsdu ministrede l'Éducation
nationàle,
chargéde l'Enseignement
supérËur
et de la Recherche.
Il est difficile de suspecterAlain Devaquetde sympathies
exagérées
pour la gauche; il témoignepourtant,dansL'Amibe
etl'étudinnt
: n Nul
(du GERUF)
necontesterû
queceshommes
soient
enrénction
contre
toutcequia étéfait
(Rolnnd
dansI'Uniuersité
entre1981et 1986.Si cetteopposition
était,chezcertains
- je pouanis
Drngoet lacques
Bompaire)
pensée
auecforcemaisexprimée
auecmaîtrise
-, elleétait,chezd'nutres
engager
aaeceuxdeséchnnges
posés
quoique
peut'ructueuN
(lennBastié,lean
Foyer)dégradée
enrejetuiscérnl,
irrntionnel,
etj'auaisnlorsdu mslà
endiguer
un torrentdedénoncistions
hnletantes.
Deshommes,
parnilleursmesurés
et
(,,,) m'npparnissaient
courtois,
oublinient
mesure
et courtoisie
en cesinstnntsclmme
possédés,.
Alain Devaquet
finirapar avoirgainde causeauprèsdu Premierministre(il
serad'ailleursremercié
quelquetempsplustard).Ualerteserasévère,
le Comité
nationalde la Recherche,
chargéentreautresdu recrutement
deschercheurs
du
CNRS,seraquandmêmedissous.Le prétexte: une plaintedéposée
deux ans
auparavant
parun syndicatautonome
pourvicedeformedanslesélections.
Tous
lescandidats
acceptés
au concours
par lescommissions
du CNRS,constituées
en
jury,verrontleuradmissibilité
remiseen cause;unecommission
d'expertsneies
nommeraqueprovisoirement
pour un an.
U affairedu Katalavoxsesituedanscecontexte: fairela pigeauxplusgrands
de l'informatiquesans disposerdu support,d'un laboratoire,sans être
fonctionnaireet, en un mot, sansl'aide de l'Etat, quelle aubainepour les
adversaires
de la recherche
structurée
et financée
par l'Etat.On retrouvera
tous
cesargumentsentoilede fond de l'affairedu Katalavoxet il fautbienreconnaître
4'
xo1 - tutN1997
LrsCautrBsDUtoL)RNALtsME
queMartineKempfva, l'espacede quelquesmois,semblerillustrerparfaitement
la réussiteindividuelle.
Vocalise
médiatique
Lejournalismen'estpasunescience.
Danscedomainequi estau mieuxcelui
de "l'approximation
heureuse",iln'y a hélaspasle moindrelaboratoire
où le
sujetà traitersetrouveraitdéjàlocaliséet identifié.Ici, il s'agitbeaucoupmoins
de mesurerque d'estimer,ce qui veut dire que la nécessité
de jugeret d'opérer
deschoixs'imposed'embléedevantlesévénements
à relater.
Michel Mathienecomparela liberté du journalisteà une liberté sous
contrainte.C'est le "champ des possibles"qui subsistedans son esprit au
momentoù il écrit,quandil a fait la part de touteslesobligationsqui s'exercent
sur lui aprèsavoir doséleurs interférences.
Dans cetteperspective,
il ressort
clairementquegrandessontla tentationet la pressionmentalequi, dansl'affaire
du Katalavox,poussentà la facilité.Les"écrivants"n'ont qu'à selaissercharmer.
Que demandele lecteur? Mais cettecontraintede séductioncomportedes
journalistique
risques.I/absence
d'enquête
et critique,ajoutéeà un
approfondie
sensationnalisme
exacerbé,
conduisentà l'exploitationdu "phénomène
Martine
Kempf" et établissent
le débatsur la based'informationstronquées
ou fausses.
Ii s'agit de comprendrecommentles médiasont gérécet "événement"en
fonctionde leurs entravesintrinsèques
mais aussigrâceau "pouvoir" qu'ils
exercent
sur le public.Deuxschémas
illustrentia positiondesjournauxdansun
repèreobjectif/subjectifet pour/contre.
a
Mou()usi
l-esvônqueu^
nle
I
a Lc Il.rlieur
rTurrnurm
a
Hem()
aPJn\ M,rh
a L( \oLre. qr.". ren
a L e F i g ! ( , M a d ù n r r a I - e J o ù r n a ld e M i c k e )
a
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a Le hûilal
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du Drmanchc
.,,-".\..,.
.vr,.
S\{;m('
a 5c'en.e & A!.nrr
.Ri:*.;i'""-A'I!ïï
Schéma1 : Constellationmédiatiquen"1. Cette
figure contmela suiaanteprésentelei médiasselon
deux axes: PourlContre(Le Katalauox)et
OblectiflSublectif. Ce trlpede représentatilnresseùble'àla prolettiond'ime anaihlse
factorielle,a
ceciprèsque Ia'localisatiort
strucfurellea étéfaite
subjectibement
aprèslectureet comparaisoides
quantaux
articles.Elle estrelatiaement
cohérenie
'positionsrelatiuesdesjournaux. Cettefigure présentedesmédiasqui n'ont pns(ou peuÏ'aari'é
au
coursdu temos.
AT
+o
t à Nôuvell< RenùN,qùr a
L'ÆFIIRE OU KATALAVOX:
PAR CONFÉREIICE
DE PRFssF
SCIEN\IFIOUE
UNF INVENTION
Pour
Vri
Subjectif
\\\
objectir
..r
l'lt{5
.tt
1);... t\
ta
ta
t \
t
----]
I 985
Contre
2. Cette
médiatique
Schéma2 : Constellation
deuxième
figureprésentelcsmédiàsqui ont
changéd'ôfinion nu clurs de l'alfairëou après.
Le cis desDernières Nouvelles d'Alsacê est
assezcaractéristique
d'une difficileéuolutionqui
s'estimposéeà la rédactionde ce iournal Le cas
de Llbêlraion illustre plutôt l'ou'hlimédiatique
dontfont preuaelesjournaux,commes'ils
n'aunientpasde mémoire.
AFP: le catalyseur(28 dépêches)
IJAgenceFrancePressea sans contestejoué un rôle primordial dans
Elle
l'ampleurqu'aprisecequ'il estconvenud'appeler"l'affairedu Katalavox".
a donnénaissance
et détracteurs
à une dichotomiemédiatiqueentredéfenseurs
du Katalavox.
Cettescission
sansréserve
trouvesonoriginedansl'enthousiasme
de ThérèseJauffret,le 27 août 1984,lorsquecelle-ciqualifie le Katalavox
u d'inuention
r. À partir de cetlnstant,ce qualificatifva rebondir
réuolutionnaire
danstouslesarticles.
Le ton estdonné.Deplus,trèsvite,la soliditétechnique
est
Il y a <<unenaslanche
depropositions
confortée
par une explosioncommerciale.
"
(2110e
/84).
Une journalistes'enthousiasme
pour une commandevocaleà travers
laquelle,ellecroitpercevoirl'inventiondu siècle.Unefrénésies'emparede toute
la presse(leKatalavox
à la Nasa...).
Uenvoléeesttrèsbelle,maisplusdureestla
chute. La science-passion
ne peut que déchirerses adeptes.Une analyse
scientifiqueinitiale aurait coupé court à tout rêve. Le carrosseserait resté
citrouille.
Autre implicationde I'AFP : cetteagenceest au cæurdu match"politico(pardonnezce barbarisme)entre Martine Kempf et l'Etat.
finanço-technique"
C'esten tout casde cettemanièrequ'il seprésenteauxyeuxdu lecteur.Iiattaque
de l'une déclenchela réplique de l'autre, etc. Cet étalaged'égratignures
vaudevillesques
ne produit qu'une consolidationdes deux blocset opacifiela
47
Lrs CmrcRSDU touRNALtstvtr
xo7 - trJtNI I I7
vérité.Outrele fait de grandirla jeuneAlsacienne
en la plaçantsur un pied
d'égalitéfaceau ministredu redéploiement
industrielet au CNEI cetagissement
du débat.
écartela science
On esten droit de sedemanderpourquoiunetelleadhésion
aux proposde
I'AFP.Toutsimplement
Le
parcequ'il s'agitd'unesourceofficielleet respectée.
o Encnsd'erreur,
message
en reçoitseslettresde noblesse
: c'estuneinformation.
souligneKapfererl0
uformation
c'estunet'ausse
, cen'estpasunerumeur,
". De plus,
unedépêche
de I'AFPestimpriméetellequellecar
tend à
I'AFP û ouç)ert le sac à rêaes l'agence,pour des raisonséconomiques,
fournir
directement
plus
en
plus
d9s
syntfèses
dans lequel les journaux
{e
imprimables.
dépêchea donc,n fortiori,de
précipités
>
.Cette
se sont '
I
moinsen moins besoind'êtreréécrite.L'urgence
justifiecetteconfiance.
Freundll expliqueque l'introductiondes nouvellestechnologies
liées à
l'informatiquea encoreaggravé,dans les rédactionsd'agences
de presse,ce
problèmede temps,en accélérant
la transmission
de l'information.
Accélération
un accroissement
qui a eu pour conséquence
massifdu volumede l'information,
Il en résultesouventune simplefonctiond'aiguillagede textestrop nombreux.
le journalau dangerde céderà la facilitéenrépercutant
Celaexpose
tellesquelles
lesinformations
reçuessansintervention
critique.
Il faut ajouterque I'AFPdésirantservirrapidementsesclientsfait parfois
rimervitesseavecprécipitation.
un "compactage
Celaentraîne
temporel".Si une
d'aéronautique
société
française
estintéressée
par lesapplications
du Katalavox
et désireen savoirplus,celasetransforme
enpropositiond'achat.Le seulmoven
pour l'AgenceFrancePresse
de seprévenircontreunedésinformation
consiste
à
débrayerla parolede celuiqui parlepar l'emploide guillemets.
Maisparfois,la
barrièreestfranchie,les proposde l'énonciateur
ne sontplus épinglés,ils sont
ennoblis.C'estpar exemplele casde la dépêchedu 9 octobre1985titrée: ,, Le
Katalnaox
deMnrtineKempféquipern
lesnaaettes
spntiales
dela Nasar. Il n'y a aucun
scepticisme,
I/AFPa ouvertle sacà rêvesdanslequellesjournauxsesontprécipités
sans
l'ombred'une hésitation.
La repriseaveuglepar la pressedesarticlesde cette
agencea confectionné
dansun premiertempsdesécritsmonochromes.
Uaction
investigatrice
desDenùères
Nouuelles
d'Alsace
et de Libérntion
va colorertoutecette
histoire.
castypiques
Quelques
Nousvenonsde le voir,lesjournauxdansunepremièrephasemettenttelles
quellessous presseles dépêchesde I'AFP.Ainsi, ils ne portent pas la
responsabiiité
d'avoir "créé"i'affaire.Leur réputationest sauvevis-à-visdes
autresmédiaset de l'opinionpour qui, finalement,
ils ont remplileur mission
d'information.Le parapluieAFP est là pour protéger.
Nous allonsmaintenant
4B
L'I TAIBTOU KATALAVOX
DE PRESSE
: L]NE INVENNONS1ENNFPIJE PAR CONFÉRENCE
présentercinqjournauxqui ont fait preuved'unesensibilitédivergenteà l'égard
de MartineKempfet du Katalavox.
(14articles)
Libération,lesuiaeurpuis le démystificnteur
commetous les autres,fond la larmeà
Jusqu'au31 octobre7985,Libération,
l'æil devantl'histoiresucréede cettejeuneAlsacienne
sagequi exercesongénie
vocaledansle désirtimidede sortirleshandicapés
surla reconnaissance
de ,rleur
(Libérntion
isolement
et deleurdépendance
27
U
de
Erhel
article
Catherine
109
184).
"
le 28septembre
7984n'arienà envierauxplusbellespagesdePnrisMatch.Aucun
clichéne nous est épargné; l'intoxicationalimentaire,le courage,etc.La fiche
technique
du Katalavoxn'ena quele nom.Cen'estqu'unedémonstration
: <<
un
(,..) leuolantestqupied
grosmoignlnen guise
dedirection
".
Le 15octobre7985,un nouveaupapierde BernardMuller nousrappelleque
r. Il déplorele manquedesoutienà cette
duktalauoxsontinfinies
"Iesapplications
inventionfrançaise.
Commentun ordinateur;dont les commandes
pleuvent
(USA,la Nasa,etc.).peut-ilêtreboudéà cepoint dansl'Hexagone
? Maisle 31
octobre,PierreVandeginste
brisele rêve.Il y a "méprise".Lesmédiasont pris
n un honnêtetraaaild'élèaeingénieuren électronique
de seconde
année) pour
l'inventionde la commande
vocale.Et l'on a oubliéquedepuisplus de 40 ans,
deschercheurs
sepenchentsur le problème.
n'estpasterrible
ni trèséconomique
mais
Quantà MartineKempf," sonrésultqt
), primordialdans la
il plaît >. Cet article,,, Une star nssistée
par ordinqteur
compréhension
du phénomène
MartineKempf,démontrecommentlesmédiasse
serventd'un contextecroustillantpour modelerune
créature.Le génialinventeurexistedansles mots des < le 3L octobre, Piene Vandeginste
journalistes
à vouloirbriller(laNasaveut< brise le rêtse, it y a méprise >>
; cependant,
r), MartineKempfa
mettredesKntalaaox
dansIs nauette
été brfiléepar les sunlightsde la scènemédiatique,happéepar une tornade
qu'ellene maîtrisepas.
Maisun tel aveuestdésormais
impossible.
La jeunefemmesefige sur ses
positionset seborneà soutenirque descommandes
ont étépassées.
Sonpère,
Kempf,tentede relativiserlesrésultatsdu CNETen affirmantquece
Jean-Pierre
r. Le Katalavoxprévupour la Nasaestplus
derniera u utiliséun nncienmodèle
(811U85)soulignele dialoguede sourdsqui s'installe
performant.Libérntion
entreles sympathisants
du Katalavox,vedettesdu showbiz,et les scientifiques.
Maisil s'agitd'un débatstérilecaril tourneautourd'un non-dit: n Lesuoixdu
>, ironiseVandeginste.
< Unediscussion
Katalnuox
sontimpénétrables
snnssujetne
peutdéboucher
quesurdu brouhaha.
Kempf
QueI'ondonnedeuxmillionsà lenn-Pierre
et qu'onn'enparleplus,, conclutle journaliste.
Le dernierarticlede Libération
concernant
MartineKempfdatedu 13février
1991.On estloin de la polémique.C'estunescientifique
qui estmiseà l'honneur.
Le regardsur le bout de seschaussures,
Gaucheys'excuse
presquedu
Jacques
49
Nol - JU:N1997
Lrs CauttRS
DLttouRNALtsur
l'articlede
tort quele journala pu causerà MartineKempf: < même
si à l'époque,
à décortiquer
le phénomène
Kempfet la mayonnnise
Libérationnunitsurtoutcherché
nÉdiatique
ambiguë
montée
autourr. Lestempsont bienchangé.
I,esDernièresNouvellesd'Alsace,entreIe cæuret Ia raison(45srticles)
LesDl,lAont étél'un despremiersquotidiensà parlerdu Katalavox(28août
1984).La profusionde ce journal (45 articlesà proposde MartineKempf)est
la notionde "proximitê",I1s'agit
l'expression
de cequelesjournalistes
appellent
d'une prioritéde l'information.Uaccentestmis sur le mondefamilier,celuiqui
s'étendau-delàde la coquillepersonnelle
du lecteur.Il estdotéd'unefortecharge
émotionnelle.
Doncun orgueilrégionala tout d'abordrayonnéau fil desphrases:n Déjàun
grandconstructeur
allemand
estdemandeur
à titrepriué
d'wttélephone
à cammadeuocsle
D72'
<<Ellet'aitun tnbncaux Etnts-Unis
,tz, nuneuersiott
plur sa uoiturepersonnelle
,,t+.
spéciale
tJesonappareil
aaéquiper
lesnsaettes
spatinles
d€la Nssn
Maisà partirdu22 octobre7985,l'encre
sefait plusnoire,le doutes'empare
desstylos,l'on parle"d'effelmédiatique",de "prétexte"devantlesfinancements
proposés.Lenthousiasmecède la place à une douloureuseamertume: "la
conclusion
n'estpasà la hauteurde l'histoire".Lesarticlesqui suiventont épuisé
touteconnivence
affective."Kempf" remplace"notreMartine". Le conditionnel
fait sonapparitionle 1ernovembre1985: "Cellequi auraitinventél'ordinateurqui
obéità la voix !" Lemêmejoul,la suspicion
du coupmédiatique
montéparMartine
Kempfestà sonparoxysme.
Lestitres" AIa Nasapour quoi laire?"et "Enigmes"
en sontla preuve.
I'encre se fait plus noire, >> s'interrogesur Ia teneurde la visite de Martine
Kempf au Centred'étudespatialaméricainle 24
septembre
1985.o Alorscepassnge
à la I,{nsa,
nes'ensouaientpourquoi
pluspersonne
il ? Et c'étnitpourquoit'nire? > Le 31octobre,LesDNA téléphonent
à Houston,qui
affirmeignorerjusqu'aunomde MartineKempf.< Toutcelan'était-ilquedubluff? ,
sedemandeJ.Keffer.Au moisde novembre,Les
DNA tiennentun discoursqui soit
lesplaceau-dessus
du débat(n L'aïfaire
du Kntalqrox
s rebondi
unefoisdeplushierà
) ou encoren Géniale
|Assemblée
nntionnle
Martine? Certnins
le disent.D'autresen
doutent.Génialle Krttnlaaox
uocale
? Certains
sln ordinateur
à commsnde
l'nffirment.
D'autres
prétendent
lecontrqire,,t5),
soitdénoteuneirritation(nL'nt'fnire
du ktalnuor
,16).
tourneà l'exagération.
Tropdeuérités
côtoient
lessemi-uérités
et lescontreuérités
Dans les deux cas,le changement
d'orientationcamoufleun mélangede
déception(nL'affaire
tlu Kntnlaaox
metntnlà l'nisetoutel'Alsace
quiaimersit
tantryresa
Mnrtinenousdémontre
noirsur blancquesfipnrole,
quesln Kntalaaox
sontdeaenus
réglités
économiques,
clmffiandes
et de vexationd'avoir plongéles yeux
fermes,,tz)
fermésdanscettehistoire.Cessentiments
puisentleur originedansune affection
tricotéede fiertérégionale.
,o
LÀFTUBTOU KATALAVOX : LJNEINVENNON
SOENNFDUEPARCOI,IFÉRENCE
DE PRESSE
Celangagescripturalqui, tantôtsupplieMartineKempfde sejustifier,tantôt
l'agresse,
trouveraune échappatoire
en adoptantle jeu "attaque-réponse
entre
l'Etatet la jeuneAlsacienne"
instaurépar I'AFP.Cettemanæuvrepermetaux
D^rAde s'extraire
de la passiondanslaquellebaignele Katalavox.
Le quotidien
secontenteà présentd'un rôled'observateur.
Le 8 novembre,
de la
à l'occasion
cérémonie
du Prix GrandSiècle(récompensant
la personnalité
de l'année),ia
lauréateMartineKempf refusecet honneuren guisede protestationcontreLes
D^IA.Ellelanceun ultimatum: n le n'accepterai
pas
<<les autres quotidiens alsflciens
monprix,tnntquecejournaln'ûurapaspubliquement
(présent
journnliste
ndmisquesln
dansle public)a ne s'écarteront jamais
assisté
à unedémonstration
conclunnte
demonfauteuil du sillon dithyrambique initial >
,.
à commnnde
uocale
Cetteinjonctiona-t-elleremisen causela politiquedu quotidienalsacien?
desDÀ/4.
Quoi qu'il en soit,le 8 novembre1985marquela fin de l'engagement
Paralièlement,
le flot rédactionnel
va seréduireconsidérablement.
La raisonde
cettepolitiquevient peut-êtredu fait "qu'à cestade-là,le débatfatigue", comme
le souligneFranceBittendietells.
La sobriétédes deux articlessuivantsest
tranchante."Le Katalavoxà Moscou"leet "Martine Kempf et la leçon
d'anatomie"20
ne soulèventplus aucunequestionet se cantonnentà une
description
desfaits.
aseptisée
Après un an et demi de silence,un nouvelarticleest consacréà Martine
Kempfzt.Elleinaugureunerueportantsonnomdanssonvillagealsacien.
L objet
qui a fait coulertant d'encreen 1984et 1985esttotalement
éludé.On apprend
seulementque la jeunefemmevient du Japonet va retourneren Californie.La
plaieencoreouverteorientelescommentaires
du journalistesur sa"merveilleuse
simplicité",sonsourireet satenuevestimentaire.
Deux annéesaprèscetteinauguration,LesDI,{A consacrentun autre (et
dernier?) articleà notrehéroïne22.
Les lauréatsd'un concoursla rencontrentà
SiliconValley,
endroitoù MartineKempf"n'a cesséde s'épanouir".
Elleaffirme
avoir des commandesdu Japonet travailleravec la Nasa.Les DÀlA, peu
contrariantes,
transcrivent
sespropossansle moindrebémol: " chntéchaudé
craint
I'eaufroide"
Le parcoursdes D^/A est d'autant plus remarquableque les autres
(L'Alsace,
jamaisdu
quotidiensalsaciens
LeNouaelAlsacien,
etc.)ne s'écarteront
sillon dithyrambiqueinitial. Ce qui nous expliquepourquoiMartine Kempf a
concentré
sesfoudressur cejournal.
(4 articles)
ParisMatch,Ie neuroleptique
Cet hebdomadaire
fait partiede ce que AndreasFreund23
nommejoliment
"la presseneuroleptique", c'est-à-direayant un effet sédatifsur le système
nerveux.Celle-ciagit en offrant du rêve et joue fortementsur la soif
d'identification.
La méthodetrèsau pointde cettepresse-là
consiste
à fairede la
,1
tto7 - tutN I II7
Lrs CmtrRS DLt JoLtRNALtstvtr
fictionà partirde données
et MartineKempf,le
tiréesdu réel.Avecle Kataiavox
de la
travailestpeut-ondire déjàmâchécarnousnoustrouvonsfaceà distance
"créneau
de
réalité.PnrisMatclrconnaîtle marchéporteurque représente
ce
000
l'identification".
Parexemple,
voit sontirageaugmenter
entre20
cemagazine
de Monaco
et 100000exemplaires
chaquefoisquel'uneou l'autredesprincesses
fait sacouverture2l.
"l'affairedu Katalavox".
Ils
Cemagazine"monte"deuxdossiers
concernant
sont postérieurs à la friction médiatique
à ce titre plusieursavantages.
s'inspire d'un seul ciitère : plaire > 1985)et présentent
Ils permettentde sélectionner
les ingrédients
porteursen ne présentant
qu'unevue expurgéede tout ce que comportentde
négatiflespérégrinations
. ParisMatchsurvolelesdonnées
de la jeuneinventrice
à l'exil par la
de l'affaireafin de polarisersondiscourssur un géniecondamné
"Heureusement
française"2s.
lesEtatsfautede "l'incompétence
bureaucratique
Unislui tendentlesbras"26.
Il estamusantde piocherun extraitparmiles pagestrèsromancées
de cet
mnins
hebdomadaire
: n Sileuisnge
estpoupitt,les
où l'informationparaîtaccessoire
Desjointures
serrées,
bien
longues,
uolontnires,
trèsbelles
sontcelles
d'nnet'emme.
t'ines,
,,. Plusloin, l'on apprendque Martine
dessinées
dénotent
tuteforcepeuclmfi1Ln1e
de
Kempfest trèsà l'aisedanssa combinaison
stérilisée
et que les chercheurs
Stanfordl'appellent"xrperfrenchgirl". En fait,le luxedesdétailsqui touchentau
déroulement
de l'histoire,à sa miseen scène,n'estque le paraventdu silence.
Yvesde la Haye27
à l'apparence"
parlede "narrationfonctionnant
; elle décrit
maisn'expliquepas.Et si elle n'expliquepas,c'estparcequ'elledécritd'une
certainemanière.Il suffit alors de gaver les reportagesde mots tels que
"surdouée",
et "inventiott".
La primautédonnéeaux photos dans PnrisMntchétayeces propos.Si
(8 janvier1985),c'estdonc
MartineKempf est vue entouréede scientifiques
le bonheurdu
qu'elleestelle-même
unescientifique.
Afin de ficelercorrectement
lecteur,il estnécessaire
d'offrir unhnpry end.C'estchosefaiteavecla réussite
futurede MartineKempfaur Étots-Unis.
du réel
Maisla sélection
de fragments
s'inspired'un seulcritère: plaire.A cejeu,il y a forcément
déperdition
de vérité
et,à la limite,mésinformation
totale.
Le Figaroet Le FigaroMadame: I'alibi politique(2Larticles)
LeFignron'a pasréagiinstantanément
à la dépêche
de I'AFPdu 28aoirt1984.
Il faudraattendrele 8 septembre
à Martine
afinde lire le premierarticleconsacré
Kempf. Le support magazine(FigaroMadnnte)permet un traitementplus
"étendu"du sujet.Unedoublepagey estconsacrée.
Eclectisme
et altruismesont
leleifmotiu
du reportage.
Le13décembreT9S4,LeFignro
l'imagedu génie
conforte
productif: "La dernièreinventionde MartineKempf".
,2
L'NTTAIBT
OU I(ATALAVOX:L]NE
INVEI\I]IOI\I
PARCONFERENCE
DE PRESSE
SC.IE^,IilFDLJE
Lorsquele Katalavoxest testépour la premièrefois en microchirurgie,
Le
Figaro2s
parle de "génie" et annonceune commercialisation
prochainede la
commande
vocale.Commetouslesautresjournaux,il déborded'enthousiasme
français
et nefait aucuneréserve
auxannonces
deMartineKempf."Le Katalavox
à bord de la navetteaméricaine"2e.Uarticle
suivantest un tournantpour Le
Fignro.
MartineKempfdevientun chevaldebataillepolitique.Sondépartpourla
Californie30
est,pour cequotidien,causépar uneadministration
trop lente,trop
lourdeet un financement
inadaptésclérosant
tout
esprit d'initiative.Les Etats-Unissont présentés< l'objectif du Figaro
ztisait-il uniquementla défense
comme n Ia terre promisedes découureurs
*éronrtt ,ot.
d'uneinaentionfrançaise7>
"CesontlesAméricains
qui vontprofiterde sa
découverte".
Il ressortde cet articleque la Francene saitpasgérersa matière
déclare: n Unet'ois
deplus,lnFrnnce
laisse
sesceraeaux
et les
grise.LeFigaro
échapper
cnpitntrx
quiuontaaec>.Le discoursalarmiste
estamplifiéet légitimépar un autre
articlequi jouxtecelui-ci."LesFrançais
lesUSA :.avantMartine
qui choisissent
Kempf,de nombreuxcerveauxont préféréaller s'installeraux Etats-Unis".
Le
quotidiena très clairementdéfini son orientation.Les conclusions
du CNET
concernant
le Katalavox
sontcontournées.
MartineKempfnousapparaîtcomme
un génieagressé
par le gouvernement
moyensde
et qui tenteavecsesmodestes
sejustifier.En effet,nousn'entendons
qu'un seulsonde cloche: "Katalavox: la
répliquede l'Alsacienne
génials"3z
ou encore"MartineKempfsedéfend"33.
Le 76novembre7985,LeFigaro
Mndame
confirmesatotaleconcordance
avec
les dires de la jeune Alsacienneen titrant : "Martine Kempf répond.aux
insinuations".Cet articletend à rendresubjectives
les déclarations
d'Edith
Cressonet de Jean-Pierre
Poitevin,le directeurdu CNEI qualifiantde "basde
gamme"le Katalavox.
Deuxjoursauparavant,
un papierd'AibertDucrocqavait
propulsécet appareildansune techniquede pointeà venir,tablantsur une
applicationfutureà bord desavionsde chasse
: "Lesordinateurs
obéissant
aux
ordresvocaux".Cettethèse situele choixdu gouvernement
dansune optique
politiqueet non scientifique.
Le 8 mai 7987,un nouvelarticlele confirme: "Le
Katalavox
enfinen France.
La commande
vocaleinventéepar MariineKempfva
trouverdesapplications
dansl'Hexagone".
LeFignrofait partiedesraresjournauxà nepasavoirdoutédu Katalavox.
Sa
démarche
n'a pasfléchi.Seuleune certainehâteestperceptible
le 20 novembre,
lorsqueVezlinede Vezinsécrit : n Qunntnu Kstslaaox,
toutle monde
attendnuec
,. Mais son objectif
impatience
queMnrtineKempfsemetteent'inà snproduction
visait-iluniquementla défensed'une inventionfrançaise? On esten droit de
s'interroger.
La pressetechnique: le trou noir
Si le Katalavox
a étéchoyépar lesmédiasde masse,
il a paradoxalement
été
,1
trto
7 - tutN I I I7
Lrs CmtrRSDUJoLtRNALtsur
ignoré par la pressescientifiqueet les revuesspécialisées
en électroniqueet
informatique.Afin de comprendreleur silence,il est indispensable
de recadrer
l'affairesurunenotionprimordiale: le Katalavox
n'apas"d'existence"
technique.
Morgan,la fée de l'électronique,
sessecrets.
Oui mais
gardejalousement
voilà,Iapoésiedescontesn'émeutguèrelesogresdesjournauxd'un hautniveau
de tangentes
et autresschémas
scientifique
perpétuellement
affamés
d'équations,
Il en estde même,avecun appétitmoindre,desouvrages"de haute
explicatifs.
teKatataaoxestd,abord ;ig3î?:Hi:
;liîhl*ïliiXii;
k?'-:1?::
s'insèredansun
un phénomène social Chaqueinformationscientifique
et nonscientifique>>i;fiiii-.ii i ii'i..,l'.
r,"1;i.
o"fî,:,.fiifli
un coupde "projecteur"sur MartineKempfsansla placersur l'échiquierde la
reconnaissance
vocale.
le déferlement
médiatiqueaveuglera
et Auenirqui, par
Cependant,
Sciences
deuxfois(1984et 1985),
parlerade l'inventionde MartineKempf...Le Katalavox
estprésentéde façontrèssuccincte(quinzelignes)et neutre(sansembrasement
verbal).Lesarticlessont,dirons-nous,
l'exception
qui confirmela règle.De plus,
il s'agitde reprises
sansinvestigation.
IJuniquerevuede vulgarisationà avoir interviewéMartineKempf,Microsystèmûa,
orientetrès vite sesquestionssur le créateuren délaissantainsi la
Mais la seulestrateinformationnelle
créationelle-même.
de recevoir
susceptible
"l-linventricede la commandevocaie" (ce seul titre suffisant d'ailleurs à
pulvériserlesespoirsde voir le Katalavoxfigurerdansunerevuescientifique)
est
la pressegrandpublic.Cetétatde fait accorde
deuxconstats.
il y a un compartimentage
Structurellement,
étancheentreles différentes
sphères
rédactionnelles.
Ellesn'interfèrent
n'estpas
pas.La hautevulgarisation
abonnéeà I'AFP,Cetteremarqueà la frontièrede la boutademet cependantle
doigt sur les raisonsdu phénomèneKempf. < La commande
de la jeunet'emme,
souligneLaRecherc11s3\,
n'aunait
pnssuraécu
à uneenquête
menée
parun journnliste
scientit'ique
ramenée
dimension
:
ou plutôt,ellenuraitétéimmédintement
à sauéritnble
applications
intéressantes,
à un stnde
detechniques
tombées
dans
préindustriel,
simples
ledomnine
public>.D'autrepart,en cequi concerne
lesdeuxplushautesmarches
journauxd'un haut niveauscientifique
de la pressescientifique,
et d'un haut
niveaude vulgarisation,
le cheminement
rédactionnel
divergede celui d'un
quotidien.La seulechancede publicationdanscet universtrès sélectifpasse
principalement
par l'envoid'articles,
sur tel ou tel domaine,par une équipede
recherche.
Un long processus
de filtragesemetalorsen place36.
Il estévidentque
MartineKempf n'a jamaiseu l'intention,et pour cause,d'entamerune telle
procédure.
C'estpourquoile Katalavoxet les journauxscientifiques
sont des
ne
rencontrés.
pôlesqui sontpas
Ils ne parlentpasle mêmelangage.
le Katalavoxest d'abordun phénomène
Conjoncturellement,
socialet non
scientifique.
a crufaireson
Cecontresens
a conduità un contreemploi: u Chacun
,4
L'ATTAIBTOU KATALAVOX
: IJNE INVENTION
DE PRESSE
SCIENNFPUEPARCOI\IFÉRENCE
(,..)
trauailent'aisant
celuidel'autre: tnndisquelesrubriques
informations
générales
décernaient
le prix I'{obel,Iesspécinlistes
de l'int'ormntion
scientifique
et technique
,. LaRecherche,
hsussnient
lesépaules
etrestaient
dansuneprudente
réserae
enjanvier
7986,
résumepar un seulmot ("maldonne")
le court-circuit
qu'il y a eu danscette
affaire.Cela a bien sûr laisséles mains libres aux journauxd'information
générale.
Cesderniersontviteenfiléuneblouseblancheet décerné
un prix Nobel
à la jeunefemme.Le romana supplantél'analyse.
La Cosettede l'informatique
estsauvéepar lesJeanValjeande l'écriture.
Lesgrandsmédias
peuvent-ils
être néfastesà la science
?
MichelCallon3z
pensen queln science
parconférence
depresse
et lesréseaux
qui
I'nniment
constituent
un progrès.
IIsbrouillent
cesdiaisions
:
etattaquent
lesmonopoles
>.Néanmoins
science,
ndministration
etmédins
secritiquent
mutuellement
ceprocédé
peutcomporterdesrisques.
Premièrement,
les médiasrisquentde niveler la sciencevers le bas, en
admettantcommescientifiques
tous ceuxqui en revendiquent
la légitimitéet
pérorentdevantun micro en annonçantune découverte
fantastique.
Martine
Kempfenestun parfaitéchantillon.
Certes,lareconnaissance
vocalerequiertune
technique
d'autantplus délicateà contester
quepeu de genssontcapables
d'en
jug.t, et on esten droit de penserqu'un tel casest difficilementreproductible
dans une domaineplus vulgarisé.Cependant,les médiasrisquentpar leur
inaptitudeà véritablement
apprécierles difficultésscientifiques
de "confondre
(souvent)prix Nobelet concoursLépine"comme
le titre Lnkechercheta.n
faut êtrevigilantfaceaux <<que reste-t-il de la science
tentatives
d'infiltrationdansle corpsde la scienceet de lq technique quand la diffusion
d'élémentsqui flairent dans cette nouvelle prime sur le contenu ? >>
techniqueun support publicitaire.Mais les
journalistes
délégués
enont-ilstoujourslesmoyens?
Deuxièmement,
la médiatisation
déboucheévidemmentsur une mise en
scènede l'informationscientifique.
Cettedernièreestun élémentlyophiliséque
les chercheurs
se chargentde délayerafin de le rendreconsommable
pour les
ciblesvisées(décideurs,
autorités,etc.).Le compterendudesexpériences
d'un
laboratoirene présentepour le profaneindustriel et financierque très peu
d'intérêt.Le scientifique
doit,lorsqu'ilestderrièreun micro,élaguerl'ésotérisme
langagierdes procéduresde recherche
et l'enroberdans un contenantplus
attractif.Toutefois,cettetechniquecomportedesépines.En effet,il estmutilant
de simplifierle langage"complexe"de la sciencecar il est intrinsèqueà la
cohérence
PhilippeAlfonsiremarque3e
scientifique.
: u A pnrtirdu moment
où Ia
Iogique
médiatique
l'emporte,
toutessortes
dedérapnges
plusoumoins(in)contrôlés
sont
possibles
: Ia poésie
cosmique
d'unHubertReeues
par
n'auoir
plus
qu'un
lointnin
finit
rnpport
nztec
ln rigueurdesontrnaaildessaant,.
,,
x"7 - JU;N1997
DU touRNALtstvte
LrsCaurcRS
Mais que reste-t-ilde la scienceet de la techniquequandla diffusionprime
sur le contenu? IJexempledu Katalavoxest symptomatiqueà cet égard.Ln
surlesortd'unehéroine
d'ailleursquen lepublictenuenhnleine
Recherche
remarque
r. Cependant,
aocale
deln reconnnissance
incomprise
n'aLtra
guèreapprissurlesprogrès
médiatiques
fort bien de tous lesasservissements
MartineKempfs'accommode
que nous venonsde citer.Ils expliquentmême son succès.La starisation,la
c'esttoujoursmoinsde science
du langage,
pressiondu temps,la paupérisation
à fournir.Peuimporteque le contede féesne soit
( la polémiquea brouillé qu'unfait divers.
les tentatiaes d' explication Laffairedu Katalavoxa-t-elleau moinspermisde
du grandpublic
scientifique >>faireprogresserlesconnaissances
de la parole,et plus
pour la reconnaissance
les sciencesde la parole? En présentantun produit très ciblé,
généralement
MartineKempfn'a-t-ellepasréussià focaliserl'intérêtdeslecteurset utilisateurs
potentielspour un domainejusque-làrelativementpeu médiatisé? Largument
n'est
? < Pourtant
le Katalaaox
est-ilrecevable
du "pourtant"de Joëlde Rosnaya0
0u
dereconnaissance
pnslui-mêffie
unepremière.
Desdizaines
decartesint'ormatiques
japonaises,
et
moins
coûteuses
performnntes
synthèse
uocale,
américqines,
plus
t'rançaises,
risques,
desmois.(...) Mnisl'onpeut,sansgrands
queleKntalauox,
existent
depuis
faire
(...) connaîtra
?
internstional.
Effetdepublicité
un largesuccès
un pari: LeKatslsuox
(..,) Pourtant,
justesse
descientit'iques
desidées
dedépart,
descentaines
Nonsimplement
et d'ingénieurs
traaaillent
dansl'ombresur cessujets.(,..) Le publicne retiendra
probablement
queIenomdeMartineKempf,. Joëlde Rosnays'estbelet bientrompé
quele bilaninformatif
danssesprédictionset,avecle recul,forceestde constater
est bien négatifet que la polémiquea brouillé les quelquestentativesisolées
d'explicitation
scientifique.
On se surprendà rêverde la démarchequ'Aragoa menéepour Daguerre.
Après un rappel historiquedu problèmede la fixation des images,Arago
(microscopie,
soulignaittout f intérêtd'un tel procédépour lesartset lessciences
n'aientpaspu êtrephotographiés
télescopie,
etc.),regrettaitqueleshiéroglyphes
pourraitêtre
lorsde l'expéditionnapoléonienne,
sedemandaitsi la photographie
utilisée par le grand public et envisageaitla couleur.Tous les souhaitset
: en 1841,
AlfredDonnéprésente
en
prédictions
d'Aragovontsetrouverréalisésal
en 1845premier
1850à l'Académie
desSciences
sonmicroscope-daguerréotype;
delune; en1850,
clichédu soleilà l'Observatoire
dePariset en1856d'uneéclipse
en 1870
MaximeDu Camp serale premierà fixer les inscriptionségyptiennes,
France
met au
de
Marey,
de
physiologie
au
Collège
professeur
Jules-Etienne
du corps; en 1907les
point le fusil photographique
pour fixerlesmouvements
frèresLumièrelancerontsur le marchélespremières
plaquescouleur,etc.
Bien sûr une communicationd'hier à l'Académiedes Sciencesest
difficilementcomparableà une publicationscientifiquepar "conférencede
maisneserait-ilpaspossible
d'utilisertouslesingrédients
presse"d'aujourd'hui,
?I
positifsde cesmédiatisations
,6
DE PRFSSE
PAf?CONFÉRENCE
L'+TUrc OU KATALAVOX : UNEINVEI\,INO[,1
SOENilFIOUE
Notes
1. Cette présentationest tirée d'une
publiéeen7994par
monoqraphie
Louis-Tean
lranzo,"lnventiônmédiatique
Boëet"Pascal
et découvertescientifique: l'affaire du
Katalavox",120 p., Cahiersde f rcP,
UniversitéStendhal,
Crenoble
22.1613/85
2. M. Callon (1990),"Les grands médias
no 225,
entrentdansla course",LaRecherche
pp.1184-1190
26.6/12/85
3. Libération,
31/ 10I 85
4. Jean-Pierre
Poitevin,directeurdu CNEï
Conférencede presse, agence AFP,
5/1111985
5. Arthur .S.House(1988),TheRecognition
ot'
- A bibliography
byMachine
Speech
23.Journnlisme
et mésinformation,
op.cit.
LeCanard
enchaîné,
17l5 I 85
24.SylvieCaster,
25.8111185
mode
27. Y.La Haye de (1985),lournalisme,
: ddsmanières
d'écrirel'nctualité
d'emploi
, Ellug
- La Pensée
sauvage,
Crenoble
28.30112184
29.10/10/85
30.23
/10187
31.Ibidem
6. Voir par exempleCérardBailly & Patrick
Fonsale(1981),^
Réslisation
d'ui système
de
reconnaissance
automatique
de la parole,
Diplôme d'é1udes approfondies en
Ecole nationalesupérieure
électronique,
d'électronique,
Grenoble
32.511118s
7. Michel Serres \1968), Hermès I, Ia
Communication,Les
Editions
deMinuit,Paris
35. Quandlesmédias
cont'ondent
prix Nobelet
janvier1985
concours
Lépine,
(1986),
8. "La Jeanne-d'Arc
de I'informatique"
in Leslenders
de l'an 2000,Y. Mourousi&
M.L. Augry,EditionsAtlas,Paris
Au nomdeIascience,
36.PhilippeAlfonsi(1989),
Ed.Barrault,
Paris
9.MichelMathien(1984),
Lesystème
médiatique,
Iejournaldanssonenaironnemenf,
Hachette
33.10/11/85
uni
aocnle
à Ia graaitation
34.Deln reconnnissnnce
1985
aerselle,
septembre
37. "Les grands médias entrent dans la
course",
op.cit.
janv.7986
38.LaRecherche,
10.j.N. Kapferer(1987),
Rumeurs,le
plusuieux
mëdia
du monde,
Seuil,Paris
op. cit.
39. Au nomdela Science,
11. AndréasFreund (1991),lournnlisme
et
mésint'ormation,
La Pensée
sauvage,
Paris
40. Joël De Rosnay(6-19décembre1985),
"Quand les chercheursdeviennentdes
la science
vedettes,
avance-t-elle
plusvite ?",
L'Expansion
12.2818184
13.2814/85
14.816/85
ln
41. M. Sicard(1991),
Images
d'unautremonde,
photographie
scientit'ique,
Centrenationaldela
Paris
photographie,
15.7/11185
16.7111185
1 7 . 7/ 1 1 / 8 5
18.8111/85
19.20
/11185
20.21111185
2 1 . 1/15 1 8 7
,7