MICI de l`enfant et de l`adolescent
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MICI de l`enfant et de l`adolescent
PARCOURS DE SOINS DR Dossier coordonné par Brigitte Némirovsky Conseiller scientifique Pr Jean-Pierre Hugot Hôpital Robert-Debré, Paris MICI de l’enfant et de l’adolescent 2 Dr Alain Dabadie 534. Confirmation du diagnostic, évaluation de la sévérité et des comorbidités Dr Bénédicte Pigneur, Pr Frank Ruemmele étape 1 531. Évoquer le diagnostic sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques 3 4 539. Initiation du traitement : l’évaluation des bénéfices-risques est primordiale Dr Anne Breton P étape Pr Jean-Pierre Hugot étape P 530. Du premier recours au milieu pédiatrique spécialisé étape Intégrer précocement les soins dans le parcours de vie 546. Suivi à court et à long terme : pérenniser l’interprofessionnalité Dr Christine Martinez-Vinson 551. Accompagner l’enfant et sa famille dès l’annonce diagnostique Entretien avec Pascale Mouro 553. Considérer le parcours de vie Pr Jean-Pierre Hugot TOME 136 | N° 7 | SEPTEMBRE 2014 Tous droits reservés - Le Concours médical LE CONCOURS MÉDICAL | 529 P PARCOURS DE SOINS MICI de l’enfant et de l’adolescent Du premier recours au milieu pédiatrique spécialisé Pr Jean-Pierre Hugot ([email protected]), service des maladies digestives et respiratoires de l’enfant, hôpital Robert-Debré, Paris L L’auteur déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour MSD, Abbott, Biocodex et avoir été pris en charge (transport, hôtel, repas), à l’occasion de déplacement pour congrès, par MSD. 1. Gower-Rousseau C, Salomez JL, Dupas JL, et al. Incidence of inflammatory bowel disease in northern France (1988-1990). Gut 1994 Oct;35(10):1433-8. 2. Vernier-Massouille G, Balde M, Salleron J, et al. Natural history of pediatric Crohn’s disease: a population-based cohort study. Gastroenterology 2008 Oct;135(4):1106-13. 3. Benchimol EI, Fortinsky KJ, Gozdyra P, et al. Epidemiology of pediatric inflammatory bowel disease: a systematic review of international trends. Inflamm Bowel Dis 2011;17:423-439. 4. Jostins L, Ripke S, Weersma RK, et al. Host-microbe interactions have shaped the genetic architecture of inflammatory bowel disease. Nature 2012; 491:119-24. 530 | LE CONCOURS MÉDICAL es maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) peuvent survenir chez l’enfant et chez l’adulte, avec une prévalence d’environ 2 pour 1 000 habitants dans les pays développés et un quasi-équilibre entre maladie de Crohn (MC) et rectocolite hémorragique (RCH). Ces maladies sont fréquentes : 120 000 à 150 000 personnes souffrent de MICI en France. La courbe d’incidence des MICI en fonction de l’âge est marquée par une augmentation exponentielle jusque vers la troisième décennie de la vie, un plateau plus ou moins net, puis une diminution lente (figure, d’après réf. 1). Les MICI de l’enfant représentent le début de cette courbe. Dans le registre EPIMAD du nord de la France, l’incidence annuelle de MC survenant avant l’âge de 17 ans était de 2,6/100 000 dans les années 1990. L’incidence de la RCH était trois fois moindre(2). Contrairement à l’adulte, il existe une prépondérance de garçons pour la MC (environ 60 % dans la plupart des études) et un sex-ratio proche de 1 pour la RCH. Les MICI de l’enfant et plus souvent de l’adolescent sont donc des maladies relativement rares où la MC prédomine. Cependant, les MICI pédiatriques sont en augmentation dans la plupart des pays depuis la fin du XXe siècle(3). Les causes de ces changements d’incidence témoignent de l’impact de facteurs environnementaux qui restent à ce jour inconnus. Seul l’effet néfaste du tabac dans la MC implique de s’assurer de l’abstinence tabagique. Pour le reste, en l’absence de cause démontrée, une vie normale est conseillée, en particulier sur le plan alimentaire. Les MICI ont aussi un déterminisme génétique fort : 6 à 10 % des MICI sont des formes familiales. Celles-ci sont classiquement un peu plus fréquentes chez l’enfant. Toutefois, en dehors d’exceptionnelles formes monogéniques traduisant des déficits immunitaires du très jeune enfant, les MICI pédiatriques sont des maladies multigéniques comme celles de l’adulte dont plus de 160 gènes ont été découverts ces dernières années(4). 12 10 Courbe d’incidence en fonction de l’âge de la maladie de Crohn (MC) et de la rectocolite hémorragique (RCH) 8 MC RCH 6 4 2 âge courant 0 0-9 -19 0-29 0-39 0-49 0-59 0-69 0-79 0-89 10 8 7 6 5 4 3 2 Ce dossier du Concours médical fait le point sur ces maladies chroniques de l’enfant, et plus souvent de l’adolescent, en soulignant l’importance de savoir les reconnaître sur des signes d’appel finalement faciles à repérer et qui sont détaillés par Alain Dabadie. C’est là un rôle clé du médecin généraliste qui le plus souvent peut arriver seul à une forte suspicion diagnostique. Le bilan est habituellement réalisé en milieu spécialisé, faisant appel au réseau des pédiatres gastroentérologues pour réaliser un bilan lésionnel décrit par Bénédicte Pigneur et Frank Ruemmele. La prise en charge thérapeutique, expliquée par Anne Breton, est souvent décidée de manière collégiale par des équipes médico-chirurgicales entraînées. Il est toutefois illusoire de vouloir ramener la prise en charge à des algorithmes simples tant le traitement est personnalisé, car les MICI ont de multiples conséquences. Elles nécessitent donc une approche globale du jeune patient et de sa famille, qui est détaillée par Christine Martinez-Vinson. Cette prise en charge est réalisée en milieu pédiatrique, par une équipe où le médecin traitant et le pédiatre spécialisé animent ensemble une équipe (médecin scolaire, chirurgien, diététicienne, psychologue, enseignants, infirmières d’éducation thérapeutique) pour amener au mieux ces jeunes à l’âge adulte. L’association de malades François Aupetit est aussi un partenaire de grande qualité pour accompagner les patients et leur famille. s TOME 136 | N° 7 | SEPTEMBRE 2014 Tous droits reservés - Le Concours médical étape 1 MICI de l’enfant et de l’adolescent Évoquer le diagnostic sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques Dr Alain Dabadie ([email protected]), service de médecine de l’enfant et de l’adolescent, CHU de Rennes Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) sont dues à une atteinte inflammatoire chronique et récidivante du tube digestif avec des localisations d’une grande diversité et une intensité variable. Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques. La maladie de Crohn (MC) peut toucher tout le tube digestif dans sa longueur et son épaisseur (atteinte transmurale), ce qui explique la grande diversité des tableaux cliniques révélateurs allant, chez l’enfant, du retard de croissance isolé à l’urgence chirurgicale ano-périnéale en fonction des localisations. La grande « banalité » des douleurs abdominales chez l’enfant explique les délais diagnostiques relativement longs de la MC pédiatrique. Dans la rectocolite hémorragique (RCH), l’atteinte est limitée aux tuniques muqueuse et sous-muqueuse du rectum et du côlon, et le symptôme principal est la rectorragie. L es principaux symptômes cliniques au diagnostic de MICI sont de trois types : généraux (notamment la fièvre, qui est plus fréquente que chez l’adulte, et le retentissement sur la croissance et la maturation), digestifs, et extradigestifs. Les colites très précoces, survenant avant 3-4 ans (encadré 1), soulèvent la problématique des « déficits immunitaires » assez complexes. Cette problématique ne sera pas détaillée. Quand évoquer le diagnostic de MICI chez l’enfant ? Dans la MC, les symptômes digestifs les plus fréquents sont les douleurs abdominales et la diarrhée (seuls 25 % des patients présentent la triade classique douleurs abdominales, diarrhée et perte de poids) ; dans la RCH et dans les colites indéterminées (CI), ce sont les rectorragies et la diarrhée. Le diagnostic de RCH doit être évoqué devant toute diarrhée prolongée, surtout hémorragique, et devant tout syndrome dysentérique, même a minima (évacuations afécales glaireuses et/ou hémorragiques accompagnant des selles par ailleurs normales). En outre, une RCH pauci - ou asymptomatique doit être recherchée après un diagnostic de cholangite sclérosante en apparence primitive ou dans le cadre du bilan d’une modification récente du transit intestinal associée à une altération de l’état général et/ou une carence martiale et/ou un syndrome inflammatoire inexpliqués. TOME 136 | N° 7 | SEPTEMBRE 2014 1. Les MICI débutant chez le très jeune enfant (3-4 ans) : des aspects diagnostiques et évolutifs particuliers Dans ces situations, il ne s’agit pas totalement d’authentiques colites cryptogéniques « ordinaires » et il convient alors d’évoquer des causes particulières, génétiques, avec une part majeure de dysfonctionnement immunitaire. Le tableau est souvent plus sévère d’emblée avec une atteinte colique dominante et parfois une atteinte polyviscérale. Ces formes relèvent d’un avis spécialisé le plus tôt possible. La figure résume les résultats de l’étude prospective sur des cas incidents réalisée en Grande-Bretagne par A. Sawczenko et B. K. Sendhu en 2003(1). Les douleurs abdominales sont le symptôme digestif prédominant dans la MC. Leur incidence particulièrement élevée s’explique par la plus grande fréquence de l’atteinte du grêle chez l’enfant. Les douleurs abdominales récurrentes sont particulièrement fréquentes chez l’enfant dans la tranche d’âge 6-12 ans et plus de 95 % d’entre elles sont fonctionnelles ; le risque est donc de les banaliser et il n’est pas toujours aisé de différencier un tableau de MICI (et en particulier de MC) au sein des troubles fonctionnels intestinaux, beaucoup plus fréquents. 90 Présentation clinique (en %) de 379 maladies de Crohn, 72 colites indéterminées et 172 rectocolites hémorragiques (d’après la réf. 1) 80 70 60 MC 50 CI 40 RCH 30 20 10 0 Douleur abdominale Diarrhée Rectorragies Perte de poids Arthralgies Tous droits reservés - Le Concours médical Lésions anales LE CONCOURS MÉDICAL | 531 1 2 3 4