Pourquoi les compétences - Université Paris-Est
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Pourquoi les compétences - Université Paris-Est
Les compétences et la transformation pédagogique [email protected] Conseiller Pédagogique Équipe PerForm Séminaire Approche compétences et formation tout au long de la vie Paris, 17 février 2016 Au programme… • • • • Pourquoi les compétences ? Quoi changer ? Comment changer ? Un exemple de mutation pédagogique adaptée aux cours en amphi • La démarche compétences de Grenoble INP • Quelques références Pourquoi les compétences ? Raison primordiale : les savoirs « morts » et les apprentissages superficiels Exemple 1 : l’aire du parallélogramme Exemple 2 : le jean Exemple de l’aire du parallélogramme En 1ère année d’université, à la question « quelle est l’aire de ce parallélogramme » : 4m 75 % des étudiants répondent : 12 m² Exemple de l’aire du parallélogramme Mais à la question « quelle est l’aire de ce parallélogramme » : 4m q La réponse majoritaire devient : 12.sinq m² => Savoir purement scolaire !!! Exemple de l’aire du parallélogramme Le savoir interne serait : « L’aire est comprise entre 0 et 12 m², en fonction de l’inclinaison » 2e exemple: le jean Ce jean mouillé, suspendu sur ce fil à linge, pèse environ 3 kg. 3 kg CP = ? À votre avis, le contre-poids (CP) nécessaire derrière la poulie pour maintenir le jean dans la position suggérée par le dessin (le fil est assez tendu pour que le jean ne traîne pas dans l’herbe humide)* : 1,5 kg 3 kg A B 6 kg C 20 kg 40 kg 100 kg autre D E F G * Choisissez la valeur qui vous semble la mieux adaptée, ni trop, ni trop peu! 2e exemple: le jean Ce jean mouillé, suspendu sur ce fil à linge, pèse environ 3 kg. 3 kg CP = ? À votre avis, le contre-poids (CP) nécessaire derrière la poulie pour maintenir le jean dans la position suggérée par le dessin (le fil est assez tendu pour que le jean ne traîne pas dans l’herbe humide)* : 1,5 kg 3 kg A B 6 kg C 20 kg 40 kg 100 kg autre D E F G * Choisissez la valeur qui vous semble la mieux adaptée, ni trop, ni trop peu! Pourquoi les compétences ? Pourquoi changer de pédagogie ? 2e raison… Question : quelle est selon vous la valeur ajoutée d’un enseignement en présentiel par rapport à une excellente vidéo traitant du même sujet ? Pourquoi les compétences ? 2e raison : un rapport au savoir qui évolue • Avant la massification et avant internet : université = unique lieu de savoir • Maintenant, Wikipedia, MOOC, etc. Valeur ajoutée (énorme si utilisée!) = interactions avec l’auditoire Quoi changer ? Mettre l’apprenant au centre des dispositifs de formation (par opposition aux méthodes centrées sur les contenus) – – – – Utiliser davantage de mises en situations authentiques (apprentissage par problèmes, projets, études de cas), et éviter les situation trop scolaires Promouvoir les situations interdisciplinaires Responsabiliser et engager l’étudiant (via une démarche portfolio par exemple) Possible également lors d’enseignements avec de grands auditoires (méthode du « débat scientifique avec les étudiants ») Ce sont des attendus possibles d’une démarche compétence bien menée! Comment changer ? S’appuyer sur une structure d’appui pédagogique – Conseil à l’institution en matière de choix stratégiques – Accompagnement (indispensable) des équipes enseignantes – Travail en réseau (exemple PENSERA: Pédagogie de l’Enseignement Supérieur En Rhône-Alpes) http://reseau-pensera.fr/ Identifier des leviers (une injonction venant des tutelles, un constat d’échec ou une difficulté partagée par une bonne partie du corps enseignant) UN EXEMPLE DE MUTATION PÉDAGOGIQUE ADAPTÉE AUX COURS EN AMPHI Pratique du « débat scientifique » en classe • 1ère phase = débat privé (quelques minutes) vous pouvez discuter (du sujet) avec qui vous voulez... dans le but de vous forger une opinion personnelle • Un vote : vous vous déterminez personnellement en fonction des réponses proposées, en étant capable de justifier votre choix • 2ème phase = débat public vous défendez votre point de vue en donnant vos arguments à vos collègues (et non à moi), pour les convaincre Le débat « circuit » Ce circuit comporte six lampes notées L1 , L2 , ..., L6 et deux commutateurs S et T. S ne peut prendre que les trois positions S1, S2 , S3. T ne peut prendre que les deux positions T1 et T2 . 75% A. Vrai B. Faux C. Autre 20% A ut r e x Vr a i 5% Fa u Si je vois la lampe n°4 briller, je suis certain que la lampe n°1 brille elle aussi. Institutionnalisation • Faisons l’expérience… Institutionnalisation Pour mes étudiants dans un cours de mathématiques • Signification du vrai en mathématiques • Nécessité de se donner un modèle pour se mettre d’accord • Un modèle peut être – Réducteur (briller = du courant passe) – Arbitraire (briller = à partir d’un certain seuil d’éclairement) Institutionnalisation Pour des enseignants, ou pour vous dans le cadre de ce colloque • Faire éprouver la différence entre l’approche « débat scientifique » et une approche « traditionnelle » • Ce qui fait que la méthode « fonctionne » – Susciter un engagement et une émotion – Enseignement contextualisé – Interaction entre apprenants (socio-constructivisme) • Un bémol toutefois – Nécessite une formation de l’enseignant – Difficulté pour trouver de bonnes situations Pour terminer • Une idée forte: un grand auditoire peut être une force pour la compréhension en profondeur de concepts difficiles (et non pas un handicap !) • Rôle de la structure d’appui pédagogique – – – – Sensibiliser Former Accompagner Conseiller l’institution LA DÉMARCHE COMPÉTENCE À GRENOBLE INP Éléments de contexte • Grenoble INP = groupement de 6 d’écoles d’ingénieurs • Recrutement majoritairement sur concours après CPGE • Entre une et huit « filières » (options) par école, touchant parfois des domaines techniques très différentes (par exemple: micro-électronique, informatique, nucléaire à Phelma) • 6 diplômes habilités par la CTI (un par école) • Pression CTI : un référentiel de compétence par diplôme délivré Benchmarking (1/2) les enjeux identifiés Résultats attendus d’une démarche bien menée – Outil de pilotage de nos maquettes pédagogiques – Meilleure lisibilité de notre offre de formation (en amont et en aval) – Impact sur les méthodes pédagogiques et l’évaluation des étudiants – Plus grande motivation des étudiants, meilleure intégration des différents modules d’enseignement de la formation Les 2 derniers points sont probablement les plus importants et sont malheureusement souvent laissés de côté… Benchmarking (2/2) facteurs de réussite identifiés • Susciter l’adhésion – Mise en avant des bénéfices qui peuvent résoudre des problèmes – Vision pragmatique: pas une révolution mais des évolutions vers plus d’intégration • Avoir un pilote du changement • Avoir des structurants théoriques (écueil sémantique) => nécessité d’un coach • Impliquer l’ensemble des personnels enseignants Méthodologie (1/5) • Choix du formalisme de Jacques Tardif ; formation par ce dernier des 3 conseillers pédagogiques de Grenoble INP à l’accompagnement de groupes de travail sur le chantier compétences • 6 écoles => 1 groupe de travail dans chaque école • Objectifs de chaque groupe de travail – Définir un référentiel de compétences commun à toutes les filières d’une école – Évolutions au niveau pédagogiques • A minima: mettre en place des dispositifs d’évaluation des compétences au travers des stages et des projets (grilles critèriées) • Si besoin faire évoluer les maquettes pédagogiques vers plus d’interdisciplinarité • Mise en place Portfolio tout au long du cursus en vue d’évaluer le niveau de développement des compétences Méthodologie (2/5) • Conférence de sensibilisation dans toutes les écoles Conférences assurées par Jacques Tardif (car on vérifie aisément l’adage « nul n’est prophète en son pays » en la matière…) Insister sur un levier pour s’engager dans la démarche : chez nous le manque de motivation des étudiants suite aux CPGE • Constitution des groupes de travail : préconisations – – – – – • Le directeur des études Un représentant par filière Un représentant du tronc commun Un représentant des « enseignements transverses » (langues, SHS, sports) Un délégué étudiant Mise en place d’activités en vue de partager un vocabulaire commun au sein des groupes de travail (ci-après) Activité de prise en main d’un vocabulaire commun Objectifs : adopter des définitions communes pour les notions suivantes: – – – – – – – Compétence Ressource Savoir Savoir-faire Savoir-être Situation professionnelle Trajectoire de développement Comment : au travers d’un exemple et d’un travail sur un domaine bien maitrisé (exemple ci-après) Exemple de compétence : « gérer le risque d’avalanche en ski de randonnée » Ressources : • Savoirs – Les transformations du manteau neigeux – Les différents types d’avalanches et leurs raisons – Tout ce qui touche à la sécurité (matériel, progression sur le terrain) • Savoir-faire – Savoir lire et interpréter une carte IGN et les topos – Savoir interpréter les bulletins météorologiques et nivologiques – Savoir effectuer une recherche de victime avec un DVA • Savoir-être – Prendre en considération sa position dans le groupe – Être en capacité d’imposer ses décisions, notamment en cas de renoncement Exemple (suite) : la question des situations Différents angles pour les aborder : • Suivant la typologie des avalanches (peu pertinent) – Avalanches de poudreuse – Avalanches de plaques – Avalanches de neige humide • Suivant le contexte géographique et la saison (peu pertinent) – – – – Dans les Préalpes en hiver Dans les Alpes en haute-montagne en hiver Dans l’Himalaya avant la mousson Etc. Angles peu pertinents car les trajectoires de développement seraient très similaires d’une situation à l’autre Exemple (fin): situations et trajectoires de développement Un angle plus pertinent : suivant des situations dans lesquelles la compétence doit s’exercer tout en nécessitant des apprentissages spécifiques • Situation 1 : la préparation de la sortie Trajectoires de développement possibles : – Évaluer la dangerosité des pentes en prenant en compte leur inclinaison, leur altitude, leur orientation en fonction des conditions nivologiques et météorologiques actuelles – Choisir une sortie en tenant en compte d’éventuels paramètres locaux liés à la morphologie du terrain et des participants à la sortie • Situation 2 : pendant la sortie Trajectoires de développement possibles : – Confronter l’analyse effectuée du risque d’avalanche avec la réalité de terrain – Adapter les mesures de sécurité en fonction des conditions et du déroulement de la sortie (pouvant aller jusqu’à un changement d’objectif ou un renoncement) – En cas d’avalanche, prévenir les secours et organiser la recherche des éventuelles victimes ensevelies tout en assurant la sécurité des participants à cette recherche Suite de l’activité compétence : les consignes Travail individuel 20’ : Penser à une compétence utile pour votre métier ou vos loisirs. • • La formuler Quelles ressources faut-il (ou faudrait-il) pouvoir mobiliser en termes de : – – – • • • savoirs savoir-faire savoir-être Sous quels angles pourrait-on envisager les situations dans lesquelles s’exerce cette compétence ? Dans l’optique de définir des trajectoires de développement dans les situations envisagées, quel(s) angle(s) paraissent les plus pertinents ? Comment pourrait-on évaluer le développement de cette compétence? En binôme 10’ : présenter vous vos réflexion, et partager vos interrogations En grand groupe : mise en commun des éventuelles difficultés rencontrées (en général, pas trop de soucis sur les ressources ; beaucoup plus délicat concernant les situations qui est un point clé…) Méthodologie (3/5) Définir les référentiels – – – – – – – – Un pilote « local » dans chaque école (convoque, organise les réunions, diffuse les compte-rendu) S’inspirer de référentiels existants (ne pas ré-inventer la roue) Un coach attitré pour chaque groupe de travail (un conseiller pédagogique) Partir des métiers, puis des tâches pour réfléchir aux compétences Obtenir des « nuages de mots » ou « d’idées clés » Formuler les compétences et les « composantes essentielles » Définir les situations professionnelles et les trajectoires de développement Mutualisation des avancées du projet Méthodologie (4/5) • Entre 2 réunions avec un groupe de travail, les conseillers pédagogiques – S’inspirent des travaux réalisés dans les autres groupes de travail – Reformulent les idées émises lors de la réunion précédente – Tentent de favoriser des convergences entre les différentes écoles (notamment pour celles qui ont des filières communes) • Impliquer l’ensemble du personnel enseignant – Communication descendante et ascendante auprès de tous les enseignants dans chaque école – Chaque responsable d’une unité d’enseignement devra renseigner quelle(s) compétence(s) cette unité permet de développer (en étant une ressource mobilisable, ou une occasion de mobiliser et combiner des ressources) Méthodologie (5/5) • Contacts réguliers avec Jacques Tardif pour – Discuter avec lui des éventuelles difficultés rencontrées – Avoir un retour critique sur les travaux effectués – Décider s’il y a lieu ou non d’effectuer des recadrages • Aller petit à petit vers plus d’intégration et d’interdisciplinarité dans nos cursus… en fonction des forces et des envies dans chaque école ! – En cours : réalisations de grilles critèriées pour l’évaluation du niveau de développement des compétences – A venir : mise en place d’un e-portfolio étudiants afin que ces derniers documentent eux-mêmes le développement de leurs compétences Bilan (1/2) • Satisfactions – – – – – • Avancées rapide des groupes de travail Convergence vers 5 à 7 compétences pour chaque école, dont 4 assez équivalentes d’une école à l’autre Intégration apprentissages « transverses » (communication, langues, etc.) dans les compétences Bonne implication des membres des groupes de travail Déminage très satisfaisants des principaux écueils identifiés (comme par exemple la peur que le développement des compétences se fasse au détriment des « savoirs techniques essentiels ») Difficultés – Dans certaines écoles difficile de mobiliser les responsables de filière (déjà très sollicités par ailleurs) – Quelques personnes pas toujours constructives à gérer dans les groupes de travail (souvent des personnes n’ayant pas assisté aux conférences de Jacques Tardif) Bilan (2/2) : exemple d’une compétence à Pagora « S’intégrer dans un environnement durable et à contribuer à son développement » • Situation professionnelle 1 : Utilisation optimale de la biomasse végétale Avec les trajectoires de développement identifiées : – Concevoir une valorisation totale de la matière et optimiser son utilisation – Sélectionner différentes matières premières en prenant en compte des critères écologiques – • Réaliser un bilan matière Situation professionnelle 2 : Éco-conception d’un matériau fini ou semi-fini Avec les trajectoires de développement identifiées : – Analyser, appréhender, optimiser le cycle de vie du matériau fini ou semi-fini – Gérer les rejets vers l’extérieur afin de limiter l’impact sur l’environnement – Gérer les déchets et développer le recyclage interne des matières non utilisée • Situation professionnelle 3 : Optimisation de l’eau et de l’énergie utilisée Avec les trajectoires de développement identifiées : – Réaliser et interpréter un bilan environnemental (eau/énergie) au niveau du site de production – Maitriser les procédés au niveau de leur efficacité environnementale Pour aller plus loin Compétences • Postiaux, N., Bouillard, P. et Romainville, M. (2010), Référentiels de compétences à l’université, Recherche et formation n°64, pp. 15-30 • Tardif, J. (2006), L’évaluation des compétences. Documenter le parcours de développement. Chenelière Education Transformation pédagogique • Saint Onge, M. (2008), Moi j’enseigne, mais eux apprennent-ils ? 4e édition. Chronique Sociale. • Bédard, D. et Frenay, M. (2000), Les fondements des dispositifs pédagogiques visant à favoriser le transfert des connaissances : les perspectives de "l’apprentissage et de l’enseignement contextualisés authentiques". Res Academica, volume 18, n°1-2, pp. 21-46 • Viau, R. (1994), La motivation en contexte scolaire. De Boeck • Pigeonnat, Y. (2015), Grands auditoires : plus qu'un handicap, une force pour enseigner les concepts difficiles. Colloque QPES, Brest.